Lors des travaux de la mission commune d’information sur le Mediator, le principe de précaution a fait l’objet d’un important débat, et toutes les interventions se sont conclues de la même façon : le doute doit systématiquement profiter au patient, afin d’éviter la survenue de drames sanitaires aux conséquences importantes.
Il faut donc impérativement faire en sorte que l’agence chargée de la sécurité sanitaire soit dotée non seulement des moyens, mais aussi des fondements légaux lui permettant de prévenir un risque, même lorsque celui-ci n’est que potentiel, dès lors que les études scientifiques ou les alertes lancées par les professionnels de santé ou les patients témoignent d’un lien probable entre l’utilisation de certains médicaments et la survenue de certaines pathologies ou d’effets indésirables.
Cet amendement a donc pour objet de transposer dans notre droit une recommandation, visant à appliquer ce principe de précaution au domaine pharmaceutique, du rapport intitulé « La réforme du système du médicament, enfin », adopté, je tiens à le rappeler, à l’unanimité des membres de la mission commune d’information. Cela reviendra à reconnaître l’application du principe de précaution aux autorisations de mise sur le marché.
Concrètement, il s’agit de proportionner le niveau de preuve requis pour la suspension ou le retrait de l’AMM à l’efficacité du médicament en cause, en prévoyant que les médicaments de très faible utilité puissent être facilement retirés du marché en cas de doute sur leur innocuité.
On nous oppose souvent le cadre juridique européen. S’il est vrai que celui-ci est contraignant, il est aujourd’hui inopérant et il faudra bien que le Gouvernement engage avec nos partenaires européens des négociations pour transposer à l’échelon européen les mécanismes dont nous nous dotons. En effet, le Tribunal de première instance des Communautés européennes, le TPICE, a déjà rendu, le 26 novembre 2002, une décision précisant que, au regard de l’article 174 du traité instituant la Communauté européenne, « dans le domaine de la santé publique, le principe de précaution implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, l’autorité compétente peut prendre les mesures nécessaires sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées sur le plan scientifique et médical ».
J’insiste sur le fait que l’article 7 du projet de loi se borne à prévoir la suspension ou le retrait de l’AMM lorsque le médicament est nocif, c’est-à-dire s’il a déjà été établi qu’il présente un risque pour la santé. Notre amendement vise à ce que le principe de précaution s’applique, conformément à la décision précitée, et que le doute profite au patient, sans attendre la survenue d’un drame sanitaire.