De même, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2006, la Cour des comptes se livre à une analyse approfondie des régimes de retraite de trois entreprises publiques : les Industries électriques et gazières, IEG, la RATP et la SNCF.
Mais je voudrais aussi citer les travaux du Conseil d'orientation des retraites, le COR, qui avait déjà noté dans son rapport de mars 2006, que « dans une perspective d'équité entre les cotisants, il est difficile de ne pas imaginer que la nouvelle étape de la hausse de la durée d'assurance prévue en 2008 ne s'accompagne pas de questions sur l'évolution des régimes spéciaux des entreprises publiques dont la réglementation n'a jusqu'ici pas évolué ». Dans son rapport de janvier 2007, le Conseil souligne également que, si l'approche concernant les régimes spéciaux ne peut être que différenciée compte tenu de leur diversité, des orientations générales répondant au principe d'équité peuvent être envisagées, au premier rang desquelles figurent l'allongement des durées d'assurance en fonction des gains d'espérance de vie, mais aussi les logiques d'indexation des pensions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez toutes et tous la qualité des travaux du Conseil d'orientation des retraites, ainsi que la richesse et la diversité de la composition de ses membres, et, quand je m'adresse à vous, je sais que certains d'entre vous y siègent.
Par ailleurs, les chiffres publiés par le COR montrent que l'espérance de vie dans les régimes spéciaux se situe au même niveau que celle de l'ensemble des Français, à l'exception des marins et des mineurs, dont les régimes de retraite ne seront d'ailleurs pas réformés, compte tenu d'une pénibilité qui ne fait pas débat et compte tenu aussi d'une espérance de vie plus faible que celle des autres salariés. Je rappelle que les règles actuelles des régimes spéciaux remontent à 1946 pour les gaziers et les électriciens, à 1948 pour la RATP, et à 1966 pour la SNCF, c'est-à-dire à une période où l'espérance de vie des salariés de ces régimes était très inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui.
Nous l'avons dit très clairement, notre objectif est d'harmoniser les règles des régimes spéciaux avec celles de la fonction publique. Je vais vous en donner les raisons.
Je voudrais d'abord souligner que, depuis la réforme de 2003, les principaux paramètres, à commencer par la durée de cotisation et le mode d'indexation des pensions que je viens d'évoquer, sont communs au régime général et à la fonction publique et sont amenés à évoluer de manière identique à l'avenir.
Mais, fondamentalement, le choix de faire converger les régimes spéciaux vers les règles de la fonction publique s'explique par les exigences de service public auxquelles se trouvent soumis l'ensemble des agents des entreprises concernées. Il n'est pas non plus question de nier les contraintes particulières inhérentes à la mission de service public, ni même la pénibilité de certains métiers.
Comme l'a indiqué M. le Président de la République, tous les sujets sont sur la table. Il s'agit en premier lieu - je voudrais y revenir devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs - de la durée de cotisation que nous souhaitons harmoniser avec celle de la fonction publique, soit actuellement quarante années. Nous voulons aussi mettre en place un système de décote et de surcote pour inciter à la prolongation d'activité, et indexer les pensions sur les prix, parce que sauvegarder notre régime de retraite, c'est aussi garantir le pouvoir d'achat des retraités et des futurs retraités.
Nous devons également revoir les pratiques de certaines entreprises qui mettent automatiquement à la retraite leurs salariés dès qu'ils remplissent les conditions pour bénéficier d'une pension. II faut mettre fin à ces pratiques-couperets, d'autant que, vous le savez, nous préparons de nouvelles initiatives pour favoriser l'emploi des seniors. C'est une attente très forte qu'ont exprimée les syndicats de salariés sur ce point. Cela serait d'ailleurs cohérent avec les mesures que le Gouvernement vous proposera dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il s'agit aussi de donner un vrai choix aux agents qui souhaitent poursuivre leur activité. Je citerai l'exemple chez moi, dans le Saint-Quentinois, d'un agent de conduite de la SNCF qui a quarante-huit ans, dont les deux enfants vont entrer à l'université, et qui sera bientôt obligé d'arrêter de travailler alors qu'il préférerait continuer pour pouvoir payer leurs études.
La concertation, qui est toujours en cours aujourd'hui, porte aussi sur les clauses qui empêchent les salariés de ces entreprises de bénéficier du régime spécial s'ils n'ont pas une ancienneté minimale dans l'entreprise, généralement fixée à quinze ans. Dans un contexte de concurrence et de mobilité des salariés, ces « durées de stage » peuvent parfois poser de vraies difficultés aux agents concernés.
Nous discutons également des bonifications, qui sont souvent très différentes d'un régime à l'autre, voire d'une entreprise à l'autre, et même d'un salarié à l'autre. En outre, la pénibilité des métiers a évolué. Et ce n'est pas forcément à travers le système de retraite qu'il faut en tenir compte. On doit jouer sur d'autres paramètres que la durée de cotisation plus courte ou les bonifications : je pense à la prévention, aux conditions de travail, à la question de la rémunération, à l'organisation du travail ou encore à la gestion des parcours professionnels, notamment dans les deuxième et troisième parties de carrière.
D'autres points sont sur la table. Ainsi, lors de la réforme de 2003, un dispositif de retraite additionnelle a été mis en place pour les agents de la fonction publique. Ne convient-il pas de définir un mécanisme similaire dans les régimes spéciaux ou d'introduire un dispositif d'épargne-retraite pour tenir compte d'une partie des primes qui n'entrent pas aujourd'hui dans le calcul de la pension ?
Les autres volets de la réforme de la fonction publique de 2003 ont naturellement vocation à être discutés sans tabou, qu'il s'agisse du rachat des années d'études ou des avantages familiaux au regard du principe d'égalité entre les hommes et les femmes.
Enfin, parmi les sujets ouverts à la négociation, un des plus importants concerne le rythme de la convergence avec le régime de la fonction publique. J'ai entendu à ce sujet les interrogations des salariés des régimes spéciaux, qu'ils soient gaziers, agents de la RATP, cheminots ou clercs de notaire. Je leur ai dit à tous, et je veux le répéter ici avec force, que cette réforme ne se fera pas brutalement.
Ce ne sera pas une réforme-couperet et il est bien clair que nous n'harmoniserons pas les durées de cotisation du jour au lendemain pas plus que nous n'introduirons brutalement un mécanisme de décote qui bouleverserait les projets de vie des agents de ces entreprises. Nous ne l'avons pas fait pour les autres régimes lors des précédentes réformes de 1993 et 2003, nous ne le ferons pas davantage pour les régimes spéciaux.
Nous allons donc agir progressivement, ...