Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 12 juillet 2005 à 9h45
Égalité salariale entre les femmes et les hommes — Article 1er

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Plusieurs raisons expliquent qu'aujourd'hui les femmes pointent davantage au chômage que les hommes, qu'elles y restent plus longtemps, qu'elles soient majoritaires dans certains secteurs d'activité à bas salaires, les services notamment, qu'elles soient moins nombreuses en haut de l'échelle sociale et, surtout, qu'elles soient toutes moins bien rémunérées que les hommes.

Les mentalités doivent certes évoluer, mais cela ne saurait suffire : « il faudrait aller au-delà, des mesures coercitives sont indispensables », comme l'a souligné Mme Gaétane Hazeran s'exprimant en tant que chef d'entreprise devant la commission des affaires sociales.

Or il n'y a rien de contraignant dans ce projet de loi, qui s'appuie essentiellement sur un « système de confiance » et qui renvoie à la négociation d'entreprise le soin de « tordre le cou » aux inégalités entre les hommes et les femmes au travail. C'est le point noir de cet énième texte, de l'efficacité duquel beaucoup doutent. Et pour cause !

En dépit de la règle : « à travail égal, salaire égal », connue de tous, et d'un cadre juridique important, le rééquilibrage attendu des salaires n'est toujours pas acquis. Dans certains cas, même, l'écart s'est creusé, comme le note dans son rapport Françoise Milewski, économiste à l'OFCE : « La part des femmes dans les salaires les plus élevés tend à augmenter lentement, mais celle des femmes dans les bas salaires ne baisse pas. Aujourd'hui, près de 80 % des salariés à bas salaires sont des femmes. [...] Cette proportion est d'environ 10 points supérieure à son niveau des années quatre-vingt-dix. »

Le projet de loi ne prévoit rien de volontariste pour résorber d'ici à cinq ans ces inégalités salariales, inégalités que la politique de l'emploi du Gouvernement s'entête par ailleurs à enraciner en développant et en subventionnant l'emploi à temps partiel.

Il ne contient rien de très novateur, exception faite des dispositions de l'article 1er visant à neutraliser les périodes de maternité en termes de rémunération et de carrière, comme je l'ai souligné devant la commission des affaires sociales.

Nous approuvons évidemment le principe d'une actualisation de la rémunération du salarié de retour de congé maternité ou d'adoption. Encore faut-il s'entendre sur le terme « rémunération » et le retenir dans un sens large, donc y intégrer les primes et les dispositifs d'intéressement ; nous reviendrons sur ce point. Encore faut-il également ne pas laisser la possibilité aux entreprises de déroger à ce droit aux augmentations collectives et individuelles.

Or, tel qu'il est rédigé, l'article 1er dispose que c'est en l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise que les garanties en matière de rémunération susvisées trouveront à s'appliquer.

A contrario, cela signifie que, par accord collectif, d'autres mesures peuvent être décidées et qu'elles primeront sur le minimum légal, y compris lorsqu'elles seront moins disantes.

Nous voulons éviter cette situation, rendue possible par l'évolution négative des règles applicables à la négociation collective initiée par M. Fillon, qui, je vous le rappelle, a cassé la hiérarchie des normes et a remis en cause le principe de faveur.

Par notre amendement, donc, d'une part, nous proposons de poser au bénéfice de tous les salariés la règle minimale d'évolution de la rémunération durant le congé maternité et, d'autre part, nous prévoyons que cette règle puisse être adaptée par la négociation collective dans un sens plus favorable aux salariés.

Cette solution laisse toute sa place à la généralisation de certains accords actuellement en vigueur, mais qui sont loin d'être majoritaires, tel celui de BNP-Paribas, aux termes duquel le congé de maternité est considéré comme du temps de travail effectif.

Un amendement similaire a pourtant été rejeté par les députés et le Gouvernement, qui ont estimé, à tort, qu'il n'était pas compatible avec la liberté qu'il convient de laisser aux employeurs. Il faut bien évidemment, et malheureusement, comprendre : la liberté pour ces derniers de continuer leurs pratiques discriminantes en concluant des accords dérogatoires à la loi.

Pour parvenir à résorber les écarts de salaires, c'est de règles claires et de garanties supplémentaires que nous avons besoin, et non de pétitions de principe sans valeur obligatoire.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter notre amendement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion