Par cet amendement, nous proposons d’instaurer à la charge des établissements de santé privés commerciaux qui se verraient confier des missions de service public l’obligation de présenter aux directeurs des agences régionales de santé intéressées, ainsi qu’à la chambre régionale des comptes, un document comptable qui devra apporter les preuves que l’exercice des missions de service public n’a pas engendré de bénéfices.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit, pour nous, de soumettre les établissements de santé privés commerciaux, pour l’exercice de leurs seules missions de service public, à des règles similaires à celles qui s’appliquent aux établissements publics de santé.
Nous considérons que cet amendement apporte de la transparence à un dispositif dont on peut craindre qu’il ne donne lieu à d’importantes dérives. La disposition que nous proposons n’est sans doute pas parfaite, mais au moins permettrait-elle, si elle était adoptée, d’instituer un cadre général qui pourrait aisément être précisé et complété par décret.
En effet, s’il est légitime que les établissements privés qui se voient confier une ou plusieurs missions de service public obtiennent, dans le cadre de leurs contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les dotations nécessaires à la compensation, nous considérons qu’il serait inopportun – c’est peu dire ! – que l’exécution de ces missions permette aux établissements de santé privés de dégager des bénéfices, lesquels seraient ensuite répartis entre les actionnaires, et ce d’autant plus que le contexte économique actuel, combiné à la pression que vous opérez sur les établissements publics de santé, avec un ONDAM inférieur à 3 %, aura de lourdes conséquences pour les hôpitaux. On en voit de nombreux exemples ici et là, le dernier en date étant l’hôpital Tenon, dont la situation a été évoquée dans le journal Le Monde daté du 12 novembre.
L’année dernière, alors que nous présentions cet amendement pour la première fois, M. Milon, alors rapporteur de la loi HPST, nous a apporté une réponse sous forme de question qui avait au moins le mérite de la clarté : « Quel intérêt les établissements privés auraient-ils de participer aux missions de service public s’ils ne peuvent en tirer des bénéfices ? »
Autrement dit, il y a bien de la part de votre majorité la volonté de confier au privé commercial des missions de service public, au détriment des hôpitaux et de nos concitoyens, dans le seul objectif de permettre aux cliniques commerciales de réaliser des bénéfices et les distribuer à leurs actionnaires.
Nous sommes fondamentalement opposés à cette conception de la santé, qui réduit celle-ci à une marchandise comme une autre et conduit à des situations inacceptables en termes d’accès aux soins ; en témoignent les débats que nous avons eus jusqu’à présent au cours de l’examen de ce projet de loi.
C’est pourquoi nous considérons que les agences régionales de santé et, au-delà, l’ensemble de nos concitoyens doivent pouvoir savoir ce que rapportera le transfert de ces missions aux cliniques commerciales et dans quelles proportions votre politique de concurrence entre le secteur privé et le secteur public nuit directement ou indirectement à ce dernier.