Les professionnels de santé sont nombreux à le dire, les mécanismes dont il est question dans cet amendement et qui sont censés permettre d’importantes économies à la sécurité sociale ne se sont pas révélés aussi satisfaisants que prévu. Il est ainsi admis que le médecin traitant et le parcours de soins font aujourd’hui l’objet de contournement non de la loi, mais de l’esprit dans lequel ces mécanismes ont été créés.
M. Didier Tabuteau, conseiller d’État et directeur de la chaire Santé de Sciences Po Paris, en donne un parfait exemple dans son livre À la santé de l’Oncle Sam.
« Si tu vas voir un spécialiste de ton propre chef, il te demande le nom de ton médecin traitant, il le note et ça se termine là ! » Et de préciser à juste titre : « Et la réforme a été vidée de sa substance ».
Initialement, en effet, la réforme n’avait pas pour seule vocation de sanctionner financièrement le patient. Elle devait aussi faire du médecin généraliste le pivot de notre système de santé, en lui confiant un rôle central dans un parcours de soins coordonnés destiné à assurer aux patients une prise en charge cohérente et efficiente.
Or, madame la ministre, vous-même ne semblez plus voir dans cette architecture un schéma cohérent. Lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, M. Gérard Dériot vous a également fait remarquer que, depuis la création du parcours de soins, certaines spécialités telles que la gynécologie étant d’accès direct – les patients peuvent se rendre directement chez le spécialiste en question sans passer par le médecin traitant et être intégralement remboursés en fonction du ticket modérateur –, il n’était pas normal qu’ils se voient appliquer par les caisses une majoration en raison du non-respect du parcours de soins.
Madame la ministre, si j’en juge par votre réponse à M. Gérard Dériot, il suffit que le patient choisisse le spécialiste consulté directement comme médecin traitant pour échapper à cette majoration. Vous précisiez même : « Une fois ce choix de circonstance effectué, il lui suffit de demander à changer de médecin traitant par la suite ». Vous avez même proposé que « le spécialiste informe le patient de cette possibilité » et avez rappelé qu’en l’état actuel du droit « on peut changer de médecin traitant tous les jours ».
Vous comprendrez qu’après une telle réponse nous nous interrogions ! En effet, si nos concitoyens procédaient tous de la sorte, on assisterait non seulement à une importante surcharge de travail dans les caisses, mais aussi à un amoindrissement considérable de la portée théorique de ces deux dispositions.
Constatant que vous n’y croyez plus vous-même, madame la ministre, il nous semble donc utile de prévoir, sur le médecin traitant comme sur le parcours de soins, un rapport évaluant les effets de ces deux dispositifs.