Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 2 octobre 2007 à 16h10
Immigration intégration et asile — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Brice Hortefeux, ministre :

Garanti par la convention de Genève, l'asile a sa finalité propre : protéger les personnes qui ne sont plus protégées par leur propre État. L'asile n'est pas et ne sera pas une variable d'ajustement de la politique d'immigration. Pour être encore plus précis, mesdames, messieurs les sénateurs, il n'y aura pas de quota d'accueil des réfugiés politiques.

En me confiant la tutelle de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, le projet de loi ne fait que tirer les conséquences de la création du ministère dont j'ai la charge. Il est naturel que la tutelle de l'OFPRA passe du ministère chargé des relations internationales à celui qui est chargé de l'entrée et du séjour des étrangers en France.

Il va aussi de soi que l'indépendance fonctionnelle de l'OFPRA reste entière, sous le contrôle juridictionnel de la Commission des recours des réfugiés. Cela signifie que ce n'est pas moi qui, demain, déciderai si tel ou tel étranger doit être reconnu comme réfugié. L'OFPRA restera souverain dans ses décisions sur les cas individuels.

J'entends même aller encore un peu plus loin pour conforter l'indépendance de la Commission des recours des réfugiés, qui doit devenir une véritable cour nationale du droit d'asile, dotée d'une pleine autonomie budgétaire.

J'ajoute que le projet de loi fait aussi oeuvre utile en adaptant à la dernière jurisprudence européenne le régime du droit de recours contre les décisions de refus d'asile à la frontière. Cela signifie que les étrangers qui demanderont l'asile à Roissy, à leur descente d'avion, pourront, lorsqu'ils estimeront que la France leur refuse à tort le statut de réfugié, rester dans la zone d'attente jusqu'à ce que la décision les concernant soit prise par le juge en urgence.

Je tiens aussi à remercier le président du groupe Union Centriste-UDF, Michel Mercier, d'avoir pris l'initiative d'un excellent amendement, qui vise à favoriser l'intégration des réfugiés politiques. Si celui-ci est adopté, un nouveau dispositif, s'inspirant de ce qui a été fait dans le Rhône - Mme Muguette Dini pourra peut-être en témoigner -, permettra d'améliorer considérablement l'accès des réfugiés à l'emploi et au logement.

Par ailleurs, je connais votre divergence avec l'Assemblée nationale sur le délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés. Je souligne simplement, à titre informatif, que le délai de recours moyen est, en Europe, plus près de quinze jours que d'un mois. À l'heure où nous travaillons, à Bruxelles, à un rapprochement progressif de nos systèmes d'asile, c'est une donnée qu'il convient d'avoir à l'esprit. Si je mesure combien la question est sensible, je fais confiance au Parlement pour en débattre avec sagesse.

J'en viens à l'objet principal du projet de loi : favoriser l'intégration des immigrés légaux au sein de notre communauté nationale.

Nous voulons protéger les immigrés légaux contre les dangers du communautarisme et leur donner toutes les chances de s'intégrer à notre communauté nationale. C'est pourquoi nous souhaitons que les personnes rejoignant la France dans le cadre du regroupement familial soient soumises, dans leur pays de résidence, à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République.

Cette réforme est le fruit d'une conviction simple : la langue est le meilleur vecteur d'intégration dans un pays. Elle est la clef de l'accès à l'emploi, au logement, aux services publics et à une vie normale au sein du pays d'accueil.

Comprenons-nous bien : demander aux candidats à l'immigration familiale de passer un test de français et d'apprendre notre langue, c'est à la fois combattre le communautarisme et récompenser les efforts des étrangers qui souhaitent vraiment s'intégrer.

Cette évaluation prendra la forme d'un test de langue usuelle, d'une durée de quinze minutes. Si le test en révèle le besoin, l'étranger bénéficiera d'une formation d'une durée maximale de deux mois, soit quatre-vingts à cent quatre-vingts heures de cours.

En créant ce test et cette formation, la France rejoint plusieurs grands pays européens. Les Pays-Bas ont, par exemple, institué un test de connaissance de la langue et de la société néerlandaises avant l'entrée sur leur territoire. De même, l'Allemagne a adopté le principe d'un examen de maîtrise de la langue et de la culture allemandes préalable au franchissement de ses frontières.

Je rappelle que les dispositions du présent projet de loi, qu'il s'agisse du test de français ou des conditions de ressources, s'inscrivent dans le respect le plus strict des exigences posées par la Constitution et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

J'ai entendu les interrogations d'un certain nombre d'entre vous sur l'opportunité de proposer aussi aux conjoints de Français résidant à l'étranger de bénéficier d'un test de langue française et d'une formation.

Pour plusieurs d'entre vous, le mariage avec un Français est un signe d'intégration suffisant pour bénéficier d'une présomption d'intégration, rendant inutiles une évaluation et une formation éventuelle avant l'arrivée en France. Cette affirmation est partiellement exacte, et donc partiellement inexacte, car trop générale.

Outre le problème, certes réel, des mariages de complaisance - chacun a cela à l'esprit -, j'insiste sur le souhait du Gouvernement de voir ces conjoints de Français commencer leur parcours d'intégration avant même leur installation en France, car une connaissance minimale de la langue française est nécessaire pour entamer, dès l'arrivée dans notre pays, une socialisation réussie.

Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, permettez-moi de revenir sur un point précis. Si l'exemple d'un conjoint de Français venu d'Australie ou du Canada a souvent été utilisé pour démontrer l'existence d'une présomption d'intégration, force est de constater que, en 2004 - c'est la dernière année pour laquelle nous disposons de chiffres précis -, sur les 60 000 conjoints de Français s'étant installés en France, seuls 109 venaient d'Océanie et 264 du Canada ! Ils étaient, en revanche, 43 000 d'origine africaine, dont plus de 12 000 d'Afrique subsaharienne.

Ce sont de ces régions du monde - c'est normal, car ce sont des terres d'émigration - que proviennent, pour l'essentiel, les conjoints de Français qui s'installent en France.

Veuillez m'excuser de cette lapalissade, mais le mariage avec un Français est devenu une source majeure d'immigration familiale en France. Par conséquent, un test préalable d'intégration, le cas échéant suivi d'une formation, nous paraît effectivement nécessaire.

Cela dit, dans certains cas particuliers, un tel test et une telle formation pourraient représenter une contrainte plutôt qu'un avantage. Je pense notamment à la situation des Français expatriés qui se marient à l'étranger et qui souhaitent revenir s'établir en France pour leur carrière. Dans ce cas, sans doute faut-il - j'ai entendu ce qui s'est dit, notamment au sein de la commission des lois - ne pas soumettre le conjoint étranger à un test dans son pays et l'inviter à suivre une telle formation à son arrivée en France.

Par ailleurs, comme vous le savez sans doute, des conventions internationales pourront permettre de dispenser certains ressortissants du mécanisme posé par la loi si la France et l'État d'origine le souhaitent. Naturellement, le gouvernement de la République est prêt à évoquer ce sujet avec nos partenaires qui le voudraient.

S'agissant de l'obligation d'un visa de long séjour pour les conjoints de Français, j'ai également entendu les interrogations qui ont été exprimées.

À cet égard, permettez-moi d'apporter une précision juridique. L'argument selon lequel, au nom du droit au respect de la vie privée et familiale, qui est défini par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, tout conjoint de Français aurait un droit absolu à s'installer en France n'est pas recevable.

En effet, dans un arrêt du 28 mai 1985, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'article 8 ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État contractant l'obligation générale de respecter le choix, par des couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux dans le pays.

Notre règle doit donc être simple et lisible. Pour s'installer en France, il faut un visa de long séjour délivré par un consulat à l'étranger. Les visas de court séjour ne doivent pas être utilisés pour un motif migratoire.

Il existe une procédure de visa de long séjour qui permet concrètement de vérifier si les conditions d'entrée en France sont bien remplies et d'éviter non seulement des difficultés pratiques, mais également d'éventuelles fraudes et mariages de complaisance, malheureusement encore trop nombreux.

D'ailleurs, je constate que l'obligation d'un visa de long séjour est déjà la règle applicable dans d'autres pays européens, notamment au Royaume-Uni ou en Italie.

De même, en cas d'impossibilité de retour dans le pays d'origine ou de difficulté d'ordre humanitaire, la régularisation au cas par cas reste, bien évidemment, possible. Le droit en vigueur prévoit ainsi un dispositif d'admission exceptionnelle au séjour.

Je voudrais à présent évoquer les conditions de ressources. Chacun le comprend, des conditions de ressources adaptées à la taille des familles visent avant tout à favoriser la bonne intégration de celles-ci.

L'étranger souhaitant faire venir sa famille en France devra effectivement prouver qu'il dispose de revenus adaptés à la taille de cette famille. Il s'agit là d'une question de bon sens. Comment une famille étrangère de six enfants arrivant en France et devant financer des dépenses liées à son installation peut-elle décemment se loger dans notre pays et vivre avec des revenus inférieurs à 1 500 euros ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion