Il convient ici de distinguer deux notions : le mésusage thérapeutique, qui se définit comme l’utilisation d’un médicament non conforme aux recommandations des caractéristiques du produit, et la prescription hors AMM, qui s’entend comme une décision volontaire du praticien d’utiliser un produit en dehors de ses indications thérapeutiques officielles. C’est bien sur ce dernier point que porte notre amendement.
En effet, le Mediator – pour ne prendre que cet exemple – a fait l’objet d’une mise en garde dès la demande de commercialisation. Comme on le souligne dans le rapport sénatorial La réforme du système du médicament, enfin, dès 1974, le compte rendu de la réunion de présentation des travaux du rapporteur faisait état dans sa conclusion, en forme d’avertissement, de l’éventualité d’un usage détourné de la spécialité pharmaceutique.
L’exploitant ne pouvait donc pas ignorer que, en réalité, le Mediator était moins prescrit comme antidiabétique que comme un médicament destiné à faciliter ou encourager la perte de poids.
Or, pour pouvoir bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché, l’exploitant doit démontrer notamment que, pour les indications thérapeutiques qu’il vise, le médicament présente plus d’avantages que d’inconvénients, c’est la fameuse notion de « bénéfice-risque ». Le laboratoire réalise pour ce faire des essais cliniques, et c’est sur la base de ces derniers que l’agence décide ou non de délivrer la fameuse AMM, synonyme de commercialisation.
Dans les faits, cette prescription hors AMM oscillerait en moyenne entre 10 % et 20 % des prescriptions et résulte à la fois des prescriptions réalisées par les médecins, mais aussi de l’exploitant lui-même qui, étant informé des potentialités hors AMM du médicament qu’il exploite, ne demande pas la modification de son AMM. Or un médicament prescrit hors AMM peut être très dangereux, dans la mesure où les essais ayant conduit à sa commercialisation, notamment le « bénéfice-risque », portent exclusivement sur l’action présentée par le laboratoire dans son dossier de demande d’AMM.
Face à cette situation, et nous appuyant sur le rapport de la mission commune d’information présidée par François Autain, nous considérons que l’exploitant ne peut pas se soustraire à ses obligations en termes de pharmacovigilance. Ainsi, dès lors qu’il a eu connaissance d’une utilisation répétée de son médicament hors AMM et qu’il en a tiré des profits, il doit impérativement informer l’Agence nationale de sécurité de cette situation afin que, le cas échéant, elle puisse exiger de l’exploitant qu’il réalise de nouveaux essais cliniques et formule une nouvelle demande d’AMM intégrant cette utilisation non initialement prévue.