Séance en hémicycle du 2 octobre 2007 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • régimes spéciaux
  • spéciaux

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des quatre sénateurs appelés à siéger au sein de la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires culturelles à présenter les candidatures.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 116 de la loi de finances rectificative pour 2006, le rapport relatif aux taxes locales sur la publicité.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances et est disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'informe le Sénat que le groupe pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires économiques, à la place laissée vacante par Mme Adeline Gousseau.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu, conformément à l'article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Mon rappel au règlement porte sur les conditions de travail qui nous sont imposées.

Le débat qui est inscrit à l'ordre du jour de la présente séance a été avancé de huit jours. M. Xavier Bertrand, ministre du travail, a convoqué les présidents de groupe des deux assemblées hier, lundi 1er octobre, à seize heures.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

Je vous remercie, monsieur le président, la différence n'est pas seulement d'ordre sémantique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

J'ai dû remplacer M. Jean-Pierre Bel, président de notre groupe, qui ne pouvait assister à cette réunion, au cours de laquelle nous avons été informés des principales orientations que le Gouvernement souhaitait donner à cette réforme.

Monsieur le président, reconnaissez que nous n'avons pas eu le temps de digérer ces informations et de réunir nos groupes respectifs.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande une suspension de séance d'au moins une demi-heure, à défaut de l'heure qui nous aurait été utile, afin de permettre aux membres de notre groupe de s'informer.

Par ailleurs, monsieur le président, nous nous interrogeons sur l'organisation de ce débat. L'article 39 du règlement du Sénat prévoit que seuls « les présidents de la commission spéciale ou des commissions permanentes concernées » peuvent intervenir dans ce type de débat. Or, je constate que deux rapporteurs sont inscrits dans la discussion.

Le temps de parole de trente minutes qui a été accordé à la commission des affaires sociales sera-t-il partagé entre son président et les deux rapporteurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Par ce rappel au règlement, je tiens à manifester la colère du groupe communiste républicain et citoyen.

C'est la première fois depuis que je siège dans cette enceinte, c'est-à-dire depuis douze ans, qu'une séance commence aussi tôt. En l'occurrence, cela ne me gêne pas. Mais, si nous cédons continuellement à la pression du Gouvernement, compte tenu du nombre de promesses que M. Sarkozy a faites, peut-être faudra-t-il prévoir l'ouverture des séances publiques à huit heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Quoi qu'il en soit, nous souhaitons nous réunir avant de discuter d'un sujet aussi important.

M. le Président de la République et M. le Premier ministre, par médias interposés, ont donné le contenu de cette réforme en livrant leurs attaques contre les régimes spéciaux de retraite et en les stigmatisant comme s'ils étaient à la source de toutes les difficultés de notre système de protection sociale.

Par ailleurs, le règlement du Sénat prévoit que, lors d'un débat consécutif à une déclaration du Gouvernement, seul le président de la commission compétente peut intervenir. Or, M. Dominique Leclerc, rapporteur chargé de la réforme des retraites, ainsi que M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux du projet de loi de financement de la sécurité sociale sont inscrits dans la discussion. Je regrette que nous n'ayons pas eu la possibilité de les entendre avant.

Ce débat va donc s'engager dans les plus mauvaises conditions. Nous avons dû travailler toute la nuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous estimons que les membres de nos groupes ont le droit d'être informés. Je ne peux que partager le point de vue de M. Domeizel.

Monsieur le président, cette façon de travailler perturbe la sérénité avec laquelle se déroulent habituellement nos débats. Je tiens donc à exprimer de nouveau le mécontentement de mon groupe, comme je l'avais fait lors de la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La conférence des présidents a décidé de donner un temps de parole de trente minutes à tous les groupes sans distinction.

En outre, elle a décidé d'inscrire ce débat à l'ordre du jour de la séance de ce mardi matin pour ne pas empiéter sur la discussion importante qui s'ouvrira cet après-midi et aussi, comme je le souhaitais, pour permettre au Sénat de saisir l'opportunité qui lui était offerte de débattre des régimes spéciaux de retraite en premier avant l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Nous en sommes convaincus, mon cher collègue.

Dans un souci de conciliation, je suspendrai la séance jusqu'à neuf heures quarante, si M. le président de la commission, auquel je vais donner la parole, en est d'accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le président, je ne suis pas opposé à la suspension de séance que souhaite M. Domeizel.

Monsieur Fischer, le président de la commission dispose d'un temps de parole de trente minutes. Toutefois, j'ai estimé de mon devoir, comme je l'ai toujours fait, d'associer les rapporteurs concernés au débat. Il s'agit en l'occurrence du rapporteur de la commission des affaires sociales pour les dispositions relatives à l'assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, qui est également rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Nous nous engageons à ne pas dépasser le temps de parole qui nous est imparti. Il me paraît important que les responsables de ce dossier au sein de la commission soient entendus au même titre que les groupes parlementaires.

Par ailleurs, je tiens à souligner que, peut-être pour la première fois, le groupe communiste républicain et citoyen dispose du même temps de parole que les autres groupes pour exprimer son point de vue. Mais je comprends la douleur de M. Fischer d'avoir dû travailler toute la nuit sur un sujet que nous attendons depuis vingt-cinq ans et sur lequel nous nous sommes déjà prononcés à maintes reprises.

La séance, suspendue à neuf heures quinze, est reprise à neuf heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les régimes spéciaux de retraite.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, la question des retraites nous concerne tous.

Les Français, nous le savons, sont très attachés à leur système de retraite. C'est d'ailleurs pour en assurer la pérennité que régulièrement, comme l'ensemble des pays qui nous entourent, nous devons le moderniser. Voilà pourquoi différentes étapes ont marqué la réforme des retraites : 1993, 2003. Voilà aussi pourquoi un nouveau rendez-vous sur ce sujet, annoncé dès 2003, a été fixé en 2008.

Mais, s'il y a différentes étapes, c'est aussi qu'il existe en France non pas une retraite, mais des retraites. Les régimes spéciaux reflètent la construction de la couverture du risque vieillesse en France au cours des siècles : le plus ancien est le régime des marins, créé par Colbert en 1670 ; celui de l'Opéra de Paris date de 1698 ; le régime de retraite de la SNCF est issu des différents régimes particuliers qui furent mis en place au xixe siècle dans les compagnies de chemin de fer privées et unifiés au début du siècle dernier : c'est en 1909 qu'ont été définies les caractéristiques fondamentales du régime des cheminots, telles que l'âge d'ouverture des droits à la retraite à 50 ou 55 ans.

Le meilleur moyen de relever les défis de demain, ce n'est certainement pas l'immobilisme ni le statu quo : c'est de regarder l'avenir avec lucidité et de faire le choix de la responsabilité, c'est de faire évoluer les régimes spéciaux sans remettre en cause leur identité ni le statut des agents concernés.

Sur un tel sujet, le Gouvernement a donc choisi d'avancer sans idéologie aucune.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il ne s'agit certainement pas de stigmatiser qui que ce soit, ni d'assurer la victoire d'un tel sur un tel : cela n'intéresse pas les Français et, pour être clair, cela ne m'intéresse pas non plus. La seule chose qui intéresse le Gouvernement et le Président de la République, c'est d'assurer la justice et la pérennité de notre système de retraite dans son ensemble.

Car les régimes spéciaux doivent faire face aux mêmes enjeux démographiques et financiers qui ont conduit à ajuster les paramètres des retraites des salariés du secteur privé, des indépendants, des agriculteurs ou, plus récemment, des fonctionnaires.

Or ces ajustements, opérés par la loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale, puis par celle du 21 août 2003 portant réforme des retraites, n'ont concerné aucun des régimes spéciaux. Cette situation accentue la singularité de ces derniers et suscite bien des interrogations.

Avant le rendez-vous de 2008 sur les retraites, il nous faut donc veiller à ce que l'ensemble des Français soient sur un pied d'égalité, et cela commence par la durée de cotisation. Le financement de notre régime de retraite par répartition doit faire face à un déséquilibre qui est le résultat du vieillissement et de l'allongement de l'espérance de vie. Cette évolution est d'abord une formidable bonne nouvelle pour l'ensemble des Français ; mais c'est aussi un formidable défi collectif à relever si nous voulons sauvegarder notre système par répartition.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce système, nous sommes déterminés à en assurer la pérennité. Pour cela, nous le savons tous, il n'existe que trois solutions : soit réduire les pensions de retraite, ce dont les Français ne veulent pas ; soit augmenter les cotisations, ce qui pénalise le pouvoir d'achat ; soit, enfin, allonger la durée de cotisation.

C'est cette dernière solution que nous avons retenue, comme d'ailleurs l'ensemble des pays européens, car c'est la réponse la plus cohérente à l'allongement de l'espérance de vie : si nous vivons tous plus longtemps, nous devons aussi travailler plus longtemps pour voir nos pensions garanties.

Pour les régimes spéciaux, le déséquilibre financier est encore accentué par les évolutions démographiques propres à ces régimes, qui rassemblent aujourd'hui plus de 1 100 000 retraités pour environ 500 000 cotisants : ainsi, cette année, plus de 5 milliards d'euros de subventions d'équilibre seront inscrites au budget de l'État.

Soyons précis : le principe de ces subventions est tout à fait justifié, comme est légitime la compensation démographique entre les différents régimes de retraite. C'est là tout simplement l'expression de la solidarité nationale, et il n'est pas question de la remettre en cause.

Mais attention : je ne veux faire croire à personne que, en trouvant une solution aux régimes spéciaux, nous trouverons aussitôt une solution globale à nos régimes de retraite dans leur ensemble.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Les enjeux ne sont pas les mêmes. N'est-il donc pas tout aussi légitime que les salariés des régimes spéciaux travaillent davantage pour bénéficier d'une retraite à taux plein ? Je suis convaincu que la solidarité sera d'autant plus acceptée par chacun de nos concitoyens que les principales règles seront les mêmes pour tous.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cette harmonisation de la durée de cotisation est un point essentiel, et ce n'est aujourd'hui une révélation pour personne, puisque c'est un engagement fort que le Président de la République a pris devant les Français durant la campagne.

D'ailleurs, la nécessité de faire évoluer les règles des régimes spéciaux fait aujourd'hui, me semble t-il, l'objet d'un large consensus dépassant les clivages traditionnels, tant dans l'opinion que dans les différentes analyses faites à ce sujet.

Ainsi, les régimes spéciaux ont fait l'objet de plusieurs rapports récents dont les conclusions sont concordantes. Au sein de votre Haute Assemblée déjà, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, deux documents présentés par M. Dominique Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, traitent avec précision de la question des principaux régimes spéciaux hors fonction publique.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

De même, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2006, la Cour des comptes se livre à une analyse approfondie des régimes de retraite de trois entreprises publiques : les Industries électriques et gazières, IEG, la RATP et la SNCF.

Mais je voudrais aussi citer les travaux du Conseil d'orientation des retraites, le COR, qui avait déjà noté dans son rapport de mars 2006, que « dans une perspective d'équité entre les cotisants, il est difficile de ne pas imaginer que la nouvelle étape de la hausse de la durée d'assurance prévue en 2008 ne s'accompagne pas de questions sur l'évolution des régimes spéciaux des entreprises publiques dont la réglementation n'a jusqu'ici pas évolué ». Dans son rapport de janvier 2007, le Conseil souligne également que, si l'approche concernant les régimes spéciaux ne peut être que différenciée compte tenu de leur diversité, des orientations générales répondant au principe d'équité peuvent être envisagées, au premier rang desquelles figurent l'allongement des durées d'assurance en fonction des gains d'espérance de vie, mais aussi les logiques d'indexation des pensions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez toutes et tous la qualité des travaux du Conseil d'orientation des retraites, ainsi que la richesse et la diversité de la composition de ses membres, et, quand je m'adresse à vous, je sais que certains d'entre vous y siègent.

Par ailleurs, les chiffres publiés par le COR montrent que l'espérance de vie dans les régimes spéciaux se situe au même niveau que celle de l'ensemble des Français, à l'exception des marins et des mineurs, dont les régimes de retraite ne seront d'ailleurs pas réformés, compte tenu d'une pénibilité qui ne fait pas débat et compte tenu aussi d'une espérance de vie plus faible que celle des autres salariés. Je rappelle que les règles actuelles des régimes spéciaux remontent à 1946 pour les gaziers et les électriciens, à 1948 pour la RATP, et à 1966 pour la SNCF, c'est-à-dire à une période où l'espérance de vie des salariés de ces régimes était très inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui.

Nous l'avons dit très clairement, notre objectif est d'harmoniser les règles des régimes spéciaux avec celles de la fonction publique. Je vais vous en donner les raisons.

Je voudrais d'abord souligner que, depuis la réforme de 2003, les principaux paramètres, à commencer par la durée de cotisation et le mode d'indexation des pensions que je viens d'évoquer, sont communs au régime général et à la fonction publique et sont amenés à évoluer de manière identique à l'avenir.

Mais, fondamentalement, le choix de faire converger les régimes spéciaux vers les règles de la fonction publique s'explique par les exigences de service public auxquelles se trouvent soumis l'ensemble des agents des entreprises concernées. Il n'est pas non plus question de nier les contraintes particulières inhérentes à la mission de service public, ni même la pénibilité de certains métiers.

Comme l'a indiqué M. le Président de la République, tous les sujets sont sur la table. Il s'agit en premier lieu - je voudrais y revenir devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs - de la durée de cotisation que nous souhaitons harmoniser avec celle de la fonction publique, soit actuellement quarante années. Nous voulons aussi mettre en place un système de décote et de surcote pour inciter à la prolongation d'activité, et indexer les pensions sur les prix, parce que sauvegarder notre régime de retraite, c'est aussi garantir le pouvoir d'achat des retraités et des futurs retraités.

Nous devons également revoir les pratiques de certaines entreprises qui mettent automatiquement à la retraite leurs salariés dès qu'ils remplissent les conditions pour bénéficier d'une pension. II faut mettre fin à ces pratiques-couperets, d'autant que, vous le savez, nous préparons de nouvelles initiatives pour favoriser l'emploi des seniors. C'est une attente très forte qu'ont exprimée les syndicats de salariés sur ce point. Cela serait d'ailleurs cohérent avec les mesures que le Gouvernement vous proposera dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il s'agit aussi de donner un vrai choix aux agents qui souhaitent poursuivre leur activité. Je citerai l'exemple chez moi, dans le Saint-Quentinois, d'un agent de conduite de la SNCF qui a quarante-huit ans, dont les deux enfants vont entrer à l'université, et qui sera bientôt obligé d'arrêter de travailler alors qu'il préférerait continuer pour pouvoir payer leurs études.

La concertation, qui est toujours en cours aujourd'hui, porte aussi sur les clauses qui empêchent les salariés de ces entreprises de bénéficier du régime spécial s'ils n'ont pas une ancienneté minimale dans l'entreprise, généralement fixée à quinze ans. Dans un contexte de concurrence et de mobilité des salariés, ces « durées de stage » peuvent parfois poser de vraies difficultés aux agents concernés.

Nous discutons également des bonifications, qui sont souvent très différentes d'un régime à l'autre, voire d'une entreprise à l'autre, et même d'un salarié à l'autre. En outre, la pénibilité des métiers a évolué. Et ce n'est pas forcément à travers le système de retraite qu'il faut en tenir compte. On doit jouer sur d'autres paramètres que la durée de cotisation plus courte ou les bonifications : je pense à la prévention, aux conditions de travail, à la question de la rémunération, à l'organisation du travail ou encore à la gestion des parcours professionnels, notamment dans les deuxième et troisième parties de carrière.

D'autres points sont sur la table. Ainsi, lors de la réforme de 2003, un dispositif de retraite additionnelle a été mis en place pour les agents de la fonction publique. Ne convient-il pas de définir un mécanisme similaire dans les régimes spéciaux ou d'introduire un dispositif d'épargne-retraite pour tenir compte d'une partie des primes qui n'entrent pas aujourd'hui dans le calcul de la pension ?

Les autres volets de la réforme de la fonction publique de 2003 ont naturellement vocation à être discutés sans tabou, qu'il s'agisse du rachat des années d'études ou des avantages familiaux au regard du principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

Enfin, parmi les sujets ouverts à la négociation, un des plus importants concerne le rythme de la convergence avec le régime de la fonction publique. J'ai entendu à ce sujet les interrogations des salariés des régimes spéciaux, qu'ils soient gaziers, agents de la RATP, cheminots ou clercs de notaire. Je leur ai dit à tous, et je veux le répéter ici avec force, que cette réforme ne se fera pas brutalement.

Ce ne sera pas une réforme-couperet et il est bien clair que nous n'harmoniserons pas les durées de cotisation du jour au lendemain pas plus que nous n'introduirons brutalement un mécanisme de décote qui bouleverserait les projets de vie des agents de ces entreprises. Nous ne l'avons pas fait pour les autres régimes lors des précédentes réformes de 1993 et 2003, nous ne le ferons pas davantage pour les régimes spéciaux.

Nous allons donc agir progressivement, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... car cette progressivité, c'est aussi une question de respect et de considération pour les agents : nous ne pouvons pas dire à un gazier ou à un roulant qui est à deux mois de la retraite, qu'il devrait, du jour au lendemain, travailler deux ans et demi de plus. Ce respect, nous le devons aux agents et, à travers eux, au service public qu'ils assurent et qu'ils représentent.

Pour conduire cette réforme, nous avons fait le choix d'une méthode, celle du pragmatisme et de la plus large concertation possible. Cette concertation concerne au premier chef les partenaires sociaux : je le dis à l'ensemble des agents des régimes spéciaux, cette réforme est nécessaire et la meilleure façon de la réussir, c'est de la mener avec eux. Pour ma part, je ne sais pas réformer sans concertation, voilà pourquoi, à la demande de M. le Président de la République, j'ai conduit depuis quinze jours une première concertation afin de faire un état des lieux du dossier.

J'ai reçu l'ensemble des organisations syndicales représentées dans les branches et les entreprises concernées et celles qui en ont fait la demande, ainsi que les employeurs et les directions des entreprises concernées, soit au total plus d'une quinzaine de rendez-vous.

Toutes les organisations ont participé à cette concertation, ce qui est déjà important en soi, et toutes ont pu constater que la réforme n'était pas bouclée, que nous jouions cartes sur table et qu'il existait de vrais espaces de concertation. Sur tous les points, j'ai demandé à l'ensemble des acteurs, fédérations comme entreprises, de me faire part de leurs propositions. Des réunions techniques approfondies sont organisées aujourd'hui encore par mes collaborateurs avec tous ceux qui souhaitent construire et discuter avec nous des modalités pratiques de la réforme. D'autres organisations nous ont fait savoir qu'elles formuleraient des propositions par écrit.

Mais ce sens de l'ouverture, je veux aussi l'exprimer vis-à-vis du Parlement. Si j'ai souhaité m'exprimer devant vous après avoir reçu hier au ministère les représentants de l'ensemble des groupes et des commissions concernées, c'est pour rendre compte de notre action devant la représentation nationale et montrer que, sur un sujet aussi important, le Gouvernement entend avancer dans la transparence et le dialogue.

J'ai bien entendu tout à l'heure les remarques qui portaient sur la forme. Puissent-elles ne pas nous éloigner du fond et ne pas nous empêcher d'entendre les positions et les propositions de chaque groupe sur cette question essentielle.

C'est tout le sens du débat que nous allons avoir aujourd'hui, et si ce débat ne donne pas lieu à un vote, c'est tout simplement parce que les règles et les paramètres des régimes spéciaux ne relèvent pas du domaine de la loi. Il s'agit, en effet, de dispositions statutaires qui relèvent du domaine réglementaire.

Nul besoin de se lancer dans des polémiques en disant que prendre un décret, ce serait passer en force et refuser le dialogue. Je voudrais simplement rappeler que l'on a déjà vu voter des lois qui faisaient fi du dialogue - j'ai en mémoire un exemple sous un gouvernement de gauche et un autre sous un gouvernement de droite, la loi n'est pas la garantie de la concertation et du dialogue - et a contrario on peut tout à fait avancer par la concertation, même si au final on emprunte la voie réglementaire, après avoir écouté les uns et les autres pour modifier son projet et trouver la bonne solution. Je prendrai à cet égard l'exemple de l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Oui, c'était un décret. Oui, il y a eu une très large concertation. Oui, nous avons pu aussi associer les parlementaires, et la voie qui a été retenue est, à mon sens, réellement la bonne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux annoncer clairement devant vous le calendrier à venir.

À la suite du débat que nous allons avoir aujourd'hui d'abord devant le Sénat, et de celui que j'aurai demain à l'Assemblée nationale, j'engagerai dans le courant du mois d'octobre avec les mêmes acteurs un second tour de discussions. À cette occasion, je leur présenterai un document d'orientation précisant, parmi tous les sujets mis sur la table, ce qui relève de la responsabilité gouvernementale, à savoir les principes généraux d'harmonisation, et ce qui relève de la négociation dans les entreprises.

Car l'objectif des concertations que je mène avec les partenaires sociaux et les entreprises concernées est de dégager les principes communs de l'harmonisation des régimes spéciaux avec le régime de la fonction publique. Ensuite, ces principes seront mis en oeuvre entreprise par entreprise, pour tenir compte des spécificités et de l'identité de chaque régime, et des négociations s'ouvriront alors sans délai sur un certain nombre de sujets au sein des branches ou des entreprises concernées.

La réforme devra être prête pour la fin de l'année, ce qui nous laisse trois mois entiers. Nous avons donc le devoir d'expliquer, le plus rapidement et le plus précisément possible, à chaque agent relevant des régimes spéciaux, à la fois les objectifs et le contenu de cette réforme, afin qu'il puisse en mesurer les enjeux et les conséquences pour lui-même.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que je voulais vous dire dans un premier temps en ouvrant ce débat.

La réforme des régimes spéciaux est nécessaire, telle est la raison pour laquelle nous devons la réussir. Nous avons même la possibilité de nous retrouver sur l'essentiel, sur l'idée de justice et sur la nécessité de garantir l'avenir des retraites des salariés concernés par ces régimes spéciaux.

J'ai le sentiment que ce débat n'est ni de droite ni de gauche et que, dans un débat comme celui-ci, il est essentiel de bien comprendre les positions et les propositions de chacun.

M. Jean-Luc Mélenchon s'exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J'ai également le sentiment que chacun peut apporter un regard serein sur ce dossier, que le dialogue dans cet hémicycle peut être de même nature que le dialogue social, franc, bien sûr, mais forcément constructif.

J'ai enfin le sentiment que, sur ce dossier, avec détermination et méthode, nous pouvons faire la preuve que la société française de 2007 est tout sauf une société bloquée.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément aux engagements qu'il avait pris devant les Français avant les échéances électorales du printemps 2007, le Président de la République a lancé le 18 septembre dernier la réforme des régimes de retraite dits « spéciaux ».

Cette décision fera date dans notre histoire sociale, car tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt-cinq ans ont, volontairement ou non d'ailleurs, calé devant l'obstacle.

L'enjeu est donc crucial : il s'agit de mettre fin à une situation qui, sournoisement, empoisonne la vie politique et sociale de notre pays depuis des décennies.

Le Gouvernement entend y procéder par voie réglementaire, ce qui est juridiquement fondé sachant qu'une place essentielle sera, bien entendu, réservée au dialogue entre les pouvoirs publics et les organisations syndicales.

Dans ce cadre, néanmoins, nous n'aurions pas compris que le Parlement restât à l'écart de ce débat et nous sommes particulièrement sensibles au fait qu'il s'ouvre ce matin et, en premier lieu, devant le Sénat. J'y vois, monsieur le ministre, le signe de la reconnaissance du travail de réflexion mené de longue date sur le sujet par la commission des affaires sociales et vous savez pouvoir compter sur son soutien, que j'ose dire « éclairé ».

Ce débat me donnera l'occasion de vous faire part des différentes constatations auxquelles elle est parvenue. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les dispositions relatives à l'assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous présentera des propositions plus concrètes ; puis Alain Vasselle, en tant que président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, insistera sur les grands enjeux de ce dossier pour les finances sociales.

Au préalable, saluons le courage d'aborder enfin cette question taboue des régimes spéciaux. Ils sont désormais devenus une source d'inégalités croissantes entre les assurés sociaux, ce que les Français, très majoritairement, n'acceptent plus.

Quelques chiffres donnent un aperçu du problème.

Les sept grands régimes spéciaux rassemblent 1, 1 million de retraités pour seulement 471 000 actifs. La masse des prestations versées s'élève chaque année à plus de 13 milliards d'euros, soit l'équivalent de 0, 8 % de la richesse nationale, et elle devrait continuer à s'accroître à l'avenir. La survie de ces régimes n'est possible que grâce à la solidarité nationale. En 2005, 59 % des prestations vieillesse étaient non pas financées par les cotisants, mais par des ressources publiques. On pense que ce taux atteindra 70 % à l'horizon de 2040-2050, si rien ne change. Il est donc grand temps d'agir, et ce pour plusieurs raisons.

Pour une raison démographique, d'abord, car, dans le régime général, le rapport entre cotisants et retraités se détériore du fait du départ en retraite des baby-boomers. Dans ces conditions, il n'est pas concevable de les mettre encore davantage à contribution pour les régimes spéciaux.

Pour une raison financière, ensuite, car les sommes à financer sont colossales. On estime à 300 milliards d'euros, au cours des six prochaines décennies, les engagements globaux de retraite des sept principaux régimes spéciaux.

Pour des raisons de justice et d'équité entre Français, enfin, car ces régimes sont restés à l'écart de toute réforme en 1993, en 1995 et en 2003. Est-il vraiment défendable que 2 % de la population active se trouvent exemptés de l'effort collectif de sauvetage des régimes de retraite, tout en continuant à bénéficier d'un traitement privilégié financé par les autres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Si vous voulez, monsieur Fischer !

Le fait d'esquiver de nouveau ce problème nous exposerait à des conflits de génération et à la « guerre des deux France », dont parle l'universitaire Jacques Marseille.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Les termes « réforme des régimes spéciaux » méritent toutefois d'être précisés, car, si l'orientation définie par le Président de la République ne souffre aucune ambiguïté, l'issue des négociations avec les partenaires sociaux peut en altérer sensiblement le contenu dans un sens auquel nous pourrions ne pas être favorables.

Contrairement à ce que certains affirment, tout n'est pas joué d'avance, car cette réforme reste largement à inventer. En théorie, trois solutions sont envisageables.

Tout d'abord, il est possible de procéder à une « quasi-non-réforme », ou plutôt à une « réformette », en ne touchant qu'aux paramètres les plus « visibles » et les plus inéquitables qui caractérisent les grands régimes spéciaux, comme la durée de cotisation. C'est peu ou prou la voie qui a été empruntée par la Banque de France au début de l'année 2007. Il en résulterait une modification marginale des règles applicables à ces régimes, et donc un rapprochement a minima avec les autres catégories sociales. Du même coup, les économies pour les finances publiques et les finances sociales seraient limitées et ne permettraient pas d'enrayer la dérive sensible des dépenses prévue d'ici à 2050.

On peut aussi penser à une réforme timide ou prudente. Ainsi, les régimes spéciaux seraient maintenus, mais leurs cotisants seraient « alignés » ou « harmonisés » sur les règles de la fonction publique. Ce scénario intermédiaire est plus ambitieux que le précédent, mais l'ampleur de la réforme dépendra in fine des négociations entre les directions des grandes entreprises nationales et les partenaires sociaux, du rapport de force qui s'instaurera entre eux d'ici à la fin de l'année et des réactions de l'opinion publique.

Je veux aussi mentionner la possibilité de ce que j'appellerai « une vraie réforme », même si elle n'est pas encore vraiment évoquée par les pouvoirs publics.

Dans ce cas de figure, la réforme consisterait d'abord à placer en extinction ces régimes pour les nouveaux entrants, lesquels seraient alors affiliés au régime général ainsi qu'à l'AGIRC, l'Association générale des institutions de retraites des cadres, et à l'ARRCO, l'Association des régimes de retraites complémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

De façon complémentaire, les personnes actives, bénéficiant déjà de l'ancien système avant cette échéance, seraient toutes concernées par un processus d'harmonisation avec le code des pensions des pensions civiles et militaires de retraite. Ce processus serait conduit selon une modulation variant avec l'âge des assurés sociaux et leur ancienneté. Il va de soi que les jeunes cotisants feraient l'objet d'une harmonisation plus poussée que ceux qui sont sur le point de partir en retraite. C'est là le champ de la négociation collective à ouvrir. Parallèlement, les droits acquis des actuels retraités devront naturellement être respectés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Il a déjà prévalu pour la chambre de commerce et d'industrie de Paris en 2005, pour France Télécom en 1997 et, dès 1981, pour l'ancienne SEITA.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

À titre personnel, j'avais d'ailleurs déposé un amendement en ce sens pour l'ensemble des régimes spéciaux, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

Au lieu de procéder au changement brutal ou à la remise en question des situations acquises, évoqués de façon caricaturale par certains observateurs, ce mode opératoire consisterait simplement, pour prendre une image, à « fermer le robinet » des régimes spéciaux, et à le faire vite, car la pratique montre, je le rappelle, qu'il faut soixante ans pour mettre totalement en extinction un régime de retraite.

Parmi les différentes solutions techniques envisageables, celle-ci me semble, et de loin, la meilleure. D'abord, parce qu'elle présente le mérite d'être simple et crédible. Ensuite, parce qu'elle donne l'assurance de réaliser des économies substantielles et progressives pour les finances sociales et les finances publiques. Certes, on peut objecter que le basculement sur le régime général, ainsi que sur l'AGIRC et l'ARRCO, se traduirait aussi par l'intégration des primes dans l'assiette de cotisation, mais ce surcoût ponctuel sera marginal eu égard à l'économie réalisée par rapport aux règles des pensions qui régissent les trois fonctions publiques.

En définitive, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'avez compris, notre commission a la volonté d'agir en tant que force de proposition dans le débat qui s'ouvre sur les régimes spéciaux. Bien que de nature réglementaire au regard de notre Constitution, ce sujet essentiel ne saurait être étranger aux préoccupations du Parlement ni réservé aux partenaires sociaux et aux directions des grandes entreprises nationales. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d'avoir engagé cette concertation, et je souhaite que nous puissions refaire le point sur ce dossier avant que vous ne preniez les décrets.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà donc enfin venu le moment, pour notre pays, de mener à bien la réforme, jusqu'à présent toujours repoussée, des régimes spéciaux de retraite.

Cette décision du Président de la République a bien sûr une portée politique, économique et sociale majeure. Sur ce dossier en particulier, peut-être plus encore que sur les autres, il fallait marquer une rupture avec le passé. C'est désormais chose faite, et le statu quo va être remis en cause.

Cette réforme, nous l'attendions depuis longtemps, monsieur le ministre, et nous nous sommes attachés à la préparer tout au long de la précédente législature. La commission des affaires sociales la soutiendra donc avec détermination.

Il est encore trop tôt dans le déroulement du processus de réforme pour en connaître dès aujourd'hui les contours précis. Mais, comme Nicolas About, j'incline naturellement à préférer une harmonisation prenant pour référence les caisses de retraite du secteur privé, plutôt que le régime, toujours plus coûteux, des trois fonctions publiques. Il serait, je crois, naturel et juste, d'affilier les futurs employés de la SNCF, de la RATP et des industries électriques et gazières - pour ne parler que des plus importantes - au régime général, d'une part, et, bien évidemment, aux régimes complémentaires AGIRC et ARRCO, d'autre part.

L'enjeu principal consiste toutefois à sortir de l'impasse actuelle et à faire en sorte que ces fameux régimes ne soient plus un monde à part, totalement immobile, au sein du paysage français des retraites. Il faut aller dans le sens d'un rapprochement des principaux paramètres de la retraite, par exemple celui de la durée de cotisation, pour aboutir à une sorte de socle minimum de solidarité. Si nous voulons conserver le système de répartition auquel nous tenons, nous sommes convaincus que la solidarité nationale ne s'exprimera que si nous adoptons des paramètres convergents, voire identiques, pour les bénéficiaires des différents régimes.

Je me rallierai donc, si tel devait être le choix définitif, à la solution consistant à harmoniser les régimes spéciaux avec ceux de la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Notre commission a d'ailleurs élaboré un certain nombre de propositions pour accompagner cette réforme.

L'objectif est non seulement de changer la situation actuelle, perçue comme inacceptable par nos compatriotes, mais surtout d'enrayer, au moyen de mesures énergiques, la dynamique de progression des dépenses.

En ma qualité de rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale, depuis 2001, d'une part, et de rapporteur de la commission des affaires sociales du projet de loi portant réforme des retraites en 2003, d'autre part, je vous suggère, monsieur le ministre, d'appliquer un ensemble de dispositions que je regrouperai en trois volets.

Tout d'abord, il s'agit d'« arrimer » solidement les grands régimes spéciaux à celui de la fonction publique. Cela suppose de prévoir que, sauf exception, les règles du code des pensions civiles et militaires de retraite ont désormais vocation à leur être appliquées. Il est aussi nécessaire de créer une caisse de retraite dans tous les petits régimes qui en sont aujourd'hui dépourvus.

Il faut aussi instituer pour chacun des régimes spéciaux, comme cela a été fait en 2004 dans la fonction publique, un système de retraite additionnel obligatoire par points, dont l'assiette sera constituée par une partie des primes des assurés sociaux.

Ensuite, c'est la deuxième priorité, il convient de redresser les comptes.

S'il n'est pas question de revenir sur la situation des retraités actuels, comme cela a déjà été souligné, ni de faire reposer les efforts demandés sur les actifs les plus âgés, il est, en revanche, légitime de mettre en oeuvre des mesures fortes pour les « nouveaux entrants ».

Il faudrait aussi compléter, par l'entrée en vigueur rapide du système de décote, l'augmentation prévue jusqu'à quarante ans de la durée de service nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Je suggère, au passage, de synchroniser le calendrier de mise en oeuvre de la décote avec celui de la surcote, dont l'objet consiste inversement à encourager l'allongement de la durée d'activité. C'est une question de bon sens.

Enfin, je propose de supprimer les « clauses-couperets » prévoyant toujours, dans de nombreux régimes spéciaux, la mise à la retraite d'office des assurés sociaux à un âge précoce, souvent inférieur à soixante ans. Cela donnerait la possibilité à ceux qui le souhaitent de travailler jusqu'à soixante-deux ans, voire soixante-cinq ans.

Enfin, permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une dernière suggestion : celle de ne pas exclure, par principe, les régimes spéciaux du champ d'application de la future réforme des retraites de 2008, quitte à prévoir une phase de transition destinée à y introduire les modifications qui seront apportées l'an prochain au code des pensions civiles et militaires de retraite. Il serait, en effet, fâcheux de rattraper le retard accumulé entre 1993 et 2008 par rapport aux autres caisses de retraite et, surtout, de ne pas prolonger au-delà cette démarche d'harmonisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le ministre s'est engagé à ne toucher à rien en 2008 !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Notre commission souhaite aussi profiter de ce débat pour vous faire part des inquiétudes que lui inspire le processus de concertation avec les organisations syndicales.

Au Sénat, nous sommes nombreux à être préoccupés par les contreparties qui pourraient être accordées par les directions des grandes entreprises nationales, dans le cas où elles aboutiraient à vider la réforme d'une partie de sa substance.

De ce point de vue, comme M. About l'a indiqué, la réforme du régime de retraite de la Banque de France, qui a été menée au début de l'année 2007, ne me semble pas être un exemple à suivre.

M. Guy Fischer s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Pourra-t-on éviter la création de nouveaux avantages qui se substitueraient à ceux qui auront été supprimés ou bien l'augmentation des salaires pour compenser la hausse des cotisations ?

Saura-t-on éviter la création de dispositifs de cessation progressive d'activité, coûteux pour la collectivité nationale et avantageux pour les ressortissants des régimes spéciaux ou bien la définition d'une conception extensive de la « catégorie active » autorisant des départs précoces ?

En se fondant notamment sur le rapport déjà oublié de la Cour des comptes d'avril 2003, on constate que le code des pensions constitue une référence juridique à la fois perfectible et coûteuse, surtout si on la compare au secteur privé. Je pense en particulier - mais cela a été dit et on le sait maintenant - aux diverses modalités de bonification des pensions ou aux nombreuses possibilités dérogatoires de départ avant soixante ans, qui concernent près des deux tiers des fonctionnaires, ceux qui n'ont pas été touchés par les autres mesures, notamment celle de l'allongement à quarante ans, prises, quoi qu'on en dise, lors des réformes de 2003. Toutes ces règles mériteraient, elles aussi, d'être remises à plat, à l'occasion du fameux rendez-vous de 2008 sur les retraites.

Cette réforme des régimes spéciaux de retraite me conduit à revenir sur le dossier des adossements aux caisses de retraite du secteur privé.

L'adossement est cette procédure comptable et financière très complexe qui, moyennant une soulte, a conduit à étendre la solidarité interprofessionnelle aux retraites des gaziers et des électriciens. Ce schéma a été utilisé pour les industries électriques et gazières, les IEG, en 2004 ; il pourrait, dit-on, être reconduit pour la RATP, voire la SNCF.

Au cours des dernières années, le Sénat a veillé à sécuriser au niveau législatif la mise en oeuvre de ces adossements. La commission des affaires sociales, en particulier, a obtenu que figurent dans le code de la sécurité sociale le principe de « stricte neutralité financière » des adossements pour les assurés sociaux du secteur privé, l'obligation d'information par les caisses de retraite tout au long des vingt-cinq années de l'adossement et le principe d'un contrôle accru du Parlement.

Or, il faut bien le dire, sur ce dernier point, la commission des affaires sociales constate qu'elle continue à n'avoir connaissance des opérations préparant les futurs adossements qu'au travers de la lecture de la presse - c'est toujours très intéressant - et elle demande donc le renforcement des garanties de neutralité de l'opération pour le régime général.

Mes chers collègues, j'attire votre attention sur la nécessité d'établir un lien entre ce dossier des adossements et la réforme des régimes spéciaux que le Gouvernement s'apprête à conduire.

Pour conclure, j'observe que, depuis 1995, le temps a passé et les mentalités de nos concitoyens ont beaucoup évolué. Notre pays est prêt ; il attend une réforme de grande ampleur des régimes spéciaux.

Le Parlement en général, le Sénat en particulier, doit prendre sa part dans cette réforme et exercer un suivi attentif des négociations dans les grandes entreprises nationales. La commission des affaires sociales s'y est préparée de longue date. Le débat d'aujourd'hui fournit aux parlementaires que nous sommes une première opportunité d'intervention.

Voici, monsieur le ministre, une note présentant la synthèse des positions de la commission des affaires sociales.

M. Dominique Leclerc, rapporteur, remet à M. le ministre la note de synthèse de la commission des affaires sociales. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président Nicolas About et notre collègue Dominique Leclerc ont bien mis en exergue les travaux de la commission des affaires sociales sur la question, ô combien sensible, de l'avenir des régimes spéciaux. Je suis convaincu que nos propositions fourniront une contribution à la fois utile et originale dans le débat public que nous appelons de nos voeux.

Pour avancer sur les régimes spéciaux, le Gouvernement aura besoin de continuer à bénéficier non seulement du soutien du Parlement, mais également d'un fort soutien de l'opinion publique. Nous tenterons de nous y employer.

En ma qualité de président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, je me bornerai donc à compléter les propos de mes collègues sur trois points précis : premièrement, le coût de ces régimes pour les finances publiques et les finances sociales ; deuxièmement, la nécessité de profiter de la réforme annoncée par le président de la République pour mettre fin aux dérives des systèmes de compensation démographique ; troisièmement, l'urgence de promouvoir davantage de transparence dans le mode de financement de ces caisses de retraite.

À ce stade de mon propos, monsieur le ministre, j'ajouterai une remarque. Si, effectivement, toutes les mesures que vous allez prendre sont d'ordre purement réglementaire et n'appellent pas de dispositions législatives, vous savez quand même que leurs conséquences sur les lois de financement de la sécurité sociale ne seront pas nulles. Si le Parlement n'avait pas été consulté, associé à la réforme, il aurait toujours eu la possibilité, au moment de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, de ne pas voter les crédits sous le prétexte que le Gouvernement ne respecte pas ses engagements. C'est aussi la solution dont dispose un conseil municipal face au maire : ce dernier peut bien prendre un certain nombre de mesures, mais si le conseil municipal ne vote pas, dans le budget, les crédits nécessaires à leur mise en oeuvre, le maire ne sera pas plus avancé !

Par conséquent, le Gouvernement a été bien inspiré et a eu raison d'associer en amont le Parlement à sa réflexion. Je ne doute pas un seul instant, d'ailleurs, que telle était sa volonté.

Il faut que nos concitoyens sachent que les réformes que vous engagerez sont le résultat d'un travail effectué en partenariat entre le Gouvernement et le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Faute d'informations statistiques, il est quasiment impossible de savoir combien coûte à la collectivité nationale le maintien des régimes spéciaux. Le débat d'aujourd'hui nous fournit l'occasion d'aborder cette question quelque peu dérangeante.

Les régimes spéciaux, dans leur quasi-majorité, sont avant tout caractérisés par leur insuffisance structurelle de financement et présentent tous des ratios démographiques très défavorables. Leur survie n'est donc possible que grâce à l'apport de ressources extérieures, à hauteur de 60 % aujourd'hui, et de plus encore d'ici à trente ans si l'on n'agit pas maintenant.

Selon le rapport de la Cour des comptes de septembre 2006 sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale, la masse des pensions versées par les régimes spéciaux peut être ventilée en trois composantes : premièrement, les pensions qui seraient versées si les règles d'acquisition et de liquidation des droits à la retraite étaient celles des régimes de droit commun, c'est-à-dire le régime général et les régimes complémentaires ; deuxièmement, les avantages spécifiques liés à leurs règles plus favorables ; enfin, troisièmement, le coût du déséquilibre démographique stricto sensu.

Il n'existe malheureusement encore aucune étude permettant d'évaluer avec précision l'importance relative de ces différents facteurs. Tout juste peut-on indiquer qu'à l'occasion des travaux préparatoires de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières le ministère des finances avait précisé à notre collègue Dominique Leclerc que le surcoût du « chapeau » du régime des IEG s'expliquait grosso modo, pour moitié, par la précocité des départs en retraite et, pour le reste, par le mode de calcul plus favorable des pensions.

La question controversée du coût des régimes spéciaux nécessiterait donc des investigations complémentaires importantes qui font aujourd'hui défaut de la part des statisticiens publics. Nous disposons toutefois de quelques informations absolument incontestables pour en approcher la réalité.

Pour les soixante prochaines années, les engagements de retraite des sept principaux régimes spéciaux s'élèvent à environ 300 milliards d'euros, comme l'a dit tout à l'heure le président Nicolas About. Cette somme se décompose de la façon suivante : 105 milliards d'euros pour la SNCF, 90 milliards d'euros pour les IEG ; 27 milliards d'euros pour les marins, 25 milliards d'euros pour les mines - j'ai cru comprendre qu'on voulait avoir une démarche plutôt prudente vis-à-vis des marins et des mines... -, 23 milliards d'euros pour la RATP et 12 milliards d'euros pour la Banque de France. Vous conviendrez qu'il s'agit d'une somme considérable !

Le président Nicolas About l'a rappelé également, il existe une forte disproportion entre le faible nombre des cotisants - 471 000 pour 24, 4 millions d'actifs, soit 1, 9 % - et la part relative des retraités des régimes spéciaux - 1, 1 million sur un total de 13, 5 millions, soit 8, 1 % - dans la population française. Par conséquent, nous sommes aujourd'hui dans la situation suivante : à l'inverse du régime général, il y a moins d'un actif pour deux retraités dans les régimes spéciaux. Vous comprendrez qu'une telle situation ne peut perdurer. Au fil du temps, le régime général connaîtra également une dégradation.

Le montant des retraites versées par les sept grands régimes va s'accroître : il était de 11, 8 milliards d'euros en 2003 ; le conseil d'orientation des retraites l'estime à 13, 7 milliards en 2020 et à 18, 1 milliards en 2050.

Leur besoin de financement, qui était de 7 milliards d'euros en 2003, passerait à 10, 3 milliards en 2020, 10, 8 milliards en 2040, puis 12, 8 milliards en 2050. À législation inchangée, le recours croissant à la solidarité nationale est donc massif et inévitable.

Au total, il est quasiment impossible de savoir combien « coûte » à la solidarité nationale le maintien de ces régimes. Pour ma part, j'estime intuitivement à 6 milliards d'euros, au minimum, par an, le surplus de prestations versées, par rapport à la situation théorique qui verrait ces assurés sociaux affiliés au régime général et à l'AGIRC - l'ARRCO. Pour vous donner un point de repère, ces 6 milliards d'euros représentent environ la moitié du budget de l'enseignement supérieur en 2006.

Il paraît utile - le bureau et la commission des finances pourraient y réfléchir, monsieur le président du Sénat - de renforcer les moyens budgétaires de la commission des affaires sociales et de la MECSS, afin que nous puissions pousser nos investigations et faire appel à des bureaux d'études, si nécessaire extérieurs, pour mener à bien notre travail et aider le Gouvernement dans la connaissance, aussi précise que possible, de ce que représente le coût des régimes spéciaux dans le budget de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je compte sur vous pour déposer un amendement pendant la discussion budgétaire, afin d'augmenter la dotation du Sénat. Ainsi, vous aurez satisfaction !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je compte aussi sur vous pour me soutenir, monsieur le président, si l'amendement était déposé.

Je suis également convaincu, monsieur le ministre, que nous devons profiter de cette future réforme des régimes spéciaux pour apporter davantage de transparence et améliorer ainsi l'information de l'opinion publique, dont le soutien apparaît déterminant sur ce dossier.

Je propose d'introduire pour ces caisses de retraite l'obligation de publier, dans leurs rapports annuels, différentes données : le niveau des engagements de retraite à moyen et long terme, les principales caractéristiques de la population d'assurés sociaux, la répartition entre ressources propres et ressources extérieures du régime.

De la même manière, le Parlement trouverait utile de disposer de meilleurs indicateurs sur les régimes spéciaux dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, dans le projet de loi de finances, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Ces éléments nous permettraient une comparaison entre les trois fonctions publiques et le régime général sur les âges de départ à la retraite - puisque la fonction publique est la référence -, notamment avant cinquante-cinq ans et soixante ans, sur la pension moyenne des retraités, sur la réalité du cumul emploi-retraite et sur l'espérance de vie des assurés au moment de leur départ en retraite...

Nos concitoyens veulent savoir, ce qui m'apparaît légitime et naturel, comment sont financés les avantages spécifiques des régimes spéciaux en matière de retraite. La réforme que nous sommes sur le point d'engager doit aussi résoudre ce problème.

J'ajouterai un dernier mot sur l'argument de la pénibilité que vous avez évoqué, monsieur le ministre, pour justifier le statu quo. Je ne conteste pas la difficulté du métier des conducteurs de train. Mais, heureusement, leurs conditions de travail n'ont rien à voir avec celles qui prévalaient voilà cent ans ! La pénibilité est une notion évolutive très difficile à prendre en compte objectivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Cela nécessiterait des investigations suffisamment poussées pour que nous puissions avoir une opinion totalement objective sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est comme la pénibilité du métier de paysan !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

La pénibilité a évolué ; elle n'est plus de même nature, monsieur Fischer !

Enfin, j'estime que la remise à plat des régimes spéciaux doit être l'occasion de refonder le système de compensation démographique entre toutes les caisses de retraite. Ce système redistribue chaque année 10 milliards d'euros, notamment en direction de la SNCF, des mineurs et des marins.

Au fil du temps, la complexité de ce mécanisme n'a fait que s'accroître, tandis que l'État en modifiait les règles à plusieurs reprises, en fonction de ses intérêts. Dans un rapport publié en décembre 2006, la MECSS, que je préside, avait proposé de mettre un terme à ces dérives. Nous avions appelé à la mise en extinction progressive, d'ici à 2012, de la « surcompensation », ce mécanisme de transferts entre les seuls régimes spéciaux par le biais du « pompage » des excédents de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, très chère à notre collègue Domeizel !

Nous avions aussi souhaité un moratoire sur le mode de fonctionnement actuel des mécanismes de la compensation démographique entre tous les régimes sociaux. Sur ce sujet, à nouveau, il serait légitime d'introduire l'obligation d'une information préalable des commissions parlementaires compétentes avant tout changement de règles.

Je serais même favorable à ce qu'une modification des règles de la compensation démographique ne puisse intervenir que dans la loi de financement de la sécurité sociale. Il faut tirer tous les enseignements des réformes constitutionnelles que nous avons engagées et donner à la loi de financement de la sécurité sociale le rôle souhaité par le constituant. Voilà, mes chers collègues, une dimension « collatérale » de la réforme des régimes spéciaux.

En 2003, on s'en souvient, notre majorité avait fait le choix politique de laisser de côté les régimes spéciaux. Cette décision s'expliquait par le traumatisme des grèves de 1995 et par le fait que notre priorité était alors d'assurer le succès du socle de la réforme des retraites. La loi du 21 août 2003 prévoit une clause de rendez-vous pour prendre les mesures d'ajustement qui s'imposent. Ce débat, prévu en 2008, aura été précédé par la réflexion que nous ouvrons ce matin sur les régimes spéciaux. Il appartiendra au Gouvernement de la mettre en oeuvre et au Parlement d'y contribuer.

Mes chers collègues, tels sont les éléments d'information que je souhaitais livrer à votre réflexion.

Monsieur le ministre, je tiens à vous assurer de notre soutien pour cette réforme ambitieuse, qui ne sera certainement pas facile à réaliser. Mais je suis persuadé que l'opinion publique est convaincue de sa nécessité. Bien entendu, certains continueront de s'y opposer, mais c'est l'intérêt général qui doit primer dans notre pays.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chaque groupe dispose d'un temps de parole de trente minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Alain Gournac.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier le Gouvernement d'avoir inscrit à l'ordre du jour de nos travaux ce débat sur les régimes spéciaux. L'occasion nous est aujourd'hui donnée d'affirmer avec force la nécessité du changement dans un domaine où les réformes sont plus que jamais nécessaires.

Le Gouvernement prouve ainsi sa volonté de résoudre les difficultés liées au financement de nos retraites dans un esprit de transparence et de concertation la plus large possible.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, le Sénat a beaucoup travaillé, et ce depuis longtemps, sur la difficile question des retraites. Examinons ce qui a été fait.

Notre majorité peut être fière des décisions courageuses et parfois impopulaires, mais nécessaires, qu'elle a prises depuis l'apparition du problème. Dès 1993, nous avons voté la loi présentée par le gouvernement d'Édouard Balladur visant à réformer le régime général et les régimes dits « alignés ». Cette loi a permis de porter progressivement de 37, 5 annuités à 40 annuités la durée des cotisations nécessaire pour percevoir une retraite à taux plein.

Dix ans plus tard, notre majorité a également approuvé la loi présentée par François Fillon, alors ministre des affaires sociales. Grâce à ce texte, nous avons préservé la retraite par répartition et accompli un pas décisif vers l'égalité entre les salariés du privé et du public en harmonisant la durée de cotisation, fixée à quarante ans pour tous.

La loi portant réforme des retraites de 2003, fruit d'une ferme volonté politique partagée par le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et notre majorité, est un motif de fierté pour cette dernière, qui a prouvé qu'elle voulait prendre à bras-le-corps les problèmes qui engagent l'avenir de la nation.

Ces réformes, qui étaient nécessaires, ont commencé à porter leurs fruits. Les Français savent que le financement de leur retraite est assuré et que le principe de la répartition est sauvé. Nous devons désormais garder le cap pour asseoir la pérennité de ce régime.

Les évolutions déjà engagées doivent donc être prolongées dans l'esprit volontariste de la loi de 2003, qui prévoyait une reprise de la concertation en 2008, c'est-à-dire l'année prochaine.

Des actes forts sont indispensables, afin de poursuivre l'oeuvre de redressement entreprise et d'aboutir à une vraie égalité de condition entre tous les salariés français.

Oui, la réforme s'impose ! Ne rien faire nous exposerait à être les victimes des mutations démographiques qui s'annoncent. Si nous ne pouvons que nous réjouir de l'allongement de l'espérance de vie moyenne des Français, qui traduit le haut niveau de développement de notre pays, une telle évolution a pour conséquence, en l'état actuel de la fécondité, le vieillissement de la population française : la proportion de personnes âgées de plus de soixante ans devrait passer de 21 % de la population totale, en 2005, à 27, 3 %, en 2020, et celle des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans de 16, 6 % à 21 %.

En 2050, suivant le scénario de base de l'INSEE, plus d'un tiers de la population aura plus de soixante ans. Le poids des actifs au sein de la population totale est appelé à décroître.

L'âge moyen de cessation d'activité des salariés est, dans notre pays, l'un des plus faibles de tous les pays industrialisés. Dans le même ordre d'idées, le taux d'activité des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans atteint, en 2006, 37, 6% dans notre pays, contre 45, 3 % dans l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Ce sont des statistiques ! Il faut notamment prendre en compte la part des femmes qui travaillent ! Vous enfilez des perles !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

D'une part, ce taux est très éloigné de l'objectif de 50 % fixé à l'horizon 2010 dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. D'autre part, et surtout, ces chiffres prouvent que notre système actuel décourage le travail des quinquagénaires et des sexagénaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

C'est un vrai scandale, que le Président de la République n'a d'ailleurs pas manqué de dénoncer avec force dans le discours qu'il a prononcé dans les locaux de notre assemblée le 18 septembre dernier, devant l'Association des journalistes de l'information sociale.

Si aucune mesure nouvelle n'est prise, la proportion des actifs au sein de la population française aura tellement diminué que la charge financière qui pèsera sur eux deviendra insupportable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Les bénéfices des entreprises qui sont cotées au CAC 40 continuent d'exploser !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Seule une politique volontariste peut prévenir la dégradation qui s'annonce. C'est pourquoi il est de notre devoir de favoriser l'augmentation du taux d'emploi pour assurer la viabilité de notre système de protection sociale, auquel, nous le savons, les Français sont très attachés.

La préservation de nos grands équilibres sociaux et économiques passe nécessairement par l'allongement de la durée de cotisation, y compris pour les actifs qui relèvent actuellement des régimes spéciaux.

Oui, il est urgent d'agir ! En effet, la Cour des comptes, dont personne ne pourra contester l'objectivité, recommandait, dès septembre 2006, la réforme de ces régimes, en mettant en oeuvre les principes inscrits dans la loi de 2003.

L'âge de la retraite est précoce dans les régimes spéciaux en raison des bonifications d'annuités. À la SNCF, l'âge de départ à la retraite est fixé à cinquante-cinq ans. Mais, grâce aux bonifications d'annuités liquidables, accordées en raison de la nature des emplois occupés, le départ à la retraite peut être anticipé de cinq ans.

De plus, ces régimes ont conservé la règle des 37, 5 annuités nécessaires pour liquider la retraite à taux plein. Quelle que soit la durée de la carrière validée, le taux d'annuité est garanti - 2 % -, alors que, dans le régime général, la durée de cotisation est de 40 annuités.

Il résulte de cette situation un déséquilibre financier. Certains des déficits engendrés, comme celui de la SNCF, qui atteint 3 milliards d'euros, sont compensés en partie par l'État. Mais qui les finance ? Ce sont les salariés du régime général ! Il s'agit non pas de stigmatiser telle ou telle profession, telle ou telle entreprise, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

... mais de chercher l'équité entre salariés.

Mes chers collègues, vous le savez, le Président de la République a réaffirmé de façon ferme et précise son engagement à traiter la question des régimes spéciaux. Nous devons agir pour permettre le respect de cet engagement. C'est une question de cohérence politique et de justice. Le vote des Français nous oblige.

Bien sûr, une phase de concertation est un préalable à cette réforme, et il n'a jamais été question de la refuser. Nous savons que la solidarité nationale doit être fondée sur la transparence. Vous l'avez d'ailleurs prouvé, monsieur le ministre, puisque c'est sous votre autorité qu'un dialogue de fond a été engagé, dès le 19 septembre dernier, avec les partenaires sociaux. Vous n'avez d'ailleurs pas manqué de rappeler que certains métiers, tel celui de marin pêcheur, dont la pénibilité est toujours aussi forte, ne seraient pas concernés par la réforme. Ce n'est que justice !

J'en suis sûr, mes chers collègues, notre majorité est déterminée à agir, tant pour parvenir à l'égalité entre tous les salariés que pour permettre à tous les futurs retraités de bénéficier d'une retraite à taux plein.

Nous devons prendre nos responsabilités et compenser le basculement démographique annoncé en augmentant l'activité pour tous les salariés, et tout particulièrement en favorisant l'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq ans et plus.

Des mesures ont été prises dans le cadre de la réforme des retraites engagée en 2003 et du plan national d'action concerté pour l'emploi des séniors élaboré en 2006. Elles devront évidemment être poursuivies et amplifiées.

D'ores et déjà, le Gouvernement a inscrit des dispositions dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 afin d'encourager le travail et la prolongation d'activité des séniors et d'inverser la logique infernale qui incite les employeurs à se débarrasser de ces salariés et décourage les intéressés à reprendre un travail.

Monsieur le ministre, nous soutiendrons le Gouvernement dans sa volonté de réforme parce que nous sommes conscients de notre responsabilité devant les Français et convaincus qu'il est urgent d'agir.

Le groupe de l'UMP aidera le Gouvernement dans ses choix responsables et volontaires pour tenir les engagements pris par le Président de la République devant les Français.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Il aura fallu attendre une heure et demie pour que l'opposition puisse s'exprimer sur ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'instauration du service minimum en juillet dernier, la privatisation de GDF au 1er septembre et l'annonce, le week-end suivant, de la réforme des régimes spéciaux, ceux-ci sont désormais dans le collimateur du Gouvernement.

Monsieur le ministre, voilà quelques jours à peine, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la recodification du code du travail, vous vous présentiez de manière fort péremptoire comme le champion du « dialogue social », ...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

... allant jusqu'à nous affirmer que vous ne saviez pas réformer sans négocier !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je me souviens même que vous nous mettiez, ma collègue Annie David et moi-même, au défi de prouver le contraire.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En précipitant ainsi le débat parlementaire, alors même que les discussions avec les partenaires sociaux ne sont pas closes et qu'elles auraient, de toute évidence, mérité plus que les quinze jours gracieusement accordés par le Président de la République - mais vous venez de nous dire que, en fait, elles prendraient tout le mois d'octobre -, vous me donnez aujourd'hui l'occasion de prouver que vous n'êtes pas l'homme de dialogue que vous disiez être.

Dialoguer, monsieur le ministre, ce n'est pas seulement informer les autres ; c'est prendre le temps de l'écoute, auquel succède celui de l'échange, puis des propositions concrètes, des discussions et des éventuelles modifications.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous confondez écoute, concertation et négociation ; c'est bien dommage ! En fait, vous pratiquez la politique du fait accompli !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Par ailleurs, nous n'avons pas la mémoire courte. Je me souviens, comme si c'était hier, d'une séance du Sénat, que je présidais, le 5 juillet 2004. Notre assemblée examinait - déjà en urgence, et en plein été - le projet de loi destiné à adapter la forme juridique d'EDF et de GDF à l'ouverture du marché à la concurrence. M. Nicolas Sarkozy, alors ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait tenu les propos suivants :

« J'en viens maintenant aux garanties sociales.

« Je le redis avec force : le statut des agents, défini en 1946, sera maintenu. Son champ d'application - production, transport, distribution, commercialisation - ne sera pas modifié ; les agents concernés - les retraités, les présents dans l'entreprise, les futurs embauchés - et son contenu - les dispositions relatives à la garantie de l'emploi, les prestations et les oeuvres sociales - seront maintenus.

« La réussite d'EDF et de Gaz de France est aussi le fruit d'une histoire sociale qu'il nous faut prendre en compte et respecter. »

Voilà ce que disait, ce jour-là, M. Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est donc dans la précipitation de la consultation des partenaires sociaux et de la représentation nationale que s'ouvre le débat sur la « réforme » des régimes spéciaux.

Vos méthodes, monsieur le ministre, en disent long sur vos objectifs. L'émoi suscité par les propos du Premier ministre, qui annonçait, sur un plateau de télévision, que la réforme des régimes spéciaux de retraite était prête, aisée à mettre en oeuvre et attendait le feu vert du Président de la République pour être lancée, était donc fondé.

À juste raison, les organisations syndicales ont dénoncé cette nouvelle provocation, cette négociation « à froid », considérant qu'une telle « réforme » n'était pas facile - mais j'y reviendrai - et méritait pour le moins un débat.

Or, que nous proposez-vous aujourd'hui ? Une communication gouvernementale anticipée d'une semaine, au pas de course, qui ne fera pas l'objet d'un vote, et ce alors même que les organisations syndicales exigent un délai de réflexion plus long.

Je tiens à vous avertir : ce qui pouvait apparaître, hier encore, comme des fautes de parcours est, en fait, un réel mode de gouvernement. C'est inacceptable, et vous ne le savez que trop !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

D'ailleurs, pour mieux comprendre votre conception du dialogue social, il suffisait de lire dans le journal Le Monde du 18 septembre dernier les propos suivants, tenus par le conseiller social du Président de la République : « L'action gouvernementale doit s'appuyer sur le dialogue social, mais celui-ci ne doit pas être organisé dans des calendriers tels qu'ils feraient obstacle à l'action ».

Or, aujourd'hui, vous nous confirmez que la réforme des régimes spéciaux sera bouclée d'ici au 31 décembre !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

On va y venir au projet communiste ! On finira bien par avoir des propositions !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Cela n'est pas sans me rappeler les méthodes scandaleuses utilisées en 1995 par la majorité RPR de l'époque, visant à priver la représentation nationale, et particulièrement le Sénat, d'un débat digne de ce nom. Débordés par les manifestants, vous aviez finalement été contraints de reculer !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous abordez aujourd'hui le même sujet, à savoir l'alignement des régimes spéciaux sur le régime général. J'évoque ce dernier, mais, en réalité, vous vous êtes dit qu'il valait mieux les aligner, d'abord, sur celui de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

L'alignement sur le régime général, c'est votre proposition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Leclerc, quant à lui, va droit au but en disant qu'il ne faut pas perdre de temps et qu'il convient d'aligner les régimes spéciaux sur le régime général !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Laissez M. Fischer s'exprimer ! Cela fait deux heures que l'opposition attend de pouvoir intervenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous tentez de reprendre les mêmes techniques de contournement du débat démocratique ; c'est inacceptable !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et vous, quelle est votre proposition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le MEDEF, si prompt à ouvrir le débat sur les régimes spéciaux, ne semble pas pressé d'entamer celui de la pénibilité. On comprend pourquoi !

Vous nous proposez donc, aujourd'hui, d'aligner la durée de cotisation des régimes spéciaux sur la disposition en vigueur dans la fonction publique, en la faisant passer de 37, 5 à 40 annuités, puis - le Premier ministre l'a clairement annoncé - à 41 annuités dès 2008.

Dès lors, monsieur le ministre, je vous pose une première question : comment tiendrez-vous parole ? Vous avez dit hier que vous réformiez en 2007, mais que vous ne toucheriez absolument pas aux régimes spéciaux en 2008. Ces derniers seront-ils donc exonérés ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Non ! J'ai été très clair à ce sujet tout à l'heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Permettez-moi de poursuivre mon propos, afin de respecter mon temps de parole !

La protection sociale connaît de grandes difficultés financières depuis plusieurs décennies et des réformes d'ampleur sont donc nécessaires. En effet, nous ne pouvons nous satisfaire du déficit de la sécurité sociale, estimé à 12 milliards d'euros pour 2008. Sous la droite, c'est un déficit record et même historique. Il faut remonter à 2004 pour retrouver un niveau comparable ! Le déficit cumulé de la sécurité sociale sur cinq ans s'élèvera ainsi à 42 milliards d'euros.

Mais, contrairement aux propos du Président de la République, nous ne considérons pas que les bénéficiaires des régimes spéciaux en soient la cause ou l'origine. Leur stigmatisation est inacceptable !

Certes, les régimes spéciaux sont déficitaires, à hauteur de 5, 1 milliards d'euros. Mais, de manière plus générale, les difficultés de la protection sociale sont dues aux politiques économiques menées ces dernières années. D'ailleurs, l'échec de celle qui est conduite par le Gouvernement se confirme, et se confirmera en 2008.

Le déficit de la sécurité sociale est dû aux politiques de l'emploi, qui n'ont de cesse de casser l'emploi stable au bénéfice des contrats précaires que votre majorité crée pour satisfaire le patronat.

Mme Michelle Demessine approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Cela est particulièrement vrai dans les entreprises publiques, notamment celles qui sont concernées par les régimes spéciaux. Le cas est patent à la SNCF, où les gains de productivité dus à l'évolution des technologies n'expliquent pas, à eux seuls, la diminution du nombre de cheminots, qui est passé de 470 000 à 160 000 !

Le déficit de la sécurité sociale est dû également à l'accroissement du temps partiel imposé - particulièrement aux femmes -, qui diminue considérablement l'assiette des cotisations.

Il est dû, enfin, aux nombreux cadeaux fiscaux en direction des plus riches que votre gouvernement multiplie, à l'image du bouclier fiscal voulu par le MEDEF, promis par M. Sarkozy, exécuté par M. Fillon.

Pour mémoire, ce sont 14 milliards d'euros qui ont été dilapidés pendant l'été, soit presque, euro pour euro, le montant du déficit annuel de la sécurité sociale.

Ce chiffre est à rapprocher des 38 milliards d'euros d'exonérations fiscales offertes en 2007 au patronat et aux spéculateurs. Cela correspond à l'élargissement du bouclier fiscal, qui ne concerne que les 245 000 foyers les plus riches, sur 35 millions de foyers fiscaux recensés dans notre pays.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C'est faux ! Lisez l'éditorial de Jacques Marseille dans Le Point !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ceux-là recevront un chèque de 85 000 euros de réduction d'impôts. La mesure coûtera 1, 4 milliard d'euros par an. Voilà la vérité !

Je citerai encore la suppression quasi totale de l'impôt sur la fortune, la suppression des impôts locaux pour les plus riches, la suppression des droits de succession pour 4 % des Français les plus aisés...

Il est bien évident que tous ces cadeaux fiscaux de l'été vont réduire les marges de manoeuvre de l'État et accroître le déséquilibre budgétaire, sans compter, bien entendu, qu'ils vont accentuer les inégalités, et ce d'autant que la croissance n'est pas au rendez-vous. La réduction des dépenses publiques est, plus que jamais, à l'ordre du jour et le présent débat y est lié.

En juillet dernier, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Eric Woerth, annonçait qu'il faudrait à la France une croissance de 3 % pour réduire sa dette afin de la ramener au-dessous de 60 % du produit intérieur brut dès 2010 et annuler le déficit des finances publiques. Il tablait sur une croissance comprise entre 2, 25 % et 2, 5 % pour 2007, et d'environ 2, 5 % pour 2008.

Or, selon de nombreux économistes, on enregistrerait plutôt une dégradation des finances publiques en raison du coût du « paquet fiscal », d'une croissance inférieure aux prévisions gouvernementales, des taux d'intérêt croissants, ce qui alourdit la charge de la dette, sans parler de la crise du secteur de l'immobilier.

Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, admettait lui-même que, à 2, 5 % de croissance, on passe ; à 2 %, on aura des problèmes, et à 1, 7 % - comme cela se profile -, les difficultés s'accroîtront. Telle est la réalité !

Cette faillite a des causes que nous ne cessons de dénoncer, à savoir des cadeaux fiscaux et l'allégement du coût du travail. Elle est également instrumentalisée, afin de faire accepter des mesures d'austérité qui seraient dictées par la conjoncture mondiale.

Je veux vous démontrer non seulement que les régimes spéciaux ne sont pas à stigmatiser, mais que le fait d'isoler leur réforme est une aberration et une tromperie. En effet, derrière ces régimes, c'est bien l'ensemble de la protection sociale que vous souhaitez attaquer.

En 2007, nous assisterons à l'alignement des régimes spéciaux sur le régime de la fonction publique, avec l'allongement de la durée de cotisation de 37, 5 à 40, puis à 41 annuités, l'indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires et, enfin, la création d'une décote ou d'une surcote et le calcul du taux de remplacement sur les six derniers mois.

Telle est, résumée, la réforme que vient de définir M. le ministre.

Mais MM. Leclerc et Vasselle, ainsi que M. le président de la commission disent que cela ne suffit pas, qu'il faut aller plus loin et demander encore plus d'efforts au plus grand nombre.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Dans un second temps - que l'on pourrait qualifier de « second coup de fusil » - votre projet concerne la réforme des retraites dans son ensemble.

Je citerai un taux, tout d'abord : 90 % du financement de la réforme des retraites reposent sur les seuls salariés. En effet, la part des cotisations patronales dans la masse salariale n'a cessé de diminuer, les allégements passant de 1 milliard d'euros en 1993 à 25, 6 milliards d'euros en 2007. Dans le même temps, le pouvoir d'achat des retraites a baissé de près de 15 %.

A ce stade du débat, je remarque l'absence de l'ensemble des sénateurs du groupe UMP !

Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Regardez, c'est saisissant ! Il n'y a plus un sénateur de l'UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Oui, ils sont tous partis ! C'est le signe du mépris le plus total !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.Il y en a un, là !

M. le président de la commission désigne son voisin, M. Dominique Leclerc, rapporteur.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est scandaleux, monsieur le président de la commission !

Je poursuis tout de même mon propos. Quant aux retraites complémentaires, l'application des accords de 1996-2003, que seule la CGT a refusé de signer, fait que l'évolution de la valeur du point de retraite est indexée sur les prix, tandis que le prix d'achat d'un point de retraite est indexé sur les salaires. Ainsi, pour le même salaire, le nombre de points attribués diminue d'année en année.

Enfin, dernière étape de votre projet, la casse annoncée de la sécurité sociale et du système de retraite par répartition.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. La philosophie des réformes engagées par le Gouvernement est de favoriser le basculement d'une logique de solidarité vers un régime d'assurance, le passage d'un droit collectif à un droit individuel.

C'est vrai ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

De même qu'il faudra cotiser individuellement pour garantir son accès aux soins, de même M. Sarkozy ne s'est pas caché, dans son discours du 18 septembre au Sénat, de vouloir inciter les Français à garantir leur éventuelle future dépendance ou leur retraite par des placements financiers.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 n'augmente-t-il pas les retraites de 1, 1 % - vous voyez l'aumône ! -, alors que l'inflation prévue s'établit d'ores et déjà à 1, 6 % ?

Les parlementaires communistes sont favorables à une réforme des systèmes de retraites, comme à celle de la sécurité sociale dans son ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ainsi, ils souhaitent une réelle réforme, qui ne diminue pas les droits, mais, au contraire, les garantisse et les élève.

Cette réforme nécessaire que, par idéologie, vous refusez d'appliquer, laissez-moi vous en esquisser les premiers traits.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Il faudra bien, compte tenu de l'évolution de la démographie de notre pays, donner la priorité aux besoins humains. Oui, il faut les faire passer avant la logique financière qui, à ce jour, a caractérisé les plans de financement de la sécurité sociale et a fait des budgets sociaux des variables d'ajustement de votre politique libérale, notamment en matière d'emploi.

Nous proposons le retour aux 37, 5 annuités pour ouvrir droit à une retraite pleine et entière.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Pourquoi ne pas profiter du développement exponentiel des technologies et du fort accroissement de l'espérance de vie ? Faut-il revenir à la situation qui était celle de la fin du xixe siècle ? Faut-il revenir au travail jusqu'à soixante-cinq ou soixante-dix ans pour les populations les plus modestes ?

Il conviendra de revoir l'ensemble des dispositions antisociales prises par les gouvernements de droite, qui rendent de plus en plus virtuel le départ à la retraite à soixante ans.

Pour ce faire, nous voulons confirmer le droit à partir en retraite à l'âge de cinquante-cinq ans pour celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt en confortant le système de la « carrière longue », que M. Fillon souhaite remettre en cause, afin de permettre notamment la modification de la règle des cent soixante-huit trimestres validés.

Il nous faudra aussi tenir compte de l'exigence des jeunes qui, poursuivant de longues études, entament tardivement leur carrière professionnelle. Nous proposons que leurs années d'études et de formation après dix-huit ans soient prises en compte.

En effet, en moins de trente ans, le début de la vie professionnelle a reculé de près de sept ans, et de neuf ans pour ce qui est de l'intégration dans un premier emploi stable. Cela rend impossible la validation de cent soixante trimestres à l'âge de soixante ans. Parce qu'il s'agit là de l'une des conséquences de la précarisation du travail, il faudra, par équité envers les plus jeunes, y revenir.

Le problème majeur de notre société, c'est l'explosion de la précarité, qui touche essentiellement les femmes et les jeunes. §

Mais il faut également, et de manière urgente, revaloriser substantiellement l'ensemble des retraites, qui n'ont cessé de diminuer. Cela passe par leur réindexation sur l'évolution des salaires bruts. Il s'agit de mettre fin au désastre causé par l'indexation des retraites sur les prix hors tabac, qui a pour conséquence d'appauvrir les retraités.

Le Comité national des retraités et des personnes âgées estime d'ailleurs que, entre 1993 et 2005, l'évolution des retraites a été inférieure de 14 % à celle des salaires, précisément en raison de leur indexation sur les prix.

Cette réalité, vous ne pouvez la nier. C'est le vécu de millions de retraités, ceux que Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait qualifiés de « peuple d'en bas ».

Il existe, mes chers collègues, une véritable paupérisation des retraités. L'urgence est donc de garantir la retraite totale - retraites de base et complémentaire - à 75 % du salaire moyen des dix meilleures années de carrière, avec un minimum au moins égal au SMIC.

Il faut également poursuivre les efforts entamés en 1997 en faveur des régimes de retraite agricole en revalorisant la retraite totale du chef de l'exploitation à un niveau égal à 75 % du SMIC brut, en instaurant la parité du montant de la retraite des conjoints et des conjointes avec celle du chef de l'exploitation et en supprimant les coefficients de minoration.

S'agissant des fonctionnaires, nous proposons de rétablir les droits prévus par le code des pensions avant le plan Fillon, et même de les améliorer. En l'espèce, MM. les rapporteurs ont fait un certain nombre de propositions.

Avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, je réclame que le montant des pensions soit fixé sur la base de 75 % du traitement des six derniers mois d'activité.

Il faudra également inclure les primes et les indemnités au traitement indiciaire de base, rétablir totalement les bonifications pour enfant, supprimer les décotes pour carrière incomplète, qui pénalisent particulièrement les femmes. C'est un problème d'actualité.

Tout cela suppose, monsieur le ministre, de prendre la mesure de l'enjeu de société qui s'annonce. Il faut rompre définitivement avec la logique comptable qui anime votre politique et qui vous conduit à ignorer les besoins des Français. La solution est évidente ; elle consiste à donner à la protection sociale les moyens financiers suffisants pour lui permettre d'assumer l'ensemble de ses missions et de satisfaire tous les besoins.

Pour ce faire, nous nous prononçons pour la mise à contribution des revenus financiers et spéculatifs des entreprises et des banques. Pour nous, tous les revenus du travail doivent être concernés, car il ne saurait y avoir, d'un côté, les salariés contributeurs et, de l'autre, les plus riches qui ne participeraient pas.

Redonner à la sécurité sociale les moyens de ses ambitions passe également par le remboursement de la totalité des dettes qu'a l'État envers elle, par la suppression des exonérations de cotisations sociales et par la fin de votre politique de cadeaux fiscaux, qui n'ont eu pour seules conséquences que de l'appauvrir, de tirer les salaires « vers le bas » et d'épargner les bénéfices des entreprises.

Vous comprendrez d'ailleurs notre grand contentement lorsque, à la lecture du rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, nous avons découvert que son président, qu'on ne peut soupçonner de partager les conceptions de notre groupe, propose justement de taxer les stock-options et les parachutes dorés. S'adressant à la presse lors de la présentation de ce rapport, Philippe Seguin recommandait, en effet, « la suppression ou le plafonnement de l'exonération sur les stock-options », en précisant que les « cinquante premiers bénéficiaires devraient toucher une plus-value de plus de 10 millions d'euros chacun sur les options attribuées en 2005. » Il ajoutait que pour ces seuls bénéficiaires, « les cotisations manquantes s'élèvent à 3 millions d'euros. »

Votre seule réponse consiste à réduire les dépenses alors même que la priorité devrait être à l'accroissement des recettes. La solution, c'est l'élargissement de l'assiette de cotisations, une alternative crédible reprise là encore par M. Seguin, qui précise, concernant les stock-options, qu'ils constituent « un complément de salaire au versement différé ou une incitation à l'actionnariat et [qu'ils] sont donc bien un revenu lié au travail, donc normalement taxable. » §

J'en reviens à ma question initiale : pourquoi une telle précipitation ? Il s'agit, en fait, de dissimuler les échecs de votre propre politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est un habile effet de manches visant à dissimuler l'échec du plan Fillon, qui devait, je vous le rappelle, conduire à l'équilibre de la branche retraite de la sécurité sociale. Or, les chiffres prouvent qu'il n'en est rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Quelle conséquence tirez-vous de cet échec ? Aucune ! Vous persistez à vouloir mettre les seuls salariés à contribution tout en épargnant les entreprises, et ce alors même que les bénéfices de celles qui sont cotées au CAC 40 continuent d'exploser.

Monsieur le ministre, il semble clair à l'ensemble de la représentation nationale que votre politique systématique d'appauvrissement de la sécurité sociale, de culpabilisation des affiliés, de suspicion et d'opposition entre les Français n'a qu'un seul objectif : préparer l'après-sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous devez, par respect pour les Français, annoncer votre projet réel et dire enfin ce que vous souhaitez faire.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Sauver le régime par répartition !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous souhaitez, en fait, la fin du régime par répartition au bénéfice d'un régime par capitalisation qui ferait la part belle au secteur privé et assurantiel.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Est-ce là ce que vous proposez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

De même, vous souhaitez fiscaliser entièrement le financement de la protection sociale au moyen de la TVA sociale - ou de ce que l'on pourrait appeler la TVA sur le travail. Ainsi, la mise en place des franchises médicales, l'appel aux mutuelles complémentaires, la création des plans d'épargne retraite et l'annonce de la création d'une cinquième branche couvrant le risque de la dépendance, dans laquelle le privé sera fortement mis à contribution, sont autant de signes de votre coupable projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est d'ailleurs ce qu'esquissait la loi Fillon du 21 août 2003 portant réforme des retraites qui offre aux plus riches la possibilité de se constituer des compléments de retraite par capitalisation grâce à des exonérations fiscales massives. Le dispositif issu de cette loi, qui ne connaît qu'un faible succès, vise à ajouter à la retraite perçue une rente viagère qui correspond à l'épargne réalisée par l'adhérent.

C'est cela que vous voulez généraliser à l'ensemble des salariés. Je ne parle pas de ceux qui sont titulaires des minima sociaux ou de ceux qui perçoivent un salaire proche du SMIC. Votre projet s'inscrit dans la perspective de la fin d'un système par répartition au bénéfice d'un système par capitalisation.

Mais pourquoi un tel empressement ? Quelle est cette situation si indigne qu'elle provoque une telle précipitation de votre part ?

Les régimes spéciaux, qui ne se limitent pas aux seuls régimes de retraite, ont une histoire. Ils sont la résultante d'une réalité sociale marquée par la construction progressive d'un régime solidaire fondé sur la répartition et la solidarité intergénérationnelle.

Ils sont le fruit de luttes courageuses menées par des milliers d'hommes et de femmes attachés à leur outil de travail et à leur développement.

Ils traduisent en outre la reconnaissance de la nation envers le service public et ses agents, sur lesquels pèsent des contraintes particulières et qui remplissent leur mission spécifique avec attachement, qualité et dévouement. Car c'est aussi de cela qu'il nous faudra parler.

Comment évoquer les régimes spéciaux en éludant la question des agents ? Derrière un statut particulier se trouvent des hommes et des femmes. Je vous rappelle, à cet égard, le formidable travail réalisé par les agents d'EDF au lendemain des tempêtes de décembre 1999.

Avant 1945, les régimes considérés comme spéciaux ne l'étaient pas, car ils n'existaient pas en raison de l'opposition du patronat à un véritable régime de protection sociale. Il faudra attendre 1945, la fin de la guerre et l'application du programme national de la Résistance pour qu'enfin tous les salariés de notre pays aient droit à un régime de protection fondé sur la solidarité intergénérationnelle et sur la répartition qui offre un salaire de substitution une fois l'âge de la retraite venue, en cas de maladie ou d'accident, ou bien lors d'une naissance. Ce système fut d'ailleurs gravé dans le marbre de la Constitution.

C'est à cela que voudrait s'attaquer le Gouvernement, désirant progressivement abandonner les risques malheureux- accidents, maladies - pour n'assurer que les risques heureux, telle la grossesse. Et encore, dans quelles conditions ? Je vous renvoie à votre refus récent et rétrograde d'allonger le congé de maternité de trois semaines...

D'ailleurs, la proposition du Président de la République de créer une cinquième branche couvrant le risque de la dépendance ne dupe personne...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

...puisque, simultanément, il en appelle au privé pour être imaginatif et proposer des placements fiscalement intéressants.

Aujourd'hui, les régimes spéciaux de retraite concernent 1, 6 million de personnes, actifs et retraités confondus. Ce serait donc pour 1, 1 million de retraités sur 14 millions et pour 500 000 actifs - soit 2 % de tous les actifs - qu'il faudrait agir de la sorte, précipiter le débat, défier les syndicats ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Il me semble important de rappeler ici quelques vérités sur les régimes spéciaux. À cette fin, je prendrai deux exemples : celui de la SNCF et celui des industries électriques et gazières.

Mes chers collègues, contrairement à ce que nous avons pu entendre ici ou là, les salariés de la SNCF ne sont pas les nantis de notre République.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Environ 60 % des retraités de la SNCF touchent une pension de 1 100 euros. Si, dans le privé, le taux de remplacement est globalement égal à 73 %, il est égal à 66 % chez EDF et à 63 % à la SNCF. Quelle en est la raison ? Elle réside dans des salaires bas, parfois inférieurs au SMIC, complétés par des primes qui ne sont pas prises en compte dans le calcul des droits à la retraite.

Le Gouvernement voudrait également faire croire que les régimes spéciaux coûtent aux assurés sociaux, n'hésitant pas à stigmatiser ces agents. Mais, en réalité, c'est bien votre projet de réforme qui ferait payer les assurés sociaux, monsieur le ministre ! Aujourd'hui, ces régimes sont autonomes, à l'image de celui des industries électriques et gazières, qui, ne se contentant pas d'être en strict équilibre, dégage un excédent de près de 300 millions d'euros et participe à la compensation démographique.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Certes, le régime de retraite de la SNCF est déficitaire, mais pour deux raisons. D'une part, la diminution importante du nombre de salariés a conduit à une diminution concomitante du nombre d'actifs et, par conséquent, du nombre de cotisants. D'autre part, il souffre d'un déficit démographique. C'est cela que vient compenser l'État - et rien d'autre - à hauteur de 4 milliards d'euros.

Ce que vous n'avez pas dit, monsieur le ministre, c'est que ce dispositif est fondé sur le strict principe de solidarité qui s'applique également au régime général, et ce en vertu d'un règlement européen de 1969. Pour mener à bien vos projets, il vous faudra nécessairement modifier ce règlement, qui concerne toutes les entreprises ferroviaires européennes.

D'où cette question, monsieur le ministre : entendez-vous, en fait, réformer les régimes spéciaux ou bien les droits spécifiques attachés aux agents bénéficiant des régimes spéciaux ? Cette distinction n'est pas neutre. J'ai bien peur, pour ma part, que vous ne fassiez ce dernier choix.

En fait, les régimes spéciaux participent à hauteur de 47 % à la compensation, là où le régime général y participe pour 46 %. Les principaux bénéficiaires de cette compensation sont les exploitants agricoles à hauteur de 70 %, les commerçants et artisans à hauteur de 24 % et les régimes spéciaux à hauteur de 7 % seulement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

D'ailleurs, l'examen de l'origine des produits de la caisse de retraite de la SNCF apporte un éclairage particulier : les cotisations des cheminots et de la SNCF représentent 38 % de ces produits contre 54 % pour la contribution de l'État au titre du déficit démographique, la compensation et la surcompensation n'en représentant que 7 %.

Le régime spécial de la SNCF, contrairement à vos dires, ne vit pas des financements issus des autres régimes et du régime général. Au contraire, les régimes spéciaux participent largement au financement d'autres caisses, comme nous l'avons démontré. Voilà la réalité ! Voilà ce que, dans votre précipitation, vous souhaitez taire !

À écouter les propos de M. Fillon, de M. Sarkozy et même les vôtres, monsieur le ministre, on pourrait croire qu'il s'agit là d'une réforme capitale, commandée par la morale, l'équité et la justice. En entendant M. le Président de la République exprimer son sentiment d'indignation et son désir d'équité pour la conduite de ses réformes, j'ai cru un instant qu'il s'agissait d'une remise à plat de notre système fiscal, qu'il était question de la mesure tant attendue par l'opposition pour supprimer tous vos cadeaux fiscaux. Il n'en est rien ! Votre cible, ce sont les régimes spéciaux.

Les agents concernés par ces principaux régimes - ils appartiennent à la SNCF, à la RATP et aux IEG - bénéficient, en résumé, de trois mesures favorables : une durée de cotisation plus courte, des possibilités de départ à la retraite anticipée et le calcul de la retraite sur les six derniers mois de salaire. Pour autant, ces acquis ne sont pas sans contrepartie.

Ce qui est indigne, pour vous, c'est le droit à la retraite à cinquante-cinq ans accordé à des agents qui n'ont de cesse de faire évoluer leurs entreprises jusqu'à les rendre « leaders » au niveau européen, voire mondial. En voulant supprimer cette disposition, vous feignez d'ignorer le mode spécifique de calcul de la durée de cotisation. Je vous rappelle que, dans les régimes spéciaux, seuls les trimestres strictement cotisés sont pris en compte.

Ce qui est indigne pour vous, c'est le droit pour des hommes et des femmes de bénéficier d'une retraite à cinquante-cinq ans en raison de la pénibilité de leur profession. Je vous entends déjà, prêt à minorer cette caractéristique. Ce serait mal connaître le monde du travail ! Combien de suicides de salariés dans les entreprises vous faudra-t-il encore pour comprendre que la pénibilité, jusqu'alors évaluée sur le plan physique, se mesure aujourd'hui sur le plan psychologique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ce qui est indigne pour vous, c'est la référence de calcul de la pension, correspondant dans bien des cas aux six derniers mois de traitement alors que, dans le privé, la pension se calcule sur les vingt-cinq meilleures années. Mais, si une évolution est nécessaire ici, ne doit-elle pas être pour une fois un progrès et non une régression ? Faudrait-il toujours que vos mesures nivellent par le bas, quand, de toute évidence, nous pourrions tirer l'égalité vers le haut ?

Ce débat tronqué sur les régimes spéciaux évite soigneusement d'aborder le problème de l'accroissement important du déficit de la protection sociale par les transferts entre régimes : il faut, en effet, parler du financement de la couverture sociale des agriculteurs, des commerçants et artisans, ainsi que des régimes placés, de longue date, sous assistance respiratoire. Notre rapporteur Alain Vasselle, qui parle de « régimes en coma dépassé », ne me contredira pas.

Ainsi, en 2005, le régime général a versé près de 7 milliards d'euros au régime agricole au titre de la compensation démographique, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

...près de 5 milliards d'euros provenant, pour leur part, des régimes des fonctionnaires.

Pour autant, je n'entends pas stigmatiser ces régimes, dont les ressortissants sont aussi les victimes d'un système.

Mes collègues Claude Domeizel et Dominique Leclerc ont démontré que, dans les années quatre-vingt, les réserves importantes de la Caisse nationale de retraite des collectivités locales, la CNRACL, ont été asséchées, pillées en totalité, afin d'alléger la charge, pour l'État, du financement de certains régimes spéciaux.

Ils poursuivent leur analyse en parlant de « hold-up » sur les ressources de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et en démontrant qu'entre 2001 et 2005 le régime général a été le grand perdant, dans la mesure où sa contribution s'est accrue de 21 % et qu'à l'inverse l'État a acquitté une charge sensiblement moins élevée au titre des fonctionnaires civils et militaires.

Cela démontre qu'il est impossible aujourd'hui de montrer du doigt les régimes spéciaux hors d'une analyse globale de la réforme des retraites.

Ne conviendrait-il donc pas justement de rechercher une convergence par le haut des régimes des secteurs du privé et du public, en prenant notamment comme critère la pénibilité du travail ?

Pourquoi ne pas aborder le problème de l'égalité d'une toute autre manière ? Il s'agirait, tout d'abord, d'assurer à chacun le droit à une véritable retraite à soixante ans et de définir, pour les jeunes entrés tardivement dans la vie professionnelle, de nouvelles conditions d'acquisition des droits.

Il faut dégager les ressources - elles existent, nous l'avons démontré - pour une réforme de progrès, qui réponde aux aspirations des salariés à mieux vivre après la retraite, à profiter de l'augmentation de la durée de la vie, à condition que la pénibilité du travail, dont le stress, puisse régresser en parallèle...

Autrement dit, il est nécessaire de créer un véritable socle de garanties communes aux salariés du privé comme du public.

La question des retraites ne peut donc, je crois l'avoir démontré, être réduite à un problème démographique. Elle est et doit être un véritable phénomène de société, un enjeu de la qualité du travail et de la vie.

Oui, l'harmonisation par le haut est financièrement possible et nous n'aurons de cesse de vous le rappeler. Alors que se cache-t-il encore derrière votre projet ? Nous avons vu qu'il ne pouvait s'agir d'une mesure d'équité, auquel cas vous auriez supprimé les dispositions du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Nous avons vu qu'il ne pouvait s'agir, à moyen et à long terme, d'une mesure comptable. Hier, monsieur le ministre, vous avec déclaré qu'il n'y aurait aucune conséquence financière, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Qu'ai-je dit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous avez dit que, dans l'immédiat, l'État ne ferait pas d'économie.

En agissant de la sorte, vous faites le pari connu et scandaleux de diviser les Français pour mieux asseoir votre autorité et casser ce à quoi nos concitoyens sont le plus attachés, à savoir notre contrat social.

Vous savez que le « nouveau contrat anti-social » proposé par Nicolas Sarkozy sera majoritairement rejeté un jour ou l'autre. Votre seule option : accuser l'autre de tous les maux, faire planer le doute et la suspicion, comme vous l'avez fait avec le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, comme vous le faites aujourd'hui avec les régimes spéciaux et comme vous comptez le faire demain avec les franchises médicales et le régime général des retraites.

Malgré toute votre propagande, vous ne parviendrez pas à convaincre les Français que la branche retraite de la sécurité sociale est déficitaire en raison de l'existence des régimes spéciaux ; vous ne réussirez pas à opposer les salariés entre eux.

Le Président de la République désire une chose plus que tout : ajouter à son tableau de chasse les régimes spéciaux. Voilà la vérité !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je tiens à saluer le retour des sénateurs de l'UMP dans cet hémicycle.

Pour ceux d'entre nous qui se posaient la question de savoir si l'opposition est importante et nécessaire, ils en ont eu une démonstration ce matin. Pendant plus d'une demi-heure, en effet, sur un débat essentiel - M. le ministre nous a expliqué que c'était le meilleur moment pour discuter de cette réforme des régimes spéciaux -, aucun sénateur de l'UMP n'était présent dans l'hémicycle !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. Jean-Pierre Bel. Je félicite l'opposition d'avoir rappelé au président la nécessité de les mobiliser...

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, héritage ou prolongement de concepts de l'Ancien régime, les régimes spéciaux illustrent combien la France est imprégnée par la préservation de ses particularismes. Les régimes spéciaux, depuis des siècles, sont le produit d'un État protecteur qui a tant marqué notre histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Vous êtes un spécialiste de l'Ancien régime !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

La volonté de récompenser l'effort de ceux qui exerçaient un métier vital pour la nation ou qui étaient soumis à de fortes contraintes a conduit à la création de régimes de protection sociale spécifiques.

La question qui nous est posée aujourd'hui est de savoir si ces régimes spéciaux, en ce début du XXIe siècle, ont toujours une raison d'être et, plus largement, si d'autres secteurs d'activité nouveaux ne sont pas concernés par le stress et la pénibilité.

On tend à considérer en France que ce qui existait dans le passé doit se pérenniser. Or, en s'appuyant sur le seul bon sens, on est conduit à constater que les conditions qui justifiaient ces régimes spéciaux n'existent plus. Comme l'a récemment déclaré le chef de l'État : « Il existe des régimes spéciaux de retraite qui ne correspondent pas à des métiers pénibles, il existe des métiers pénibles qui ne correspondent pas à un régime spécial de retraite. »

Je ferai un rappel historique : ces régimes spéciaux, dont nous parlons tant, remontent parfois jusqu'à Louis XIV ! Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, c'est en effet dès 1673 que les marins ont bénéficié d'une pension en cas de blessure les empêchant de continuer leur activité. En 1709 était institué un véritable régime de retraite pour tous les marins de commerce et de la pêche. Au XIXe siècle furent aussi mis en place les régimes de retraite de la Banque de France, de la Comédie-Française, des chemins de fer - en 1855 - et des mines. Je m'en tiendrai à cette litanie non exhaustive.

Par la suite, lors de la création du régime général des assurances sociales en 1930, puis du régime général de sécurité sociale en 1945, les ressortissants des régimes spéciaux choisirent pour la plupart de rester protégés par des régimes mieux adaptés à leur spécificité et qui offraient une meilleure protection. Quoi de plus normal !

La pénibilité du travail d'un conducteur de locomotive ou d'un mineur ne laissait à ces derniers, en moyenne, qu'une durée de retraite de cinq ans !

Le sujet que nous abordons est d'autant plus complexe que ces régimes sont parfois très différents. Certains assurent l'intégralité de la protection sociale de leurs membres : c'est le cas pour les marins, les agents de la SNCF, le personnel de la chambre de commerce et d'industrie de Paris ou les notaires. D'autres n'offrent qu'une protection partielle et ne touchent que la branche vieillesse : c'est le cas des régimes des fonctionnaires locaux, des employés des industries électriques et gazières ou des personnels de l'Opéra de Paris.

J'insisterai sur les trois principaux régimes spéciaux de retraite : EDF-GDF, SNCF et RATP. Comme le rappelle le rapport de la Cour des comptes, ces régimes concernent près de 500 000 bénéficiaires et comptent 361 000 cotisants actifs. Celui de la SNCF, dont bénéficient 178 000 agents, prévoit un départ à la retraite à cinquante-cinq ans, à cinquante ans pour les agents de conduite. À la RATP, les personnels de maintenance peuvent partir à la retraite à cinquante-cinq ans et les conducteurs à partir de cinquante ans. Enfin, à EDF et GDF, l'âge de départ à la retraite est fixé à soixante ans, sauf pour les salariés qui occupent des fonctions pénibles et qui peuvent partir à cinquante-cinq ans. Nous constatons donc une grande hétérogénéité, qui s'explique par des choix et un contexte datant d'environ soixante ans, et non par des causes contemporaines.

Pour éviter que les entreprises n'aient à supporter un financement de plus en plus lourd, EDF-GDF et la RATP ont d'ores et déjà entrepris d'adosser les retraites de leurs agents au régime général. Ce transfert de charges est compensé par le versement d'une soulte, à ceci près que les gaziers, électriciens et agents de la RATP continueront à bénéficier de conditions spécifiques plus favorables que les autres salariés : départ à cinquante-cinq ans, voire cinquante ans, durée de cotisations de trente-sept ans et demi au lieu de quarante, pension calculée sur le dernier salaire, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, qui regrette que la loi de 2003, alignant les durées de cotisations des fonctionnaires sur celles des salariés du privé, ne se soit pas occupée de cette question.

Ces régimes sont théoriquement autofinancés, mais, pour des raisons démographiques, ils sont de plus en plus déficitaires. Ce déficit est couvert par des subventions de l'État : 2, 5 milliards d'euros pour la seule SNCF, ce qui est considérable !

Alors que de nouveaux efforts s'annoncent en 2008 pour l'ensemble des Français et que le Gouvernement doit gérer équitablement ses dépenses publiques, il est difficile de ne pas réformer ces régimes.

C'est pourquoi les acteurs du système de retraite estiment en toute logique que la poursuite du statu quo est devenue impossible au-delà de l'horizon 2008. Nombre de syndicalistes et de membres du parti socialiste partagent cet avis. Je ne ferai pas l'exégèse des propos de Manuel Valls, de Michel Rocard ou du nouveau directeur général du FMI. Et puisque l'Union européenne et la mondialisation nous conduisent à la comparaison...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous citez trois socialistes alors que nous sommes 300 000 !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

J'ai choisi les plus notables, monsieur Mélenchon !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Il en est d'autres qui ont une opinion contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Quel pays développé autre que le nôtre a aujourd'hui conservé ses régimes spéciaux ? Aucun.

L'objectif est d'aboutir, d'ici à la fin de l'année, à une harmonisation équitable des règles des régimes spéciaux avec celles de la fonction publique et de mettre ainsi l'ensemble des Français sur un pied d'égalité dans la perspective du rendez-vous de 2008 sur les retraites.

La réforme des régimes spéciaux ne vise en aucune façon à opposer certaines catégories professionnelles à d'autres ; elle tend, au contraire, à sauvegarder la retraite de tous, aujourd'hui menacée par les déséquilibres démographiques. À cet égard, pourquoi les régimes spéciaux feraient-ils exception ? Des évolutions sont donc nécessaires.

Mais la réforme des régimes spéciaux doit avant tout être guidée par un impératif d'équité et de justice.

Nous sommes tous conscients, sur ces travées, que la situation actuelle ne peut être perçue que comme une source d'inégalités injustifiées entre les salariés. La pénibilité d'une profession spécifique doit être démontrée. Je pense spontanément aux marins pêcheurs, qui risquent très souvent leur vie et qui connaissent des conditions de travail extrêmement difficiles.

Certains régimes concernant des professions aux adhérents peu nombreux se sont déjà engagés dans la voie de l'auto-réforme, comme celui des clercs de notaire ou celui de la Banque de France. Traiter ces systèmes de retraite au cas par cas et les inciter à mettre en oeuvre cette évolution par eux-mêmes, telle doit être l'approche de cette réforme. En cas d'échec, il faudra que l'État intervienne et détermine les modifications nécessaires.

Pour autant, mes chers collègues, il faut dire clairement aux Français que le problème des retraites ne sera pas définitivement réglé avec la réforme des régimes spéciaux. Il est, en effet, tout à fait inexact de présenter leur suppression comme le moyen de financer les petites retraites, les régimes spéciaux ne représentant que 2 % des actifs. Est-il équitable que l'ensemble des Français contribue massivement à l'équilibre des retraites d'une petite minorité de leurs concitoyens travaillant moins longtemps qu'eux alors que la pénibilité de leur profession n'est pas avérée ?

Si les comptes de la sécurité sociale sont plus que préoccupants, c'est notamment du fait de la caisse d'assurance vieillesse. Nous sommes dans la première phase de la réforme de 2003. Celle-ci anticipe en particulier le départ à la retraite de salariés qui ont commencé à travailler très jeunes, le départ à la retraite de fonctionnaires et le principe de l'allongement de la durée de cotisation à partir de 2008.

Pour le prochain rendez-vous de 2012, notre objectif doit donc être d'équilibrer les comptes du régime général par l'allongement de la durée de cotisation d'une ou de plusieurs années en fonction de la pénibilité des métiers. Ayons le courage d'affirmer cette réalité ! Nous ne sommes donc qu'au début d'un chemin qui sera ardu.

La remise en cause des régimes spéciaux pourrait servir de modèle pour une nouvelle réforme du régime général, qui devra se faire dans la concertation et en tenant compte de la pénibilité de chaque métier.

Mes chers collègues, il est plus que temps d'aligner rapidement les régimes spéciaux sur le régime général. C'est une question d'équité qui emporte des conséquences financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Il faut privilégier la négociation, refuser le passage en force et utiliser le débat parlementaire.

Il est, bien sûr, hors de question de stigmatiser les fonctionnaires. Cette réforme doit se faire dans un esprit de dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés et en s'appuyant sur la négociation au sein des branches ou des entreprises. Tel est le défi qui s'offre à nous !

Consultations, concertations, négociations : la méthode choisie par le Gouvernement est essentielle ! Le contexte est très favorable, car une chose est sûre, monsieur le ministre, l'immense majorité des Français est prête à vous suivre. Ainsi, 68 % de nos compatriotes sont favorables à une réforme des régimes spéciaux de retraite et à leur rapprochement avec le régime général, soit une progression de neuf points en un an, selon un sondage du CSA. Néanmoins, ils refusent l'injustice !

Comme le dénonce encore une fois la Cour des comptes, n'oublions pas que les stock-options distribuées aux cadres dirigeants des grandes entreprises représentent un manque à gagner total de 3 milliards d'euros pour la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Dès lors, comment demander dans le même temps un effort à un salarié gagnant le SMIC et ignorer les stock-options ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je le répète, le succès de la réforme dépend du sentiment de justice que ressentiront nos concitoyens. Aujourd'hui, à la devise de la République, on peut ajouter le terme « équité », ...

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

... ce qui, dans ce contexte, signifie harmonisation.

Je souligne que la transparence de ce débat est capitale pour l'information des Français et leur acceptation de la réforme.

Monsieur le ministre, le groupe du RDSE est sensible au fait que vous organisiez un débat parlementaire alors que ce sujet est d'ordre réglementaire. Cela démontre votre désir d'informer les Français. Il vous suivra donc, convaincu que cette réforme est indispensable à l'équilibre des retraites par répartition et qu'elle répond à un besoin d'équité.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut réformer les régimes spéciaux. Le principe même de cette réforme s'impose aujourd'hui à tous et les syndicats savent qu'une remise à plat s'impose. Ils sont d'ailleurs prêts à faire évoluer le système à l'issue de véritables négociations. Dès lors, l'urgence peut être l'ennemie de l'excellence.

Qui ignore que la réforme des régimes spéciaux de retraite est autant une nécessité économique qu'une question d'équité ?

S'il s'agit d'une nécessité économique, c'est parce que les comptes de ces régimes sont structurellement et très fortement déséquilibrés et que, jusqu'ici, aucune réforme d'envergure ne s'est attaquée au problème. Quand j'utilise le mot « déséquilibre », j'emploie presque un euphémisme. Les chiffres sont en effet édifiants !

Les régimes spéciaux, ce sont 13 milliards d'euros de prestations de retraite sur les 236 milliards totaux de prestations. Sur ces 13 milliards d'euros, l'État versera, pour 2007, une subvention d'équilibre qui devrait s'élever à 5 milliards d'euros, soit à peu près le montant du déficit prévisionnel de la branche vieillesse du régime général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Pour être plus précis, le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui vient d'être rendu public, table sur un déficit de la branche vieillesse du régime général de 4, 6 milliards d'euros. Selon la même source, le déficit de cette branche devrait fortement s'accroître en 2008, pour atteindre 5, 7 milliards d'euros.

On le voit, nous sommes entrés dans une dynamique implacable, que l'on retrouve pour les régimes spéciaux. L'année prochaine, la subvention d'équilibre versée par l'État à l'ensemble des régimes spéciaux pour équilibrer la gestion de leur risque vieillesse devrait passer de 5 milliards d'euros à 5, 5 milliards d'euros.

Conclusion : par la magie comptable, les régimes spéciaux sont supposés être équilibrés. En réalité, le montant de la subvention d'équilibre versée par l'État à ces régimes permet d'évaluer l'ampleur de leur déficit. Il est, en effet, supérieur à celui du déficit de la branche vieillesse pour des régimes qui concernent dix fois moins d'assurés.

Cela serait déjà suffisant pour s'alarmer. Mais la réalité du déséquilibre est encore plus grave. La raison en est simple : la subvention de l'État ne couvre pas la totalité de ce déséquilibre. Pour ce faire, d'autres sources de financements, telles que les cotisations extraordinaires, les subventions de l'employeur ou la compensation inter-régimes, sont alternativement utilisées. Encore une fois, il est difficile d'évaluer le montant de ces compléments d'équilibre. Toutefois, selon le rapport de la MECSS, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, de nos collègues MM. Domeizel et Leclerc, qui prévoyait d'ailleurs l'extinction de ce système de compensation très complexe, ils doivent tourner autour de 2 milliards d'euros.

Ainsi, sur 13 milliards d'euros de prestations de retraite, le déficit des régimes spéciaux pourrait atteindre 7 milliards d'euros. Pourquoi un tel déséquilibre ? Là où le bât blesse, c'est que la représentation nationale ne dispose pas de toutes les informations, pourtant essentielles, lui permettant de répondre de façon satisfaisante à cette question fondamentale.

Le déséquilibre global des régimes spéciaux peut s'expliquer par trois causes.

La première, la plus connue, est le déséquilibre démographique que connaissent la plupart de ces régimes.

La deuxième est, bien entendu, le montant des pensions qui seraient versées si les règles d'acquisition et de liquidation des droits à la retraite étaient celles des régimes de droit commun.

La troisième correspond aux avantages spécifiques.

Or les experts, en particulier ceux de la Cour des comptes, s'accordent à dire que le déséquilibre démographique, pourtant si souvent invoqué, est loin d'être la principale cause de déficit des régimes spéciaux. Les avantages spécifiques accordés à leurs ressortissants, c'est-à-dire ce qu'on appelle « le régime chapeau », l'expliqueraient pour l'essentiel.

Toute la question est là : parmi ces avantages, lesquels sont-ils toujours justifiés et comment revenir sur les autres ?

Les régimes spéciaux sont hérités de l'histoire. Clin d'oeil historique, le régime spécial de retraite des personnels de l'Opéra national de Paris a été créé en 1698 par Louis XIV. C'est dire !

Les avantages spécifiques accordés dans le cadre de ces régimes peuvent ne plus du tout correspondre à la réalité actuelle. Je ne reviendrai pas sur l'exemple, devenu tarte à la crème, des cheminots.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

On pourrait effectivement en citer d'autres, monsieur Mélenchon !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Il est curieux que ce soit vous qui fassiez cette remarque !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

C'est pour montrer l'absurdité de ce raisonnement !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Arrêtez de prêcher, monsieur Mélenchon !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Autrement dit, certains avantages des régimes spéciaux ne se justifient plus. Inversement, certains professionnels qui doivent affronter des conditions d'exercice difficiles et exorbitantes du droit commun ne bénéficient d'aucun avantage social spécifique en contrepartie. C'est injuste ! C'est donc là que l'on touche à la question d'équité inhérente à la réforme des régimes spéciaux.

Face à ce constat économique et éthique, rien de conséquent n'a été fait jusqu'ici. La réforme Balladur de 1993 ne traitait que du régime général. Celle de François Fillon, en 2003, épargnait soigneusement, elle aussi, les régimes spéciaux.

Cela ne signifie pas que rien n'a été fait. Certains régimes ont fait l'objet de réformes ponctuelles. Parmi celles-ci, quelques-unes nous semblent très positives, tandis que d'autres peuvent apparaître comme dangereuses.

Schématiquement, les bonnes réformes sont celles où il s'est agi de procéder à l'extinction d'un régime spécial obsolète en versant tous les nouveaux assurés au régime général et en prévoyant une sortie du régime en sifflet, même pluri-décennale, pour tous les autres. C'est ce qui a été fait pour les régimes de la Seita, de France Télécom, de la chambre de commerce et d'industrie de Paris ou des mines. Cela s'est très bien passé.

Remarquons que, même dans le cadre de ces réformes que nous jugeons positives, l'extinction totale des régimes concernés ne peut être que très longue. J'en veux pour preuve que, vingt-cinq ans après sa fermeture, le régime de la Seita coûte toujours 121 millions d'euros par an aux finances publiques.

Selon le rapport de Dominique Leclerc sur les régimes sociaux et de retraite pour le projet de loi de finances de 2007, la mise en extinction nécessite entre soixante et quatre-vingts ans pour être menée à son terme. Malgré tout, monsieur le ministre, n'est-ce pas là la solution la plus réaliste ? Ne serait-ce pas celle qui se profile quand vous dites vouloir agir progressivement ?

En revanche, nous ne pouvons pas cautionner l'usage qui a été fait de la technique de l'adossement des régimes spéciaux au régime général et aux régimes complémentaires ; nous ne pouvons que nous joindre à la Cour des comptes, qui a très justement critiqué cette fausse solution, ainsi que Dominique Leclerc l'a également souligné.

En simplifiant, l'adossement consiste à sortir les engagements de retraite du bilan d'une entreprise pour les transférer au régime de base et aux régimes complémentaires, à charge pour l'entreprise de verser à l'ACOSS, à l'AGIRC et à l'ARRCO les cotisations sociales et les subventions d'équilibre.

En fait, il s'agit d'un trompe-l'oeil, d'un artifice comptable qui soulage les finances publiques et préserve le niveau des prestations servies aux ressortissants de ces régimes. Dans le même temps, ce procédé pérennise des avantages qui peuvent être aujourd'hui obsolètes ou injustifiés et transfère le risque de l'opération sur les comptes de la CNAV.

L'adossement ne doit pas être généralisé. Mais, heureusement, ce n'est pas ce que propose le Gouvernement.

Sommes-nous pour autant rassurés ? Pas le moins du monde ! Nous craignons que la réforme qui est proposée n'en soit pas tout à fait une ; nous craignons qu'un trompe-l'oeil n'en remplace un autre.

Monsieur le ministre, vous proposez un alignement des régimes spéciaux non pas sur le régime général, mais sur le régime des fonctionnaires.

Malgré la réforme de 2003, le régime du secteur public demeure plus avantageux que le régime général, notamment sur un point : le salaire de référence est celui des six derniers mois. Rappelons quand même qu'il n'inclut pas les primes.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Merci de le préciser !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Mais allons plus loin : sur quoi l'alignement devrait-il porter ?

Si j'en crois les déclarations du Président de la République, les régimes spéciaux devraient être alignés sur le régime des fonctionnaires sur cinq points : les surcotes et les décotes, la durée de cotisation, l'indexation des pensions, la bonification et la pénibilité.

Reprenons chacun de ces cinq points pour apprécier la consistance de la réforme qui pourrait se profiler.

L'alignement des régimes spéciaux sur le régime des fonctionnaires en matière de surcote et de décote est théoriquement une excellente chose. Mais théoriquement seulement, car la loi de 2003 prévoit que le système des surcotes et des décotes ne s'appliquera qu'en 2015. Qu'en sera-t-il pour les régimes spéciaux ? Les surcotes et les décotes s'appliqueront-elles pour eux en 2020 ? Et pourquoi pas au-delà ? Dans ces conditions, la réforme attendrait.

L'alignement de la durée de cotisation est également une bonne disposition mais qui, elle aussi, pourrait demeurer théorique.

Tout dépendra donc des conditions négociées et obtenues par les représentants des personnels.

On ne peut intervenir brutalement, avez-vous dit, monsieur le ministre, mais il faut agir, pour respecter l'équité avec les autres régimes !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je ne serais pas là si telle n'était pas mon intention !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

L'alignement du mode d'indexation des pensions des régimes spéciaux sur celui des pensions du régime du secteur public, quant à lui, est une authentique bonne mesure.

En revanche, nous n'avons aucune visibilité sur ce qui pourrait sortir des négociations en matière de bonification et de pénibilité.

En d'autres termes, notre crainte est la suivante : la grande réforme des régimes spéciaux à laquelle le Gouvernement semble s'atteler pourrait ne pas améliorer l'équilibre de ces régimes.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce n'est pas mon intention !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

J'en prends bonne note, monsieur le ministre !

Rien ne serait plus grave, et ce pour deux raisons : d'abord, parce qu'il est a urgent de réformer ; ensuite, parce qu'il n'y a rien de pire que de faire croire que l'on réforme quand on ne le fait pas.

Nous avons bien compris, monsieur le ministre, que votre réforme n'est pas comptable. Cependant, il nous semble bien difficile de faire totalement l'impasse sur la question financière lors de ce débat.

En effet, assurer ou, à tout le moins, améliorer l'équilibre des régimes spéciaux est le meilleur moyen d'atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé de garantir la retraite des assurés concernés et, en termes d'équité, d'éviter que ces retraites ne pèsent trop lourdement sur tous les autres.

Monsieur le ministre, en dépit du fait que votre réforme ne soit pas comptable, vous êtes-vous fixé des objectifs d'amélioration significative des comptes des régimes spéciaux ? Les avez-vous quantifiés et datés ? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous livrer quelques informations ?

Une série de questions se posent donc. Quand sera appliqué le régime des surcotes et des décotes aux régimes spéciaux ? Dans quelles conditions se réalisera l'allongement de la durée de cotisation ? Quelles bonifications sont envisageables ? La pénibilité sera-t-elle prise en compte ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ces questions, je les ai posées tout à l'heure. J'attends des réponses, moi aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

De plus, pourra-t-on éviter la mise en place d'un système d'une complexité ahurissante ? N'aboutira-t-on pas, en pratique, à une nouvelle différenciation des régimes applicables aux assurés en fonction de la nature de leur employeur et, pour un même employeur, en fonction de leur emploi ?

Telles sont les questions que nous nous posons. Je constate que vous vous les posez également, monsieur le ministre, mais je pense orienter un peu les réponses !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C'est l'enjeu de ce débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

J'ai orienté les réponses préalablement à ce débat, monsieur le ministre !

Nous sommes inquiets, car les réponses ne nous semblent pas évidentes ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Voilà pourquoi je suis ici aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Absolument !

Nous le sommes également pour une autre raison, plus générale : il ne faudrait pas que l'arbre des régimes spéciaux cache la forêt de l'ensemble du système de retraites.

Nous l'avons toujours dit, les réformes menées jusqu'à présent ne permettaient de couvrir que la moitié des besoins de financement du système par répartition.

Les projections de la Cour des comptes sont alarmantes : le déficit s'élève aujourd'hui à 5 milliards d'euros pour le seul régime général et il sera peut-être de 10 milliards d'euros d'ici à la fin de la législature.

Parce que la question des régimes spéciaux ne nous semblait pas dissociable de celle de l'ensemble du système, l'UDF proposait sa remise à plat, axée autour du remplacement de l'annuité par le point.

Une telle réforme, souhaitée également par Dominique Leclerc, permettrait une mise en extinction progressive des régimes spéciaux tout en autorisant de façon individualisée la conservation de certains des acquis liés à ces régimes.

Visiblement, cette solution n'est pas envisagée par le Gouvernement. Nous le regrettons, bien entendu, et nous attendons d'autant plus d'être rassurés, monsieur le ministre.

Nous serons très vigilants sur le développement des négociations à venir. Cette vigilance, nous l'exercerons dans la limite de nos moyens qui sont, en la matière, extrêmement limités ; c'est le dernier point que je voulais souligner, en guise de conclusion, car il s'agit d'un aspect non négligeable, voire fondamental !

La qualité du contrôle parlementaire en matière de réforme des régimes spéciaux dépendra de deux points.

Elle dépendra, d'abord, de l'amélioration de l'information fournie à la représentation nationale dans ce domaine. Aujourd'hui, cette information est trop lacunaire, comme l'a précisé à l'instant Alain Vasselle.

Les chiffres de l'ampleur des déficits et des déséquilibres de ces régimes ne sont pas précisément calculés. Comme le soulignait Dominique Leclerc dans le rapport auquel j'ai fait référence, aucune étude n'évalue avec précision l'incidence sur le déséquilibre de la démographie et les avantages « chapeaux ».

Ensuite, pour suivre l'évolution de la réforme, ce débat était nécessaire, et je vous en remercie, monsieur le ministre, mais il serait très souhaitable qu'un autre débat parlementaire soit organisé, comme vous l'avez promis, avant que vous ne tiriez les conclusions définitives du processus que vous avez engagé, autrement dit avant que vous ne preniez le décret final.

En conclusion, nous soutenons le principe de la réforme des régimes spéciaux de retraite, nous apprécions la démarche de concertation que vous avez entreprise, mais ses modalités nous interpellent singulièrement !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines, le Président de la République ainsi que le Gouvernement ne cessent d'annoncer, à grands coups de trompette, le lancement de la fameuse réforme des régimes spéciaux dont on parle depuis des années !

Au-delà d'une opération de communication magistralement orchestrée, de quoi s'agit-il véritablement ? Surtout, mes chers collègues, que faisons-nous ici et à quoi rime notre débat sans vote d'aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le ministre, vous nous avez délivré des généralités sur les régimes spéciaux. Vous avez confirmé que votre réforme se fera par décrets et qu'aucun paramètre ne sera écarté.

Et vous voudriez que nous donnions notre avis sur des orientations aussi vastes, mal définies et non arrêtées ? C'est un piège dans lequel nous ne tomberons pas !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Où est le piège ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Il est partout ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Mon propos pourrait s'arrêter là. Je poursuivrai cependant, ne serait-ce que pour vous faire part de notre sentiment sur la forme et sur le fond de votre démarche.

À treize heures, monsieur le ministre, quand vous quitterez cet hémicycle, vous vous direz, j'en suis sûr : « mission accomplie au Sénat ! » Et vous vous préparerez, demain, pour un exercice identique à l'Assemblée nationale !

En effet, dans la « foulée » du Président de la République, vous avez été invité à consulter les partenaires sociaux, puis les présidents de groupes et de commissions parlementaires, ainsi que les dirigeants d'entreprises, le tout en quinze jours ! Prêts ? ... Partez !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Dans de pareilles conditions, comment laisser aux divers interlocuteurs le temps de prendre du recul, de travailler et de faire le point avec leur base ?

Ce calendrier accéléré compense-t-il tactiquement la baisse de confiance dont commence à souffrir le Président de la République après le vote du paquet fiscal fort coûteux de 15 milliards d'euros, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

... la baisse du pouvoir d'achat et la dégradation de la situation économique ? À moins qu'il ne cache une stratégie électorale à l'approche des élections municipales !

Malgré ce simulacre de concertation, nombreux sont ceux qui pensent que les décisions sont déjà arrêtées. J'en ferai la démonstration tout à l'heure.

Après une concertation que vous avez menée au pas de charge, monsieur le ministre du travail, l'ordre du jour du Sénat a été chamboulé en toute hâte pour permettre d'avancer de huit jours la consultation de la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Ça ne leur porte pas chance en général : souvenez-vous de la loi Falloux !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Je rappelle le calendrier imposé : hier lundi, à seize heures, se tenait, dans votre bureau, une réunion des présidents des groupes des deux assemblées ; le même jour, à dix-sept heures au plus tard, intervenait la clôture des inscriptions de parole dans ce débat sans vote ; aujourd'hui, à neuf heures, s'est ouverte la séance publique au Sénat. Le tout a été programmé dix jours plus tôt.

Soyons sérieux : comment rendre compte de cet entretien dans nos groupes politiques avant ce matin neuf heures ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C'est pour cette raison que vous avez obtenu une suspension de séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Pourquoi tant de précipitation ?

Reconnaissez, monsieur le ministre, que la forme est particulièrement irrespectueuse des droits et de la dignité du Parlement - le fond l'est tout autant !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Franchement, comment peut-on espérer traiter une question aussi importante et complexe que celle des régimes de retraite spéciaux en seulement quatre heures de débats, sans présentation ni discussion au sein de la commission des affaires sociales - avouez que cela aurait été un minimum - et sans que les groupes aient pu être informés de vos projets pour arrêter une position ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Dans ces conditions, monsieur le ministre, mes chers collègues, par honnêteté et respect à l'égard de mes collègues du groupe socialiste, je précise que les propos que je tiendrai sont, pour la plupart d'entre eux, le fruit d'une réflexion personnelle, car ils n'ont pas été validés par mon groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

On lit, dans la presse, que le Gouvernement souhaiterait procéder par voie essentiellement réglementaire.

Comment pourrait-on se passer de toute mesure législative, alors que le programme tracé par le Président de la République, à savoir une harmonisation des régimes spéciaux sur la base du régime de retraite de la fonction publique, repose sur le code des pensions civiles et militaires de retraite, lui-même essentiellement issu de la loi ?

Le lien entre les régimes spéciaux et la loi est incontestable, notamment sur le plan financier. Les interventions de Dominique Leclerc et d'André Vasselle en sont bien une preuve.

Je pense, en particulier, aux compensations et à l'autorisation de faire appel à des ressources externes, c'est-à-dire à des emprunts, car les caisses de retraite, ne l'oublions pas, empruntent.

Je pense également à la loi adossant la caisse des IEG, au régime général, car cette caisse nationale est issue de la loi.

Je pense tout simplement aux participations financières qui sont prélevées sur le budget de la nation.

Ne serait-ce que pour des raisons de principe, je ne comprends pas pourquoi le Parlement ne peut pas s'exprimer par un vote !

Comprenez-moi bien, je ne cherche en aucun cas à éluder le débat en posant ces préalables. Au contraire, monsieur le ministre, j'entends vous répondre sur le fond de votre démarche qui me semble bien floue, voire hasardeuse.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous ne me ferez pas regretter d'être devant vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Contrairement aux règles de notre assemblée, notre discussion d'aujourd'hui ne s'appuie sur aucun document officiel. Pour le deviner, nous en sommes réduits à lire la presse !

Monsieur le ministre, dois-je désormais m'abonner à un quotidien local de l'Aisne pour savoir ce que vous avez dit sur les retraites lors d'une inauguration ou une foire à Braine ou à Crouy ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce n'est pas dans ma circonscription et je n'y vais pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Tout à fait, mais il s'agit de votre département, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous pouvez me trouver l'article ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Surfant sur un sondage favorable de l'opinion publique, le Président de la République a donné son feu vert le 18 septembre, lors de l'assemblée générale d'une association de journalistes, et il aurait même qualifié d' « indignes » - j'insiste sur ce terme - les régimes spéciaux réservés à des privilégiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Pourquoi stigmatiser une partie de la population, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

... monter les catégories les unes contre les autres, exacerber des sentiments de jalousie, alors que les régimes spéciaux ont une histoire ?

Ils n'ont pas été mis en place pour favoriser une partie des salariés.

Lors des négociations d'octobre 1945 dont est issu le régime général, le législateur a considéré que les régimes qui préexistaient avant la guerre conserveraient leur statut, car les salariés tenaient - on peut les comprendre - aux avantages liés aux emplois particulièrement pénibles.

Nos échanges d'aujourd'hui me donnent enfin l'occasion de revenir sur la réforme des retraites de 2003, car les comptes de la branche vieillesse se sont détériorés à une vitesse faramineuse depuis quatre ans. La perte s'élève à 5 milliards d'euros cette année, avec en perspective un doublement de ce déficit, déjà abyssal, d'ici à 2012.

Nous l'avions prédit à l'époque, la loi du 21 août 2003 n'a rien réglé. Je suis certain qu'il en ira de même pour cette pseudo-réforme des régimes spéciaux que le Gouvernement nous prépare.

Que nous dit le Conseil d'orientation des retraites, le COR ? La question des régimes spéciaux a été examinée en séance plénière le 12 juillet 2006. Par ses travaux d'expertise, le Conseil d'orientation des retraites considère qu' « une réforme des régimes spéciaux est inévitable et que cette démarche passe par l'adoption de mesures courageuses, dont certaines risquent effectivement d'être impopulaires. »

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et vous, vous êtes d'accord ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Tout à fait !

Le COR nous fournit des pistes de réflexion opérationnelles pour toute véritable réforme, qui suppose à l'évidence des efforts partagés de l'État, des régimes eux-mêmes et de leurs assurés sociaux.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Merci de votre franchise !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Elle est dans mes habitudes, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je le reconnais !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Mais cet avis du COR n'exclut pas une nécessaire concertation ni une appréhension de la réforme plus globale plutôt que considérée sous le seul angle des régimes spéciaux.

À titre personnel, je déplore que rien n'ait bougé depuis vingt ans, voire cinquante ans. En effet, la plupart des caisses de retraite connaissent un rapport démographique défavorable et font appel, dans des proportions plus ou moins importantes, à l'impôt ou à la solidarité entre régimes.

Mais il ne faut pas oublier que l'origine de ce problème est ancienne. On en revient alors inévitablement à 1945, ou à la loi de 1974, qui a finalement débouché sur la création du système de compensation démographique généralisé entre les caisses de retraite.

On a constaté une même reculade dans la loi de finances de 1986 par l'instauration d'une compensation entre régimes spéciaux et particuliers, cette fameuse surcompensation bien connue des maires, car elle finit par faire participer exagérément la fiscalité locale au déficit des caisses de retraite. Or, chacun le sait, ce système de compensation est aujourd'hui à bout de souffle.

Dans ce contexte, il n'est guère surprenant que l'extrême diversité des régimes sociaux suscite des réactions passionnées de nos concitoyens. Sans doute une majorité de Français considère-t-elle qu'il n'est plus possible de maintenir le statu quo intégral sur les régimes spéciaux, notamment sur la question sensible de la durée de cotisation de trente-sept ans et demi.

Encore faudrait-il que le Gouvernement se donne les moyens de son ambition réformatrice autoproclamée, en ouvrant un véritable dialogue social. Je crois fondamentalement que les partenaires sociaux y sont pleinement disposés, à condition, toutefois, de ne pas avoir le sentiment que tout est joué d'avance.

Quels sont les paramètres considérés ?

Vous nous avez dit hier, et vous l'avez répété ce matin, que tout est sur la table : ...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

... la durée des cotisations, la décote et la surcote, l'indexation des pensions, la bonification, la pénibilité, la durée de stage de quinze ans, la retraite d'office, les retraites additionnelles, l'égalité entre hommes et femmes, etc.

Ce trop-plein d'ouverture masque mal la réalité de vos intentions.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous ne me ferez pas regretter d'être là !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le ministre, comment en serait-il autrement si vous devez rendre votre copie dès le 15 octobre prochain ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Qui a parlé du 15 octobre ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C'est faux ! J'ai parlé d'octobre !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Vous nous avez dit que le décret ne serait pas publié avant le 15 octobre, mais qu'il le serait peut-être le 16 !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Peut-être cela était-il écrit dans une dépêche, mais si j'ai besoin d'un porte-parole, je vous le ferai savoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Je ne vais pas vous faire le reproche de savoir où vous allez, mais nous aimerions pouvoir mieux cerner vos intentions !

Ces sujets complexes, il est vrai, nécessitent des travaux techniques préalables, des échanges approfondis, une confiance mutuelle, et non le simulacre de négociation en quinze jours auquel nous venons d'assister !

Enfin, je suis convaincu que la question des régimes spéciaux doit être traitée dans la globalité, c'est-à-dire dans le cadre du rendez-vous de 2008, et non séparément. Qu'il s'agisse du déficit du régime général, du déficit du FFIPSA, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, ou du déficit du fonds de solidarité vieillesse, non, il n'y a pas d'urgence, contrairement à ce que vous voulez faire croire, d'autant plus que les régimes spéciaux ne représentent que 7 % des assurés. Ce n'est pas parce que vous allez, en octobre, résoudre la question des régimes spéciaux que vous réglerez, pour autant, contrairement à ce qu'a dit le Président de la République, le problème des retraites dans son ensemble !

Cela suppose notamment de remettre à plat le système de compensation démographique, ainsi que Dominique Leclerc et moi-même le soulignions dans le rapport rédigé conjointement, en 2006, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS.

Si vous abordez la notion de pénibilité sous le seul angle des régimes spéciaux, vous allez commettre une erreur grave et amplifier la cacophonie que vos discours ont engendrée.

Je ne crois pas que la réalité de votre projet soit celle que vous avancez. Loin d'être une grande réforme de structure, je crains au contraire qu'il ne s'agisse que d'une opération limitée, menée dans la précipitation, pour des raisons essentiellement politiciennes.

Que constate-t-on en lisant les rares informations rendues publiques par le Gouvernement sur ce sujet et en écoutant les réactions des partenaires sociaux ? Manifestement, vous entendez modifier deux ou trois paramètres de ces régimes - alors que vous nous avez dit, monsieur le ministre, que tout était sur la table -, ceux qui, comme le mode d'indexation des pensions ou la durée de cotisation, sont les plus facilement appréhendés par l'opinion publique. Mais entreprendre une refonte générale de ces régimes, dont certains ont été conçus voilà cent ou cent cinquante ans, nécessiterait - pardonnez-moi d'y insister -, du temps et des travaux préparatoires. Or, ce n'est pas la voie que vous avez choisie.

Je ne peux m'empêcher de penser qu'il s'agit de permettre au Président de la République d'afficher à tout prix, avant les élections municipales de mars 2008, la mise en oeuvre - dans de mauvaises conditions - de l'un de ses engagements électoraux les plus emblématiques, opération qui est vouée, je le crains, à l'échec.

Sans doute cherchez-vous aussi à donner des gages à votre majorité, au moment où apparaissent les premières difficultés et la fin de l'état de grâce. Mais, en réalité, les contours de cette réforme répondront-ils aux attentes de nos concitoyens ? Ceux qui, parmi eux, attendent la disparition des régimes spéciaux risquent d'être déçus, de même d'ailleurs que ceux qui espéraient sincèrement que vous alliez résoudre ce problème dans un esprit de responsabilité et de dialogue avec les partenaires sociaux.

Enfin, les assurés sociaux des régimes spéciaux eux-mêmes, qui dans leur immense majorité sont disposés à faire des efforts, ne pourront se satisfaire d'une pseudo-réforme, sans contrepartie, menée à la va-vite et sur des bases aussi improvisée.

Mais sous la baguette d'un chef d'orchestre « frénétique » - ce n'est pas moi qui ai trouvé ce qualificatif -, l'impératif de communication et la logique d'affichage doivent prévaloir coûte que coûte !

Du moins pourriez-vous éclairer le Sénat sur les contours et le mode opératoire de votre réforme, qui me semblent bien flous.

Ainsi, nous attendons de savoir quels seront exactement les régimes concernés par votre projet de réforme. En effet, on entend des versions différentes : cent vingt régimes ? Une quarantaine ? Pour ma part, je n'en connais que douze, si je lis bien le code de la sécurité sociale.

En quoi consistera « l'harmonisation », annoncée par le Président de la République, des régimes de retraite spéciaux avec ceux de la fonction publique ?

À quelle échéance cette évolution pourrait-elle être effective ?

Le dialogue mené isolément dans chacun de ces régimes sera-t-il une simple concertation ou une véritable négociation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

La fin de l'année constitue-t-elle une date butoir pour le Gouvernement ? Mais vous nous avez dit que, dès le 15 octobre, tout cela serait pratiquement prêt...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Arrêtez ! Pas de préjugé « à la petite semaine » ! Pas vous, monsieur Domeizel !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le ministre, vous le savez, nous nous sommes opposés, de ce côté de l'hémicycle, à votre réforme des retraites en 2003, et je crois que l'évolution de la situation de la branche vieillesse nous a, depuis lors, donné rétrospectivement raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Pour ce que l'on peut discerner de vos projets concernant les régimes spéciaux, je ne suis pas davantage optimiste aujourd'hui.

En écoutant le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, nos concitoyens peuvent avoir le sentiment qu'une grande réforme est en préparation, une sorte de « grand bond en avant » s'agissant des régimes spéciaux ! Tel ne sera pas le cas et, comme ce précédent historique fameux, vos projets risquent de finir dans l'impasse.

Ne vous méprenez pas, je suis moi aussi convaincu qu'une réforme des régimes spéciaux est nécessaire et inévitable, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J'attends vos propositions !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

... dans l'intérêt, d'ailleurs bien compris, de leurs assurés sociaux eux-mêmes. Mais nous aurions dû plutôt aborder cette question, en 2008, à l'occasion de la clause de rendez-vous, en même temps que la prochaine réforme des retraites, et non pas prématurément, en octobre 2007.

Croyez-moi, monsieur le ministre, vous ne gagnerez rien à opposer les différentes catégories d'assurés sociaux entre elles !

La façon dont la présente réforme a été engagée depuis quinze jours laisse craindre le pire pour l'avenir. Mais surtout, nous n'apprécions guère de voir la représentation nationale être tenue à l'écart de ce sujet de société majeur.

Nous en reparlerons à l'occasion de l'examen du PLFSS pour 2008 et de nos prochaines séances de questions au Gouvernement. Vous pouvez compter sur ma vigilance attentive, ainsi que sur celle de mes amis du groupe socialiste !

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, nous ne sommes pas favorables à une réforme menée dans la précipitation, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

... à une réforme réalisée dans la cacophonie, à une réforme qui oppose les salariés entre eux.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous n'êtes pas favorables aux réformes, c'est clair !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

M. Claude Domeizel. À un moment où le Gouvernement multiplie les cadeaux fiscaux, ou, plus exactement, à un moment où il multiplie les transferts fiscaux vers les plus favorisés au détriment de ceux qui le sont beaucoup moins, il ne faut pas laisser penser que les bénéficiaires des régimes spéciaux sont des « nantis » ou des « super-privilégiés ».

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Nous ne sommes pas favorables à une réforme qui se dissocie de celle du régime général et des autres régimes.

Nous voulons une réforme globale, qui gomme les inégalités de la loi de 2003 et ses incohérences : aujourd'hui, un million de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Nous voulons une réforme qui s'insère dans le cadre du modèle social et non de la fracture sociale, une réforme qui intègre le critère de pénibilité, une réforme qui prépare l'avenir et qui donne espoir aux générations futures.

Enfin et surtout, nous voulons une réforme qui préserve le système par répartition.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, rien ni personne ne me feront regretter d'être devant vous aujourd'hui pour ce débat sur les régimes spéciaux.

À l'évidence, pour voir disparaître un certain nombre de postures adoptées par quelques-uns sur des sujets essentiels, il nous faudra peut-être attendre d'autres débats. Mais, sait-on jamais, peut-être y arriverons-nous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Occupez-vous des vôtres, surtout sur les tests ADN !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En tout cas, je vais m'efforcer de répondre le plus précisément possible aux différents intervenants.

Tout d'abord, je voudrais dire au président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, sans reprendre le débat sémantique qui ouvrait son propos, qu'il faut avant tout réaliser cette réforme pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure. En effet, chacun sait bien, y compris les agents qui dépendent de ces régimes spéciaux, que, sans cette réforme, personne, sur l'ensemble des travées de cette assemblée, n'est en mesure de garantir, à dix ou à quinze ans, le paiement des pensions dans des conditions satisfaisantes.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Les règles démographiques s'appliquent à tout le monde de la même façon parce qu'elles sont immuables et universelles.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Elles ne concernent pas seulement les régimes spéciaux et ne s'appliquent pas qu'à la France ; elles visent l'ensemble des salariés et des pays qui connaissent un allongement de l'espérance de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Et qui sont concernés par une nouvelle répartition des richesses !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il n'y a pas non plus de raison d'exempter les régimes spéciaux des efforts qui ont été demandés à l'ensemble des Français, vous le savez. Ces questions de justice sont d'ailleurs très présentes dans le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

C'est dit avec douceur et fait avec brutalité !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous avez certainement l'occasion, tout comme moi, de discuter avec un certain nombre d'agents intéressés. Ils savent que cette réforme est inévitable et ont depuis bien longtemps présent à l'esprit l'allongement de la durée de cotisation. Mais ils se demandent dans quelles conditions cette réforme va intervenir. Voilà les questions qu'ils se posent et que je vous ai d'ailleurs posées.

Certains, notamment M. Gournac, m'ont répondu et je les en remercie. D'autres ne m'ont apporté aucune réponse et, bien que les mêmes questions aient été reformulées, je ne les ai pas entendu prendre position.

Je voudrais aussi indiquer qu'il n'y a aucune raison de ne pas faire cette réforme de façon progressive. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la réforme du régime général a pris plus de dix ans et celle de la fonction publique plus de cinq ans. Pourquoi faudrait-il, du jour au lendemain, passer de trente-sept annuités et demie à quarante pour les agents de ces régimes spéciaux ? Pourquoi faudrait-il leur appliquer un traitement spécifique ? C'est aussi une question de respect, non seulement par rapport à la mission qui est la leur mais aussi par rapport à leur personne.

Sur tous ces sujets, on peut essayer de nous prendre en défaut ; nous resterons sur ces principes, qui sont des principes de justice. Ces régimes spéciaux doivent être réformés, comme les autres, pas plus et pas moins, selon un traitement qui doit être respectueux des individus

Pourquoi ne pas affilier les nouveaux actifs au régime général ? Cette question a été posée par Nicolas About.

La modification progressive des paramètres en question permet d'obtenir, à terme, un résultat analogue sans faire porter tous les efforts sur les seuls nouveaux recrutés. En définitive, votre proposition aboutit à une situation compliquée à gérer. En effet, nombre de régimes - ceux des travailleurs indépendants, des agriculteurs - ont maintenu une caisse spécifique ; cette situation répond aussi à l'attachement, que je serais tenté de qualifier de légitime, des professions à leurs caisses de retraite.

Qui plus est, la double affiliation entraînerait la mise en place d'un double statut, posant de véritables difficultés pour la gestion des ressources humaines. Les directions de plusieurs entreprises ont insisté sur cet élément, que je tenais à apporter au débat.

Monsieur Leclerc, vous connaissez ces dossiers depuis bien longtemps, tout comme Claude Domeizel. Je voudrais saluer les travaux de la commission des affaires sociales, qui m'a remis tout à l'heure un document précis, contenant des propositions détaillées qui répondent aux questions que j'avais posées.

Certaines d'entre elles vont forcément alimenter le débat, car vous aurez à coeur de les rendre publiques. Une chose est certaine, je dispose enfin d'éléments de réponse aux questions - pas seulement les miennes - qui se posent aujourd'hui !

Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce document m'a été transmis officiellement en séance. Tout le monde n'était peut-être pas présent mais, à la fin de son intervention, Dominique Leclerc est descendu de la tribune pour me le remettre.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur Leclerc, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... je suis très heureux de pouvoir mettre en valeur le travail que vous avez effectué !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous avez insisté sur la nécessité de supprimer les « clauses couperet ». Je partage votre avis.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure avec un exemple concret, non seulement ces « clauses couperet » ne permettent pas de reconnaître le rôle des seniors dans les entreprises concernées, mais elles empêchent surtout certains agents de bénéficier d'un niveau de pension correct parce qu'ils n'ont pas effectué une carrière complète quand ils sont obligés de partir - à cinquante ans, par exemple, pour un conducteur à la SNCF.

Oui, nous devons imaginer de nouveaux modes de gestion des ressources humaines dans les entreprises concernées ! Les salariés ne doivent pas faire les frais de pratiques non seulement dépassées, selon moi, mais qui appartiendront prochainement au passé.

Vous avez aussi exprimé la crainte que la réforme ne soit dénaturée par les négociations d'entreprise. Naturellement, il n'est pas question de reproduire, sous une forme ou sous une autre, les situations antérieures, ni de permettre la remise en cause, dans les discussions d'entreprise, des principes généraux définis par la réforme.

Au bout du compte, il s'agira de savoir si, oui ou non, la convergence avec la fonction publique a été réalisée, si on est passé d'une durée de cotisation de trente-sept ans et demi à une durée de quarante ans, si l'indexation des pensions se fait sur les prix plutôt que sur les salaires. Ces objectifs sont clairs ! Les négociations se dérouleront, de toute façon au vu et au su de tout le monde.

Je ne doute pas un seul instant que vous suivrez, les uns et les autres, ces négociations d'entreprise avec un maximum d'attention. Nous savons qu'elles n'ont pas d'autre vocation que d'appliquer les principes généraux de la réforme dans chaque entreprise, car il importe de prendre en compte également la spécificité des emplois. En effet, qui peut nier que les situations soient très différentes, à la SNCF par exemple, entre un conducteur, un contrôleur et un agent d'exploitation ou un agent commercial ? Voilà pourquoi il est intéressant de ne pas prendre systématiquement les décisions au niveau gouvernemental.

Vous avez également insisté, monsieur Leclerc, sur la vigilance du Sénat quant aux adossements. Je fais miennes vos remarques, parce qu'il ne faut pas confondre la réforme du financement et la réforme des droits. La réforme du financement a pu déjà être engagée dans certaines entreprises, mais nous savons bien que la réforme des droits constitue l'essentiel du travail à accomplir. Elle seule est de nature à garantir la nécessaire visibilité sur l'avenir de ces régimes et des retraites de leurs affiliés.

Alain Vasselle a souhaité disposer de données plus précises sur les régimes spéciaux. Ce travail a été effectué pour le régime qui a fait déjà l'objet d'un adossement ; il n'y a pas de raison qu'il ne le soit pas pour les autres. Le Conseil d'orientation des retraites, le COR, avait commencé à étudier ce sujet ; je souhaite qu'il puisse poursuivre sa réflexion afin de garantir le maximum de transparence et d'information, pour la représentation nationale, bien sûr, mais pas uniquement.

J'observe, à cet égard, que le Gouvernement a souhaité associer le Parlement à la réforme, quel que soit le niveau juridique des textes qui traduiront cette réforme. Sur le plan de l'information et de la transparence, bien évidemment, je ne peux que rejoindre Alain Vasselle.

Dans son intervention, Alain Gournac a exprimé son soutien à la réforme et évoqué certains aspects pratiques et détaillés. Il est important que les hommes politiques sortent de la phase des généralités pour aborder, d'une certaine façon, les travaux pratiques et être le plus concrets possible.

Vous avez raison de souligner la nécessité d'agir, monsieur le sénateur, comme l'a rappelé d'ailleurs la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

La Cour des comptes dit aussi autre chose : taxer les stocks-options !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

La volonté d'agir du Gouvernement répond également aux engagements du Président de la République et s'inscrit dans un esprit de concertation.

Personne ne peut être surpris par ce débat, car il a été ouvert pendant la campagne présidentielle.

Bien sûr ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Ils ont été approuvés par les électeurs !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J'ai même le sentiment que, sur un sujet comme celui-ci, le soutien s'étend au-delà de la seule majorité et dépasse clairement les clivages politiques. Votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, en est le reflet !

Monsieur Gournac, vous avez eu raison de rappeler que les précédentes réformes des retraites de 1993 et 2003 ont été réalisées par des gouvernements appartenant à l'actuelle majorité. C'est un fait ! De nombreux rapports ont été rédigés à une certaine époque, beaucoup de reports sont intervenus également, mais pas de réformes. Pourtant, à l'époque, la croissance économique aurait pu favoriser les choses...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C'est un fait donc, les précédentes réformes ont été réalisées par cette majorité. C'est une question de courage, mais aussi de volonté de dialoguer : pour prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde des régimes de retraite par répartition, il faut avoir la volonté d'avancer et de dialoguer. Tel est notre cas et je vous remercie de l'avoir souligné.

Vous avez eu aussi raison de rappeler que le taux d'emploi des seniors dans notre pays est aujourd'hui inférieur à la moyenne européenne. Nous sommes quasiment le pays le plus mal situé en Europe : un tiers seulement des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans est en activité en France, contre 70 % en Suède.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

La réforme des régimes spéciaux va nous permettre, à son modeste niveau, de développer une politique dans ce domaine. Nous savons pertinemment que différents facteurs créent une situation défavorable à l'emploi des seniors dans l'entreprise.

Je ne me rendrai pas ridicule en tenant un énième discours demandant aux entreprises de leur accorder toute leur place. Il est temps de passer à d'autres mesures que nous aurons l'occasion de vous présenter dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment la suppression des mises à la retraite d'office et, surtout, des « retraites couperet », qui ont récemment alimenté la chronique. Si Guy Roux a cessé d'entraîner un club de football, il existe des milliers de Guy Roux en France qui voudraient continuer à travailler et qui en sont empêchés par des « clauses couperet » relevant d'une autre époque.

Aymeri de Montesquiou a eu raison de rappeler aussi clairement que le statu quo n'est plus possible, notamment dans la perspective du rendez-vous de 2008 sur les retraites. Ce constat est d'ailleurs partagé, à gauche comme à droite. Au-delà de certaines prises de positions que j'ai pu entendre, il est évident que des lignes de fracture traversent le parti socialiste...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Elles sont peut-être personnelles, je n'en sais rien... Mais certains ont le courage de dire que cette réforme doit être réalisée, qu'il importe qu'elle le soit dans la concertation. C'est ce que nous faisons !

Certains leaders ont même pris position...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous ne reconnaissez peut-être pas la qualité de leader à François Hollande, mais tel n'est pas mon problème ! Il s'est exprimé courageusement sur cette question il y a quelques jours.

La seule question qui vaille, c'est de savoir si, à un moment donné, vous allez passer aux travaux pratiques ! Voilà le vrai sujet !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Ne vous inquiétez pas pour nous ! Si vous voulez la bagarre, vous l'aurez !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je vais mettre chacun à l'aise : quand je disais qu'il ne s'agit pas d'opposer les uns aux autres, je ne voulais pas parler du parti socialiste ! Telle n'était pas mon intention !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Mêlez-vous des affaires de votre camp ! Réconciliez le Premier ministre avec le Président de la République ! Occupez-vous des tests ADN !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je ne pensais pas que je vous énerverais autant en abordant ce sujet, veuillez m'en excuser !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur de Montesquiou, je voulais également vous remercier d'avoir souligné que la méthode choisie par le Gouvernement laisserait une part essentielle à la concertation pour déterminer la bonne voie de passage.

Celle-ci peut-être déterminée avec les partenaires sociaux, je le pense. Mais il était aussi nécessaire de venir en premier devant le Sénat, ce matin ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Il est vide le Sénat ! Les sénateurs de l'UMP arrivent seulement !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je suis prêt non seulement à revenir, mais également à poursuivre les échanges avec celles et ceux qui le souhaiteraient, soit au sein de la commission, soit d'une autre façon, pour continuer à travailler et à construire ensemble.

Jean-Marie Vanlerenberghe a eu raison de rappeler qu'une réforme ne se résumera pas à l'adossement. Nous nous retrouvons sur ce constat : la réforme des droits est seule de nature à apporter des garanties sur le financement.

Les travaux du COR montrent d'ailleurs, vous avez également évoqué ce point, que les comparaisons entre le régime général et le régime de la fonction publique sont toujours délicates à opérer, n'est-ce pas, monsieur About ? Entre un calcul fondé sur les vingt-cinq meilleures années et un calcul qui se réfère aux six derniers mois hors primes, il est facile de croire qu'il existe une grande différence a priori...

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Regardez les pensions, et vous verrez qu'il n'y en a pas !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... mais, dans le cas des fonctionnaires, les primes, qui peuvent représenter 20 % du traitement, ne sont pas prises en compte aujourd'hui dans le calcul de la pension, contrairement au calcul sur les vingt-cinq meilleures années qui, lui les prend en compte. Les évaluations comparatives des deux systèmes n'ont encore jamais été réalisées. Pourtant, ces spécificités existent et doivent être prises en considération.

Pour être complet, je dirai que vous devriez aussi veiller à la différence entre les niveaux de fonction publique dans lesquels exercent les fonctionnaires. Si vous intégrez tous ces paramètres, je n'ai pas le sentiment que les salaires les plus modestes soient les plus pénalisés.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce sujet requiert donc une approche logique de l'harmonisation avec la fonction publique, à laquelle je crois.

Mais le rythme de montée en charge de la réforme constitue bien le coeur du débat et je vous ai tendu la perche à plusieurs reprises sur ce sujet. J'ai dit que la réforme ne s'appliquerait pas du jour au lendemain. Quel est le bon rythme ? Voilà la question ! Chacun a le droit d'avoir une position sur ce sujet et de présenter des propositions : cependant, je n'en ai pas entendu sur toutes les travées...

La durée de la convergence avec le régime de la fonction publique sur les principaux paramètres est au centre du débat d'aujourd'hui. Nous avons en ce moment des réunions techniques au ministère avec les représentants des entreprises et des syndicats afin de déterminer, avec eux, le bon rythme, mais je reste ouvert aux propositions sénatoriales.

En ce qui concerne la méthode, je rappelle - je l'ai dit à la presse et je l'ai répété tout à l'heure - qu'il ne s'agit pas d'une réforme comptable. En effet, si je vous indique aujourd'hui que nous cherchons à économiser un montant chiffré en millions d'euros, nous enfermons la concertation dans des barrières comptables.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Or, sur un sujet comme celui-ci, nous savons pertinemment que, si nous voulons négocier sur tous les critères que vous avez évoqués, afin de garantir l'avenir des retraites des agents concernés, il faut que la discussion soit la plus ouverte possible. Cela dit, j'ai bien une idée du résultat qui devra être présenté aux Français, aux partenaires sociaux et aux parlementaires...

J'ai écouté longuement le président Guy Fischer...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je n'ai pas senti le temps passer, monsieur About !

À vous entendre, monsieur Fischer, je peux m'interroger : fallait-il engager cette concertation ? Si je vous ai bien compris, il aurait fallu repousser cette réforme...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cela étant, je reconnais que vous avez une vision de ce dossier, comme lors de la réforme des retraites de 2003. Vos solutions ne sont certainement pas les nôtres, et je ne suis même pas certain qu'elles emportent l'adhésion d'une majorité de Français, mais vous formulez des propositions, je vous le concède.

D'une certaine façon, vous avez cherché à mélanger les sujets. Peut-être n'était-ce pas l'effet du hasard... J'ai entendu parler de Gaz de France, de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, adoptée cet été, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... pour arriver enfin à la question des régimes spéciaux. Je ne prétends pas que vous cherchiez à éviter de l'aborder, je ne vous ferai pas ce procès.

Mais que proposez-vous sur le fond, en définitive ? Vous suggérez de ramener la durée de cotisation à trente-sept années et demie pour tous.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Que deviendrait alors le déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, qui atteindra l'an prochain plus de cinq milliards d'euros...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... alors que la durée de cotisation est d'ores et déjà de quarante années !

Ne trouvez-vous pas plus logique de travailler plus longtemps puisque l'espérance de vie augmente ? Tous les pays européens ont légiféré en ce sens. En 2003, nous avons posé une règle selon laquelle, si l'espérance de vie progresse de trois ans, les salariés consacrent deux années à travailler plus longtemps et conservent le bénéfice d'une année pour eux-mêmes.

Telle était la répartition prévue dans la loi de 2003. Ce que tous les autres pays ont fait, pourquoi nous serait-il interdit aujourd'hui de le faire en France ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Par ailleurs, n'est-il pas paradoxal de laisser entendre que les revenus du capital ne seraient taxés en aucune façon en France alors que, je le rappelle, ils contribuent à l'effort de solidarité au travers de la CSG ou de la taxe de 2 % sur les revenus du capital, qui alimentent respectivement le Fonds de solidarité vieillesse et le Fonds de réserve pour les retraites ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En outre, vous avez évoqué les stock-options.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ne soyez pas impatient, monsieur Fischer ! Le débat sur les stock-options viendra forcément. Je lis la presse comme vous et j'ai constaté qu'un certain nombre de députés avaient l'intention d'inscrire ce thème dans la discussion. Je crois savoir également que le Sénat a très envie d'étudier cette question, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... qui, bien évidemment, se pose au regard du financement de la protection sociale et de la sécurité sociale. En tant que ministre responsable à la fois du travail et de la solidarité, j'ai le souci que les mesures qui pourraient être retenues ne pénalisent pas le pouvoir d'achat.

Voilà pourquoi il importe de bien distinguer les choses entre les stock-options, l'intéressement et la participation. En effet, des mesures qui frapperaient de la même manière ces différentes catégories de revenus n'auraient pas la même incidence, en termes de pouvoir d'achat, pour leurs bénéficiaires.

Quoi qu'il en soit, de grâce, monsieur Fischer, ne donnez pas à croire que la taxation des revenus du capital serait la solution miracle pour combler les déficits !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Non, il y en a d'autres : le plein emploi et le relèvement des salaires !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous connaissez suffisamment bien ces dossiers de la protection sociale pour savoir que l'enjeu n'est pas de cet ordre.

Enfin, vous avez souhaité aborder la question du remboursement des dettes de l'État à la sécurité sociale. Je tiens à vous en remercier sincèrement, car je crois que c'était là, de votre part, une façon un peu détournée de saluer les efforts du Gouvernement !

Rires sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je conçois que cela vous soit difficile a priori ! Néanmoins, vous avez bien voulu noter qu'Éric Woerth, ministre chargé des comptes publics, avait annoncé que l'État rembourserait cette année les 5 milliards d'euros de dettes en question : vous en aviez rêvé, le Gouvernement l'a fait ! Je vous remercie vivement d'avoir suscité ce débat tout à l'heure, monsieur Fischer...

Exclamations sur les travées du groupe CRC. -Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je voudrais maintenant répondre à M. Domeizel sur la méthode.

Monsieur Domeizel, nous avons travaillé ensemble dès 2003, quand j'étais rapporteur pour avis, à l'Assemblée nationale, du projet de loi portant réforme des retraites, puis responsable de la mission de préfiguration du groupement d'intérêt public « droit à l'information sur la retraite ». Je connais les fonctions que vous exercez et vous savez le respect que je vous porte, mais je tiens à être précis, monsieur le sénateur : je n'ai jamais réservé à la presse locale de mon département la primeur de l'annonce d'une quelconque réforme. Je ne travaille pas comme cela !

J'ai beaucoup d'attachement pour mes mandats locaux - M. le sénateur Pierre André, qui est mon maire à Saint-Quentin, pourrait en porter témoignage -, mais je n'ai jamais confondu les choses et je sais quelle est ma responsabilité gouvernementale : je ne fais pas de « coups » ou d'effets d'annonce dans la presse quotidienne régionale. En l'occurrence, vous avez fait allusion à des fêtes locales qui se seraient déroulées dans le sud de mon département.

M. Claude Domeizel s'étonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Vous l'avez dit, monsieur Domeizel ! Eh oui !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous vous êtes exprimé en ce sens à la tribune du Sénat, monsieur Domeizel, et je veux simplement mettre les choses au point. Sur cette question, il ne s'est jamais agi pour moi de réserver un quelconque scoop à qui que ce soit.

Par ailleurs, je ne vous ai jamais annoncé, hier, qu'un texte serait présenté le 15 octobre prochain.

M. Claude Domeizel manifeste son incompréhension.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Si vous l'avez pensé, je redirai encore plus précisément les choses aujourd'hui à cette tribune.

M. Claude Domeizel se tourne vers M. Guy Fischer.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Même M. Fischer vous affirme que rien de tel n'a été annoncé. Mon oreille gauche fonctionne bien !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

M. Charles Revet. On espère que l'oreille droite fonctionne bien aussi !

Nouveaux sourires sur les mêmes travées

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En octobre, le Gouvernement présentera un document d'orientation qui précisera les éléments d'harmonisation et les principes généraux, et qui permettra en même temps d'ouvrir des négociations dans les entreprises. Pourquoi en octobre ? Parce qu'il sera également tenu compte des retours en provenance des organisations syndicales et des directions des entreprises, qui vont nous faire un certain nombre de propositions en vue de définir la bonne répartition entre ce qui relèvera de la responsabilité du Gouvernement, le moment venu, et ce qui relèvera des directions des entreprises.

Je n'ai donc jamais évoqué la date du 15 octobre. Une seule organisation syndicale a indiqué, à la sortie de mon bureau, qu'un décret serait publié ce jour-là, mais cette information a été démentie aussitôt par les autres organisations syndicales. J'ai tenu quinze rendez-vous avec ces dernières, et là non plus je n'ai jamais eu l'intention de réserver un scoop à l'une quelconque d'entre elles. En tout état de cause, il n'a jamais été question de publier tout de suite un décret.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je ne pratique pas le passage en force, et je n'envisage pas de changer de méthode en cours de route. C'est seulement au terme du processus que les textes réglementaires seront pris, monsieur Domeizel. Voilà ce que je tenais à préciser.

Oui, j'ai souhaité que ce débat puisse avoir lieu ; oui, j'ai souhaité pouvoir connaître vos positions - c'est un peu plus clair maintenant ; oui, j'ai souhaité pouvoir disposer de vos propositions - c'est un peu moins clair, je dois le concéder.

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En effet, j'ai entendu de votre part beaucoup de remarques sur la méthode, mais peu de propositions concrètes sur un thème qui a fait l'objet de rapports parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

C'est à vous de proposer ! C'est vous qui êtes au Gouvernement !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Moi, je suis prêt à assumer mes responsabilités. Si je m'exprime devant vous sur un sujet d'ordre réglementaire, c'est au nom d'une méthode. Ne vous inquiétez pas : je suis chargé de cette réforme, je saurai faire des propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Très bien ! Faites-les, on vous dira ce que l'on en pense !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je le répète, je mets en pratique une nouvelle méthode.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

S'agissant d'un thème relevant du domaine réglementaire, concédez qu'il n'est pas si fréquent que le Gouvernement vienne à la tribune vous expliquer comment il voit les choses et où nous en sommes ! Chacun peut décider de jouer le jeu, comme cela a été le cas tout à l'heure sur certaines travées.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cela étant, vous avez eu raison de souligner, monsieur Domeizel, que les paramètres actuels des régimes spéciaux de retraite ont été fixés juste après la Seconde Guerre mondiale ou au milieu des années soixante. Je vous remercie de l'avoir fait, et je pense que vous prenez à votre compte l'opinion du Conseil d'orientation des retraites que vous avez citée.

Cela montre bien que, sur ce sujet, on a le droit d'envisager une modernisation, c'est-à-dire une adaptation, en donnant des garanties aux salariés concernés.

En conclusion, je retiendrai une seule chose de votre intervention : vous n'êtes pas opposé aux réformes, même si, à un moment donné, on aurait pu penser le contraire et croire que, en vous concentrant sur la forme, vous vouliez éviter de vous prononcer sur le fond.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il ne s'agit absolument pas pour moi de vous faire un procès d'intention. Nous avons engagé aujourd'hui un premier débat au Parlement sur les régimes spéciaux de retraite et je resterai à votre disposition pour poursuivre la discussion, mais, sur ce sujet comme sur d'autres, nous avons le sentiment qu'il est possible de trouver une voie de passage. Cette voie, je suis prêt à la déterminer en concertation avec vous. Ma porte est ouverte à tout le monde matin, midi et soir, semaine et week-end.

Je maintiens ma proposition : à vous de voir si vous voulez faire en sorte que nous construisions cette réforme ensemble. C'est le voeu le plus cher que je puisse former devant vous.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je constate que le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 1 et distribuée.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame :

- M. Gérard Larcher membre de la commission des affaires économiques à la place laissée vacante par Mme Adeline Gousseau, démissionnaire de son mandat de sénateur.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Christian Poncelet.