Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément aux engagements qu'il avait pris devant les Français avant les échéances électorales du printemps 2007, le Président de la République a lancé le 18 septembre dernier la réforme des régimes de retraite dits « spéciaux ».
Cette décision fera date dans notre histoire sociale, car tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt-cinq ans ont, volontairement ou non d'ailleurs, calé devant l'obstacle.
L'enjeu est donc crucial : il s'agit de mettre fin à une situation qui, sournoisement, empoisonne la vie politique et sociale de notre pays depuis des décennies.
Le Gouvernement entend y procéder par voie réglementaire, ce qui est juridiquement fondé sachant qu'une place essentielle sera, bien entendu, réservée au dialogue entre les pouvoirs publics et les organisations syndicales.
Dans ce cadre, néanmoins, nous n'aurions pas compris que le Parlement restât à l'écart de ce débat et nous sommes particulièrement sensibles au fait qu'il s'ouvre ce matin et, en premier lieu, devant le Sénat. J'y vois, monsieur le ministre, le signe de la reconnaissance du travail de réflexion mené de longue date sur le sujet par la commission des affaires sociales et vous savez pouvoir compter sur son soutien, que j'ose dire « éclairé ».
Ce débat me donnera l'occasion de vous faire part des différentes constatations auxquelles elle est parvenue. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les dispositions relatives à l'assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous présentera des propositions plus concrètes ; puis Alain Vasselle, en tant que président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, insistera sur les grands enjeux de ce dossier pour les finances sociales.
Au préalable, saluons le courage d'aborder enfin cette question taboue des régimes spéciaux. Ils sont désormais devenus une source d'inégalités croissantes entre les assurés sociaux, ce que les Français, très majoritairement, n'acceptent plus.
Quelques chiffres donnent un aperçu du problème.
Les sept grands régimes spéciaux rassemblent 1, 1 million de retraités pour seulement 471 000 actifs. La masse des prestations versées s'élève chaque année à plus de 13 milliards d'euros, soit l'équivalent de 0, 8 % de la richesse nationale, et elle devrait continuer à s'accroître à l'avenir. La survie de ces régimes n'est possible que grâce à la solidarité nationale. En 2005, 59 % des prestations vieillesse étaient non pas financées par les cotisants, mais par des ressources publiques. On pense que ce taux atteindra 70 % à l'horizon de 2040-2050, si rien ne change. Il est donc grand temps d'agir, et ce pour plusieurs raisons.
Pour une raison démographique, d'abord, car, dans le régime général, le rapport entre cotisants et retraités se détériore du fait du départ en retraite des baby-boomers. Dans ces conditions, il n'est pas concevable de les mettre encore davantage à contribution pour les régimes spéciaux.
Pour une raison financière, ensuite, car les sommes à financer sont colossales. On estime à 300 milliards d'euros, au cours des six prochaines décennies, les engagements globaux de retraite des sept principaux régimes spéciaux.
Pour des raisons de justice et d'équité entre Français, enfin, car ces régimes sont restés à l'écart de toute réforme en 1993, en 1995 et en 2003. Est-il vraiment défendable que 2 % de la population active se trouvent exemptés de l'effort collectif de sauvetage des régimes de retraite, tout en continuant à bénéficier d'un traitement privilégié financé par les autres ?