La théorie de la responsabilité civile repose sur un triptyque juridique composé d’un fait générateur – l’action d’une personne ou d’une chose, comme c’est le cas ici –, de l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité entre celui-là et celle-ci.
En somme, pour pouvoir espérer bénéficier d’une indemnisation à la suite d’un préjudice du fait d’un médicament, la victime doit apporter la preuve que la dégradation de son état de santé est la conséquence du traitement qu’elle a suivi.
Cette démonstration est d’autant plus complexe à faire que deux éléments entrent en jeu. Tout d’abord, c’est à la victime d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité. Mais surtout, il ne peut s’agir d’un lien de causalité général, se fondant notamment sur la doctrine scientifique ou sur l’existence de cas similaires avérés : il faut impérativement que ce lien de causalité soit prouvé à titre individuel.
Or cela est extrêmement difficile, dans la mesure où ce que les victimes peuvent le plus aisément prouver, c’est l’existence d’un dommage similaire à d’autres personnes se trouvant dans des situations identiques, c’est-à-dire présentant la même pathologie et ayant suivi le même traitement.
Apporter la preuve, déconnectée des recherches scientifiques et des autres cas existants, qu’un médicament a provoqué sur soi des effets néfastes demeure, dans les faits, très compliqué.
Tout cela restreint considérablement le droit à l’indemnisation des victimes, ce qui n’est pas acceptable eu égard à l’importance des dépenses que leur situation médicale peut entraîner.
Aussi, afin de permettre une juste indemnisation, c’est-à-dire la réparation du dommage et la compensation des dépenses qui y sont liées, apparaît-il nécessaire d’aménager la charge de la preuve, en mettant en œuvre la théorie dite du « faisceau d’indices », en vertu de laquelle la victime a non plus à démontrer le lien de causalité, mais l’existence de différents éléments concordants ayant vraisemblablement conduit à la réalisation du dommage.
S’agissant du Mediator, cela reviendrait à considérer que, pour pouvoir être indemnisée, la victime devra prouver qu’elle a été traitée par ce médicament durant une certaine période, que, comme de nombreuses autres personnes dans le même cas, elle a développé des valvulopathies et que, en outre, de telles situations étaient déjà connues des agences sanitaires. Si le présent amendement était adopté, pourrait être intégré au faisceau d’indices le rapport de l’AFSSAPS indiquant que, sur les « 303 000 patients [suivis] (73 % de femmes, âge moyen : 53 ans), 597 patients ont été hospitalisés pour valvulopathie, 50 % ont eu une chirurgie valvulaire et 64 sont décédés, dont 33 après chirurgie. Et l’analyse de la cause la plus probable de décès met en évidence 46 décès imputables à une valvulopathie. »
Il ne s’agit là que d’un exemple, les victimes du Mediator bénéficiant d’un régime particulier d’indemnisation, mais il illustre parfaitement ce que l’on entend par faisceau d’indices.
De la même manière, nous considérons que la notice du médicament, qui fait état d’effets indésirables pouvant être graves et correspondre à ceux dont est victime le patient, doit également être considérée comme établissant un commencement de lien de causalité.