La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
La séance est reprise.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, un ministre est spécifiquement chargé de conduire une politique d'immigration, d'intégration et de codéveloppement.
Nicolas Sarkozy, comme ministre d'État, l'avait appelé de ses voeux ; c'est comme Président de la République qu'il l'a rendu possible grâce à la création d'un ministère régalien qui recouvre l'ensemble du parcours d'un étranger candidat à l'immigration en France, depuis l'accueil au consulat jusqu'à l'intégration dans notre pays et l'éventuel accès à la nationalité française ou le retour vers le pays d'origine.
Il s'agit certainement d'un progrès pour les étrangers qui, respectueux de nos valeurs, souhaitent s'intégrer à la communauté nationale.
L'enjeu est de construire une politique d'immigration préservant l'avenir de notre communauté nationale. Je serai attentif à ce que sa mise en oeuvre respecte l'équilibre attendu par les Français. Nous sommes fermes à l'égard des immigrés qui n'observent pas les lois de la République, comme nous sommes protecteurs à l'endroit de ceux qui respectent nos règles et nos valeurs.
Cet équilibre entre fermeté et protection est précisément l'objet de ce projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile que je vous soumets aujourd'hui. Ce texte a été préparé dans les premiers jours qui ont suivi la constitution du Gouvernement. Adopté par le Conseil des ministres le 4 juillet, il a été débattu à l'Assemblée nationale, qui l'a adopté le 20 septembre. De dix-huit articles au départ - ce n'était donc pas une « cathédrale législative » ! -, le texte en comprend néanmoins aujourd'hui quarante-huit.
Je ne laisserai pas caricaturer un texte que le Gouvernement a voulu tout à la fois juste et protecteur, un texte qui permettra de favoriser l'intégration et de lutter contre le communautarisme.
Je serai très clair : la politique qui est engagée ne se résume ni au chiffre de 25 000 ni aux trois lettres du sigle ADN.
Le nombre d'éloignements effectifs n'est pas l'alpha et l'oméga de la politique migratoire de la France, mais il est vrai que c'est un indicateur pour évaluer nos résultats.
Les tests ADN ne constituent pas, quant à eux, le coeur d'un texte qui, pourtant, n'en manque pas, mais sont le fruit d'une initiative parlementaire dont nous allons débattre le moment venu.
Être le ministre de la loi n'empêche pas d'être celui du coeur. Je refuse l'idée selon laquelle il y aurait l'éthique, d'une part, et la politique, d'autre part : il n'y a qu'une action, juste, ouverte, responsable, au service des Français et des immigrés légaux.
Pendant trop longtemps, on a privilégié une générosité en trompe-l'oeil qui consistait à accueillir à tout va des migrants, mais sans se soucier de leur intégration à la communauté nationale.
Conformément aux engagements du Président de la République, nous devons préparer une immigration choisie et concertée.
L'immigration choisie, c'est le contraire de l'immigration zéro, qui n'est ni possible ni souhaitable - le ministre d'État Charles Pasqua l'avait d'ailleurs souligné avant moi -, mais c'est aussi le contraire de l'immigration subie, subie par les Français, subie par les immigrés résidant légalement en France et subie, aussi, par les migrants clandestins, victimes de filières et de marchands de sommeil.
Nous le savons, une politique de maîtrise des flux est aujourd'hui nécessaire en France. Plusieurs raisons plaident en faveur d'une telle logique.
Première raison, le système français d'intégration a globalement échoué. Je ne rappellerai pas ici le taux de chômage de la population immigrée par rapport à celui de la population française ; je me contenterai de relever que le taux de chômage de la population immigrée diplômée est de 24 %, alors que celui de la population française diplômée n'est que de 6 %.
Il faut avoir le courage de reconnaître que notre système d'intégration n'est plus un modèle. Quelles que soient nos différences, chacun ici, j'en suis certain, sera d'accord pour constater que, pour réussir l'intégration, il faut d'abord maîtriser l'immigration.
La deuxième raison qui impose de maîtriser les flux migratoires est notre situation démographique. Contrairement à de nombreux pays d'Europe, le taux de fécondité de la France est de 2, à comparer, par exemple, avec celui de l'Espagne, qui est de 1, 32, soit le taux le plus faible du monde. Cela signifie que, aujourd'hui et sans doute pour au moins une décennie, la France n'a pas besoin d'une immigration massive pour soutenir une démographie défaillante.
La troisième raison est que la capacité d'accueil de notre pays est tout simplement limitée. Y aurait-il un sens à accueillir des migrants sans en prévoir le nombre au moment où notre pays, selon tous les experts, connaît un déficit de près de 1 million de logements ? L'accueil de migrants sur notre territoire doit se faire dans des conditions satisfaisantes. Aujourd'hui, la situation actuelle ne le permet pas. Je rappelle que, au cours de la législature 1997-2002, seuls 296 000 logements ont été mis en chantier. Si ce chiffre a été porté à 420 000 au cours de la législature 2002-2007, il n'en demeure pas moins qu'il y a un déficit ...
... et nous devons bien en apprécier les conséquences.
J'en viens à la quatrième raison qui justifie notre détermination : nous savons que tout laxisme en matière d'immigration se paie lourdement.
En 1997, il avait été décidé de régulariser 80 000 immigrés clandestins. Je ne considère pas- je l'ai dit devant la commission des lois - que c'était a priori une erreur, et je pense que l'on pouvait réfléchir à toutes les hypothèses. La politique de régularisation générale a donc été tentée dans notre pays, mais elle a créé un appel d'air et a eu pour conséquence logique - je ne condamne pas, je constate - le quadruplement du nombre des demandeurs d'asile entre 1997 et 2002 !
Les délais d'instruction des demandes se sont alors allongés, atteignant parfois jusqu'à trois ans. L'administration, complètement débordée, s'est trouvée dans l'incapacité d'organiser la reconduite à la frontière des personnes déboutées. C'est la démonstration de l'échec de toute régularisation générale.
La cinquième raison qui justifie la maîtrise des flux migratoires tient au dialogue que nous avons engagé avec les pays d'émigration. Il n'est naturellement pas dans notre intérêt, ni dans nos possibilités, d'accueillir toute la misère du monde - des personnages beaucoup plus prestigieux que moi l'ont déjà dit -, mais il n'est pas non plus dans l'intérêt des pays terres d'émigration de laisser se développer sans contrôle l'émigration en France.
Deux immigrés sur trois sont originaires des pays d'Afrique subsaharienne et du Maghreb. Les gouvernements de ces pays amis ont parfaitement compris le risque du pillage de leurs forces vives et de leurs élites, qu'ils forment avec beaucoup de difficulté. Nous refusons, comme eux, tout pillage des cerveaux.
Je pense notamment aux professions médicales et paramédicales, ...
Heureusement qu'ils sont là pour assurer les gardes dans les hôpitaux !
M. Brice Hortefeux, ministre. ... qui font si cruellement défaut aujourd'hui à de nombreux pays, par exemple le Bénin.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
M. Gérard Delfau. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
Protestations sur les travées de l'UMP.
La parole est à M. Gérard Delfau, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, dans votre argumentation, que je n'approuve pas, mais dont je comprends la cohérence, un élément me trouble : comment pouvez-vous, à juste titre, refuser le pillage des cerveaux des pays africains, par exemple, et, en même temps, être celui qui, au nom du Gouvernement, veut proposer une réforme constitutionnelle afin de pouvoir instaurer des quotas d'immigration selon des critères propres à notre pays ?
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Delfau, c'est très simple : la carte « compétences et talents » que nous allons mettre en place répondra très exactement à vos préoccupations. Cette carte professionnelle, valable pour une durée de trois ans à six ans, permettra à un étranger de travailler sur notre territoire, de suivre une formation et d'obtenir une qualification. Ce qui va changer par rapport à d'autres époques, c'est que, au terme de ces trois ans ou six ans, cet étranger rentrera dans son pays pour lui faire profiter des progrès qu'il aura accomplis et de son expérience.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Voilà ma réponse !
Vous avez dit que vous ne souteniez pas mon argumentation, même si vous en compreniez la cohérence. J'espère que cette réponse très précise vous conduira à la soutenir !
Enfin, sixième et dernière raison, nous voulons maîtriser les flux migratoires tout simplement parce que notre pays est, en Europe, celui qui a déjà accueilli au cours des dernières décennies le plus grand nombre d'étrangers : jusqu'à 400 000 par an dans les années soixante-dix.
C'est vrai que la situation de la France est très différente de celle de l'Espagne ou de l'Italie, qui étaient encore récemment des pays d'émigration et qui sont aujourd'hui devenus des pays d'immigration.
Une politique de maîtrise des flux migratoires est aujourd'hui la seule possible. Elle est la seule qui protège les immigrés illégaux du sort que les filières leur réservent, la seule qui permet aux immigrés légaux une intégration réussie, la seule, enfin, qui donne aux réfugiés le droit d'asile qu'ils méritent.
Nous demeurons néanmoins fidèles à la tradition du droit d'asile et d'accueil des réfugiés politiques. Cette tradition, nous l'honorons. Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres. En 2006, la France a étudié 31 000 demandes d'asile, ce qui la place au premier rang des pays de l'Union européenne. À titre de comparaison, l'Allemagne en a étudié 21 000 et le Royaume-Uni, 28 000. Dans le monde, en 2006, seuls les États-Unis, pour des raisons que chacun connaît, dépassaient la France en nombre de demandes traitées.
Au total, 124 000 personnes bénéficient aujourd'hui, dans notre pays, du statut de réfugié.
Pour ma part - je le dis très clairement devant la Haute Assemblée -, j'entends être pleinement le ministre de l'asile. Il n'y aura pas de tergiversations sur ce point : la question de l'asile et celle de l'immigration sont distinctes et doivent le rester.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame
Garanti par la convention de Genève, l'asile a sa finalité propre : protéger les personnes qui ne sont plus protégées par leur propre État. L'asile n'est pas et ne sera pas une variable d'ajustement de la politique d'immigration. Pour être encore plus précis, mesdames, messieurs les sénateurs, il n'y aura pas de quota d'accueil des réfugiés politiques.
En me confiant la tutelle de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, le projet de loi ne fait que tirer les conséquences de la création du ministère dont j'ai la charge. Il est naturel que la tutelle de l'OFPRA passe du ministère chargé des relations internationales à celui qui est chargé de l'entrée et du séjour des étrangers en France.
Il va aussi de soi que l'indépendance fonctionnelle de l'OFPRA reste entière, sous le contrôle juridictionnel de la Commission des recours des réfugiés. Cela signifie que ce n'est pas moi qui, demain, déciderai si tel ou tel étranger doit être reconnu comme réfugié. L'OFPRA restera souverain dans ses décisions sur les cas individuels.
J'entends même aller encore un peu plus loin pour conforter l'indépendance de la Commission des recours des réfugiés, qui doit devenir une véritable cour nationale du droit d'asile, dotée d'une pleine autonomie budgétaire.
J'ajoute que le projet de loi fait aussi oeuvre utile en adaptant à la dernière jurisprudence européenne le régime du droit de recours contre les décisions de refus d'asile à la frontière. Cela signifie que les étrangers qui demanderont l'asile à Roissy, à leur descente d'avion, pourront, lorsqu'ils estimeront que la France leur refuse à tort le statut de réfugié, rester dans la zone d'attente jusqu'à ce que la décision les concernant soit prise par le juge en urgence.
Je tiens aussi à remercier le président du groupe Union Centriste-UDF, Michel Mercier, d'avoir pris l'initiative d'un excellent amendement, qui vise à favoriser l'intégration des réfugiés politiques. Si celui-ci est adopté, un nouveau dispositif, s'inspirant de ce qui a été fait dans le Rhône - Mme Muguette Dini pourra peut-être en témoigner -, permettra d'améliorer considérablement l'accès des réfugiés à l'emploi et au logement.
Par ailleurs, je connais votre divergence avec l'Assemblée nationale sur le délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés. Je souligne simplement, à titre informatif, que le délai de recours moyen est, en Europe, plus près de quinze jours que d'un mois. À l'heure où nous travaillons, à Bruxelles, à un rapprochement progressif de nos systèmes d'asile, c'est une donnée qu'il convient d'avoir à l'esprit. Si je mesure combien la question est sensible, je fais confiance au Parlement pour en débattre avec sagesse.
J'en viens à l'objet principal du projet de loi : favoriser l'intégration des immigrés légaux au sein de notre communauté nationale.
Nous voulons protéger les immigrés légaux contre les dangers du communautarisme et leur donner toutes les chances de s'intégrer à notre communauté nationale. C'est pourquoi nous souhaitons que les personnes rejoignant la France dans le cadre du regroupement familial soient soumises, dans leur pays de résidence, à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République.
Cette réforme est le fruit d'une conviction simple : la langue est le meilleur vecteur d'intégration dans un pays. Elle est la clef de l'accès à l'emploi, au logement, aux services publics et à une vie normale au sein du pays d'accueil.
Comprenons-nous bien : demander aux candidats à l'immigration familiale de passer un test de français et d'apprendre notre langue, c'est à la fois combattre le communautarisme et récompenser les efforts des étrangers qui souhaitent vraiment s'intégrer.
Cette évaluation prendra la forme d'un test de langue usuelle, d'une durée de quinze minutes. Si le test en révèle le besoin, l'étranger bénéficiera d'une formation d'une durée maximale de deux mois, soit quatre-vingts à cent quatre-vingts heures de cours.
En créant ce test et cette formation, la France rejoint plusieurs grands pays européens. Les Pays-Bas ont, par exemple, institué un test de connaissance de la langue et de la société néerlandaises avant l'entrée sur leur territoire. De même, l'Allemagne a adopté le principe d'un examen de maîtrise de la langue et de la culture allemandes préalable au franchissement de ses frontières.
Je rappelle que les dispositions du présent projet de loi, qu'il s'agisse du test de français ou des conditions de ressources, s'inscrivent dans le respect le plus strict des exigences posées par la Constitution et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
J'ai entendu les interrogations d'un certain nombre d'entre vous sur l'opportunité de proposer aussi aux conjoints de Français résidant à l'étranger de bénéficier d'un test de langue française et d'une formation.
Pour plusieurs d'entre vous, le mariage avec un Français est un signe d'intégration suffisant pour bénéficier d'une présomption d'intégration, rendant inutiles une évaluation et une formation éventuelle avant l'arrivée en France. Cette affirmation est partiellement exacte, et donc partiellement inexacte, car trop générale.
Outre le problème, certes réel, des mariages de complaisance - chacun a cela à l'esprit -, j'insiste sur le souhait du Gouvernement de voir ces conjoints de Français commencer leur parcours d'intégration avant même leur installation en France, car une connaissance minimale de la langue française est nécessaire pour entamer, dès l'arrivée dans notre pays, une socialisation réussie.
Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, permettez-moi de revenir sur un point précis. Si l'exemple d'un conjoint de Français venu d'Australie ou du Canada a souvent été utilisé pour démontrer l'existence d'une présomption d'intégration, force est de constater que, en 2004 - c'est la dernière année pour laquelle nous disposons de chiffres précis -, sur les 60 000 conjoints de Français s'étant installés en France, seuls 109 venaient d'Océanie et 264 du Canada ! Ils étaient, en revanche, 43 000 d'origine africaine, dont plus de 12 000 d'Afrique subsaharienne.
Ce sont de ces régions du monde - c'est normal, car ce sont des terres d'émigration - que proviennent, pour l'essentiel, les conjoints de Français qui s'installent en France.
Veuillez m'excuser de cette lapalissade, mais le mariage avec un Français est devenu une source majeure d'immigration familiale en France. Par conséquent, un test préalable d'intégration, le cas échéant suivi d'une formation, nous paraît effectivement nécessaire.
Cela dit, dans certains cas particuliers, un tel test et une telle formation pourraient représenter une contrainte plutôt qu'un avantage. Je pense notamment à la situation des Français expatriés qui se marient à l'étranger et qui souhaitent revenir s'établir en France pour leur carrière. Dans ce cas, sans doute faut-il - j'ai entendu ce qui s'est dit, notamment au sein de la commission des lois - ne pas soumettre le conjoint étranger à un test dans son pays et l'inviter à suivre une telle formation à son arrivée en France.
Par ailleurs, comme vous le savez sans doute, des conventions internationales pourront permettre de dispenser certains ressortissants du mécanisme posé par la loi si la France et l'État d'origine le souhaitent. Naturellement, le gouvernement de la République est prêt à évoquer ce sujet avec nos partenaires qui le voudraient.
S'agissant de l'obligation d'un visa de long séjour pour les conjoints de Français, j'ai également entendu les interrogations qui ont été exprimées.
À cet égard, permettez-moi d'apporter une précision juridique. L'argument selon lequel, au nom du droit au respect de la vie privée et familiale, qui est défini par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, tout conjoint de Français aurait un droit absolu à s'installer en France n'est pas recevable.
En effet, dans un arrêt du 28 mai 1985, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'article 8 ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État contractant l'obligation générale de respecter le choix, par des couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux dans le pays.
Notre règle doit donc être simple et lisible. Pour s'installer en France, il faut un visa de long séjour délivré par un consulat à l'étranger. Les visas de court séjour ne doivent pas être utilisés pour un motif migratoire.
Il existe une procédure de visa de long séjour qui permet concrètement de vérifier si les conditions d'entrée en France sont bien remplies et d'éviter non seulement des difficultés pratiques, mais également d'éventuelles fraudes et mariages de complaisance, malheureusement encore trop nombreux.
D'ailleurs, je constate que l'obligation d'un visa de long séjour est déjà la règle applicable dans d'autres pays européens, notamment au Royaume-Uni ou en Italie.
De même, en cas d'impossibilité de retour dans le pays d'origine ou de difficulté d'ordre humanitaire, la régularisation au cas par cas reste, bien évidemment, possible. Le droit en vigueur prévoit ainsi un dispositif d'admission exceptionnelle au séjour.
Je voudrais à présent évoquer les conditions de ressources. Chacun le comprend, des conditions de ressources adaptées à la taille des familles visent avant tout à favoriser la bonne intégration de celles-ci.
L'étranger souhaitant faire venir sa famille en France devra effectivement prouver qu'il dispose de revenus adaptés à la taille de cette famille. Il s'agit là d'une question de bon sens. Comment une famille étrangère de six enfants arrivant en France et devant financer des dépenses liées à son installation peut-elle décemment se loger dans notre pays et vivre avec des revenus inférieurs à 1 500 euros ?
Précisément, j'y viens, monsieur Mahéas.
Sur le principe, exiger un niveau de revenus différent des familles étrangères et des familles françaises se justifie. Comme chacun le sait, la situation de la famille étrangère est plus difficile que celle d'une famille française, puisqu'elle doit combler des retards en termes de relations ou de réseaux, notamment familiaux, et assumer des frais d'installation.
Et donc, pour aider les étrangers, vous voulez leur mettre la tête sous l'eau ! Quel raisonnement !
Lors du débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a souhaité adopter une position équilibrée.
Comme vous le savez, le projet de loi tend à définir un plancher de ressources, qui pourra varier entre le montant du SMIC brut, soit 1 280 euros, et un niveau plus élevé en fonction de la taille de la famille. À l'Assemblée nationale, le groupe UMP avait déposé un amendement tendant à fixer ce niveau entre 1, 33 fois le SMIC et 1, 5 fois le SMIC. J'ai refusé ce dispositif. Puis, la commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité que ce barème puisse atteindre 1, 33 fois le SMIC pour les familles nombreuses. Je m'en suis remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, mais ma préférence était de ne pas dépasser le seuil de 1, 2 fois le SMIC. C'est également la position de la commission des lois du Sénat, ce dont je me réjouis.
Le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille favorisera également l'intégration des familles arrivant dans le cadre du regroupement familial.
En signant ce contrat avec l'État, les parents des enfants ayant bénéficié du regroupement familial s'engageront à réussir l'intégration de leurs enfants. À cette fin, ils recevront une formation sur les droits et devoirs des parents en France qui portera sur leurs obligations liées à l'exercice partagé de l'autorité parentale, les relations avec l'école et les institutions liées à l'enfance.
Il s'agit d'un nouvel outil au service de l'intégration. Notre ambition est clairement d'augmenter les chances des enfants entrés en France dans le cadre du regroupement familial de réussir leur vie dans notre pays.
De plus, deux amendements présentés par le Gouvernement ont été adoptés à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Le premier avait pour objet la création d'une carte de résident permanent d'une durée illimitée qui, conformément aux souhaits du Président de la République, permettra de faciliter la vie des étrangers qui séjournent depuis très longtemps en France.
Le second visait à généraliser à tous les primo-arrivants signataires d'un contrat d'accueil et d'intégration l'établissement d'un bilan de compétences professionnelles personnalisé. Comme je l'ai déjà souligné, si l'on veut réduire significativement le taux de chômage des étrangers en France, il faut d'abord veiller à faire en sorte que les étrangers résidant dans notre pays bénéficient d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi.
En outre, un nouvel outil statistique permettra de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration.
C'est l'objet d'un amendement qui a été présenté à l'Assemblée nationale par les deux députés membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. Chacun connaît la sagesse et l'expertise de cette institution sur des questions aussi sensibles. Qui mieux qu'elle peut légitimement proposer un amendement portant sur les fichiers informatiques ?
Désormais, une autorisation préalable de la CNIL permettra la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration. Il y a une vérité simple : pour lutter contre les discriminations liées aux origines, encore faut-il pouvoir les mesurer !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Il s'agira d'un nouvel instrument en faveur de l'intégration. Ainsi, en menant des études fines sur les discriminations par rapport au logement, nous pourrons mieux connaître la nature et la localisation des concentrations de populations d'origine immigrée et orienter le travail des bailleurs sociaux.
Bien entendu, le Gouvernement n'a nullement l'intention de pratiquer quelque fichage « ethno-racial » que ce soit.
Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Parallèlement, le projet de loi encourage concrètement le codéveloppement, l'une des missions essentielles qui m'ont été confiées.
La présence du codéveloppement dans l'intitulé du ministère dont j'ai la charge est le signe d'une volonté forte du Président de la République et du Premier ministre de donner à l'aide au développement une orientation et une dimension nouvelles.
Aujourd'hui, le continent africain représente 65 % des flux migratoires réguliers vers la France. Vous le savez, sur trois étrangers qui s'installent en France, deux viennent d'Afrique du Nord ou subsaharienne. En réalité, les flux migratoires sont d'autant plus importants que la différence de niveau de vie est forte.
Lorsque l'on sait que la moitié des 900 millions d'Africains ont moins de dix-sept ans et que plus du tiers d'entre eux vivent avec moins d'un euro par jour, on comprend à quel point la pression de l'immigration qui s'exerce sur le Nord se nourrit des déséquilibres du Sud.
L'objectif français est clair : devenir un exemple en Europe en imaginant et en mettant en oeuvre des outils efficaces d'aide au développement des pays du Sud.
Notre souhaitons permettre aux ressortissants des pays d'émigration de mieux vivre chez eux, plutôt que de mal survivre ailleurs.
J'ai naturellement pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du rapport corédigé par le regretté président Jacques Pelletier et par Mme Tasca et M. Barraux, Le codéveloppement à l'essai, dans lequel la politique du codéveloppement était encore considérée comme un « prototype ». Du prototype, sachez que nous avons l'ambition de faire un exemple.
D'abord, le projet de loi de finances pour 2008 nous donne les moyens de notre action en matière de codéveloppement. Au sein de la mission interministérielle « Aide publique au développement », le programme « Codéveloppement », dont j'ai la responsabilité, sera doté d'une enveloppe de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 29 millions d'euros de crédits de paiement. Ainsi, les autorisations d'engagement ont plus que doublé par rapport à 2007. C'est le signe d'un effort important.
Qu'allons-nous faire de ces nouveaux moyens ?
Nous souhaitons d'abord mettre en place un fonds fiduciaire auprès d'une institution multilatérale, telle que la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement. Cela nous permettra de lancer des actions visant à améliorer l'accès au système bancaire et les transferts de fonds des migrants vers leurs pays d'origine.
Certains d'entre vous sont des spécialistes sur le sujet. Vous le savez donc, la banque qui est actuellement en situation de monopole - inutile de la nommer, vous la connaissez tous - et qui assure en réalité le transfert de fonds des migrants prend 20 % de commission. Sur dix euros transférés, deux euros sont prélevés au titre des frais bancaires ! Il y a là, me semble-t-il, un véritable sujet de réflexion.
Nous souhaitons donner un nouvel élan à la réinstallation économique des migrants dans leur pays d'origine. Cette aide au projet individuel est distincte de l'aide au retour volontaire. Nous avons l'intention de financer 700 projets individuels d'un montant unitaire supérieur à 7 000 euros.
En outre, nous mobiliserons davantage les diasporas, afin de donner un nouvel élan aux actions bilatérales de développement. En 2008, nous y consacrerons 45 millions d'euros.
Par ailleurs, et c'est déjà public pour l'essentiel, une nouvelle série d'accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement seront progressivement signés. Ainsi, la première partie d'un accord a été signée avec le Sénégal et la deuxième partie le sera avant la fin de l'année. De même, un accord a été signé avec le Gabon au mois de juillet dernier. Des discussions approfondies sont engagées avec le Bénin et la République du Congo. J'ai bon espoir que tout cela puisse aboutir avant la fin de l'année. Là aussi, nous pourrons mettre en oeuvre des programmes de réinsertion sur place de médecins et d'autres professionnels de la santé travaillant en France et volontaires pour un retour. Des accords verront également bientôt le jour avec d'autres pays, notamment le Mali, Haïti, Madagascar, le Cameroun et le Togo.
De plus, je souhaite développer nos actions originales en faveur de l'épargne des migrants.
Là encore, je voudrais rendre hommage à Jacques Pelletier, qui a dirigé pendant près de dix ans le groupe du RDSE. Il fut l'artisan du compte épargne codéveloppement, créé par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, qui permet aux étrangers souhaitant investir dans leur pays d'origine d'épargner en bénéficiant d'exonérations fiscales. D'ailleurs, au-delà des préférences partisanes, vous aviez exprimé une forte approbation sur cette initiative.
Le compte épargne codéveloppement - naturellement, la presse ne s'intéresse pas à de tels sujets - est désormais opérationnel. Ainsi, le 11 septembre dernier, j'ai signé une première convention avec la Caisse d'épargne, dont le président, Charles Milhaud, avait remis un rapport sur le sujet.
Il faut aller plus loin. En effet, le compte épargne codéveloppement ne profite qu'aux contribuables acquittant l'impôt sur le revenu. Aussi, pour compléter le dispositif, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité un amendement parlementaire tendant à instituer un livret d'épargne codéveloppement, et le fonctionnement sera comparable à celui du plan d'épargne logement ou à celui du livret d'épargne populaire.
Avant de conclure, permettez-moi de vous faire part de quelques remarques sur l'amendement, d'initiative parlementaire, qui a été adopté à l'Assemblée nationale, tendant à donner aux demandeurs de visa la possibilité de solliciter un « test ADN » pour démontrer leur filiation.
Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Comme vous le savez, cette disposition, qui est devenue l'article 5 bis du texte adopté par l'Assemblée nationale, ne figurait pas dans le projet de loi du Gouvernement. Il s'agit d'un amendement déposé par le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Thierry Mariani.
Un débat a eu lieu à l'Assemblée nationale. J'ai écouté les vingt-quatre orateurs qui se sont succédé avant d'exprimer les propositions du Gouvernement.
Le débat se poursuit au Sénat et c'est la logique de nos institutions. Je suis trop respectueux de notre démocratie parlementaire pour le regretter.
Bien au contraire, je me réjouis que les deux assemblées aient souhaité aborder, sans faux-semblant, un débat important.
De quoi s'agit-il ? Chaque année, des demandeurs de bonne foi ne peuvent pas obtenir de visa pour la France parce qu'ils ne parviennent pas à prouver leur lien de filiation, faute de disposer d'un document d'état civil fiable.
Nous le savons tous, des événements comme des conflits ou des catastrophes naturelles, mais également les difficultés structurelles de certains États, rendent les documents d'état civil peu fiables dans de nombreux pays du monde.
Même si notre pays, notamment certaines collectivités, poursuit un effort d'aide à la mise à niveau des services de l'état civil d'un certain nombre d'États - je pense au Mali, au Cameroun, à Madagascar et à la Mauritanie - c'est, à l'évidence, encore insuffisant.
Dans son récent rapport, le président Adrien Gouteyron a rappelé que 30 % à 80 % des actes vérifiés dans certains pays, en Afrique subsaharienne notamment, sont frauduleux. Je pense aussi, naturellement, au rapport de Jean-René Lecerf sur la question des fraudes à l'identité.
Ces défaillances de l'état civil pénalisent les demandeurs de bonne foi. Sur ce point, au moins, j'imagine que chacun sera d'accord. Dans certains cas, la situation de ces personnes est dramatique. Je pense, par exemple, au réfugié politique qui est sur notre territoire mais dont la famille est bien souvent dans l'incapacité de prouver le lien de parenté avec lui.
Je signale à cet égard que, dans une note de mai 2007, donc récente, sur l'intégration des réfugiés dans l'Union européenne, le Haut -Commissariat des Nations unies pour les réfugiés affirme que « la possibilité d'être réuni avec sa famille est de première importance pour l'intégration ».
Le Haut-Commissariat constate également que « les tests ADN sont de plus en plus utilisés comme moyen d'établir les liens de parenté dans le cadre du regroupement familial ».
Il y a donc bien l'un et l'autre aspect.
Face aux carences de l'état civil dans certains pays, douze pays européens se sont engagés dans la pratique de tests ADN.
Douze pays européens, parfaitement démocratiques, parfaitement respectueux des droits de l'homme, ...
...ont recours aux tests ADN pour permettre à un demandeur de visa de se constituer un élément de preuve de sa filiation lorsqu'il ne peut apporter cette preuve par un acte d'état civil. C'est le cas du Royaume-Uni - dictature bien connue -, de l'Espagne, ...
...de l'Italie, de l'Allemagne, mais aussi de la Belgique, du Danemark, des Pays-Bas, de l'Autriche, de la Finlande, de la Lituanie, de la Norvège et bientôt de la Suède.
Je pose la question à ceux qui sont attachés à la construction européenne : au moment où nous souhaitons harmoniser au plan européen...
M. Brice Hortefeux, ministre. ...les systèmes d'entrée et de séjour des étrangers, pourquoi la France se tiendrait-elle à l'écart en refusant de s'inspirer d'un dispositif éprouvé par nos partenaires européens ?
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. Brice Hortefeux, ministre. Pourquoi faudrait-il s'interdire, par exemple, de réfléchir à un système similaire à celui que les Britanniques mettent en oeuvre ? L'année dernière, dans ce pays, 10 000 tests ADN ont été pratiqués dans le cadre de demandes de visa. Peut-on en conclure que la Grande-Bretagne travailliste ne respecte pas les droits de l'homme ?
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Dans mon esprit, mesdames les sénatrices, il ne faut pas systématiquement copier à l'identique.
Je pense simplement que, sauf parti pris idéologique, rien ne justifie de rejeter d'emblée un système pratiqué par les travaillistes britanniques, par les socialistes espagnols, par la gauche italienne, par la coalition démocrate-chrétienne et social-démocrate allemande.
Le débat ne doit pas être interdit et il doit être, autant que possible, rationnel et précis.
Il s'agit, en réalité, de donner un droit nouveau aux étrangers de bonne foi.
Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Si je peux comprendre les doutes de plusieurs d'entre vous, si j'entends chacun et souhaite rester à l'écoute de tous, je voudrais aussi attirer l'attention sur quelques idées qui ont pu alimenter des malentendus - j'espère que ce n'est que cela - ou des polémiques inutiles.
Tout d'abord, il n'a jamais été envisagé d'obliger une personne à passer un test ADN avant d'obtenir son visa. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne prévoit aucune obligation, il définit seulement une faculté. Le consentement exprès des personnes doit naturellement être recueilli.
Mme Catherine Tasca s'exclame.
De plus, la création de ce test n'empêcherait nullement les enfants régulièrement adoptés de rejoindre leur famille en France. Cette préoccupation a été très largement exprimée. Je rappelle que le test serait décidé à l'initiative du demandeur de visa, c'est-à-dire à l'initiative du représentant légal de l'enfant. S'il est adopté, logiquement, le représentant légal de l'enfant ne demanderait pas le test ! Le texte n'aurait donc aucune incidence pour les enfants adoptés : comme c'est le cas aujourd'hui, ces derniers pourraient entrer en France au titre du regroupement familial si l'acte d'état civil est probant.
Surtout, j'ai souhaité que l'amendement voté à l'Assemblée nationale soit entouré d'un certain nombre de garanties.
J'ai tenu à ce qu'il soit bien précisé que c'est à l'initiative du demandeur de visa, ou de son représentant légal, que le test ADN serait proposé : cela signifie concrètement que c'est non pas le consul mais l'étranger qui propose de passer le test, soit qu'il n'ait pas d'acte d'état civil, soit que le consul exprime un doute sérieux sur l'état civil.
Le test ADN n'a qu'un objet : apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée.
J'ai souhaité, de plus, que la procédure ait un caractère expérimental.
D'abord, elle ne doit s'appliquer que dans un nombre restreint de pays : il est sage de procéder par étape avant d'envisager une généralisation. Cette approche permettrait de s'appuyer sur l'expérience de nos partenaires européens, en mettant en oeuvre le test dans des pays où d'autres États européens le pratiquent également. J'ai relevé, par exemple, que le Royaume-Uni, qui propose le test dans tous les pays du monde, le pratiquait tout particulièrement au Pakistan, en Éthiopie, au Ghana, en Ouganda et en République démocratique du Congo.
Limitée géographiquement, l'expérience doit aussi être limitée dans le temps. Le Parlement devrait à nouveau débattre du dispositif des tests ADN après une période d'application provisoire de deux ou trois ans...
... et après avoir pris connaissance d'une évaluation effectuée, en toute indépendance, par une « commission de sages ». J'avais dans un premier temps pensé à un rapport du Gouvernement, mais j'ai préféré modifier le projet de loi sur ce point. Cette commission pourrait comprendre deux députés, deux sénateurs, le vice-président du Conseil d'État, le Premier président de la Cour de cassation, le président du Comité consultatif national d'éthique et deux personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre.
À l'issue des débats qui ont eu lieu, notamment au sein de la commission des lois, je pense que d'autres garanties peuvent être apportées au dispositif des tests ADN. J'ai entendu les arguments avancés, depuis dix jours, émanant de plusieurs membres de la Haute Assemblée. Je pense notamment à ceux qui ont été exprimés par M. Portelli.
Je tiens à remercier M. Jean-Jacques Hyest de présenter un amendement qui me paraît répondre très précisément et très sagement aux interrogations qui ont été exprimées.
Très bien ! sur les travées de l'UMP.
Je lui laisserai, naturellement, le soin de l'exposer plus en détail. Permettez-moi simplement de relever son apport essentiel : un régime d'autorisation du test ADN par l'autorité judiciaire.
Comme vous le savez, en matière civile, l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge judiciaire. Il est nécessaire, j'en suis convaincu désormais, qu'il en soit de même pour les tests ADN susceptibles d'être pratiqués à la demande des personnes sollicitant un visa.
Le dispositif des tests ADN doit donc être entouré de toutes les garanties qu'offre la décision de l'autorité judiciaire, protectrice des libertés individuelles, des intérêts de la famille et des enfants.
Autrement dit, les tests ADN effectués par des étrangers dans le cadre d'une demande de visa le seront selon des règles identiques, dans leur principe, à celles des tests ADN actuellement proposés aux Français dans le cadre du code civil. Ce sera donc le juge civil, saisi par le consul lui-même saisi d'une demande par l'étranger souhaitant obtenir un visa, qui décidera de faire pratiquer, ou non, ce test ADN.
M. Brice Hortefeux, ministre. Vous ne pouvez pas demander que le dispositif soit à la fois léger et protecteur : il ne faut pas oublier un argument pour essayer d'en avancer un autre !
Mme Nicole Bricq s'exclame.
Chacun souhaitait que le dispositif soit protecteur, c'est le sens de la proposition qui est avancée.
Il me paraît de même tout à fait raisonnable, monsieur Mercier, que la faculté de recourir aux tests ADN soit limitée à la recherche d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa.
Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une mesure discriminatoire entre les hommes et les femmes !
M. Dominique Braye s'exclame.
L'Assemblée nationale avait souhaité que l'identification par empreintes génétiques permette d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec au moins l'un des deux parents - le père, ou la mère -, ou les deux parents.
M. Josselin de Rohan. Du calme, nous n'en sommes qu'au début de la session !
Sourires
Il convient de préciser que seule la filiation avec la mère pourra être prouvée par le test et produite au soutien d'une demande de visa.
De la sorte, le choix de recourir aux tests ADN ne saurait aboutir à la révélation, pour un père, qu'il n'est pas le père biologique de ses enfants.
Ce point avait été longuement évoqué en commission des lois.
Il me semble, en outre, que le remboursement du test ADN par l'État est nécessaire, afin de ne pas pénaliser les demandeurs de visa sollicitant de bonne foi un test ADN mais n'ayant pas les moyens de le financer.
Volontariat, expérimentation, décision du juge, limitation à la maternité, gratuité : autant d'avancées qui, au total, font du test ADN un droit nouveau, qui sera utile aux demandeurs de visas de bonne foi.
Permettez-moi de conclure sur une dernière réflexion. Je l'ai dit devant l'Assemblée nationale et le dis désormais devant la Haute Assemblée, le Gouvernement réfléchit à des modifications constitutionnelles destinées à mener à bien la transformation de la politique française de l'immigration.
Vous le savez, le Président de la République a souhaité que nous parvenions à établir chaque année, après un débat au Parlement, des quotas d'immigration, c'est-à-dire un chiffre plafond d'étrangers que la France accueillerait sur son territoire.
La mise en place de quotas a deux objectifs précis. Elle doit tout d'abord permettre une maîtrise globale de l'immigration en France, en fixant un objectif quantitatif d'entrées de migrants conforme aux capacités d'accueil de notre pays. Elle est ensuite destinée à obtenir un équilibre entre les différentes composantes de l'immigration et entre les grandes régions de provenance des flux migratoires dans notre pays.
Je mesure naturellement l'importance du débat qui s'ouvre aujourd'hui devant vous. La représentation nationale est saisie d'une question essentielle, puisque l'immigration d'aujourd'hui dessine le visage qu'aura notre pays dans les décennies à venir.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2003, notre pays se dote progressivement d'une politique migratoire structurée, après avoir longtemps balancé entre le mythe de « l'immigration zéro » et une certaine résignation à subir les bouleversements d'un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des biens et des idées et traversé de mouvements migratoires puissants.
Quatre lois récentes ont posé les bases de cette politique migratoire : la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, la loi du 10 décembre 2003, modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages.
Ces lois s'articulent autour de cinq axes principaux : restaurer le droit d'asile, lutter contre l'immigration illégale, harmoniser les politiques européennes, rouvrir l'immigration de travail, aider et inciter les étrangers à s'intégrer.
Des progrès importants ont été réalisés sur ces cinq fronts, même si beaucoup reste à faire.
Ainsi, la loi du 24 juillet 2006, qui a brisé le tabou de l'immigration dite de travail et mis en place des instruments diversifiés pour attirer les meilleurs talents en France et satisfaire des besoins ciblés de l'économie française en main-d'oeuvre, est en cours d'application, des accords devant être conclus avec les entreprises des secteurs en tension de main-d'oeuvre.
Du chemin reste à parcourir pour passer d'une politique de maîtrise des flux à une politique de pilotage des flux dans un espace européen ouvert.
M. le Président de la République, dans la lettre de mission qu'il vous a adressée, monsieur le ministre, inscrit son action dans la continuité en indiquant que le coeur de la mission du ministre sera double : « conforter et approfondir la politique d'immigration choisie, telle qu'elle a commencé de se mettre en oeuvre depuis 2002, et convaincre nos partenaires de s'engager dans la définition d'une politique de gestion des flux migratoires à l'échelon européen et international ».
Elle marque ensuite une rupture à travers précisément la création d'un ministère dédié à la question des flux migratoires réunissant l'ensemble des administrations concernées. Cette réforme fondamentale de structure doit garantir la cohérence d'ensemble de la politique migratoire et d'intégration.
Le projet de loi qui est soumis à notre assemblée et dont la commission des lois est saisie au fond est moins ambitieux que les trois grandes lois précitées votées entre 2003 et 2006. Il amorce cependant une partie des réformes ou orientations nouvelles esquissées par la lettre de mission du Président de la République. Modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, il comprend désormais 47 articles regroupés en trois chapitres, contre 18 articles seulement à l'origine.
Outre plusieurs ajustements techniques consécutifs aux lois du 26 novembre 2003 et du 24 juillet 2006, ce texte comporte plusieurs modifications importantes.
Ce projet de loi tire en particulier les conséquences de la nomination d'un ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement en lui accordant plusieurs compétences attribuées traditionnellement aux ministres des affaires étrangères ou de l'intérieur par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La tutelle de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, lui est notamment transférée.
Toujours en matière de droit d'asile, ce texte met en place un recours suspensif pour les demandeurs d'asile à la frontière, comme la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme nous l'impose. La commission des lois a d'ailleurs adopté plusieurs amendements tendant notamment à porter de 24 heures à 48 heures le délai pour déposer ce recours.
L'Assemblée nationale a adopté de nombreuses dispositions nouvelles. Outre le recours à des tests ADN - j'y reviendrai -, deux d'entre elles sont plus particulièrement remarquables : la création d'un livret épargne codéveloppement et la possibilité de réaliser des études sur la mesure de la diversité ou de la discrimination sans recueillir le consentement des personnes, après autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.
Mais le principal enjeu de ce projet de loi reste la maîtrise de l'immigration familiale : il s'agit de mieux la maîtriser pour mieux intégrer.
L'immigration familiale, je le rappelle, est constituée de trois principales composantes : les familles de Français, les bénéficiaires du regroupement familial et les étrangers dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser leur séjour porterait à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus.
Avec 92 380 premiers titres de séjour délivrés à des ressortissants de pays tiers à l'Union européenne en 2005, l'immigration familiale reste le principal vecteur de l'immigration en France sur un total d'environ 187 000 titres délivrés. Un titre sur deux est délivré pour un motif familial, voire plus si l'on ne tient pas compte des 46 000 titres délivrés à des étudiants qui n'ont pas nécessairement vocation à s'installer durablement en France.
La part de l'immigration familiale a augmenté très fortement entre 2000 et 2003, du fait en particulier de l'augmentation des mariages mixtes et des régularisations en raison de liens personnels et familiaux.
Les réformes législatives de 2003 et 2006 ont profondément modifié les règles applicables aux différentes composantes de l'immigration familiale. Plusieurs préoccupations ont motivé ces réformes.
Tout d'abord, il était manifeste que certaines voies légales d'entrée en France faisaient l'objet de détournements et de fraudes.
Ainsi, les lois du 26 novembre 2003 et du 26 juillet 2006 ont mieux encadré les procédures de régularisation et allongé les délais pour l'obtention d'une carte de résident ou de la nationalité française par mariage.
Ensuite, bien que l'immigration familiale soit une immigration de droit, il n'était plus possible de laisser fluctuer « au fil de l'eau » une immigration aussi importante sans s'interroger sur notre capacité à intégrer ces primo-arrivants.
Enfin, il fallait redonner un espace, à côté de l'immigration familiale, à une immigration de travail choisie pour répondre à des besoins particuliers de notre économie. Toutefois, le propos n'est pas d'opposer immigration familiale et immigration de travail ; les titulaires d'une carte de résident ou d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » travaillent dans leur majorité et, inversement, l'immigration de travail d'aujourd'hui est le terreau de l'immigration familiale de demain.
Ces réformes ont déjà commencé à produire leurs fruits. Dès 2004, on observait une stabilisation - avec une augmentation limitée à 0, 8 % - du nombre de premiers titres de séjour délivrés pour motifs familiaux après quatre années de forte hausse. En 2005, la tendance était même inversée, avec une baisse de 2, 1 %.
Ces bons résultats ont été acquis alors même que la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, et la loi du 14 novembre 2006, relative au contrôle de la validité des mariages, n'avaient pu évidemment produire encore tous leurs effets.
Simultanément a été élaboré un véritable parcours individuel d'intégration, dont les premiers résultats sont très bons. La politique d'intégration des étrangers, en particulier des primo-arrivants, est le prolongement logique de la politique de maîtrise des flux.
Les premiers résultats du contrat d'accueil et d'intégration, le CAI, obligatoire depuis le 1er janvier, sont plutôt encourageants, même si des ajustements restent à faire, notamment sur la qualité de certains prestataires de formations.
Comme j'ai pu le constater en assistant à une journée d'accueil des étrangers sur la plateforme d'accueil de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, à Paris, les signataires semblent apprécier le déroulement de cette journée.
Fort de ce constat encourageant, l'Assemblée nationale a inséré plusieurs dispositions consolidant ce contrat. Le bilan de compétences professionnelles a notamment été rendu obligatoire.
Ces réformes étaient nécessaires. Le projet de loi les complète sur plusieurs points.
En premier lieu, pour les familles, l'article 3 crée un contrat d'accueil et d'intégration ad hoc en plus du contrat d'accueil et d'intégration existant. Les parents d'enfants bénéficiaires du regroupement familial devront conclure avec l'État un contrat d'accueil et d'intégration pour la famille. La seule obligation liée à ce contrat sera de suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents en France. Aussi courte et modeste que sera cette formation, elle devra faire prendre conscience d'un projet commun d'intégration englobant l'ensemble des membres de la famille.
La commission des lois vous propose d'ajouter à cette obligation celle de respecter l'obligation scolaire.
En deuxième lieu, les articles 1er et 4 du projet de loi complètent ce dispositif en prévoyant que les personnes âgées de plus de seize ans souhaitant rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial ainsi que les conjoints étrangers de Français seraient désormais soumis, dans les pays de résidence, à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République avant leur entrée en France.
La maîtrise de la langue française est un vecteur fondamental de l'intégration. La formation dispensée dans le cadre du CAI est très bonne, mais elle intervient parfois plusieurs semaines après l'entrée en France. Il peut être préférable de commencer l'apprentissage dans le pays d'origine. Le premier contact avec notre pays ne doit pas provoquer de réactions de repli.
Des craintes ont été exprimées par plusieurs associations sur les contraintes matérielles que ce dispositif pourrait faire peser sur certains étrangers. Toutefois, compte tenu de l'importance du réseau culturel français à l'étranger, les difficultés devraient être assez mineures dans l'immense majorité des cas. L'immigration en France pour rejoindre son conjoint étranger signifie un changement de vie bien plus considérable que l'obligation de suivre une formation linguistique pendant deux mois. L'effort demandé est justement le moyen pour que l'étranger prenne conscience du bouleversement à venir et de la nécessité d'une démarche active pour s'intégrer.
Sous réserve d'un amendement de précision, la commission a donc approuvé ce dispositif appliqué aux membres de la famille d'un étranger qui bénéficient du regroupement familial.
En revanche, elle a considéré que l'obligation, pour les conjoints de Français, de passer un test de langue et de connaissance des valeurs de la République et de suivre le cas échéant une formation n'était pas adaptée.
La commission a en particulier estimé que les conjoints de Français devaient bénéficier d'une présomption d'intégration et qu'ils ne pouvaient être traités exactement comme des conjoints d'étranger. En outre, l'apprentissage du français devrait se faire plus efficacement en France auprès du conjoint français que seul dans le pays d'origine. J'ajoute que les conjoints étrangers de ressortissants communautaires venant s'installer en France ne seraient pas soumis à cette obligation.
En troisième lieu, l'article 2 du projet de loi renforce les conditions du regroupement familial.
Les lois du 26 novembre 2003 et du 24 juillet 2006 ont encadré le bénéfice du regroupement familial dans des règles plus strictes afin de créer les conditions d'une intégration réussie en France.
Les derniers chiffres relatifs au nombre d'entrées en France au titre du regroupement familial indiquent un infléchissement marqué du nombre de bénéficiaires. Ce nombre a connu une forte baisse en 2006. De 27 267 en 2002, il est tombé à 22 978 en 2005 et à 18 140 en 2006. Les premiers chiffres pour 2007 confirment d'ailleurs cette décrue.
Malgré ces premiers résultats et le changement très récent des conditions du regroupement familial, l'article 2 du projet de loi vise à instaurer une nouvelle modification des conditions de ressources exigées pour bénéficier du regroupement familial.
Depuis la loi du 26 novembre 2003, les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel, sans qu'il soit tenu compte des prestations familiales éventuellement perçues. La loi du 24 juillet 2006 a exclu du calcul des ressources d'autres prestations sociales.
La taille de la famille est également prise en compte dans l'appréciation des conditions de vie réelles. La superficie requise pour le logement familial varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer. Un décret du 8 décembre 2006 a d'ailleurs sensiblement renforcé les conditions de logement.
Toutefois, considérant que ce dispositif était encore insuffisant, les auteurs du projet de loi introduisent, avec l'article 2, la possibilité de moduler au-delà du SMIC les ressources exigibles en fonction de la taille de la famille. Il reviendrait à un décret de préciser l'échelle des ressources exigées en fonction du nombre de membres de la famille.
Le pouvoir réglementaire serait néanmoins encadré puisque les ressources ne pourraient ni être inférieures au SMIC ni lui être de plus de 1, 2 fois supérieures.
Sur l'initiative du rapporteur de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a prévu que le montant minimum de ressources exigibles pour des familles comptant plus de six personnes pourrait atteindre 1, 33 fois le SMIC.
Je dois ici rappeler qu'à deux reprises, lors de l'examen de la loi du 26 novembre 2003 et de la loi du 24 juillet 2006, le Sénat a rejeté à l'unanimité des dispositifs similaires à celui du présent projet de loi, introduits par la voie d'amendements d'origine parlementaire à l'Assemblée nationale.
Le Sénat et la commission avaient en effet estimé à l'époque qu'il n'y avait pas lieu de distinguer, sur le plan des ressources, la situation des familles étrangères de celle des familles de Français dans la mesure où le montant du salaire minimum de croissance est considéré comme assurant un niveau de vie suffisant pour tous.
En outre, des doutes légitimes existaient quant à la constitutionnalité d'un tel dispositif.
Toutefois, il est certain qu'une famille de deux ou trois personnes n'a pas les mêmes besoins qu'une famille de plus de six personnes. Les prestations familiales qui compensent le surcoût lié à un enfant dans le budget familial y parviennent moins bien passé un certain seuil.
Pour ces raisons, la commission vous propose un amendement réaffirmant le principe du SMIC tout en tenant compte du cas, assez exceptionnel, il faut le dire, des familles de plus de six personnes. Pour celles-ci, les ressources exigées pourraient être modulées entre 1 et 1, 2 SMIC.
J'en viens enfin à la disposition, très controversée, introduite par l'Assemblée nationale, qui permet le recours à des tests ADN pour prouver la filiation d'un demandeur de visa de long séjour pour raison familiale.
Cet amendement se fonde sur un constat : dans de nombreux États, la fraude documentaire, en particulier la fraude à l'état civil, est endémique. Les services consulaires sont confrontés à des difficultés extrêmes pour s'assurer de l'existence ou de l'authenticité d'un acte d'état civil étranger.
Le législateur a tenté d'apporter plusieurs réponses législatives à cette question, d'abord avec la loi du 26 novembre 2003, puis avec celle du 14 novembre 2006. Cette dernière permet à l'autorité consulaire, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte d'état civil étranger, de procéder aux vérifications utiles pour lever ou confirmer la suspicion de fraude pendant huit mois. Au terme de ce délai, le silence vaut rejet de la demande de visa.
Cette procédure, certes nécessaire, a toutefois pour effet de retarder considérablement la délivrance des visas de long séjour aux demandeurs de bonne foi victimes d'une défaillance de l'état civil de leur pays dont ils ne sont nullement responsables. En cas d'inexistence de l'état civil, il peut même être impossible de prouver une filiation sans recourir à des procédures complexes de preuve prévues par notre droit pour assurer la sécurité juridique nécessaire dans un État de droit.
Pour sortir de cette impasse, les députés proposent donc de recourir à des tests ADN. Plusieurs sous-amendements du Gouvernement ont d'ailleurs sensiblement encadré et modifié le dispositif.
Malgré ces garanties nouvelles, la commission des lois du Sénat a estimé, lors de sa réunion du mercredi 26 septembre, que la banalisation du recours au test ADN dans les conditions prévues heurterait plusieurs principes de notre droit et remettrait en cause des équilibres patiemment construits. De telles dispositions ne peuvent être introduites sans une réflexion préalable sur leur place au regard des principes retenus par notre pays tant en matière de filiation qu'en matière de tests génétiques.
Notre droit de la famille et, en particulier, de la filiation, ne repose pas sur la seule biologie. Au-delà de l'adoption, il est possible de reconnaître et d'élever un enfant qui n'est pas biologiquement le sien. Dans ces cas, le test ne pourrait s'appliquer, ce qui risquerait d'introduire une inégalité de traitement entre demandeurs.
Il faut également songer au cas - cela ne manquera pas de se produire - du demandeur de bonne foi qui découvrira à l'occasion du test qu'il n'est pas le père biologique de son enfant. Des familles pourraient être ainsi détruites, des enfants rejetés. Ces aspects sociologiques et culturels mériteraient sans doute à eux seuls qu'une telle modification soit précédée d'une concertation préalable avec certains pays d'origine.
Plus juridiquement, les lois dites « bioéthiques » de 1994 et de 2004 encadrent très rigoureusement les conditions dans lesquelles il peut être procédé à l'identification d'une personne au moyen de ses empreintes génétiques : cela n'est possible qu'à des fins médicales ou de recherches scientifiques, ou dans le cadre d'une procédure judiciaire, civile ou pénale. Or, le texte adopté par l'Assemblée nationale autoriserait le recours aux tests ADN dans un cadre exclusivement administratif. Pourrait alors être remis en cause un équilibre législatif prudemment élaboré.
Au vu de l'ensemble de ces interrogations, la commission des lois a souhaité supprimer la possibilité d'utiliser ce test, nonobstant les amendements soumis par votre serviteur, proposant notamment de recourir au Comité consultatif national d'éthique lors de la rédaction du décret.
Toutefois, au cours de la réunion de la commission, ce matin, M. Jean-Jacques Hyest a présenté un amendement tenant compte de plusieurs des objections soulevées la semaine dernière.
Tout d'abord, le test ne serait possible que pour prouver la filiation entre la mère et le demandeur de visa. Le cas où un père découvrirait qu'il n'est pas le père biologique ne pourrait donc pas se produire.
Ensuite, un contrôle de l'ensemble de la procédure par le juge serait introduit ; en l'espèce, c'est le président du tribunal de grande instance de Nantes qui serait compétent pour autoriser, après en avoir vérifié la nécessité, le recours au test ADN. Cette mesure s'inscrit donc dans la logique de notre droit positif.
Enfin, l'expérimentation serait réduite à dix-huit mois, et le décret serait pris après avis du Comité consultatif national d'éthique.
Cette proposition a été longuement débattue par la commission. Il a notamment été proposé par notre collègue Pierre Fauchon de prévoir la possibilité d'établir la filiation par la possession d'état, le recours au test ADN ne devant être que l'ultime solution.
Si certains commissaires ont reconnu que cette solution allait dans le bon sens, en particulier parce la procédure serait ainsi placée sous le contrôle du juge, d'autres ont estimé que le dispositif proposé continuait de heurter notre droit de la filiation du fait qu'il autoriserait pour les étrangers le recours à une technique prohibée pour les personnes résidant en France.
La commission, n'ayant pu se départager à l'issue de ce débat, n'a pas émis d'avis sur l'amendement n° 203.
Il revient donc à notre assemblée, réunie en séance plénière, de trancher.
Avant de clore mon propos, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais attirer votre attention sur la nécessité de consolider la Commission des recours des réfugiés, la CRR.
L'indépendance de cette commission est largement reconnue, et la proportion de décisions de l'OFPRA qu'elle annule en témoigne. Pourtant, elle souffre d'une apparence contraire en raison de son mode de fonctionnement et de financement.
En effet, l'établissement public OFPRA comporte deux entités, créées par la même loi : l'OFPRA proprement dit, qui remplit les missions précitées, et la Commission des recours des réfugiés. Le budget de cette dernière est donc inclus dans la dotation budgétaire allouée à l'OFPRA : le contrôlé finance le contrôleur ! En outre, les rapporteurs de la CRR, qui présentent à la formation de jugement les dossiers sur lesquels elle doit statuer, appartiennent statutairement au même corps que les officiers de protection de l'OFPRA qui prennent la décision d'accorder ou non le statut de réfugié ; la procédure disciplinaire est également commune.
Cette apparente non-indépendance de la CRR pourrait conduire à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme. La réforme est donc indispensable.
Le Gouvernement envisage, à partir de la loi de finances pour 2009, de rattacher le budget de la CRR au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », de façon qu'il ne soit plus fondu dans celui de l'OFPRA. Cette évolution mérite d'être saluée, même si l'on peut regretter qu'elle ne puisse être réalisée dès le budget pour 2008 : des problèmes liés à la passation de marchés publics et aux règles comptables s'y opposeraient. En dépit des obstacles invoqués, j'espère qu'il sera possible d'aller plus vite et d'assurer l'autonomie budgétaire de la CRR dès 2008.
Cette réforme doit également être l'occasion de titulariser une partie des magistrats qui exercent au sein de la CRR comme vacataires. De même, les rapporteurs de la Commission des recours ne devraient plus appartenir au même corps que les officiers de protection de l'OFPRA.
Pour donner le coup d'envoi de ces réformes à venir, l'Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur de la commission des lois, a souhaité changer la dénomination de la Commission des recours des réfugiés, qui prendrait désormais le nom de « Cour nationale du droit d'asile ». En ma qualité de rapporteur comme à titre personnel, j'approuve pleinement cette initiative.
En revanche, il est regrettable que les députés aient adopté simultanément un amendement réduisant de un mois à quinze jours le délai de recours devant cette même commission. Lors de la discussion de la loi du 24 juillet 2006, le Sénat avait précisément tenu à inscrire dans la loi ce délai de un mois, compte tenu de l'importance qu'il revêt quand il s'agit de constituer un dossier argumenté. La commission des lois vous proposera donc, mes chers collègues, un amendement visant à maintenir le délai de un mois pour les recours.
La réduction des délais de procédure ne doit peser ni sur les demandeurs d'asile ni sur les magistrats : elle doit passer par une réflexion sur l'organisation et les moyens de fonctionnement de la Commission des recours.
Je souhaiterais qu'à l'occasion de la réforme de l'organisation et du fonctionnement de la Commission s'engage une réflexion sur son champ de compétence. Certes, cela ne figure pas dans le texte, mais une piste pourrait être ouverte. La Commission de recours est en effet la juridiction spécialisée en matière de droit d'asile. On pourrait dès lors trouver une certaine cohérence à ce que lui soient confiés les recours contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile. Monsieur le ministre, un groupe de travail pourrait être utilement constitué sur l'attribution, à terme, de cette compétence à la future « cour nationale du droit d'asile ».
Mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des vingt-sept amendements qu'elle vous soumettra, la commission des lois vous propose de voter le projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 77 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Éliane Assassi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc réunis en ce tout début de session ordinaire pour examiner le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, le énième texte sur le sujet, qui vise à durcir les conditions à remplir pour bénéficier du regroupement familial, d'une part, et à remettre en cause le droit d'asile, d'autre part.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler le contexte dans lequel s'inscrit l'examen de ce texte, car il donne un éclairage saisissant sur l'obstination, voire l'obsession du Gouvernement en matière d'immigration.
Eu égard au contexte économique du pays, où ni la croissance ni l'amélioration du pouvoir d'achat ne sont au rendez-vous, où le chômage est en hausse, où les cadeaux fiscaux ne bénéficient qu'aux nantis, où le Gouvernement et sa majorité n'ont de cesse de « casser » ce qui forme le modèle social de la France - code du travail, régime des retraites, protection sociale, statut de la fonction publique -, il fallait bien, en cette rentrée parlementaire, détourner l'attention des Françaises et des Français et leur désigner sinon un responsable, du moins un ennemi potentiel, de préférence étranger et originaire du continent africain.
Quoi de mieux, dans ces conditions, qu'un projet de loi sur l'immigration prônant le rejet de l'autre, véritable pendant de la politique libérale du Gouvernement et de toutes les régressions sociales et antidémocratiques qui l'accompagnent ? Quoi de mieux pour faire passer cette politique que d'opposer les gens entre eux : les étrangers aux Français, les jeunes aux seniors, les employés du secteur public à ceux du secteur privé, par exemple ?
Le Gouvernement a donc convoqué le Parlement en session extraordinaire dès le 18 septembre dernier, essentiellement pour faire adopter son texte sur l'immigration, sur lequel il a de surcroît déclaré l'urgence. Pourtant, où est l'urgence en l'espèce ? La France serait-elle menacée par une invasion imminente d'étrangers ? Notre pays serait-il dénué de toute législation en la matière ? Pas du tout ! Il ne faut pas oublier que le présent texte est le quatrième en quatre ans ni que le regroupement familial et le droit d'asile ont déjà fait l'objet de restrictions sévères en 2003 et en 2006, sans parler de la loi sur le contrôle de la validité des mariages...
Nous légiférons donc une fois encore sur le même sujet sans disposer d'un bilan de l'application des lois antérieures. Pis : le présent texte n'est pas encore voté, monsieur le ministre, que vous annoncez déjà une nouvelle réforme, constitutionnelle, cette fois-ci, afin d'imposer les quotas d'étrangers en France - comme on impose les quotas laitiers ! -, alors que, derrière ces mots dénués de toute humanité, c'est de la vie de femmes, d'enfants et d'hommes qu'il est question.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, intervient dans un contexte marqué par la politique du chiffre que mène le Gouvernement en matière d'expulsions du territoire, politique inhumaine s'il en est. Les objectifs chiffrés - 25 000 expulsions d'ici à la fin décembre 2007 - n'étant pas atteints, vous avez réuni les préfets pour les exhorter à « faire du chiffre » et à remplir les objectifs annoncés par votre prédécesseur, aujourd'hui Président de la République, alors que le législateur n'a jamais inscrit de tels chiffres dans quelque loi que ce soit.
Pour y parvenir, tous les moyens sont permis : outre la fameuse circulaire de février 2006 autorisant les arrestations de sans-papiers dans les préfectures, les hôpitaux ou les centres d'hébergement, le nombre de places en centres de rétention administrative est prévu à la hausse afin qu'il soit possible d'expulser plus de personnes. Certains préfets sont allés jusqu'à écrire aux maires ayant organisé des parrainages de sans-papiers pour les informer qu'ils étaient susceptibles d'être poursuivis pénalement pour aide au séjour irrégulier. On assiste à la multiplication des poursuites à l'encontre des « délinquants de la solidarité ». Les vols groupés, organisés à l'abri des regards de l'opinion publique, ont repris...
La chasse à l'homme, à la femme, à l'enfant sans papiers est ouverte. La terreur est telle chez les sans-papiers et leur famille que deux personnes - un enfant et une femme, qui est décédée - se sont défenestrées par peur des fonctionnaires de police venus les contrôler à leur domicile. C'est inadmissible, c'est scandaleux !
Le décor est planté : voilà donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quoi mène votre politique sécuritaire à l'égard d'une certaine partie de notre population. Mais cela ne vous suffit pas, cela ne vous suffit plus. Comme vous ne pouvez pas décréter « l'immigration zéro » ni fermer les frontières ; comme, dans le même temps, vous avez un tant soit peu besoin, pour certains secteurs de notre économie où elle fait défaut, d'une main-d'oeuvre peu regardante sur les conditions de travail et sur les salaires, vous avez « choisi » de privilégier la seule immigration de travail, c'est-à-dire sans la famille, car seule la force de travail vous intéresse.
Pour ce faire, vous multipliez les obstacles - vous justifiez la démarche par des motifs plus fallacieux les uns que les autres - afin d'empêcher femme et enfants de venir rejoindre un époux, un père travaillant sur le territoire français. Il s'agit là d'un tournant radical, d'un changement idéologique profond dans la politique de l'immigration de la France. Cette tendance était certes déjà en marche, mais on fait aujourd'hui un sacré « bond en avant » vers le projet de société que vous voulez nous imposer.
C'est une véritable déclaration de guerre qui est faite aux étrangers. Mais pas contre les clandestins ni les illégaux, encore moins contre les trafiquants ou les passeurs, non, non ! Sont ici visés, d'une part, des étrangers régulièrement installés sur notre territoire, qui y travaillent, et qui veulent - c'est la moindre des choses ! - faire venir leur famille en France, et, d'autre part, des demandeurs d'asile ayant fui la misère, la famine, la guerre, qui règnent dans leur pays d'origine.
Ce que vous voulez, c'est privilégier la présence en France d'hommes triés sur le volet, jeunes, célibataires, sans charge de famille, en bonne santé, bien souvent taillables et corvéables à merci. Pas de problème de logement, pas de problème de scolarisation des enfants, c'est économique pour les allocations familiales autant que pour la sécurité sociale... Et, ce qui est également positif, à vos yeux, c'est que, en travaillant en France, l'étranger - sans charge de famille - pourra, grâce au livret épargne codéveloppement et au compte épargne codéveloppement, envoyer de l'argent dans son pays d'origine afin de contribuer au développement de celui-ci : la boucle est bouclée !
Une telle approche économique de l'étranger, à la fois utilitariste et opportuniste, ne peut que conduire à l'échec.
Avec votre texte, monsieur le ministre, des étrangers qui ont pourtant vocation à vivre en France vont se trouver placés devant un parcours semé d'obstacles difficiles à franchir. Ces obstacles, quels sont-ils ? Je n'aborderai ici que les plus symptomatiques de votre politique.
S'agissant, en premier lieu, des freins au regroupement familial, je commencerai évidemment par évoquer la disposition la plus honteuse pour notre pays, celle qui est relative aux tests génétiques.
Décriée par beaucoup à gauche comme à droite ainsi que par la communauté scientifique, religieuse et intellectuelle, cette mesure proposée prétendument pour « faciliter la délivrance de visas », bafoue en réalité nos principes éthiques et juridiques et s'attaque tout simplement à la dignité humaine.
Même avec les corrections que le Gouvernement tente de faire passer par l'entremise de certains sénateurs, même avec vos arguments, qui ne sont pas convaincants mais qui visent à troubler des élus de la majorité, je le dis avec force : cette mesure, parce qu'elle est discriminatoire, parce qu'elle est contraire à plusieurs conventions internationales et parce qu'elle n'est conforme ni à notre tradition humaniste ni à nos valeurs républicaines, cette mesure doit être supprimée, et le vote de la commission des lois du Sénat, la semaine dernière, doit être confirmé en séance publique.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Si le Sénat ne le confirmait pas, non seulement il n'en sortirait pas grandi...
...mais de surcroît il prendrait le risque d'ouvrir la voie à l'élargissement de cette pratique à d'autres domaines, par exemple au versement des allocations familiales.
Cette mesure doit absolument être supprimée de ce projet de loi.
Autre frein au regroupement familial : la connaissance de la langue française et des valeurs de la République, soi-disant « pour éviter le communautarisme et favoriser l'intégration ». Comment demander à des étrangers de connaître nos valeurs républicaines quand toute votre politique tourne précisément le dos aux valeurs les plus sacrées, les plus ancrées dans notre République, et qui ont pour nom : liberté, égalité, fraternité, solidarité, coopération, respect du « vivre ensemble » ?
Nombre de questions restent entières quant au dispositif proposé : où, quand, comment et par qui va s'effectuer l'évaluation du degré de connaissance et, en cas de nécessité, la formation ? Qui va prendre en charge cette formation ?
Obstacle supplémentaire, le texte revoit à la hausse les conditions de ressources hors allocations familiales pour bénéficier du regroupement familial et les module en fonction de la taille de la famille. Là où avant on exigeait un SMIC, le projet de loi initial exigeait 1, 2 SMIC. Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale a cru bon de faire de la surenchère en l'espèce en précisant : « 1, 2 SMIC pour une famille de moins de six personnes et 1, 33 SMIC pour une famille de six personnes ou plus ». Qui dit mieux ?
Certains parlementaires souhaitent aller jusqu'à exiger deux SMIC ! Il s'agirait, selon l'argument avancé par les défenseurs de cette trouvaille, d'éviter que les familles concernées ne tombent sous la coupe de marchands de sommeil. Quelle bienveillance !
Le caractère éminemment discriminatoire de cette mesure saute pourtant aux yeux : on exigerait des familles étrangères qu'elles disposent de ressources plus importantes que les familles françaises.
N'est-ce pas pourtant en vertu du caractère discriminatoire de cette mesure que notre Haute Assemblée a repoussé par deux fois en 2003 et 2006 des propositions similaires ?
Obstacle encore avec la création d'un contrat d'accueil et d'intégration à destination des familles, à l'instar de ce qui a été inventé pour les primo-arrivants. Je voudrais insister ici sur le fait que cette exigence supplémentaire sera sanctionnée en cas de non-respect des stipulations du contrat par la suspension du versement des allocations familiales et qu'il en sera tenu compte lors du renouvellement de la carte de séjour des intéressés pour le leur refuser.
Autrement dit, cette mesure - là encore discriminatoire - revient à exiger davantage des familles étrangères que des familles françaises.
Avec une telle disposition, une épée de Damoclès planera sur les familles concernées jusqu'au renouvellement de leur carte de séjour. Des personnes en situation régulière pourront ainsi se retrouver du jour au lendemain sans titre de séjour !
C'est vraiment inadmissible et incompréhensible. Sachant qu'en 2006 le regroupement familial a concerné 23 000 personnes environ dont 9 000 enfants, où est le problème ?
La seule justification de ce projet de loi est de mettre des barrières supplémentaires au regroupement familial et de stigmatiser une certaine frange de la population. Votre texte, monsieur le ministre, va surtout précariser les femmes, dans la mesure où 80 % environ des conjoints rejoignants sont les épouses, ainsi que les enfants, qui ne sont pas épargnés par votre politique d'immigration dévastatrice et qui en sont même les premières victimes.
J'ajoute que les étrangers conjoints de Français ne sont pas plus épargnés par votre texte dans lequel vous avez osé, d'une part, réintroduire l'obligation de retour au pays pour les conjoints désirant obtenir un visa de long séjour et, d'autre part, leur imposer l'apprentissage de la langue française.
En ce qui concerne maintenant le droit d'asile, déjà réformé et restreint à plusieurs reprises, la démarche est la même. Sous des prétextes tout aussi fallacieux que celui qui consiste à invoquer le trop grand nombre de faux demandeurs d'asile, vous multipliez les obstacles. Faut-il rappeler que l'asile est la protection offerte par un pays à des personnes persécutées pour des motifs liés à la race, à la religion, à la nationalité, à l'appartenance à un certain groupe social ou encore en raison de leur opinion politique, ce qui n'a a fortiori rien à voir avec les questions liées à l'immigration et doit en être, par conséquent, détaché ?
Or votre texte, monsieur le ministre, opère sciemment une confusion entre l'exercice d'un droit inaliénable, le droit d'asile régi par la convention de Genève de 1951 pour des personnes en danger fuyant leur pays, et la question de l'immigration.
Cette confusion a été institutionnalisée par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la création d'un ministère de l'immigration intégrant l'asile et, avec le présent texte, la mise de l'OFPRA sous tutelle du ministère de l'immigration, alors que l'Office dépendait du ministère des affaires étrangères.
On s'éloigne ici vraiment de la France terre d'asile, de la France patrie des droits de l'homme !
La portée du droit d'asile avait pourtant déjà fait l'objet de restrictions ces dernières années avec l'introduction de notions telles que celles d'acteurs de protection, d'asile interne, de pays d'origine sûrs, de protection subsidiaire, sans parler de la mise en oeuvre de la procédure prioritaire ni de la multiplication des rejets au motif que la demande est manifestement infondée.
Il n'était vraiment pas besoin d'en rajouter. C'est pourtant ce que fait votre texte s'agissant, par exemple, du raccourcissement du délai de recours contre des décisions de l'OFPRA, rendant ce droit au recours totalement ineffectif, de l'application aux déboutés du droit d'asile de l'obligation de quitter le territoire français, l'OQTF, enfin de la mise en conformité a minima - vingt-quatre heures au lieu de quarante-huit heures - de la procédure de recours contre une décision de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile.
Pourquoi prévoir tant d'obstacles à l'accès à un droit aussi fondamental que le droit d'asile ? Faut-il rappeler que les mouvements migratoires se font pour l'essentiel dans un axe sud-sud et dans une moindre mesure sud-nord ? Les personnes déplacées ont, en effet, davantage tendance à aller se réfugier dans les pays voisins, ce que confirment pour l'année 2006 les statistiques du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, qui relève que 63 % des 9, 9 millions de réfugiés du monde se trouvent en Afrique et en Asie et seulement 18 % en Europe.
Vous le savez, on ne change pas les trajectoires migratoires à coup d'articles de loi. Si vous ne voulez pas accueillir toute la misère du monde, alors faisons en sorte d'éradiquer cette misère !
En France, il faut redonner du sens aux mots « accueil », « intégration ». Pour une meilleure intégration, il faut d'abord stabiliser le droit au séjour, et non l'inverse.
N'ayons pas peur d'octroyer certains droits fondamentaux comme le droit de vote pour les résidents étrangers sous certaines conditions ; mettons en place un vrai droit de formation à la langue du pays d'accueil ; respectons le droit de vivre en famille, les droits de l'enfant, les engagements nationaux et internationaux pris par la France, ce que ne fait pas votre texte, monsieur le ministre, et il a encore été aggravé par l'Assemblée nationale. De nombreuses dispositions aussi stigmatisantes que perverses - nous en demanderons la suppression - ont, en effet, été insérées par les députés, mais je ne m'y attarderai pas, faute de temps.
Toutefois, avec ce texte, qui comporte désormais 47 articles quand il n'en comptait que 18 à l'origine, il s'agit bel et bien d'un retour en arrière, qui plus est aux relents colonialistes. Ce qui n'est guère étonnant de la part d'une majorité qui, il n'y a pas si longtemps - rappelons-le - voulait que soit souligné dans la loi « le rôle positif de la colonisation »
D'une manière plus générale, la politique que vous menez est un retour au Moyen Âge avec la restauration des privilèges pour les riches et rien pour les plus démunis !
Vous l'aurez compris, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre le présent projet de loi.
Mes chers collègues, dans vingt jours, nous serons plusieurs ici à nous rendre dans les lycées pour lire aux élèves la lettre de Guy Môquet à sa famille.
Je me permets simplement de vous rappeler ses dernières pensées : « Vous tous qui restez, soyez dignes de nous ... »
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui, le quatrième en quatre ans, répond aux attentes clairement affirmées il n'y a pas si longtemps par nos concitoyens aux dernières élections présidentielles.
Notre pays s'honore d'être une terre de refuge depuis de nombreuses décennies et il doit le rester. Mais, pour cela, il est nécessaire de mettre en place une véritable politique migratoire, en d'autres termes de mieux encadrer pour mieux maîtriser. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que l'élu de la Guyane que je suis y soit particulièrement attentif.
Il faut vivre l'immigration en Guyane pour comprendre les difficultés qu'elle soulève. M. Hortefeux est venu chez nous, il a vu et je pense qu'il est aujourd'hui convaincu de la réalité du problème. Les Guyanais, dans leur très grande majorité, attendent des solutions du Gouvernement, faute de quoi ils les trouveront eux-mêmes.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Louis Mermaz marquent leur étonnement.
L'immigration doit aussi et surtout être indissociable de l'intégration. Or ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle il nous faut saluer plusieurs mesures du projet de loi qui sont importantes, me semble-t-il.
Je pense tout d'abord à l'obligation de maîtriser la langue française et de connaître les valeurs de la République, essentielle à une bonne intégration. Je pense ensuite au contrat d'accueil et d'intégration pour la famille.
Rappelons que, en Guyane, aujourd'hui, les enfants scolarisés n'ont pas, dans leur majorité, le niveau intellectuel des générations qui sont aujourd'hui représentées au sein de notre hémicycle. Ils ne correspondent pas aujourd'hui à ce que nous sommes ni à ce que nous souhaitons pour la France, c'est-à-dire des hommes et des femmes ayant un bagage intellectuel leur permettant d'aller de plus en plus loin, dans le respect des principes que la République nous a donnés.
Enfin, je salue tout particulièrement la création du livret d'épargne pour le codéveloppement, qui vient compléter une disposition très importante de la loi de juillet 2006, introduite sur l'initiative de Jacques Pelletier. Notre regretté président avait, en effet, proposé de créer un compte épargne codéveloppement pour permettre aux personnes ayant la nationalité d'un pays en voie de développement, vivant en France et détenant une carte de séjour, d'épargner en bénéficiant d'un avantage fiscal dès lors que les sommes étaient réinvesties dans leur pays d'origine.
Monsieur le ministre, vous avez signé, le 11 septembre dernier, la première convention entre l'État et les caisses d'épargne pour la commercialisation des comptes épargne codéveloppement. Cette mesure était innovante et porteuse d'espoirs pour les pays d'émigration, le plus souvent trop pauvres pour investir et développer des activités économiques. L'on sait, par exemple, que, grâce à Western Union, plus de 7 milliards de francs quittent la Guyane et plus de 12 milliards de francs la Guadeloupe.
Nous sommes également allés à Mayotte et nous savons dans quelles conditions s'effectue l'immigration là-bas. Je laisserai à mon collègue de Mayotte le soin de vous exposer son sentiment à l'égard de ce projet de loi ainsi que les attentes des populations de l'outre-mer pour un « bon vivre » et un « meilleur vivre ensemble » dans nos pays.
Avec l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, le codéveloppement prend toute son ampleur, puisqu'il permet également aux étrangers qui ne paient pas l'impôt sur le revenu de ne pas être exclus du codéveloppement.
C'est l'occasion de rappeler que les politiques de maîtrise de l'immigration et de lutte contre l'immigration clandestine n'ont de sens que si elles s'appuient sur l'aide publique au développement et les différentes formes de coopération instituées entre la France et les pays d'émigration.
Je tiens d'ailleurs, monsieur le ministre, à saluer votre action en faveur du codéveloppement qui s'est très récemment illustrée par la signature, le 26 septembre dernier, d'une convention de partenariat entre l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations et l'association Entreprendre et réussir en Afrique, convention qui permettra, dans un premier temps, de promouvoir des programmes d'aide au retour volontaire et de réinsertion économique auprès des immigrés du Bénin, du Mali et du Sénégal.
Le point sur lequel il me semble important de revenir concerne la réduction à quinze jours du délai de recours devant la commission des recours des réfugiés. Notre excellent rapporteur, que je félicite pour son travail, vous a indiqué que nous avions beaucoup travaillé sur ce sujet au sein de la commission des lois et il vous a exposé les propositions qu'il avait formulées.
La commission d'enquête sur l'immigration clandestine, que j'ai eu l'honneur de présider, avait déjà à l'époque clairement affirmé que porter le délai de recours à quinze jours était inacceptable. La commission des recours des réfugiés elle-même a d'ailleurs souligné la brièveté du délai de recours, inférieur de moitié au délai de recours devant les juridictions administratives de droit commun. Il serait donc souhaitable de renoncer à faire peser la charge de la réduction des délais de procédure sur les demandeurs d'asile, d'autant que le recours doit être écrit, motivé et rédigé en français, des exigences particulièrement lourdes pour les réfugiés.
Il me semble que notre commission devrait proposer de revenir à la disposition antérieure.
La maîtrise de l'immigration ne doit pas conduire à mener une politique exempte de tout humanisme. Elle doit, au contraire, tendre à une meilleure intégration. C'est dans cet esprit que je nourris l'espoir, avec la majorité de mes collègues du RDSE, que la Haute Assemblée, le Sénat de la République, dans sa plus grande sagesse, saura améliorer ce projet de loi pour que la devise de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité » trouve tout son sens.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Monsieur le président, je m'étais inscrit dans la discussion générale pour traiter de l'article 5 bis, qui me touchait beaucoup dans ses aspects philosophiques et humains.
M. Pierre Fauchon. J'étais donc très mobilisé en la matière, mais je dois constater que la question a depuis beaucoup évolué.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
M. le ministre a fait preuve tout à l'heure d'un esprit d'ouverture évident, ce dont je le remercie, et le rapporteur de la commission des lois a clairement exposé les données du problème, qui est bien réel.
En effet, que faisons-nous lorsqu'il n'existe pas d'état civil ? Car telle est, au départ, la question posée.
Nous sommes maintenant dans une approche beaucoup plus technique, qui ne soulève pas, à mes yeux, de problèmes philosophiques. J'ai proposé à la commission des lois, qui m'a suivi, que l'on se réfère au droit commun, en prenant en considération, d'abord et avant tout, ce que nous appelons, dans le jargon juridique - pardonnez-moi, mes chers collègues -, « la possession d'état ». Mais je m'en expliquerai lors de l'examen de cet article, car la question est quelque peu technique.
La raison d'être de la discussion générale étant que l'on s'en tienne à des généralités, je vous fais cadeau de mon temps de parole, mes chers collègues, et je renonce à intervenir plus longuement !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, je tiens dès maintenant à saluer la qualité des travaux menés, depuis plusieurs jours, par M. le rapporteur, car les auditions et les débats ont été nombreux.
Monsieur le ministre, le projet de loi que vous présentez aujourd'hui illustre parfaitement la méthode consistant à exploiter un sujet grave, l'immigration, à des fins médiatiques et politiques. Durant la campagne présidentielle, cette question douloureuse a été largement utilisée pour galvaniser les foules et accroître les craintes de nos concitoyens face à l'avenir.
Vous avez coutume de vous féliciter de la création d'un ministère spécialement chargé de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Nous tenons à réaffirmer que cette dénomination est pour le moins contestable. Si un malaise persiste, c'est en raison du caractère contingent de la notion d'identité nationale et de la juxtaposition de ce terme à la nécessaire politique migratoire de la France. Vous présentez ainsi l'immigration comme une menace à l'encontre de notre identité nationale et vous stigmatisez des populations qui ont déjà du mal à trouver leur place dans notre société.
Par ailleurs, nous déplorons la marginalisation du ministère des affaires étrangères sur la question sensible et symbolique de l'asile.
L'étranger est une nouvelle fois le bouc émissaire ; il sert à expliquer nos problèmes, qui sont aussi, en grande partie, vos échecs. En effet, qui était aux responsabilités au cours de ces cinq dernières années ? Quel était le ministre de l'intérieur qui a fait voter, en novembre 2003, une loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, et, en juillet 2006, une loi relative à l'immigration et à l'intégration ?
Votre projet de loi, présenté en urgence, - nous en voyons tous les inconvénients aujourd'hui - est le signe de son échec, pour ce qui concerne tant la méthode que le fond.
En effet, c'est la quatrième fois en cinq ans que nous sommes sollicités pour modifier la politique de l'immigration, alors que certaines des mesures précédemment adoptées ne sont même pas appliquées. Or, avant même la fin de la procédure législative, et sans attendre le bilan des dernières lois, vous annoncez une nouvelle étape incluant une modification constitutionnelle pour mettre en place des quotas. Après avoir excité les craintes, vous avez clairement l'objectif de donner un gage de bonne foi à l'opinion publique.
Pour sa part, le groupe socialiste du Sénat dénonce la mise en place de mesures inefficaces et injustes. Nous proposerons de les supprimer et, le cas échéant, nous tenterons d'atténuer leurs effets les plus contestables. À ce stade du débat, je souhaite indiquer la position du groupe socialiste sur quelques points emblématiques.
En premier lieu, vous proposez, monsieur le ministre, de durcir les conditions du regroupement familial. Au-delà des difficultés pratiques de mise en oeuvre de cette mesure, nous considérons que l'exigence d'une évaluation des bénéficiaires du regroupement, dans leur pays d'origine, du degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République, constitue une restriction disproportionnée au droit de vivre une vie familiale normale. De même, l'augmentation du niveau de ressources exigibles pour obtenir un regroupement familial est discriminatoire.
C'est pour cette raison que le Sénat a déjà rejeté par deux fois des propositions similaires. Je forme le voeu qu'il réaffirme cette position, conformément à l'analyse du président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, mais je n'y reviendrai pas, car le rapporteur s'en est fait fidèlement l'écho. Gardons à l'esprit le fait qu'il n'y a pas lieu de traiter plus mal une famille étrangère qu'une famille française, pour ce qui concerne ses revenus.
Ce projet de loi crée la confusion en mettant sur le même plan le regroupement familial - ma collègue Alima Boumediene-Thiery y reviendra - et la situation des conjoints de Français.
Pour ma part, je tiens à saluer la proposition de la commission de supprimer le premier et le deuxième alinéa de l'article 4 du projet de loi. Pour les conjoints, vous prévoyez l'obligation d'évaluer le degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République. Cette mesure crée, là encore, des discriminations disproportionnées à l'encontre de Français qui souhaitent simplement mener une vie familiale normale.
Par ailleurs, vous remettez en cause la disposition, adoptée en 2006, sur l'initiative notamment de notre regretté collègue Jacques Pelletier, selon laquelle les étrangers entrés régulièrement en France, mariés avec un ressortissant français et séjournant en France depuis plus de six mois avec leur conjoint, présentent la demande de visa de long séjour à la préfecture de leur domicile. Je me félicite que notre commission ait adopté ce matin un amendement tendant à rétablir cette possibilité.
L'objection selon laquelle cette mesure ne serait pas efficace ne nous semble pas pertinente, dans la mesure où il aurait suffi de quelques mois seulement pour le vérifier.
En second lieu, il n'est pas acceptable de mettre sur le même plan le regroupement familial et l'asile.
En confiant la tutelle de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et de la CRR, la Commission des recours des réfugiés, au ministère de l'immigration aux dépens du ministère des affaires étrangères, le projet de loi introduit une confusion entre le droit d'asile et l'immigration, et dénature le sens de la Convention de Genève, qui porte notre tradition et notre obligation de protection des réfugiés.
En outre, comme l'a indiqué le rapporteur, il est indispensable de donner à la CRR son autonomie et sa dimension juridictionnelle, en lui allouant des moyens propres, et ce dès 2008, j'y insiste. C'est possible quand je vois tout ce que certains veulent faire en trois mois, voire en quinze jours !
La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France, le 26 avril 2007, pour absence de recours suspensif contre le refus d'admission sur le territoire français des demandeurs d'asile. À la suite de cette condamnation, le Gouvernement veut réformer a minima. Nous souhaitons que le recours suspensif soit ouvert à l'ensemble des étrangers faisant l'objet d'un refus d'entrée, et non aux seuls demandeurs d'asile. Afin de garantir le respect des principes de recours effectif et de procès équitable, le délai de vingt-quatre heures doit être étendu, l'assistance d'un conseil doit être garantie et l'audience doit avoir lieu dans un tribunal administratif, et non pas en zone d'attente par le biais de la visioconférence, avec traduction.
L'article 20 du projet de loi, visant à autoriser la création de fichiers sur des critères ethniques, a été introduit par un amendement parlementaire. C'est la première fois qu'une telle possibilité est ouverte dans notre pays. J'ai bien entendu les arguments développés quant au sérieux de la CNIL, et je n'y reviendrai pas, mais je considère que l'on ne peut rien faire sans le consentement de la personne. Le groupe socialiste est opposé à cette mesure, qui crée un préalable dangereux et rompt avec la tradition républicaine de lutte contre le communautarisme.
Enfin, nous tenons à saluer la sagesse de la commission des lois du Sénat, qui s'est opposée à l'article 5 bis, tendant à autoriser l'utilisation de tests ADN pour prouver les liens de filiation des candidats au regroupement familial.
Monsieur le ministre, les oppositions à ce dispositif sont nombreuses. Entendez les protestations, qui se multiplient depuis quelques jours, de personnalités importantes et de l'ensemble des associations. Ne dénaturez pas, s'il vous plaît, la position du HCR, et ne traduisez pas dans une loi les dispositions que certains pays européens ont pu adopter en ce sens.
Cette mesure est contraire aux valeurs qui fondent notre République, car elle ignore que le lien de filiation ne se limite pas au lien biologique. Enfin, elle est en contradiction absolue avec les lois de bioéthique, qui sont un point d'équilibre optimal dans un domaine on ne peut plus sensible.
Sur le plan juridique, cette disposition heurte les principes de notre droit civil et du droit international privé ; elle inverse le principe de la force probante, et ce n'est pas l'introduction, ce matin, de l'amendement n° 203 de M. Hyest, qui n'a d'ailleurs pas été adopté par la commission des lois, visant à faire du test un mode de preuve du lien de filiation uniquement avec la mère de famille, qui peut nous convaincre.
Monsieur le ministre, vous avez donné beaucoup de votre temps pour défendre cet amendement parlementaire, ...
... mais peut-être aurions-nous préféré vous entendre parler de l'amendement n° 21, lui aussi parlementaire, car les associations qui jouent un rôle essentiel auprès des sans-papiers en leur apportant soutien, protection et parfois même nourriture - je veux notamment parler des Restos du Coeur et d'Emmaüs - sont aujourd'hui très inquiètes. Nous reviendrons sur cette question lors de l'examen des amendements.
Au-delà des différentes mesures prévues dans ce projet de loi, c'est l'état d'esprit dans lequel vous le présentez qui nous inquiète et trouble l'image de notre pays dans le monde.
Face à la défiance que vous entretenez à l'encontre des étrangers, il est bon de rappeler, comme le fera tout à l'heure Pierre-Yves Collombat, que l'immigration est une nécessité pour faire face à l'évolution de notre démographie. La mise en place d'une politique de l'immigration est donc indispensable, mais elle doit être juste, efficace et humaine.
Sans égard pour ces exigences, votre logique consiste à faire du chiffre à tout prix et à multiplier des lois toutes plus inefficaces les unes que les autres. Vous avez convoqué certains préfets, les accusant de ne pas avoir réalisé les chiffres prévus au titre des expulsions d'étrangers en situation irrégulière. Si vous avez atteint votre objectif en matière d'exposition médiatique, le procédé consistant à considérer comme des objets jetables des individus aussi respectables que tous les autres est inadmissible, car il ouvre la porte à de nombreux dérapages sur le terrain. Nous le constatons d'ores et déjà, certains magistrats et policiers s'en inquiètent. Vous entretenez un climat détestable qui place certaines personnes dans des situations dramatiques, voire fatales.
Par ailleurs, il ne faut pas laisser penser à l'opinion publique que ce texte va réduire le nombre de personnes en situation irrégulière. Les dispositions de ce projet de loi portent exclusivement sur l'immigration régulière, sur laquelle vous jetez la suspicion. Les mesures que vous proposez sont non seulement injustes, mais elles ouvrent également la voie à un renforcement de l'immigration illégale, que vous prétendez, par ailleurs, combattre.
Au travers de votre politique et de vos déclarations, vous portez atteinte à l'image de la France dans le monde.
Je suis, vous le savez, très engagée au sein de l'Assemblée parlementaire de la francophonie et, à ce titre, je travaille régulièrement hors de nos frontières.
Comme de nombreux parlementaires me l'avaient signalé, j'ai pu personnellement mesurer, lors de notre assemblée générale, à Rabat, en juillet 2006, l'ampleur du trouble suscité dans de nombreux pays, notamment en Afrique, par la loi de 2006.
Cette vague d'inquiétude et d'hostilité s'est encore aggravée après le discours à forte teneur culturaliste prononcé par le Président de la République, à Dakar, dans lequel il reproche à l'homme africain de n'être pas « assez entré dans l'histoire » et de ne s'être jamais élancé vers l'avenir. Dès lors, faut-il s'étonner que ces pays se tournent vers les États-Unis ou la Chine ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Alors que la France donne l'image d'un pays qui se referme sur lui-même, la Chine joue l'ouverture en finançant, nous le savons tous, les bâtiments du parlement mauritanien, du sénat gabonais ou encore le port de Nouakchott, par exemple. Enfin, les visas sont tellement difficiles à obtenir que même les élites se tournent vers d'autres pays. Catherine Tasca reviendra tout à l'heure sur ce sujet, mais je veux vous poser une question, monsieur le ministre : pourquoi certains pays sont-ils si réticents à reconnaître leurs ressortissants en cas de reconduite ? N'avez-vous pas pensé que c'est peut-être leur seule manière de lutter contre le rouleau compresseur que nous leur opposons ? Ne faudrait-il pas examiner cette question avec attention, et instaurer un dialogue d'égal à égal avec tous ces pays du Sud en développement ?
Il n'est plus pensable que chaque pays de l'Union européenne pratique sa propre politique ; nous devons examiner les problèmes ensemble. De vrais choix doivent être faits en matière d'immigration ; ils sont cités régulièrement, remettons-les sur la table. Ce n'est qu'au niveau européen qu'une véritable politique de l'immigration peut être efficace. Certes, l'Europe travaille déjà sur ces sujets, mais il est indispensable d'aller plus loin. Ne laissons pas croire à l'opinion que la solution est uniquement nationale. Sortons des faux-semblants médiatiques et de l'affichage politique pour traiter enfin cette question de l'immigration avec l'attention et le sérieux qu'elle mérite.
Monsieur le ministre de l'immigration, n'oubliez pas que vous avez également en charge le codéveloppement. Une politique de l'immigration ne peut être efficace à long terme que si les pays concernés obtiennent les moyens de se développer. La France doit agir, à sa place et compte tenu de son histoire, de façon exemplaire. Vous avez fait part de projets en la matière ; sachez que nous n'avons pas l'intention de nous contenter d'annonces, d'accords sur la dispense de visa pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou d'autres coquilles vides.
Au lieu de mettre en place des tests ADN pour lutter contre la fraude, tests que vous voulez prendre en charge financièrement, il nous semblerait plus utile et plus juste d'aider les pays concernés à mettre en place un état civil.
Cela permettrait d'ailleurs à ces pays de dresser des listes électorales, seules à même de permettre des élections libres et transparentes. En effet, à l'occasion d'opérations électorales que nous sommes périodiquement appelés à observer, nous voyons bien que l'absence de résultats tient notamment à l'absence d'état civil.
Alors que le codéveloppement devrait être un préalable, vous préférez nous faire légiférer sur un texte répressif, que nous considérons inutile et contre-productif.
Je conclurai ce propos en citant l'intégralité d'une phrase de Michel Rocard : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. ». Ce message équilibré reflète fidèlement les convictions qui nous animent, qui nous poussent à rejeter votre projet de loi au nom des valeurs de notre démocratie et afin d'affirmer encore avec fierté que la devise de la France est bien : « Liberté, Égalité, Fraternité. » ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m'exprimer en des termes aussi simples que possible non au nom de la commission des finances, à laquelle j'appartiens, mais parce que, au titre de cette appartenance, j'ai mené un certain nombre de missions.
Ce faisant, j'ai été amené à faire des constats qui, je crois, me permettent de prendre la parole dans ce débat en assez bonne connaissance de cause, même si personne ne détient la vérité totale sur un sujet extrêmement complexe dont il est difficile de saisir tous les tenants et les aboutissants.
Monsieur le ministre, j'ai été attentif aux conditions dans lesquelles l'administration met en oeuvre les orientations arrêtées par le Parlement en matière d'accueil des étrangers, tout d'abord en enquêtant sur l'OFPRA, puis, plus récemment, en examinant le travail de nos services des visas. De ces travaux, j'ai tiré un sentiment : la politique de l'immigration de notre pays a longtemps souffert de l'absence d'outils cohérents, absence qui l'a privée en tout ou partie de son efficacité.
J'ai acquis aussi une conviction, monsieur le ministre : la modernisation de cette politique nous impose de relever trois défis : créer une véritable administration de l'immigration, doter votre ministère d'un vrai budget et simplifier les formalités administratives qui constituent trop souvent un casse-tête pour les visiteurs étrangers.
Le premier défi, qui consiste à créer une véritable administration de l'immigration, est un chantier difficile que vous avez engagé dès votre arrivée ; je veux vous en donner acte. Avec votre portefeuille de ministre, vous avez hérité de services épars, aux cultures de travail différentes, parfois même antagonistes, aux relations souvent empreintes de méfiance, services qui doivent désormais faire preuve de plus de cohérence.
En matière de regroupement familial par exemple, j'ai été frappé de constater sur le terrain des divergences de vues entre les administrations qui travaillent sur le sol national et les consulats à l'étranger, plus concernés par la fraude à l'état civil.
Ainsi, au Congo-Brazzaville, j'ai relevé un nombre significatif de décisions favorables de regroupement familial qui avaient été notifiées aux demandeurs par les préfectures alors que le consulat avait, vérifications à l'appui, établi que les liens de filiation étaient faux. Que se passe-t-il en pareil cas ? Le consulat ne délivre pas, à juste titre, de visa, et il est dans son rôle. Mais que pensent alors ces demandeurs de regroupement familial de l'administration française ?
Le travail des administrations autour de l'immigration économique n'est pas plus satisfaisant. Il est frappant que nos entreprises implantées en Afrique ou en Asie aient autant de difficultés à faire venir leurs collaborateurs en détachement en France, alors qu'il s'agit d'employés qualifiés.
Dans le même temps, il apparaît plus simple à un ressortissant turc résidant en France de faire venir un membre de sa famille pour travailler dans son entreprise de bâtiment ou de restauration rapide, au motif que la maîtrise de la langue turque est un impératif et que cette compétence n'existe pas sur notre sol !
Ces deux exemples soulignent combien l'émergence d'une culture de travail commune aux administrations responsables de la gestion des flux migratoires doit être une priorité. Il n'y a qu'un seul État, porteur d'une seule politique cohérente de l'immigration. Pour cette raison, monsieur le ministre, et contrairement à certains collègues, je me félicite du transfert de la tutelle sur l'OFPRA du ministère des affaires étrangères à votre ministère, gage d'une tutelle utile, prenant au sérieux le travail des agents chargés d'examiner les demandes d'asile. C'est un travail ô combien éminent, ô combien difficile, mais qui, au quotidien, ne figurait malheureusement pas dans les « priorités nobles » de notre diplomatie.
J'en arrive au deuxième défi : une politique de l'immigration se construit avec un budget qui déploie les moyens en fonction des priorités.
Or, à l'automne, monsieur le ministre, le Parlement examinera un budget de l'immigration parcellaire, puisqu'il ne regroupera qu'une maigre partie des crédits consacrés à la politique de l'immigration. Ainsi, les services des visas et les services des étrangers des préfectures n'y figureront pas. Comment procéder à des redéploiements de moyens dans ces conditions ?
Dans mon rapport intitulé Trouver une issue au casse-tête des visas, j'indique que « le coût moyen de traitement d'une demande de visa est de 35 euros, tandis que le coût moyen d'une reconduite à la frontière atteint 1 800 euros. »
Voilà qui devrait nous inciter à investir plus de moyens au moment de l'entrée sur le territoire ; mais notre maquette budgétaire ne rend pas encore possible de tels arbitrages. Je sais que vous êtes sensible à cet état de fait, monsieur le ministre, et que vous ferez tout pour y remédier. Toutefois, je tenais à en parler à cette tribune.
J'en arrive au troisième et dernier défi : un vaste chantier de simplification des formalités administratives reste à engager.
Il s'agit là d'une exigence de service public. Les visiteurs étrangers ne comprennent pas les méandres administratifs des consulats et des préfectures. Comment imaginer développer une immigration économique de qualité si les travailleurs étrangers doivent accomplir, après le parcours du combattant de la demande de visa, le marathon de l'instruction du titre de séjour ?
Cette situation parfois ubuesque est née de la méfiance réciproque qu'entretiennent nos administrations. Tout se passe comme si ces dernières étaient incapables de se faire confiance et gardaient une possibilité de déjuger la décision des autres services. En matière d'immigration économique, il devient urgent, monsieur le ministre, d'adopter une logique de guichet unique et de créer ainsi un titre unique, c'est-à-dire un visa valant également carte de séjour.
C'est la voie qu'a suivie l'Assemblée nationale et que propose d'approfondir notre commission des lois. À titre expérimental, les visas de long séjour délivrés à des conjoints de Français vaudront en eux-mêmes titre de séjour. La commission des lois propose d'étendre cette expérimentation aux futurs titulaires de la carte « compétences et talents » ; je soutiendrai une telle initiative.
À l'avenir, nous pourrons sans doute aller encore plus loin, monsieur le ministre. Je me crois en droit de citer le cas des étudiants. Notre pays a intérêt à accueillir les étudiants étrangers
Mmes Nathalie Goulet et Bariza Khiari, M. Pierre-Yves Collombat applaudissent.
Pourquoi ne pas créer aussi un titre unique valant à la fois visa et titre de séjour ?
Cette simplification des procédures en faveur d'un service public de l'immigration de qualité, plus proche des besoins des visiteurs étrangers, m'a conduit à réfléchir à deux dispositions.
La première, que je formule par le biais d'un amendement présenté avec plusieurs de mes collègues, vise à dispenser de contrat d'accueil et d'intégration, et de ses procédures, les étrangers détachés en France par leur entreprise, ainsi que les détenteurs des cartes « compétences et talents ».
Le contrat d'accueil et d'intégration est une véritable innovation, facteur d'une insertion plus facile dans notre société. Je propose de l'appliquer avec intelligence et souplesse. Lors d'une récente mission au Japon, j'ai rencontré un grand nombre de dirigeants japonais qui m'ont fait part de leur étonnement à l'idée que leurs cadres, détachés dans leurs filiales implantées en France - je pense notamment à la filiale de Toyota installée à Valenciennes -, soient soumis à un tel contrat et aux cours de langue collectifs qui s'y rapportent. L'amendement que je défendrai vise à remédier à une telle situation. J'espère, tout comme mes collègues qui l'ont cosigné, être suivi par le Sénat.
La seconde disposition qui est présentée dans mon rapport sur les visas et qui a donné lieu à nombre de débats vise à autoriser les demandeurs de regroupement familial qui se trouveraient dans l'incapacité de conforter leur demande par un document d'état civil fiable à appuyer cette dernière par des pièces complémentaires.
La première mesure que j'ai proposée et que j'ai entendu suggérer sur toutes les travées me paraît de bon sens. Elle consiste à développer une vigoureuse politique de coopération avec les services d'état civil des pays les plus pauvres. C'est nécessaire, mais c'est une oeuvre de longue haleine qui ne s'accomplira pas par un coup de baguette magique ! S'agissant des personnes qui souhaitent faire venir leurs enfants afin de mener avec eux une vie normale dans notre pays, mais qui ne peuvent prouver leurs liens familiaux - ce sont des cas concrets qui se posent aujourd'hui -, j'ai évoqué dans mon rapport la piste allemande des recherches de filiation menées par des avocats assermentés, la voie américaine du recours aux services d'un auxiliaire de justice qui se rend dans les mairies pour constater de visu les actes d'état civil, ce que nos agents ne peuvent pas toujours faire, et les fameux tests ADN qui sont pratiqués sans drame dans de grandes démocraties européennes.
Je tiens à dire à mon tour ici que ces tests ne peuvent avoir d'autre objet que de faciliter le regroupement familial et d'accélérer les procédures. Il est insupportable de constater sur place que des familles ne peuvent pas se regrouper. Pour ma part, je voterai l'amendement que présentera sur ce sujet Jean-Jacques Hyest. Je le voterai avec conviction, car je ne supporte par ces situations. Je sais bien que moult précautions sont nécessaires. Le Gouvernement a commencé à en prendre en sous-amendant de manière substantielle l'amendement d'origine parlementaire déposé à l'Assemblée nationale. J'ai compris que le président de la commission des lois fera une proposition et j'en ai saisi la teneur.
Monsieur le ministre, vous avez aussi exprimé votre ferme volonté d'éviter toute dérive, tout dérapage, et de prendre toutes les précautions nécessaires pour que le texte que nous voterons soit conforme à l'idée que nous nous faisons de l'éthique républicaine.
Chers collègues, chers amis, je ne supporte vraiment pas les jugements hâtifs, ni les procès d'intention. Je ne supporte pas non plus que l'on nous menace du bûcher. Mais je suis vraiment persuadé que ne siègent dans cet hémicycle que des parlementaires de bonne foi. Certes, nous n'avons pas tous la même opinion, et c'est bien le rôle du Parlement de débattre, mais sans faire de procès d'intention. Il n'y a ici que des parlementaires qui veulent doter notre pays d'une politique d'immigration digne de la France et permettre aux étrangers le souhaitant de regrouper les membres de leur famille sans attendre des années, comme cela arrive parfois, hélas !
En témoigne ce que j'ai lu dans un certain nombre de journaux qui ne passent pas pour être favorables au texte que nous allons voter. C'est ainsi qu'un grand journal du soir décrit des situations qui, je crois, suffisent à étayer ma démonstration. Dans le journal Jeune Afrique, j'ai aussi lu, à propos des tests ADN dont nous allons débattre, des jugements qui sont bien loin des déclarations que l'on entend dans cette assemblée.
Voilà, mes chers collègues, ce que je tenais à dire.
Monsieur le ministre, ce projet de loi mérite de la lucidité et, tous, nous en ferons preuve. Il mérite aussi de la passion, car le sujet qui est abordé et dont nous débattons est un sujet noble parmi les plus nobles. Le Sénat de la République s'honorera en en débattant sérieusement !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour une fois, l'opinion publique a les yeux tournés vers le Sénat. Nos concitoyens attendent de la Haute Assemblée qu'elle corrige, dans sa sagesse, les errements conjugués du Président de la République et d'une majorité de députés trop dociles aux directives d'un exécutif envahissant.
Le premier enjeu de ce débat sur l'immigration est donc l'équilibre des pouvoirs et le rôle du Sénat au sein du Parlement. À l'ère de la présidence Sarkozy, peut-il exister encore une forme, même atténuée, de démocratie parlementaire ? Si oui, quel est alors le rôle du Sénat ? Au fond, ce début de session ordinaire va servir de travaux pratiques aux membres de la commission Balladur, pour mener à bien leurs réflexions sur le devenir de nos institutions.
Il est temps en effet de rappeler cette évidence inscrite dans notre histoire depuis Montesquieu : pas de démocratie sans contre-pouvoir. Le Sénat s'honore d'être, depuis ses origines, l'un de ces lieux d'exercice du nécessaire équilibre des institutions.
À l'heure où d'aucuns veulent le faire taire, l'occasion nous est collectivement donnée, mes chers collègues, d'affirmer calmement son existence et son utilité.
Venons-en au texte et voyons comment nous pouvons y imprimer notre marque, à défaut de le renvoyer aux oubliettes, ce qui serait à mes yeux le plus raisonnable. Observons que la dernière loi sur l'immigration datait d'un an et que ses décrets d'application n'étaient pas tous parus quand fut présenté au conseil des ministres, le 4 juillet 2007, ce nouveau projet de loi. Rappelons qu'une loi antérieure, qui avait pour objet de mettre fin à « l'incapacité de l'État à maîtriser les flux migratoires », avait été promulguée le 26 novembre 2003.
Résumons : loi « Sarkozy I », en 2003, loi « Sarkozy II », en 2006, loi « Sarkozy III », en 2007, et j'en oublie sans doute ! Quelle débauche de textes et quel aveu d'impuissance pour celui qui se veut le grand réformateur ! À moins qu'il ne s'agisse d'une « gesticulation législative » destinée à détourner l'attention des vrais problèmes de la France, rongée par la dette et en proie aux inégalités.
C'est la vieille tactique du bouc émissaire et de la peur de l'étranger, l'inverse de la tradition française depuis 1789... Non pas que l'immigration clandestine ne soit pas un problème pour notre pays, au même titre d'ailleurs que pour toutes les nations développées du monde. Mais pourquoi ne pas la traiter rationnellement, efficacement, humainement, en dehors des surenchères politiciennes qui aggravent le mal au lieu de le guérir ?
Heureusement, la commission des lois de la Haute Assemblée a eu la sagesse d'adopter, la semaine dernière, des amendements visant à corriger les outrances de ce texte et à atténuer les mesures discriminatoires, à la limite parfois de la xénophobie. Qu'il s'agisse des conditions du regroupement familial, de l'obtention d'un titre de visa de long séjour pour les conjoints de Français ou du droit d'asile, je suivrai ces recommandations, et je souhaite que le Sénat tout entier adopte cette position.
Il y a, bien sûr, un sujet sur lequel l'opinion publique, et pas seulement en France, nous attend : c'est l'instauration de tests ADN pour confirmer la paternité ou la maternité biologique des candidats au regroupement familial. Cette malheureuse décision de nos collègues de la majorité de l'Assemblée nationale - peut-être suggérée par l'Élysée - a suscité une telle réprobation dans le pays et au sein même du Sénat que la commission des lois a adopté un amendement de suppression de cette disposition. Celui-ci a toutes chances d'être adopté en séance publique.
C'est ce que demandent en tout cas les plus hautes autorités philosophiques, morales et religieuses du pays, de même que d'éminents scientifiques, tel le professeur Axel Kahn, ou d'autres personnalités, tel le président Abdoulaye Wade, au nom du Sénégal. Un trouble profond a gagné l'opinion publique. Ce débat est pour nous l'heure de vérité ; il nous permettra de mettre devant leurs responsabilités les représentants de l'Assemblée nationale, lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Le Sénat ne peut laisser passer cette chance d'affirmer son attachement aux droits de l'homme et de prouver qu'il est le contrepoids nécessaire à l'excessive et dangereuse concentration des pouvoirs.
Ce faisant, nous aurons évité le pire, mais nous n'aurons pas avancé d'un pouce sur les vrais dossiers : comment démanteler à l'échelle de l'Europe, et non pas de la France, les réseaux d'immigration clandestine ? Comment tarir la source des flux de migrants en mettant en place un véritable codéveloppement, notamment en Afrique ? Jacques Pelletier, le regretté président de notre groupe, rappelait à chaque occasion que c'était là la clé d'une maîtrise de l'immigration. Sa voix nous manque cruellement aujourd'hui, et pas seulement au Rassemblement démocratique et social européen !
C'est dans cet état d'esprit d'ouverture, mais aussi de fidélité aux grands principes qu'il a si bien incarnés, que j'aborderai ce difficile débat.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi présente diverses mesures visant à mieux encadrer l'immigration dite familiale et à faciliter l'intégration des nouveaux arrivants dans notre pays.
Si certaines dispositions nous semblent aller dans le bon sens, d'autres suscitent de notre part réserve, voire inquiétude.
Ainsi, je souhaite souligner l'aspect positif de la signature du contrat d'accueil et d'intégration, aussi bien par le parent déjà présent sur le territoire français que par celui qui y est entré par le biais du regroupement familial.
À cette tribune, lors de l'examen du précédent projet de loi sur ce même sujet, j'indiquais déjà combien il s'avérait important que les femmes étrangères soient elles-mêmes signataires dudit contrat.
Il est en effet essentiel que les deux époux et parents, au travers de la formation qui leur sera dispensée dans ce cadre contractuel, intègrent, selon les termes mêmes du Conseil constitutionnel, les principes républicains suivants : « monogamie, égalité de l'homme et de la femme, respect de l'intégrité physique des enfants et des adolescents, respect de la liberté du mariage, assiduité scolaire [...] ».
J'ai également noté l'adoption de deux dispositions protectrices des femmes étrangères victimes de violences conjugales et séparées de leur conjoint. Il s'agit de l'obtention ou du renouvellement de leur carte de séjour temporaire.
J'apprécie aussi à leur juste valeur les dispositions relatives à l'apprentissage de notre langue et de notre culture par tout ressortissant étranger.
Toutefois, nous attendons du projet de loi plus de précisions sur les modalités de mise en oeuvre de la formation dispensée. Quels organismes assureront l'évaluation et la formation des prétendants ? Quels sont les moyens humains et matériels prévus à cet effet ? Qui en supportera le coût ?
Certaines dispositions liées aux conditions de ressources imposées aux demandeurs du regroupement familial posent également question.
Suivant ainsi les recommandations formulées par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, en décembre 2006, le projet de loi n'exige aucun plancher de ressources pour les personnes titulaires de l'allocation aux adultes handicapés ou de l'allocation d'invalidité.
Toutefois, cette disposition ne s'applique qu'à un nombre restreint de personnes handicapées, le bénéfice des allocations susvisées étant soumis à des conditions restrictives. Elle exclut surtout les ressortissants étrangers malades ou invalides aux faibles ressources. En l'état actuel du texte, ces personnes ne pourront être rejointes par certains de leurs proches.
Les associations d'aide aux malades et aux personnes handicapées, ainsi que la Commission nationale consultative des droits de l'homme, s'en émeuvent fortement.
Il en est de même de la situation des ressortissants étrangers retraités ayant des revenus inférieurs au SMIC. Lors des débats à l'Assemblée nationale, vous avez refusé, monsieur le ministre, de prendre en compte le cas de ces derniers, au motif que la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a créé une « aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine ».
Cependant, les contours du dispositif restent flous, le décret s'y rapportant n'étant pas paru.
Pour conclure sur ce point, nous ne pouvons nous contenter d'un texte éloigné de situations réelles souvent difficiles. Nous devons nous efforcer de prendre en considération les nombreux cas concrets au sujet desquels les acteurs de terrain nous interpellent.
Par ailleurs, le groupe de l'UC-UDF a déposé des amendements de suppression du dernier alinéa des articles 4 et 9 ter.
L'article 4 vise à abroger la disposition permettant aux conjoints étrangers de Français arrivés régulièrement en France de déroger à l'obligation de retourner dans leur pays d'origine pour obtenir le visa de long séjour nécessaire à la délivrance de leur titre de séjour de longue durée.
Cette exception fut adoptée à l'unanimité, moins une abstention, par le Sénat, lors de la discussion du précédent projet de loi sur ce sujet. Notre assemblée avait en effet jugé que cette obligation constituait une atteinte disproportionnée au droit, pour nos concitoyens concernés, de mener une vie conjugale et familiale normale.
L'article 9 ter du projet de loi, quant à lui, tend à réduire d'un mois à quinze jours le délai de recours contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, devant la Commission des recours des réfugiés. Là encore, le délai d'un mois résulte d'une proposition de la commission des lois adoptée par le Sénat en juin 2006.
Toutes les associations d'aide aux réfugiés soulignent que, devant la Commission des recours des réfugiés, les requérants sont tenus de présenter un recours motivé, reprenant la totalité des raisons de leur demande d'asile et contestant les motifs de rejet de l'OFPRA. Par conséquent, pour sauvegarder l'effectivité du droit de recours des demandeurs d'asile, ledit délai doit demeurer d'un mois.
Avant de conclure, je souhaite m'attarder sur la situation des étrangers qui ont acquis la qualité de réfugiés.
De par leur statut, ces étrangers bénéficient de mesures particulières d'hébergement et d'un accompagnement de trois mois en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, afin d'assurer leur intégration. Ils signent le contrat d'accueil et d'intégration et bénéficient des prestations qui y sont attachées.
L'expérience montre que ce suivi est trop court et les prestations du contrat d'accueil et d'intégration insuffisantes pour un accès rapide à l'emploi et au logement.
Ces constats ressortent d'une expérience menée dans le département du Rhône - vous y avez fait allusion, monsieur le ministre -, ...
... laquelle a regroupé l'association Forum réfugiés et les services du logement des préfectures, des villes, du conseil général et des bailleurs sociaux. Grâce à ce partenariat, la moitié des personnes inscrites dans le dispositif ont été relogées au bout de huit mois et 38 % l'ont été dans les six mois souhaitables.
En 2006, 51 % des réfugiés accompagnés ont bénéficié d'une mesure emploi-formation au moins. Le programme d'accompagnement de cette population ne s'avère donc efficace que s'il coordonne les différents acteurs.
Il nous paraît fondamental de prévoir en sus, dans le projet de loi, un dispositif renforcé d'accompagnement pour les réfugiés. Par conséquent, nous regrettons que notre amendement sur le sujet ait été rejeté par la commission des finances. Les initiatives locales qui réussissent doivent être reprises ! Mais nous ne désespérons pas de convaincre la commission des finances de revenir sur sa décision, car cette proposition nous semble essentielle.
Je n'évoquerai pas le recours aux tests ADN, sujet sur lequel notre collègue Pierre Fauchon reviendra plus tard, et je laisse à Adrien Giraud le soin d'intervenir sur la situation spécifique de Mayotte.
Nous souhaitons, monsieur le ministre, que soient prises en compte les suggestions que nous présentons dans nos différents amendements.
Applaudissements sur les travées de l'UC -UDF.
« Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible » ; ainsi s'exprimait David Rousset en des temps que l'on pensait révolus. Qui aurait pensé que, en France, la « question immigré » aurait un jour son ministère, qui plus est chargé, pour que nul n'en ignore la gravité, de veiller sur l'identité nationale ?
En version politiquement correcte, cela donne, selon les propos que vous avez tenus devant la commission des lois, monsieur le ministre : « Adopter une politique d'immigration volontariste pour renforcer la cohésion de notre société ». Vous avez également dit tout à l'heure ceci : « L'immigration d'aujourd'hui dessine le visage qu'aura notre pays dans quelques années. »
M. Pierre-Yves Collombat. C'est logique, car, pour vous, notre système d'intégration a fait faillite - c'est la saison !
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Pourtant, à regarder les chiffres, d'ailleurs variables selon les années et les sources, on se demande ce qui justifie de modifier, en urgence et pour la soixante-douzième fois, l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Je rappelle que la soixante et onzième modification a moins de quinze mois !
Selon Eurostat, les non-nationaux représenteraient 5, 6 % de la population française. C'est un peu plus qu'en Italie, en Grande-Bretagne ou en Suède, mais largement moins qu'en Allemagne, en Belgique ou en Espagne. Au total, la France se situe dans la moyenne.
Quant aux flux d'entrée, ramenés à la population, c'est en France qu'ils sont les plus faibles en comparaison avec les grands pays développés. Ainsi, en 2004, ils s'élevaient à 0, 34 % dans notre pays, contre 1, 62 % en Espagne, 0, 94 % en Allemagne, 0, 87 % en Grande-Bretagne. Le seul pays enregistrant un taux comparable au nôtre est le Japon, dont on connaît la position en matière d'immigration...
On cherche donc la vague migratoire risquant d'emporter, comme un château de sable, notre identité nationale.
Toujours selon Eurostat, entre 1990 et 2000, alors que le nombre de nationaux français a augmenté de 2, 5 millions, celui des étrangers sur le territoire français a baissé de 330 000. Parmi les Vingt-Cinq, une telle évolution ne se retrouve qu'aux Pays-Bas.
Selon vous, la concentration des immigrés dans quelques régions et le niveau de chômage de ces derniers seraient la marque de l'échec de notre modèle d'intégration.
Ils sont plutôt le résultat de l'absence d'une politique d'aménagement du territoire et de la mise en oeuvre d'une politique économique ayant délibérément sacrifié l'emploi à la rente.
À regarder la situation de nos partenaires européens, le modèle français d'intégration ne souffre pas de la comparaison, bien au contraire.
Les immigrés ne sont pas plus concentrés que les cadres et les professions intellectuelles supérieures, dont 40 % résident en Île-de-France et 25 % dans trois départements : Paris, les Hauts-de-Seine et les Yvelines. Leur taux d'activité est d'ailleurs comparable à celui des nationaux. Le chômage, quant à lui, est un problème qui relève d'abord de la politique économique.
Un taux de croissance de 3 %, ce qui semble être l'objectif du Président de la République, ferait plus pour l'intégration que tous vos contrats, vos stages et votre Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Quant au taux actuel de fécondité en France, même porté à deux enfants par femme, il ne permettra pas le renouvellement des générations.
Certes, il appartient à la France de définir sa politique d'immigration, mais encore faut-il que ses finalités ne soient pas idéologiques et qu'elle ait quelque chance de réussir.
Le distinguo entre migration économique et migration pour raisons familiales est moins clair que vous ne le pensez. D'ailleurs, si j'ai bien compris, M. le rapporteur n'a pas dit autre chose. En effet, 70 % des migrants familiaux travaillent, et 50 % ont un emploi dès six mois de présence sur le territoire.
Certains pays, comme le Canada, pourtant cité comme modèle, classent dans la même catégorie les migrants économiques et leur famille. À mode de calcul identique, ils représentent dans ce pays un peu plus de 21 % du total des migrants, avec un flux migratoire double du nôtre. On est donc loin de l'objectif de 50 % qui vous a été fixé par le Gosplan migratoire présidentiel, monsieur le ministre !
« L'immigration choisie », ce n'est pas celle que nous choisirons, mais celle des migrants qui nous choisiront.
Ceux que nous recherchons iront là où ils seront accueillis correctement avec leurs familles, là où ils pourront se loger, disposer des moyens d'effectuer leurs études ou leurs recherches, travailler dans de bonnes conditions et, d'une manière générale, là où on ne les prendra pas pour des délinquants potentiels.
Penser pouvoir recueillir la crème du flux migratoire en le faisant aigrir avec la levure des obstacles administratifs et des pratiques vexatoires est un non-sens.
En outre, c'est un non-sens inutile, puisque les flux de ceux qui sont indésirables à vos yeux se révèlent faibles. En effet, selon les chiffres que vous nous avez fournis, sur les quelque 94 000 autorisations de séjour délivrées en 2005, au titre du regroupement familial, la moitié concerne des conjoints de Français, qu'il faudra bien vous résoudre à accueillir, et seulement 8 600 enfants, ceux dont vous tenez tant à prouver la filiation biologique.
Dès lors, pourquoi tout ce bruit ? Pourquoi risquer de ternir, pour si peu, notre image à l'étranger de patrie des droits de l'homme ? Pour une question de stratégie électorale, tout le monde l'a compris !
Le présent projet de loi ne sera pas le dernier d'une longue série, car, entre un texte relatif à la délinquance et un autre sur les chiens dangereux
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Les dispositions que le bon sens considérera comme inutiles ou inapplicables par manque de moyens - s'agissant des consulats, par exemple -, celles que les juristes analyseront comme source de confusion et de contentieux, celles que les hommes normaux tiendront pour une provocation ou de la mesquinerie - notamment l'extension de l'usage des tests génétiques, la suppression de la possibilité pour les conjoints de Français d'obtenir en France un visa de long séjour sans avoir à retourner dans leur pays pour le demander - constituent, dans leur ensemble, non pas des imperfections, mais bien le coeur du texte.
Ce projet de loi n'est pas fait pour apporter durablement une réponse à une vraie question ; il ne fera qu'entretenir la confusion et l'inquiétude, qui appelleront d'autres lois et mobiliseront « du temps de cerveau rendu disponible ».
Mme Bariza Khiari et M. Jean-Luc Mélenchon applaudissent.
D'où l'intérêt d'user de notions vagues, plutôt que de concepts juridiques précis.
La formulation de l'article 8-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, aux termes duquel « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance », est univoque.
En revanche, qu'est-ce qu'une « intégration républicaine dans la société française ? » Un artiste de variété se produisant en France, mais vivant de l'autre côté de la frontière pour échapper à son devoir, fixé par l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de participation aux dépenses publiques en raison de ses facultés contributives, fait-il preuve d'une bonne intégration républicaine ?
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.
Les valeurs de la république sont-elles univoques ? Par exemple, la laïcité, symbole souvent avancé, signifie-t-elle l'acceptation « du fait religieux dans l'espace public », comme l'a souhaité Jean-Paul II dans un célèbre discours au corps diplomatique, et telle qu'elle est pratiquée dans les départements concordataires français ? C'est une notion qui n'est pas univoque !
Sait-on précisément ce que sont aussi « les principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France », selon la formulation du Conseil constitutionnel ?
Toutes ces notions, sources d'interprétations et de contentieux futurs, sont pourtant au coeur du projet de loi.
Un seul point appelait une modification législative : l'institution d'un droit de recours suspensif contre les refus d'admission sur le territoire français. On aurait pu s'attendre à ce que le projet de loi tire toutes les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui aurait impliqué deux dispositions.
Premièrement, il aurait fallu étendre le droit de recours suspensif, au-delà des demandeurs d'asile, à toutes les personnes retenues en zone d'attente, pouvant se prévaloir des articles 2, 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, à savoir des étrangers dont l'état de santé permet d'invoquer l'article 2 de ladite convention, les mineurs isolés ou les personnes dont la famille vit en France, relevant de l'article 8 de la convention.
Deuxièmement, il aurait été nécessaire d'éviter de se mettre en défaut au regard de l'article 13 - droit à un recours effectif - et de l'article 6 - droit à être entendu équitablement, publiquement, par un tribunal indépendant, droit à être informé dans une langue que l'on comprend et de se faire assister d'un interprète, droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
La limitation du bénéfice du recours suspensif aux seuls demandeurs d'asile, la brièveté des délais de recours, le risque d'un jugement par ordonnance, malgré le progrès que constitue l'abandon de la procédure du référé-liberté, les conditions matérielles de l'exercice de la justice en zone de police et de la préparation de la défense permettent de penser que l'arrêt Gebremedhin ne constituera pas la dernière condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.
Aujourd'hui, ce n'est plus l'administration qui règle le gros des affaires, en s'appuyant sur des textes clairs et des règles incontestables, les organes juridictionnels s'occupant de l'exception. Désormais, c'est la situation inverse : le contentieux est devenu le mode normal de régulation des flux migratoires. Pas étonnant s'il est en train d'exploser !
Ce serait pourtant peu de chose, si des hommes, des femmes, des enfants bien concrets n'étaient l'enjeu de ces stratégies tordues.
Les Français ayant un conjoint étranger viennent dans nos permanences nous dire, entre deux sanglots réprimés, leur angoisse d'être séparés de ce dernier, de le voir embarqué, menottes aux poignets, devant les enfants, leur attente infinie d'un visa qui permettra enfin de le retrouver. Je pense à tous ceux dont vous allez alourdir les peines, au nom d'un faux pragmatisme et d'une idéologie totalement étrangère au génie français.
Personne n'a le monopole du coeur. Montrez-le, monsieur le ministre !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de débuter mes propos en citant le Président de la République, alors ministre d'État, ministre de l'intérieur, lors de la présentation au sein même de cette assemblée, en 2006, du texte relatif à l'immigration et à l'intégration : « Mon intention est de bâtir une nouvelle politique par laquelle l'arrivée des migrants en France sera voulue, acceptée, préparée par les autorités de l'État, soit parce que le migrant aura fait valoir son droit à venir s'installer en France pour des raisons familiales, soit parce que le Gouvernement aura souhaité la venue d'un étranger, étudiant ou professionnel, en raison de sa compétence, de son talent et de sa motivation ».
Force est de constater aujourd'hui que les engagements pris sont tenus et que nous nous approchons concrètement de cette immigration choisie que les Français ont appelée de leurs voeux lors de l'élection présidentielle.
Les engagements sont tenus car, pour la première fois sous la Ve République, est créé un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Monsieur le ministre, permettez-moi, au nom de l'ensemble de mes collègues de l'UMP, de me réjouir de cette réforme fondamentale et novatrice, souhaitée et rendue possible par le Président de la République.
Désormais, sont réunies au sein d'une même entité l'ensemble des administrations concernées par les flux migratoires.
Comme vous l'avez souligné, le parcours d'un étranger, candidat à l'immigration en France, est maintenant suivi en totalité par un seul ministère regroupant des administrations jusqu'alors dispersées.
Cette nouvelle organisation témoigne de votre volonté d'appréhender la question de l'immigration dans sa globalité, en lien direct avec celle de l'intégration et de la coopération, notions étroitement imbriquées.
Elle témoigne également de votre volonté de privilégier, conformément aux engagements du Président de la République, une immigration choisie et concertée, qui est le contraire de l'immigration zéro et de l'immigration subie.
Elle témoigne enfin de votre volonté de poursuivre et d'amplifier la politique volontariste de maîtrise des flux migratoires engagée lors de la précédente législature.
La politique que vous nous proposez, monsieur le ministre, est équilibrée, car elle est à la fois ferme et juste.
Elle est ferme à l'endroit de ceux qui ne respectent pas les règles de la République et juste à l'égard de ceux qui font des efforts pour s'intégrer et réussir leur installation durable en France, en se conformant aux règles d'admission que nous fixons.
Les règles sont parfaitement claires, et nous les partageons avec force : le candidat à l'immigration en France doit être autorisé à venir s'y installer avant son entrée sur le territoire national. Si l'on désire devenir résident en France, il faut s'engager à connaître et à respecter les lois et les valeurs de la République.
La politique que vous nous proposez, monsieur le ministre, est également responsable et courageuse.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Elle est responsable et courageuse lorsqu'elle se fixe pour objectif de parvenir à une maîtrise globale de l'immigration et d'atteindre un équilibre entre les composantes économiques et familiales ainsi qu'entre les grandes régions du monde.
En effet, l'immigration choisie, c'est d'abord la possibilité pour un État de se fixer des objectifs quantifiés d'immigration pour déterminer la composition des flux migratoires.
Que de chemin parcouru en moins de cinq ans ! Une véritable remise en ordre a été engagée ; une réelle rupture a été amorcée.
Depuis 2002, l'action pragmatique, cohérente et déterminée de Nicolas Sarkozy a démontré qu'il était possible d'avoir un vrai débat de fond, rationnel et dépassionné, sur l'immigration, ...
... sujet particulièrement complexe et sensible.
Elle a démontré qu'il était possible de mener une politique volontariste et décomplexée, une immigration choisie par un contrôle rigoureux des entrées étant le pendant légitime des mesures tendant à une intégration réussie.
Sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, le Parlement a adopté de grandes réformes qui ont posé les premiers jalons d'une véritable immigration choisie.
La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, tout d'abord, a forgé de nouveaux outils de lutte contre l'immigration clandestine. Ce texte a permis de mettre un premier frein à la dérive des flux d'immigration et d'augmenter significativement le taux des reconduites à la frontière.
La loi du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile a réformé la procédure de ce dernier et a permis d'améliorer les conditions de gestion de la demande d'asile.
Rompant avec les erreurs du passé, la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a engagé une reforme fondamentale du droit d'entrée et de séjour des étrangers en France. Le regroupement familial a été mieux encadré, et la signature d'un contrat d'accueil et d'intégration permettant de recevoir une formation civique et linguistique a été rendue obligatoire pour tout étranger qui souhaite s'installer durablement en France.
Ainsi, les premiers instruments d'une immigration choisie ont été définis, et une transformation en profondeur de la politique d'immigration a été amorcée.
Ces dispositifs ont produit leurs effets. De fait, depuis 2002, la France a retrouvé la maîtrise de ses flux légaux d'immigration. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : plusieurs dizaines de milliers d'étrangers en situation irrégulière ont été raccompagnés dans leur pays d'origine.
En 2006, le renforcement des contrôles aux frontières dans les aéroports et les ports a permis de refouler 35 000 migrants illégaux avant leur entrée sur le territoire national. En 2006, 24 000 étrangers en situation irrégulière ont quitté la France, ce qui représente une augmentation de 140 % par rapport à 2002 et de 20 % par rapport à 2005.
Évidemment, personne ne croit que tout est réglé et que les problèmes sont derrière nous. En revanche, nos concitoyens ont acquis la certitude suivante : lorsque les politiques se donnent les moyens de prendre à bras-le-corps les problèmes qui se posent, sans idées préconçues et avec une volonté indéfectible, les solutions ne sont jamais bien loin.
Si nos concitoyens retrouvent la confiance dans l'action publique, c'est parce que les engagements pris sont tenus, c'est parce que les bases solides qui ont été jetées produisent leurs effets.
Après ce rappel historique, venons-en au présent projet de loi. En effet, nous ne sommes pas réunis aujourd'hui pour nous adresser des félicitations. Si les choses vont mieux, nous avons encore du chemin à parcourir.
Notre profil en matière d'immigration est en effet déséquilibré. L'immigration pour motif familial occupe une place très importante dans les flux migratoires, alors que l'immigration pour motif de travail reste à un niveau marginal. Seulement 7 % des titres de séjour sont accordés pour des raisons professionnelles, loin derrière l'immigration familiale, qui demeure prépondérante.
Il nous faut inverser cette tendance. Il faut favoriser la venue sur notre territoire de ceux qui peuvent et qui veulent travailler. Inversement, il faut s'opposer à la venue de ceux qui n'ont aucune perspective d'intégration.
L'objectif du Président de la République est clair : à terme, l'immigration économique devra représenter 50 % du flux total des entrées à des fins d'installation durable en France. Il convient donc de se donner les moyens d'atteindre cet objectif.
Le projet de loi qui nous est soumis nous permet de franchir une nouvelle étape. Il confirme, en l'amplifiant, la réforme engagée en 2006. Il confirme le choix d'une immigration choisie. Il confirme l'affirmation d'un lien étroit entre intégration et immigration, tant il est vrai que l'immigration n'a de sens que si elle débouche sur une vraie intégration. Enfin, il confirme la nécessité d'inscrire notre politique d'immigration dans une véritable stratégie de codéveloppement.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, a deux objectifs.
Premièrement, il vise à mieux contrôler les conditions du regroupement familial pour favoriser la réussite de l'intégration.
C'est un bon projet, car il accentue le processus d'intégration des immigrés réguliers.
Trois mesures permettront d'atteindre cet objectif.
En premier lieu, les personnes souhaitant rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial seront désormais soumises, dans les pays de résidence, à une évaluation de leur connaissance de la langue française et des valeurs de la République. Il s'agit d'une mesure de bon sens, car comment espérer s'intégrer en France, trouver un travail et organiser une vie sociale sans parler un mot de français ?
Un débat a eu lieu en commission des lois pour savoir si les conjoints étrangers de Français résidant à l'étranger et souhaitant rejoindre leur conjoint français devaient passer ou non un test de langue et suivre dans leur pays d'origine une formation linguistique et civique.
Le mariage d'un étranger avec un Français peut parfois représenter un signe d'intégration. Mais tel n'est pas toujours le cas. Les conjoints étrangers de Français résidant à l'étranger ne sauraient bénéficier d'une présomption d'intégration.
Un amendement déposé par notre collègue Robert Del Picchia me paraît intéressant. Il prévoit explicitement que des conventions internationales pourront dispenser les conjoints de Français du test et de la formation dans le pays où ils sollicitent le visa. Cette évaluation et cette formation pourront se faire à l'arrivée en France.
Cet amendement me paraît raisonnable, car il permet de prendre en compte la situation particulière des couples binationaux qui, vivant à l'étranger, décident de rejoindre la France pour des raisons professionnelles.
En deuxième lieu, ce projet de loi vise à créer un « contrat d'accueil et d'intégration pour la famille », qui s'ajoute au contrat d'accueil et d'intégration.
Signé entre les parents d'enfants ayant bénéficié du regroupement familial et l'État, ce nouveau contrat obligera les premiers à veiller à la bonne intégration de leurs enfants arrivant en France.
La création de ce nouvel outil au service de l'intégration ne constitue pas un signe de défiance à l'égard des parents étrangers arrivant en France, pas plus qu'il ne s'agit d'entraver le droit d'un enfant à vivre une vie familiale normale avec ses parents. Il s'agit, là aussi, d'une mesure de bon sens destinée à favoriser l'intégration des enfants dont les parents s'installent sur notre sol et à accroître leurs chances de réussir leur vie en France.
En troisième lieu, l'étranger souhaitant faire venir son conjoint et ses enfants en France devra prouver qu'il dispose de revenus adaptés à la taille de sa famille.
Conformément à l'engagement pris par le Président de la République, les étrangers qui font une demande de regroupement familial doivent pouvoir disposer de revenus suffisants pour subvenir aux besoins de leur famille sans recourir aux prestations sociales.
Le projet de loi initial du Gouvernement prévoyait que les ressources exigées puissent varier, selon la taille de la famille, entre le SMIC et 1, 2 fois le montant de ce dernier.
L'Assemblée nationale a décidé de durcir les conditions de ressources en proposant que, pour une famille de plus de six personnes, il soit possible d'exiger jusqu'à 1, 33 fois le SMIC.
Le seuil retenu nous semble ignorer les dispositions constitutionnelles qui protègent le regroupement familial. C'est pourquoi la commission des lois du Sénat, sur l'initiative de notre excellent rapporteur, proposera une voie médiane. Le SMIC demeurerait la référence et le plafond serait fixé à 1, 2 SMIC pour les seules familles de six enfants ou plus.
L'équilibre trouvé me semble satisfaisant, car il concilie la position de principe du Sénat, arrêtée par deux fois en 2003 et en 2006, et celle du Gouvernement.
Cette mesure me paraît être de bon sens, car les dépenses nécessaires à l'intégration d'une famille de plus de six enfants sont nécessairement plus importantes que pour une famille de trois enfants.
Elle me paraît également être utile, car elle vise à mettre fin au système intolérable des marchands de sommeil qui logent des familles entières dans des hôtels insalubres.
Enfin, c'est une mesure opportune, car l'étranger qui fait une demande de regroupement familial doit pouvoir vivre sur notre territoire du revenu de son travail et non des revenus de l'assistance. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de nos débats.
Ce texte est bon, car il est à la fois juste et humain.
Il est juste et humain, car il conforte l'intégration des immigrés en situation légale sur notre territoire en instaurant une carte de résident à durée indéterminée.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de donner à l'étranger qui a le statut de résident depuis plus de dix ans une carte de résident à durée illimitée et non plus décennale, comme c'est actuellement le cas.
Ce texte est juste et humain, car il facilite la vie des étrangers qui séjournent depuis longtemps en France et qui ont accompli un parcours d'intégration exemplaire.
Il est juste et humain, car il encourage les bonnes pratiques en favorisant le maintien sur notre territoire de ceux qui jouent le jeu de l'intégration.
Je souhaiterais vous faire part de mes observations sur les intenses et, parfois, vifs débats que le recours aux tests ADN a pu susciter.
Nous ne devons plus avoir, lors d'un débat sur un thème aussi majeur que l'immigration, de sujets et de questions tabous. La discussion doit être ouverte et toujours rester constructive.
Les inquiétudes légitimes des sénateurs ont conduit la commission des lois à supprimer la possibilité introduite par l'Assemblée nationale de recourir aux tests ADN pour prouver la filiation d'un candidat au regroupement familial.
Un amendement présenté par M. Jean-Jacques Hyest vise à introduire un nouveau dispositif assorti de garanties s'ajoutant à celles qui ont déjà été apportées par le Gouvernement à l'amendement de Thierry Mariani. Bien qu'il n'ait pas été adopté ce matin par la commission des lois, cet amendement me paraît bon dans la mesure où le dispositif qu'il vise à mettre en place est particulièrement protecteur.
Il place en effet le juge au coeur du dispositif afin de garantir le respect et la sauvegarde des droits individuels.
Saisis, par le demandeur d'un visa ou par son représentant légal, d'une demande d'identification par empreintes génétiques, les agents diplomatiques ou consulaires devront en effet avertir sans délai le président du tribunal de grande instance de Nantes afin qu'il statue sur la nécessité de faire procéder à une telle identification. C'est une avancée notable et majeure.
Le dispositif proposé est également protecteur, car la faculté de recourir au test ADN sera strictement limitée à la recherche d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Ainsi, seule la filiation avec la mère pourra être prouvée par le test et produite en soutien d'une demande de visa.
Le dispositif proposé est également protecteur, car - j'insiste sur ce point -.le consentement des personnes dont l'identification est recherchée doit être préalablement et expressément recueilli.
Sa mise en oeuvre sera, en outre, progressive et transparente. L'usage du test génétique sera en effet expérimenté dans quelques pays pour une durée qui ne pourra pas excéder dix-huit mois suivant la publication du décret d'application. Ainsi, le débat parlementaire sur l'évaluation du dispositif coïncidera avec celui qui sera consacré à la révision des lois relatives à la bioéthique.
Ce dispositif est également protecteur, car il sera évalué par un organe indépendant. Ainsi, des garde-fous sont posés
M. David Assouline s'exclame.
Enfin, ce dispositif est protecteur car, grâce au sous-amendement du Gouvernement, les analyses d'identification seront, dans tous les cas, réalisées aux frais de l'État, et pas seulement lorsque le visa est accordé.
Il s'agit d'une réelle avancée qui devrait permettre de répondre aux inquiétudes exprimées par certains de nos collègues. C'est pourquoi je soutiendrai ce dispositif et appellerai l'ensemble de mes collègues du groupe de l'UMP à l'adopter.
J'en viens au second objectif du texte : ce projet de loi vise à conforter le droit d'asile en France par un respect plus grand des droits fondamentaux et de la dignité des étrangers.
Le droit d'asile est l'un des plus beaux principes de notre République, l'un de ceux qui honorent le plus notre nation et qui participent à son aura sur la scène internationale. Le droit d'asile demeure pour notre pays une exigence morale.
La France, fidèle à sa tradition humaniste, doit continuer à être une terre d'accueil pour tous les persécutés du monde. On ne saurait toutefois tolérer que cette procédure généreuse soit détournée de son objet par ceux qui ne subissent aucune menace, mais qui se tournent vers l'asile politique parce qu'ils se sont vu refuser toutes les autres formes d'immigration.
Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, est juste et humain, car, loin de restreindre le droit d'asile, il offre de nouvelles garanties juridictionnelles aux demandeurs d'asile.
Les étrangers qui demandent l'asile à leur descente d'avion pourront désormais, lorsqu'ils estiment que la France leur refuse à tort le statut de réfugié, rester dans la zone d'attente jusqu'à ce qu'un juge ait statué en urgence.
Selon le dispositif remanié par l'Assemblée nationale, l'intéressé pourra contester le refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile en exerçant un recours en annulation de plein droit suspensif, recours qui se substitue au référé-liberté, non suspensif.
Ainsi, les droits des demandeurs d'asile à la frontière sont non seulement confortés, mais également renforcés, conformément à une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme du 26 avril 2007.
Enfin, ce projet est bon, car il s'inscrit dans une véritable stratégie de codéveloppement pragmatique et ambitieuse. Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, le codéveloppement fait l'objet d'un ministère.
Ce texte est généreux, car il vise à encourager la participation des migrants au développement de leur pays d'origine.
Ce texte est généreux, car il entend favoriser une meilleure mobilisation de l'épargne des migrants vivant en France pour leur permettre d'investir dans leur pays d'origine.
Ce texte est généreux, car, grâce à l'amendement de notre collègue député Frédéric Lefebvre, adopté à l'unanimité, un livret d'épargne pour le codéveloppement est créé.
Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le ministre, parce que ce texte répond avec pragmatisme à la problématique de l'immigration et de l'intégration, parce qu'il poursuit et conforte la politique d'immigration choisie grâce à laquelle chacun sera gagnant, parce qu'il renforce les instruments juridiques d'une politique volontariste de l'immigration, notre groupe le votera tel qu'il sera enrichi par nos travaux, plus particulièrement par les pertinentes propositions de notre excellent rapporteur, François-Noël Buffet, et du président de la commission des lois.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Adrien Giraud et Georges Othily applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme Assassi a parlé tout à l'heure de la lettre de Guy Môquet. Je voudrais, pour ma part, évoquer une autre lettre, celle de Missak Manouchian, assassiné avec ses amis de « l'Affiche rouge ». Il écrivait à sa femme : « Tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération ».
Missak Manouchian et ses amis de « l'Affiche rouge » - Italiens, Roumains, Espagnols, Hongrois, Polonais et Arméniens - sont venus se battre et mourir pour la libération de notre pays.
Et que dire de ces soldats de l'ombre remis à l'honneur par le film Indigènes ? Faut-il aujourd'hui que leurs descendants soient stigmatisés au nom de quelques sophismes grossiers, parce qu'« à prononcer leur nom est difficile » ?
Nous sommes attachés à des valeurs. Ne disait-on pas jadis : « Heureux comme Dieu en France » ? Je doute, monsieur le ministre, que Dieu soit aujourd'hui très heureux avec votre texte...
Mme Éliane Assassi s'esclaffe.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je n'aime pas beaucoup le libellé de votre ministère et sa référence à l'identité nationale.
Il n'est pas question ici de nier l'existence d'un vrai problème à résoudre concernant l'immigration irrégulière. Comme le disait Etienne Pinte, qui n'est pas précisément un parlementaire de l'opposition, dans son intervention à l'Assemblée nationale, « ce texte ne s'attaque pas au vrai problème ».
Comme beaucoup l'ont rappelé, de très nombreux textes relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers, au droit d'asile, au code de la nationalité, à la validation des mariages, à la circulation et à l'emploi de certaines catégories d'étrangers ont été étudiés ces dernières années. Pour quelle efficacité ? Pour quel bilan ? Aujourd'hui, vous n'en avez présenté aucun à la représentation nationale.
Il faut, à cet égard, faire preuve de pragmatisme et de réalisme. L'immigration irrégulière constitue une réelle question qu'il faut résoudre avec volonté mais dans le respect de l'éthique et du droit. Nous ne réglerons pas les problèmes seuls. D'ailleurs, aucun pays n'a encore trouvé de solution miracle à cette question.
Le Conseil de l'Europe, qui travaille dans l'indifférence générale, a néanmoins beaucoup réfléchi sur ces questions et a qualifié votre politique - je devrais dire « la politique de la France » - de particulièrement agressive.
J'ai assisté hier, à Strasbourg, aux débats sur ce thème de l'immigration : le Conseil, comme l'Organisation internationale pour les migrations, estime à plus de 5, 5 millions le nombre de migrants en situation irrégulière vivant sur le territoire de l'Union européenne et à 8 millions le nombre de ceux qui vivent en Russie. Il est donc absolument impératif de prendre en compte ces considérations.
Dans son projet de résolution, l'Assemblée parlementaire se dit vivement préoccupée par cette situation. La question est non plus de savoir si l'on est favorable aux migrations, mais de parvenir à en réduire les effets négatifs, et notamment de régler le sort des migrants en situation irrégulière.
Il ne serait peut-être pas inutile de s'intéresser aux travaux des quarante-six pays, de l'Atlantique à l'Oural, membres du Conseil de l'Europe, lequel agit, je le répète, dans l'indifférence générale.
Notre collègue Jean-Guy Branger est vice-président de la commission des migrations, des réfugiés et de la population. Il serait sûrement souhaitable de s'attacher à son expertise.
De toute évidence, notre politique migratoire s'alignera de plus en plus sur l'exemple américain. Je souhaiterais donc qu'il en soit également ainsi pour l'accueil des étudiants.
Monsieur le ministre, vous avez mentionné à l'Assemblée nationale, et tout à l'heure dans cet hémicycle, une politique volontariste d'accueil d'étudiants étrangers. Et j'ai beaucoup apprécié l'intervention d'Adrien Gouteyron sur ce thème.
Je voudrais simplement citer le cas, que je connais bien, des étudiants venant des pays du Golfe. Je choisis à dessein l'exemple de ces étudiants, car ces derniers ne sont pas boursiers et ne coûtent rien à notre pays.
Ce n'est pas une raison pour les traiter mal !
Nous accueillons, en tout et pour tout, 1 000 étudiants de la péninsule arabique, alors que les États-Unis en reçoivent 10 000. L'accueil dans nos consulats, monsieur le ministre, est totalement inadapté, l'offre universitaire illisible, la paperasserie administrative, notamment pour l'obtention des visas, extrêmement compliquée, et l'accompagnement sur le terrain à l'arrivée en France totalement inexistant.
Les tentatives de formation médicale ont pratiquement toutes échoué, tandis que les liens avec nos entreprises, à l'exception des plus importantes comme Total, n'ont pas fonctionné. Nous sommes totalement absents du circuit universitaire de ces pays, exclusivement ou essentiellement anglophones. Et ce n'est pas l'arrivée récente de quelques entités françaises qui nous feront rattraper notre retard.
Nous devons absolument accueillir des étudiants dans nos entreprises, et nous devons le faire correctement, de façon à former les futurs décideurs. Nous avons manqué la formation des élites d'aujourd'hui. Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, rater celle des élites de demain. C'est le souhait que je forme.
Je reviendrai ultérieurement, au cours de la discussion des articles, sur les tests ADN, dont on a beaucoup parlé. Pour ma part, je souhaiterais que cette disposition soit purement et simplement exclue des débats. Je trouve un peu dommageable que la commission d'éthique soit saisie d'un problème aussi important après son examen par le Parlement. Si elle s'était prononcée plus tôt, nous aurions pu avoir un débat plus éclairé.
Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-être mon intervention vous paraîtra-t-elle hors sujet, et je vous demande par avance de bien vouloir m'en excuser. Toujours est-il que l'immigration constitue un problème crucial pour Mayotte.
Ce projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, présente à mes yeux un double mérite.
D'abord, les problèmes de l'outre-mer ne sont pas oubliés. Ils sont traités dans plusieurs articles et selon l'esprit qui convient, c'est-à-dire dans le souci de favoriser les progrès et le développement des pays d'origine de ces immigrants, notamment par l'institution d'un livret d'épargne qui contribuera, par des ressources additionnelles, à l'investissement dans ces pays.
Le second mérite, selon moi essentiel, du projet de loi soumis à l'examen de notre assemblée réside dans le souci d'étendre et surtout d'adapter aux conditions particulières des diverses collectivités de l'outre-mer français les dispositions de la future loi.
L'article 17 du projet de loi prévoit en effet qu'une ordonnance viendra en préciser les conditions et modalités d'application à l'outre-mer. Nous retrouvons ainsi une procédure législative que nous connaissons bien et qui a permis l'extension et l'adaptation à Mayotte des dispositions de la loi précédente du 24 juillet 2006. Tel est l'objet de l'ordonnance du 25 janvier 2007, qui se trouvera ratifiée par l'article 18 du présent projet de loi.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de souhaiter la même célérité, et même un peu plus, pour l'entrée en vigueur à Mayotte des dispositions nouvelles que vous nous présentez aujourd'hui.
En effet, la situation de l'immigration pose à notre île, « collectivité départementale », de difficiles problèmes qui appellent le renforcement urgent des mesures de protection et de survie, réclamées par la population mahoraise.
Je n'ai nul besoin d'insister sur les données et les conséquences de l'immigration étrangère, et singulièrement de l'immigration clandestine à Mayotte. Elles sont en effet bien connues du Gouvernement, qui a été régulièrement informé par nos élus...
...et par diverses missions interministérielles dans notre île autant que par les rapports des services officiels qui évaluent sur place toutes les conséquences des flux migratoires clandestins, encore trop mal contrôlés, il faut bien le dire.
Les données de cette situation sont évidentes : elles procèdent de l'étroitesse de notre territoire, avec ses 375 kilomètres carrés et de son insularité. Cette île est peuplée officiellement de 160 265 habitants dans une zone à fort potentiel démographique.
Il ne fait aucun doute qu'il s'agit le plus souvent d'une émigration de la misère, exploitée de surcroît par divers réseaux d'intermédiaires qui, ne se contentant plus d'organiser leur sinistre trafic, encouragent les départs des îles comoriennes vers Mayotte, dans un odieux souci de rendement.
Pour nous, les conséquences de cette immigration massive sont mesurables dans les domaines les plus divers : les statistiques sanitaires et hospitalières, la fréquentation des maternités, les effectifs des écoles et, malheureusement aussi, les taux d'occupation des établissements pénitentiaires, en termes de « surcharges » lourdement subies par ces services publics.
Mais c'est également en raison des tensions sociales liées à de multiples déséquilibres sur le marché de l'emploi que Mayotte prend conscience des atteintes portées à l'ordre public, à la paix civile comme à la tranquillité des Mahorais.
Il serait totalement injuste, monsieur le ministre, de méconnaître les efforts consentis, sur notre demande, par les gouvernements successifs afin de mieux contrôler les conditions d'entrée et de séjour à Mayotte, et surtout de combattre plus efficacement l'immigration clandestine.
Je ne manque jamais de saluer le travail souvent difficile et le dévouement de la gendarmerie nationale, des unités ou brigades de police - leur vigilance sur le terrain parvient à limiter la présence et les effets de l'immigration clandestine à Mayotte -, des brigades des douanes, ainsi que l'efficacité remarquable de la justice. Le nombre de reconduites à la frontière atteint à présent 14 000 immigrés clandestins, mais certains parviennent à revenir, en dépit des contrôles.
En fait, les moyens en hommes et en matériel demeurent encore insuffisants, notamment en ce qui concerne les effectifs de la gendarmerie maritime, ou encore le nombre de vedettes et de radars de surveillance, dont il faut renforcer la logistique. Mais, monsieur le ministre, nous ne savons que trop que les moyens de contrainte et de répression ne suffiront pas à résoudre toutes nos difficultés.
Il est désormais urgent de définir et de mettre en oeuvre une politique plus globale s'inscrivant dans un cadre contractuel ou conventionnel d'État à État, avec les pays concernés. L'on parle, à cet égard, de codéveloppement, pour caractériser cette politique de coopération qui doit être rénovée dans son esprit et ses méthodes.
En contrepartie, le gouvernement signataire doit s'engager à mieux surveiller ses propres frontières. Le laxisme actuel apparaît souvent comme un encouragement au départ des émigrants clandestins. Plusieurs signes indiquant un changement d'attitude de certaines autorités comoriennes nous sont récemment parvenus et nous conduisent à souhaiter que cet esprit de coopération volontaire se confirme et se généralise.
Ouverts à cette volonté lucide et active de coopération régionale, les Mahorais continueront à lutter, sans relâche et avec des moyens accrus, contre l'immigration clandestine. Mayotte entend ainsi passer, suivant l'expression du Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, de l'immigration subie à « une politique d'immigration choisie ». Nous participerons, le moment venu, à l'élaboration de l'ordonnance prévue à l'article 17, qui adaptera ces mesures générales au contexte si particulier de Mayotte.
Encore faut-il que nos options politiques et notre détermination historique en faveur de la France soient respectées par tous. À cet égard, je voudrais faire une mise au point.
Mes chers collègues, comme vous le savez, Mayotte fait partie de l'outre-mer français par son libre choix, lequel a été entériné par l'article 72-3 de la Constitution.
Je demande que cesse enfin ce double langage au sujet du choix volontaire et réitéré de la France par les Mahorais, qui, si l'on n'y prend garde, aboutit à fournir de faciles alibis aux responsables comoriens. À leurs propos hasardeux, il est facile d'opposer les démentis les plus catégoriques, ceux qui viennent simplement de l'histoire.
Mayotte est française depuis 1841, bien avant les autres îles de l'archipel, Nice ou la Savoie !
Sourires
Que chacun assume sa responsabilité devant sa propre histoire. J'aurai l'occasion de le dire encore à cette tribune afin d'éviter que certains esprits, même de bonne foi, ne se laissent abuser par des plaidoyers dénués de tout rapport avec la vérité historique.
Telle est la mise au point, considérée comme essentielle par les Mahorais, que je tenais à faire.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, il ne faut pas que le débat sur les tests ADN, qui ont été légitimement rejetés par la commission des lois, soit l'arbre qui cache la forêt. Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui constitue, dans son ensemble, non seulement une menace permanente pour les étrangers vivant sur notre territoire et une restriction de liberté pour nos compatriotes voulant vivre avec eux, mais il porte aussi gravement atteinte au crédit de la France dans le monde. Les réelles difficultés de certains territoires d'outre-mer méritent un traitement particulier, mais elles ne sauraient justifier ce texte général.
Nous sommes à l'heure de la mondialisation. Personne ne conteste la nécessité de s'y adapter, à commencer par le Président de la République, qui a récemment confié à Hubert Védrine la mission de rédiger un rapport sur ce sujet.
Alors, monsieur le ministre, je vous pose la question : que signifie pour vous la mondialisation ? À nos yeux, c'est une réalité que nous devons regarder en face !
En ce début de XXIe siècle, les distances se sont réduites, les communications sont instantanées. Dans ces conditions, comment imaginer un monde dans lequel les capitaux et les informations circuleraient librement tandis que les êtres humains seraient pour le plus grand nombre voués à rester sur leur territoire d'origine ? Se mettre à l'heure de la mondialisation nous oblige à admettre que les mouvements de population dans le monde vont s'amplifier et non se restreindre.
L'obsession de « maîtriser les flux migratoires », qui semble être la vôtre à travers ce énième projet de loi, est donc assez largement irréaliste. Elle est également contraire aux principes républicains qui ont fait de la France un pays respecté et influent dans le monde.
Jeter la suspicion en permanence sur l'étranger, c'est se fermer au monde. La France court un grand danger en se prêtant à cette escalade. S'en prendre à l'étranger ne réglera aucun de nos problèmes. Au contraire, cela nous isolera du reste du monde, nous laissant seuls face à nos difficultés.
La France est un pays d'immigration depuis le XIXe siècle. Elle a massivement fait appel à la main-d'oeuvre étrangère pour reconstruire le pays après 1945. En 1974, elle a commencé à fermer ses frontières quand elle a pris peur face à la crise économique mondiale. Depuis cette date, le chômage a-t-il été enrayé ? Non, il a augmenté !
L'argument tronqué et inlassablement rabâché selon lequel « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » est à côté de la plaque. Les difficultés économiques et sociales que vivent les Français ne tiennent pas à la présence d'étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou non, sur notre sol ; elles sont dues aux problèmes structurels de notre société : manque de compétitivité de nos entreprises, investissement public insuffisant en matière de recherche et d'innovation, déficit de logements, difficultés d'adaptation de notre appareil éducatif.
Comme l'a rappelé M. Collombat, la proportion d'étrangers sur notre territoire est stable depuis vingt-cinq ans, représentant de 5 % à 6 % de la population, soit un peu plus de trois millions de personnes pour un pays de soixante millions d'habitants. Quant aux étrangers en situation irrégulière, leur nombre est estimé à 400 000, soit 0, 6 % de la population. Il n'y a donc aucune vraie raison de vouloir durcir les conditions de l'immigration légale, si ce n'est une volonté d'affichage politique en réponse au trouble de l'opinion.
Monsieur le ministre, vous affirmez vouloir lutter contre l'immigration clandestine. Pourtant, aucune disposition majeure du projet de loi n'y est consacrée. Pis, en durcissant les conditions de l'immigration légale, vous prenez le risque de faire flamber les prix des passeurs et des réseaux clandestins, qui prospèrent précisément sur les refus de visas et de titres de séjour.
En réalité, l'essentiel de votre texte vise à dresser des obstacles à l'immigration légale.
Si votre projet de loi était voté en l'état, l'administration française serait conduite à exiger des candidats au regroupement familial une formation à la langue française et des documents alors que ces candidats peuvent être issus de pays où, vous le savez bien, le droit à l'éducation n'est pas encore assuré et où l'administration ne dispose pas des moyens de la France, particulièrement en matière d'état civil. C'est pourquoi nous demanderons la suppression des articles 1er et 2.
Le problème des visas est devenu chez nos partenaires étrangers le symbole d'une France suspicieuse, frileuse et un tantinet xénophobe. Ce n'est pas la France que nous aimons !
Pour justifier les expulsions du territoire, vous répétez que « la loi doit être respectée ». Mais le Gouvernement, lui, respecte-t-il les engagements internationaux de la France, c'est-à-dire la loi internationale, notamment l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui assure à chacun le droit au respect de sa vie privée et familiale ?
Vous avez défini un objectif, « l'immigration choisie », qui fait craindre à de nombreux pays, notamment en Afrique, une « fuite des cerveaux » qui compliquerait encore leurs conditions de développement. À l'inverse, les difficultés cumulées pour venir faire des études en France font qu'un grand nombre d'étudiants étrangers renoncent à s'inscrire chez nous et préfèrent d'autres destinations.
Ces étudiants constituent pourtant une ressource humaine précieuse dont on risque de priver nos entreprises. Ils pourraient surtout représenter un réseau d'influence très utile pour l'avenir.
Tout cela est absurde ! Lisez plutôt le rapport d'information n° 347 rédigé par M. Christian Gaudin, au nom de la mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent en ce domaine à l'attractivité du territoire national, mission présidée par M. Philippe Marini. Il y est proposé d'assouplir la délivrance des visas pour renforcer l'attractivité de notre territoire.
Et que dire de la francophonie ? C'est pourtant grâce à cette dernière que nous avons pu parfois avoir gain de cause dans certaines négociations internationales serrées, comme celle qui concernait, par exemple, la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle.
En tenant des propos comme ceux qu'a prononcés en juillet dernier à Dakar le Président de la République et en affichant de manière ostentatoire une politique intensive d'expulsion d'étrangers, vous êtes en train de réussir le tour de force de brouiller la France avec la communauté francophone. En ce sens, le blocage du projet de Maison de la francophonie à Paris est un très mauvais signal que nous lui envoyons. D'ailleurs, nous commençons à le payer. Cela se traduit pour de nombreux pays africains par un partenariat privilégié avec la Chine au détriment de la France, par exemple dans un secteur crucial comme celui de l'uranium.
Cette image de fermeture ne contribue en rien à régler nos problèmes intérieurs. Votre politique conduit la France dans une impasse sur le plan international.
Monsieur le ministre, nous sommes convaincus qu'il faut changer notre politique de l'immigration et modifier radicalement le rapport à l'étranger, rapport de défiance et d'exclusion que vous instillez jour après jour, loi après loi, dans la société française.
Il n'est pas forcément nécessaire de consentir aux étrangers vivant sur notre territoire tous les droits dont jouissent les nationaux. D'ailleurs, beaucoup de migrants souhaitent conserver le lien avec leur pays d'origine. Ils ne sont pas tous demandeurs de la nationalité française, mais c'est souvent le seul moyen pour eux de vivre en paix chez nous. Ils n'en auraient pas besoin si, tout étranger qu'ils sont, leur étaient reconnus les droits fondamentaux, notamment celui de travailler et de vivre normalement.
Il est indigne de la France que les unions entre Français et étrangers soient désormais systématiquement suspectes aux yeux de l'administration. C'est la raison pour laquelle l'article 4 du projet de loi doit être complètement réécrit. La commission des lois du Sénat a déjà travaillé en ce sens.
Il faudra aussi modifier les articles 6 à 10 relatifs au droit d'asile, qui vous ont été en partie imposés par la condamnation de la France, le 26 avril 2007, par la Cour européenne des droits de l'homme. Malheureusement, vous avez assorti les nouvelles dispositions, assurant enfin le caractère suspensif du recours, de conditions encore restrictives de délai et d'appel, alors même que se multiplient dans le monde les situations de conflit et les régimes antidémocratiques.
Monsieur le ministre, c'est aussi notre rôle de parlementaire de dire que l'état de peur dans lequel vivent désormais de nombreux étrangers sur notre territoire n'est pas acceptable. Cela me conduit à parler des aspects de votre politique qui sont extérieurs au projet de loi, mais qui participent de la même philosophie, sans doute de la même stratégie.
Les objectifs chiffrés d'expulsion qui sont les vôtres ne sont ni réalistes ni justes et ont pour seul résultat de conduire à des situations inhumaines, dramatiques. Cette politique place les pays de départ dans une situation impossible. Ils n'osent pas le dire tout haut tant ils dépendent des aides au développement. Certains font donc de la résistance passive en refusant d'accueillir leurs nationaux reconduits.
Il est grand temps de reprendre une politique de régularisation réfléchie avec des critères justes et sans objectifs chiffrés absurdes. L'expulsion devrait être l'exception. Notre premier souci devrait être de faire entrer le plus grand nombre possible de ces étrangers dans la légalité, situation bénéfique pour eux et pour toute la collectivité, puisque nous en ferions d'utiles contributeurs à la croissance de notre pays.
Mme Bariza Khiari applaudit.
Enfin, l'aide au développement doit devenir un axe majeur de la politique étrangère de la France, en coordination avec toute l'Union européenne. C'est la seule voie durable pour réduire les inégalités à l'échelle internationale, et c'est donc la seule voie pour conduire une politique globale des migrations responsable, juste, digne et efficace. C'est dans ce sens que les sénateurs socialistes porteront la discussion de ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine a fait état en outre-mer de l'existence d'un phénomène massif, qui dépasse largement le strict cadre du regroupement familial, principal objet du présent projet de loi, notamment en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte. Dans ces collectivités, hormis en Guadeloupe, la population étrangère en situation régulière ne constitue qu'une infime partie des immigrés présents sur le territoire.
Comme vous le savez, mes chers collègues, ces trois collectivités sont les plus exposées aux flux migratoires illégaux en raison de leur proximité géographique avec les pays sources, qu'il s'agisse d'Haïti, du Surinam, du Brésil, des Comores ou de Madagascar.
Parmi ces collectivités, Mayotte, territoire de très faible dimension, doit faire face à une pression constante. De ce fait, l'île connaît une situation tendue en matière de structures d'accueil, que ce soit à l'école maternelle et élémentaire, au centre hospitalier de Mamoudzou, dans les dispensaires et les maternités ruraux ainsi que dans les domaines du logement et de l'emploi.
Dans ce contexte, la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration prévoit pour Mayotte un ensemble de mesures qui commencent à donner des résultats : visite sommaire de véhicules circulant sur la voie publique en vue de rechercher et de constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, destruction sur décision du procureur de la République des embarcations ayant servi à commettre des infractions d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers dans l'île, accompagnée de condamnations des passeurs, contrôle de l'identité des personnes le long du littoral, contrôle plus efficace des reconnaissances de paternité afin de lutter contre les reconnaissances frauduleuses, mise à la charge personnelle du père d'un enfant naturel des frais de maternité de la mère étrangère en situation irrégulière, suppression des dispositions qui s'opposaient jusqu'ici au contrôle de la régularité des employés de maison au regard du code du travail et des lois sociales.
À ces mesures, inspirées en partie par les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine, devraient s'ajouter l'implantation d'un troisième radar, la construction d'un nouveau centre de rétention administrative et l'envoi de deux vedettes rapides.
Toutefois, il convient d'observer que, si le nombre d'éloignements et d'embarcations interceptées est en constante augmentation, les drames en mer se multiplient et la liste des victimes, femmes et enfants, s'allonge aussi. Jamais ce bras de mer de 70 kilomètres qui sépare Mayotte d'Anjouan n'a aussi bien mérité son nom de « plus grand cimetière de l'océan Indien ».
Monsieur le ministre, l'expérience montre qu'il est très difficile d'empêcher les candidats à l'immigration de tenter d'entrer illégalement à Mayotte ou d'y revenir après un éloignement, malgré le renforcement considérable des moyens de contrôle et de surveillance aux frontières.
C'est pourquoi je propose que, dans le cadre de l'ordonnance prévue à l'article 17 de ce projet de loi, un équilibre soit établi entre, d'une part, la répression à Mayotte et, d'autre part, le codéveloppement et l'aide au développement aux Comores.
Je suggère que les actions prioritaires arrêtées en commun dans le cadre de la première réunion de la commission mixte franco-comorienne de 2005 fassent l'objet d'un document contractuel qui pourrait prendre la forme d'un pacte pluriannuel de développement, pacte visant à réduire la pauvreté aux Comores de 50 % en une décennie.
Ce programme de base évalué à 316 millions d'euros pourrait être financé conjointement par les fonds de la coopération française, les crédits de l'Union européenne et le concours des bailleurs de fonds internationaux.
Au préalable, il faudra résoudre la crise anjouanaise par le dialogue, sous l'égide de l'union africaine.
Monsieur le ministre, sous le bénéfice de ces observations, je soutiendrai votre projet de loi tout en restant extrêmement attentif aux termes de l'ordonnance prévue à l'article 17 visant son extension à Mayotte.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Adrien Giraud et Georges Othily applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit de vivre en famille est aujourd'hui un élément fondamental de la politique française en matière d'immigration. Ce droit, reconnu par le droit international, s'impose à notre droit national.
Permettez-moi un bref mais nécessaire rappel : depuis le début du siècle dernier, la France a voulu attirer non seulement des travailleurs, mais également des familles pour diverses raisons.
Les étrangers ont pendant longtemps été considérés comme une source précieuse d'enrichissement, notamment du point de vue économique et démographique.
Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux hommes sont venus d'ailleurs pour libérer notre pays du nazisme. Certains d'entre eux sont restés sur notre sol pour aider à la reconstruction de la France, et ils ont alors été rejoints par leur famille.
En fait, dès le début du siècle, la France a cherché à attirer vers elle non seulement des travailleurs immigrés, mais également des familles.
Cependant, dès 1975, avec la crise, une nouvelle vision de l'immigration a fait place à une conception plus restrictive : seuls les hommes, les travailleurs, ont été les bienvenus. Tout a été mis en oeuvre à cette époque pour dissuader les travailleurs de faire venir leur famille.
Pour mémoire, il existait même un fonds, le Fonds d'action sociale, le FAS, qui versait des allocations aux familles restées au pays et qui finançait les foyers SONACOTRA, pour travailleurs étrangers.
Ce fonds a d'ailleurs permis, après 1978, de financer certaines associations afin qu'elles mènent des actions d'insertion et d'intégration auprès des familles de migrants.
Pourquoi 1978 ? Parce que c'est à cette date que le Conseil d'État a admis que le droit à une vie familiale était un principe reconnu par les lois de la République.
Dès ce moment, on pensait que la bataille pour le regroupement familial était définitivement gagnée. Aujourd'hui, votre projet de loi l'a remise au goût du jour.
Si, en juillet 1984, les conditions du regroupement familial ont été durcies par Mme Dufoix, votre projet de loi va encore plus loin. C'est une véritable déclaration de guerre aux familles que vous nous soumettez. C'est un bond en arrière de trente ans que vous nous proposez de faire, un bond dans une période où le droit de vivre en famille n'était reconnu ni dans le droit national ni dans le droit international, un bond dans une période ou le respect des droits humains ne signifiait pas la même chose qu'aujourd'hui.
Savez-vous que, durant des années, la France était un exemple en matière d'immigration et de protection de ce droit ? L'Europe entière s'est inspirée de notre modèle.
Aujourd'hui, vous nous proposez de revenir sur ce qui a fait la fierté de la France aux yeux de nombreux États : notre capacité à accueillir les familles, familles que la France elle-même, à une certaine période, a démembrées.
Votre projet de loi s'inscrit parfaitement dans cette idée de démembrement des familles. « Enrobé » de certaines propositions sur l'aide à l'intégration des familles, il est en réalité une abdication de la nécessité devant l'utilité.
Vous voulez nous faire croire, au travers de ce projet de loi, que l'immigration familiale est inutile et coûteuse. L'objectif qui vous a été assigné par le Président de la République est d'atteindre 50% d'immigration économique.
Là se trouve le noeud de discorde. Cette immigration économique, c'est au détriment de l'immigration familiale que vous souhaitez la développer. Peu importe le bonheur de vivre avec ses enfants, peu importe le droit de vivre en famille : ce qu'il faut, c'est du chiffre !
Ce projet de loi a donc un double objet : d'une part, limiter le regroupement familial, cette immigration que vous considérez inutile, d'autre part, malgré votre discours sur l'aide au développement et la coopération, piller les cerveaux des États étrangers et vider ces derniers de leurs matières grises pour mieux inscrire la France dans la concurrence internationale. Vous pratiquez un vandalisme intellectuel indigne de notre pays !
Développer l'immigration économique aurait pu être une démarche louable si cela ne s'était pas fait au détriment de l'immigration familiale.
Comment est-il possible, en effet, de transformer une question aussi importante que l'immigration en un jeu arithmétique ?
Comment peut-on transformer la famille en une variable d'ajustement de votre politique d'immigration ?
Comment pouvez-vous ne pas avoir un instant à l'esprit ce que le droit de vivre ensemble signifie pour toutes ces familles et leurs enfants ?
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire qu'une vie familiale normale n'est ni un gadget juridique ni une vue de l'esprit. Il s'agit d'un droit, d'un droit à respecter, car on m'a appris qu'un droit se respecte !
Or, c'est un droit que vous malmenez, que vous déformez dans le seul but de l'anéantir. C'est un droit que vous osez manipuler à des fins statistiques, sans en mesurer toutes les conséquences humaines.
Votre projet de loi masque une conception de l'étranger vexatoire, déstabilisante et qui stigmatise toute une partie de la population.
Vous érigez l'étranger en manipulateur, en fraudeur, en profiteur, en délinquant, en menteur. Il est présumé, avant même avoir mis un pied dans notre pays, être un agent contaminant pour la société française.
L'an dernier, vous nous avez fait légiférer sur la validité des mariages. Cela ne visait en réalité qu'à empêcher les mariages binationaux, que vous considérez comme suspects.
Aujourd'hui, votre projet de loi va même jusqu'à condamner des citoyens français d'avoir fait, malgré tout, ce choix d'épouser un étranger, en compliquant leur droit à vivre en famille !
Ce projet de loi fait plus qu'alimenter la « lepénisation » des esprits : il en est l'expression la plus aboutie !
Ces mesures restrictives apparaissent, pour citer la déclaration d'hier de la Conférence des évêques de France, « comme des concessions à une opinion dominée par la peur ». Les évêques ajoutent d'ailleurs que l'utilisation des tests génétiques pour vérifier les liens de parenté fait courir le risque d'une grave dérive sur le sens de l'homme et la dignité de la famille. Cela constitue une intrusion dans la vie privée et l'intimité des familles prohibée à l'égard des familles françaises.
Ainsi, vous légalisez l'inégalité entre les Français et les étrangers quant à la preuve possible de la filiation, et vous entrez en contradiction avec notre tradition juridique et notre droit de la famille.
Ce n'est pas en rejetant l'autre que vous construirez une France meilleure. Notre France est d'ailleurs le fruit d'un métissage, d'une acceptation de l'autre que votre majorité n'a cessé de tenter de détruire depuis 1997.
En effet, ce projet de loi, comme les précédents textes défendus par votre majorité, jette une suspicion sur l'étranger que nous récusons sous toutes ses formes. Il fait de l'étranger la source de tous les maux de la société française.
Vous avez pris l'exemple du chômage des jeunes étrangers. Il serait plus important que celui des jeunes Français, notamment parmi les diplômés.
Je tiens à vous rappeler, monsieur le ministre, que, si les étrangers connaissent des difficultés pour accéder à une activité professionnelle rémunérée à sa juste valeur, cela n'a rien à voir avec leur degré d'intégration ou leur connaissance du français. En effet, les discriminations qu'ils subissent sont souvent liées à leurs origines et à la couleur de leur peau. C'est la raison pour laquelle la France a été obligée par l'Union européenne de créer la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE.
Mais qu'apporte de plus votre projet de loi pour lutter contre ces discriminations ? Le terme « discriminations » a même disparu, par enchantement, de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Cette suppression est révélatrice de votre démarche. Vous fichez, comptabilisez, sanctionnez les étrangers, mais rien n'est prévu pour lutter effectivement contre les discriminations subies par eux, y compris lorsqu'ils sont en situation régulière.
Une vision aussi simpliste est - dois-je vous le rappeler ? - le point de départ des plus grandes tragédies humaines de notre histoire.
C'est en cela que votre projet est scandaleux ! Il crée la peur et institutionnalise la xénophobie ; il engendre une défiance à l'égard de l'étranger, traite ce dernier en paria, l'humilie avant même de lui donner sa chance.
Après le mythe du bon sauvage, nous avons eu le sauvageon. Voilà maintenant le mythe du sauvage tout court !
Monsieur le ministre, si cette loi avait existé voilà cinquante ans, elle aurait privé la France de nombre de citoyens, de sportifs, de ministres au sein de l'actuel gouvernement, sans parler de tous ceux qui, dans l'ombre, contribuent à la richesse de la France.
Plusieurs sénateurs, dont moi-même, ne seraient pas là aujourd'hui. Plusieurs collègues parlementaires, qui ont choisi de se marier à des étrangers, n'auraient pas pu avoir une vie familiale normale.
Imaginez donc maintenant toutes les pertes et le gâchis que provoquera ce projet de loi dans cinquante ans. Imaginez les désillusions et la détestation que nourrira cette loi, tant à l'étranger qu'en France.
Je souhaite revenir sur quelques exemples édifiants.
Concernant d'abord la formation mise en place par ce projet de loi, pensez-vous réellement qu'un stage de 108 heures pourra permettre à un individu de mieux s'intégrer et de mieux connaître le français ?
Le meilleur moyen de connaître une langue n'est-il pas l'immersion dans celle-ci ? Je me souviens de nos professeurs d'anglais au collège, qui nous recommandaient de partir en stage en Grande-Bretagne pour bien apprendre l'anglais.
C'est la confrontation quotidienne à la langue française qui permet aux individus de la maîtriser, et non pas un stage de deux mois en territoire étranger !
Sur ce point, ce projet de loi instituera un système de délivrance d'autorisations de regroupement familial discriminant. En effet, seuls les ressortissants étrangers ayant un certain niveau de vie ou ayant suivi des études dans des écoles dispensant des cours de français ou ayant des parents parlant le français seront éligibles au regroupement familial.
Vous éliminez les ruraux, qui n'ont pas la chance d'accéder à ces écoles situées souvent dans les grandes villes.
Plus grave encore, certaines personnes ne pourront pas suivre la formation qui leur sera imposée : ceux dont le domicile est éloigné du lieu de formation ou ceux qui n'ont pas les moyens de se rendre dans une autre ville pour suivre cette formation.
Elles ne pourront pas obtenir l'attestation de suivi de la formation et seront donc exclues du dispositif en raison de leurs ressources financières.
Ce dispositif est non seulement irréaliste, mais également discriminant. Il risque d'exclure du bénéfice du regroupement familial un grand nombre d'individus, notamment les familles les plus pauvres.
De fait, le regroupement familial leur sera refusé en raison non plus des capacités financières de l'accueillant, mais de leurs ressources financières propres, ressources insuffisantes pour leur permettre de suivre cette formation.
Par ailleurs, il est étonnant que le Gouvernement veuille renforcer un dispositif déjà existant.
En effet, depuis la loi du 18 janvier 2005 et sa généralisation par la loi du 24 juillet 2006, les bénéficiaires du regroupement familial doivent conclure un contrat d'accueil et d'intégration.
Par ce contrat, les personnes âgées de plus de seize ans s'engagent à suivre une formation civique et linguistique. Pourquoi dans ce cas instituer un nouveau dispositif ?
Le Gouvernement, en créant ce doublon, alourdit encore plus la procédure de regroupement familial. Cette fois, il met en place des obstacles extraterritoriaux avant même l'entrée en France des ressortissants étrangers.
Un autre exemple édifiant de votre volonté de détruire le droit de mener une vie familiale normale, monsieur le ministre, est l'exigence d'un seuil de ressources supérieur au SMIC pour les familles étrangères.
Depuis la loi de 2003 sur l'immigration, toute personne souhaitant faire venir sa famille en France par le biais du regroupement familial doit justifier d'un revenu égal au SMIC.
Or l'article 2 du projet de loi vise à augmenter le seuil des ressources en exigeant du demandeur 1, 33 fois le SMIC selon la taille de la famille.
Cette disposition crée une discrimination entre les familles étrangères et les familles françaises dans la mesure où le revenu minimum en France s'établit au SMIC. Pourquoi exiger d'une famille étrangère un super-SMIC ? Si un SMIC permet à une famille française de vivre convenablement, pourquoi n'en serait-il pas de même pour une famille étrangère ? Pourquoi voulez-vous précariser encore davantage cette dernière ? Là encore, il s'agit d'exclure les plus précaires et les plus pauvres !
Je me permets de citer les propos du président de la commission des lois, M. Hyest, dans ce même hémicycle, en 2006 : « il n'y a pas lieu d'établir de distinction, s'agissant des ressources, entre la situation des familles étrangères et celles des familles françaises. Par conséquent, s'il est considéré qu'un revenu égal au SMIC permet à une famille française de vivre dans des conditions acceptables, il en va de même pour une famille étrangère ».
À deux reprises, le Sénat a rejeté une telle disposition dans le cadre de la réforme du regroupement familial.
De nouveau, nous ferons en sorte que ce projet de loi prenne un visage humain.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré à la presse, et je le regrette : « Je fais confiance au Sénat pour qu'il adopte le projet in fine. ». Mais vous avez précisé que « c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot ».
Ces propos frisent le non-respect de la souveraineté parlementaire ! J'espère que, dans cet hémicycle, vous n'aurez pas le dernier mot !
Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre sagesse pour exclure de ce projet de loi toutes les dispositions liberticides et discriminatoires qu'il contient.
Je suis convaincue que mes collègues sénatrices et sénateurs n'accepteront pas de voir l'image du Sénat associée à des propositions aussi scandaleuses que ce test ADN ...
... ou ce visa pour les conjoints de Français qui serait notre honte nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis quatre ans, les lois se succèdent pour modifier en profondeur le droit de l'immigration : quatre ont été adoptées en quatre ans avant celle qui nous est proposée aujourd'hui.
Ces lois sont autant de remises en cause de la politique d'immigration conduite depuis plusieurs décennies, à laquelle il est reproché de ne pas avoir réussi l'intégration économique, sociale, culturelle, d'une bonne partie des populations qui ont rallié la France par vagues successives.
Si, pour la plupart, l'intégration a été réussie, elle n'a cependant pas été complète Si l'immigration doit être régulée, il ne faut pas en faire la source de tous les maux - délinquance, chômage, perte d'identité - qui mineraient le pays, alors que la France a été de tout temps un pays d'accueil.
Le projet de loi qui nous est proposé évite ces écueils. Il tente de consolider le tournant pris par la France, celui d'une immigration contrôlée, qui intègre au lieu de marginaliser, qui profite à l'économie plutôt qu'à l'assistanat, qui facilite le codéveloppement plutôt que la fuite du travail qualifié.
Sur tous ces objectifs, comment ne pas être d'accord ? Toutes les dispositions que contient ce texte en vue d'atteindre ces objectifs ne peuvent que rencontrer notre assentiment.
Pour autant, et la commission des lois l'a relevé à juste titre, la médaille a son revers.
Tout d'abord, on constate que l'immigration est diverse. On ne peut pas comparer l'immigration en provenance des pays du Sud - Afrique, Maghreb - et celle qui est issue d'Europe de l'Est ou d'Asie, régions dont le niveau de vie, l'organisation sociale et familiale et le système de croyances sont profondément différents. Vouloir imposer un parcours unique à des réalités humaines si différentes peut conduire à des erreurs et à des injustices.
Les migrants sont d'abord des êtres humains ; ils ont donc droit au respect de leur identité et de leur culture autant qu'ils doivent respecter l'identité et la culture du pays qu'ils veulent rejoindre. À l'époque de la mondialisation, où tout homme, toute femme est citoyen du monde, cette égalité de droits et de devoirs, fondée sur l'universelle dignité de la personne humaine, est l'aune à laquelle nous devons mesurer le bien-fondé de toute disposition réglementant l'accueil, le séjour, l'établissement des migrants.
Autrement dit, le droit de l'immigration, notamment le droit d'asile, n'est pas simplement économique, administratif ou pénal. C'est aussi un droit qui s'enracine dans une éthique universelle dont nous sommes les tenants depuis des siècles, qui intègre les droits fondamentaux de la personne, de la famille, de la solidarité. C'est un droit international et d'abord européen, car, face à ces mouvements migratoires à caractère planétaire, il est illusoire de penser régler le problème seul et unilatéralement.
Avant d'aborder le fond du sujet, je voudrais d'abord soulever deux questions de méthode.
Le fait que le droit de l'immigration soit élaboré par une succession de lois partielles crée une surenchère particulièrement dangereuse sur un sujet difficile, qui favorise l'apparition de dispositions comme celles qui ont été adoptées à l'Assemblée nationale. Pourquoi ne pas s'en être tenu à l'esprit du texte du Gouvernement ? Le moins que l'on puisse dire est que le travail de l'Assemblée nationale ne l'a pas enrichi.
Nous devons avoir le courage de résister à cette tendance et de légiférer d'autant plus sereinement que l'urgence empêchera le dialogue normal entre les chambres dans un système bicaméral.
Par ailleurs, le souci permanent du législateur devrait être d'élaborer des lois qui soient applicables. À quoi sert-il de voter des dispositions dont on sait à l'avance qu'elles se heurteront à des obstacles juridiques, administratifs ou culturels ? Nous devons nous mettre à la place du pays d'origine, tenir compte de ses moeurs, des pratiques familiales et culturelles de ses ressortissants avant de concevoir des procédures complexes qui ne pourront être mises en oeuvre faute de moyens ou de traditions culturelles adaptées.
Sur le fond, je partage le jugement positif de la commission des lois sur l'ensemble du dispositif et sur son esprit. Quant à certaines dispositions de ce texte qui soulèvent des problèmes sérieux, j'approuve les corrections proposées par notre commission.
Le premier problème concerne les ressources exigées pour le regroupement familial. La commission prévoit de revenir au projet de loi initial en fixant un plafond de 1, 2 fois le SMIC. Aller au-delà créerait une discrimination entre Français et étrangers, notamment dans le calcul de ce que nous appelons le « reste à vivre ».
Le deuxième problème concerne les conditions de formation linguistique exigées du conjoint étranger en cas de mariage mixte, prévues par l'article 4 du projet de loi. La commission des lois a rejeté à l'unanimité cette disposition discriminatoire qui se heurterait à des problèmes pratiques considérables.
Le troisième problème concerne les délais de recours ouverts aux étrangers. La commission a simplement demandé le maintien du droit en vigueur : un mois et non quinze jours devant la commission de recours des réfugiés et quarante-huit heures au lieu de vingt-quatre heures pour la contestation du refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile. Réduire de moitié ces délais aboutirait en fait à rendre le recours pratiquement impossible, et contreviendrait - cela nous vaudrait d'ailleurs d'être sanctionnés - à la Convention européenne des droits de l'homme, qui impose un droit au recours effectif dans son article 13.
Le quatrième problème concerne la possibilité de procéder à la vérification de l'identité du demandeur de visa par le moyen de tests génétiques.
L'introduction de la possibilité de recourir aux tests ADN va tout d'abord à l'encontre des dispositions de la loi sur la bioéthique du 29 juillet 1994, codifiée notamment aux articles 16-10 et 16-11 du code civil.
En effet, l'article 16-10 cantonne l'examen des caractéristiques génétiques aux seules fins médicales ou de recherche scientifique. L'article 16-11, quant à lui, dispose que cet examen est également possible dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire, auquel cas « l'identification par empreintes génétiques ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lieu de filiation... »
Par ailleurs, le caractère probant de ce type de moyen peut poser problème, le prélèvement ADN étant considéré plus souvent comme un élément de preuve qu'une preuve à part entière.
De surcroît, prouver son lien de filiation par ce type de test revient à cantonner la famille à sa définition biologique. Or la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, en application de l'article 8, alinéa 1, de la Convention, offre une définition élargie de la famille : la vie familiale doit être « préexistante et effective », caractérisée par des « relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres », ces relations pouvant prendre la forme « d'une vie en commun, d'une dépendance financière, d'un droit de visite exercé régulièrement » ou encore « de relations continuelles entre un père et ses enfants », même illégitimes.
Cette jurisprudence converge avec le droit français de la filiation, qu'il soit celui de la loi ou du juge administratif ou constitutionnel.
Enfin, et plus fondamentalement, le dispositif de recours aux tests ADN paraît discriminatoire dans la mesure où il s'applique uniquement à l'égard des étrangers qui souhaitent prouver leur lien de filiation dans le cadre du regroupement familial.
Est également discriminatoire la limitation du dispositif à « certains États » sources d'immigration.
Surtout, le droit français de la filiation reconnaît, faute d'état civil probant, la possession d'état comme mode d'établissement de la filiation.
Rappelons que, pour être constituée, la possession d'état doit comporter le traitement de l'enfant comme tel par ses parents présumés, l'apparence de la filiation dans la famille et dans la société et le fait de porter le nom de ses parents. La possession d'état se prouve par tout moyen ; elle doit être « continue », c'est-à-dire avoir une certaine permanence ; elle doit être « paisible, publique et non équivoque », selon les termes de l'article 311-1 du code civil, dans sa dernière rédaction de 2005.
Il paraît difficile d'introduire de manière discriminatoire le recours éventuel à des tests génétiques pour des ressortissants étrangers alors que ce moyen de preuve n'est autorisé que dans le cadre de procédures judiciaires ou de recherches médicales sur le territoire de la République française.
Dans le nouveau dispositif proposé, ce recours se fait sur la base du volontariat. Mais ce critère est-il effectif, sachant que, devant le refus de recourir au test ADN, l'administration pourrait être amenée à supposer que l'étranger ne présente pas une situation régulière et, par conséquent, décider de refuser le visa ?
De même, si l'État rembourse les frais avancés par la personne demanderesse, cela ne résout pas le problème de l'avancement du prix du test ADN, qui s'élève à 300 euros par personne en moyenne, car certaines familles ne peuvent débourser une telle somme. Les dépenses engendrées par ce type de procédure risquent de coûter cher à l'État, pour un effet plus que relatif, tout autant que les frais d'avocat qui seraient engendrés par la saisine du président du tribunal de grande instance de Nantes.
Enfin, prévoir l'avis du Comité national d'éthique sur le décret d'application est d'autant plus surprenant que c'est sur le projet de loi lui-même que cette instance aurait dû être consultée.
M. Hugues Portelli. Il me paraît donc plus sage, ainsi que la commission des lois le suggère, de renoncer à cette procédure et d'appliquer aux demandeurs de visa les dispositions du droit commun de la filiation en France.
Mme Gisèle Printz et M. Gérard Delfau applaudissent.
En conclusion, l'adoption d'une telle loi aura des effets évidents sur les États européens, où la politique de l'immigration et de l'asile fait également débat.
Il serait souhaitable que les États de l'Union européenne définissent ensemble une politique et un droit en la matière.
D'ici là, chaque mesure unilatérale d'un État, et notamment d'un grand État, sera prise en considération par les autres.
Il est tout à fait inexact de dire que plusieurs États ont déjà légiféré en la matière. En fait, seul le Royaume-Uni, dont on sait qu'il fait bande à part sur presque tous les sujets, s'est doté d'une réglementation incluant un recours aux tests ADN d'autant plus prévisible qu'il n'a pas de pratique enracinée des documents d'identité. Quant aux autres, leur recours à ces tests est soit très marginal, comme en Allemagne, soit inexistant, comme en Italie.
La France n'a donc pas à donner le mauvais exemple ; elle doit montrer au contraire que la politique d'immigration choisie est parfaitement compatible avec les principes d'un État de droit républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui occupe nos débats constitue une réponse équilibrée au glissement continu qu'a subi la politique de l'immigration en France au cours des trente dernières années.
Passant d'une immigration de travail à une immigration familiale, notre pays s'est détourné de sa vocation historique d'accueil.
S'il était besoin de s'en convaincre, les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2005, 94 500 premiers titres de séjour ont été délivrés sur le compte de l'immigration familiale tandis que l'immigration économique n'en représentait que 13 650, soit 7 % des entrées légales sur le territoire national.
Inexorablement, ce délitement engendre des conditions d'hébergement et de vie qui sont indignes de la France et parfois désastreuses. Le drame de l'incendie d'un hôtel insalubre dans le IXe arrondissement de Paris, en avril 2005, reste gravé dans nos mémoires et nous rappelle constamment nos obligations.
Par ailleurs, 60 % de la population immigrée se concentrent sur trois régions - Île-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur -, ce qui décuple les difficultés et cristallise les tensions sur des territoires toujours plus enclavés. Cette réalité est l'aveu d'un échec de notre politique d'intégration.
Comment peut-on concevoir une telle concentration ? Comment, dans ces circonstances, éviter la ghettoïsation d'une grande partie de la population émigrée ? Cet aveu d'impuissance se double d'un taux de chômage exponentiel qui frappe 20 % des étrangers, soit le double de la moyenne nationale. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, certains secteurs enregistrent un taux de chômage avoisinant 40 %.
Notre modèle d'intégration est à bout de souffle.
Les 96 500 logements sociaux construits chaque année sur l'initiative de Jean-Louis Borloo font certes figure de référence au regard des 52 000 constructions de la période Jospin mais ne parviennent pas à contenir l'ampleur de la demande.
Rien qu'à Paris, 45 millions d'euros sont dépensés tous les ans dans l'hébergement d'urgence des populations étrangères, sans pour autant affecter les recettes crapuleuses des marchands de sommeil. La situation est devenue totalement intenable !
Par votre projet, monsieur le ministre, vous entendez reprendre les choses en main.
En effet, votre texte marque un renversement salutaire dans les conditions de la venue d'étrangers sur le sol national. La situation actuelle revient trop souvent à mettre devant le fait accompli les autorités françaises, démunies face aux difficultés d'intégration.
Ce projet anticipe, dès le pays d'immigration, les démarches d'intégration par une meilleure répartition des responsabilités entre les autorités consulaires ou diplomatiques et les structures d'accueil en France.
Par ailleurs, l'esprit général du dispositif s'inscrit dans la nécessité fondamentale de maîtriser les flux migratoires tant pour notre pays que pour les pays d'émigration qui craignent de voir partir leurs élites.
Nos concitoyens l'ont bien compris, et l'élection de Nicolas Sarkozy en est la plus claire affirmation. Gardons à l'esprit le fait que la moitié de la population africaine est âgée de moins de dix-sept ans. Le moindre signal d'ouverture aurait des conséquences désastreuses.
Partant de ce constat, la France doit renoncer à une réputation qu'elle n'est plus capable de défendre et mieux contrôler les entrées sur le territoire national. En ce sens, j'approuve pleinement la possibilité introduite par le projet de loi de créer un traitement informatisé de données personnelles incluant l'origine des personnes, afin de garantir une meilleure prise en charge des populations concernées et un meilleur contrôle des mouvements migratoires.
Cette disposition marque une nette rupture dans notre politique de l'immigration et souligne le souci du Gouvernement de travailler avec les pays d'émigration à l'avènement d'une politique de codéveloppement. En effet, un tel processus permettra de mieux connaître les populations étrangères présentes sur le sol national et de tirer les conclusions qui s'imposent, en liaison avec les pays de départ concernés.
Et puisque ce débat est incontournable, je souhaiterais aborder brièvement le sujet des comparaisons d'empreintes génétiques destinées à établir la validité d'une filiation.
Le récent rapport du vice-président du Sénat Adrien Gouteyron dresse un tableau sidérant de la fraude aux actes d'état civil qui prévaut dans de nombreux pays africains. La proportion de documents frauduleux s'élèverait à 80 % dans certaines zones. Nous ne pouvons rien à cet état de fait.
Alors, pourquoi ne pas y remédier par la mise en place d'une procédure qui, sur la base du volontariat, aurait en outre le mérite de faciliter les démarches administratives ? Ferions-nous preuve de plus d'humanisme en laissant des familles entières attendre les conclusions d'une enquête administrative extrêmement complexe et à l'issue incertaine ? Je n'en suis pas persuadé.
Nous devons nous aligner sur une pratique aujourd'hui courante qui manifeste la reconnaissance du droit intangible au regroupement familial.
Par ailleurs, je salue la refonte du « compte épargne codéveloppement », voulu par Nicolas Sarkozy l'an passé, en « livret épargne codéveloppement », qui renforce les liens économiques des migrants avec leur pays d'origine. Ce dispositif permet à ceux qui investissent dans leur pays de bénéficier d'avantages fiscaux.
L'ensemble de ces flux financiers représente officiellement 2, 5 milliards d'euros par an et doit être encouragé. Aussi convient-il de mieux identifier et de quantifier ces volumes, tout en améliorant la sécurité des transferts et la possibilité de développer leur utilisation à des fins productives. Pouvons-nous décemment laisser l'Afrique se dépeupler de ses forces vives ? Assurément, non !
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Le codéveloppement doit être une priorité dans la lutte contre l'immigration clandestine, mais il ne faudrait pas encourager la mise sous perfusion de régions entières du globe pour se donner bonne conscience à peu de frais.
Pour être parfaitement clair, je dirai que la politique de codéveloppement ne remplit pas toujours son rôle, notamment dans l'encouragement au maintien des populations sur place. Des enquêtes internes du ministère des affaires étrangères confirment que des subventions mal attribuées encouragent l'émigration au lieu de la réduire. Les systèmes d'aide détournés de leur vocation deviennent de véritables passeports pour le départ.
Nicolas Sarkozy l'a parfaitement intégré et a obtenu, dès 2006, la conclusion d'un accord de coopération avec le Sénégal qui prévoit une collaboration des autorités françaises et sénégalaises dans la gestion des flux migratoires, en échange de contreparties en termes de délivrance de visas, notamment en faveur des étudiants. Ces protocoles internationaux doivent être amplifiés et trouver rapidement une expression au niveau européen.
Monsieur le ministre, je soutiens pleinement votre action dans le cadre des discussions entamées avec le Gabon, le Bénin et le Congo. Quoi qu'en dise la gauche, votre titre de ministre du codéveloppement n'est pas usurpé, je dirais même qu'il est amplement mérité. Pour la première fois dans l'histoire de notre République, le codéveloppement fait l'objet d'un ministère et garantit la participation des migrants au développement de leur pays d'origine.
À plus grande échelle, il faut développer une nouvelle génération de projets à destination des pays en développement, en s'appuyant sur les initiatives des migrants ou de leurs associations. Cette démarche pragmatique concourrait à amplifier la coopération, à mieux associer les populations locales et à améliorer le rendement des fonds investis.
En somme, monsieur le ministre, soyons les défenseurs résolus de la francophonie et ouvrons nos formations aux étudiants étrangers ! Je tiens à saluer la délivrance, sur votre initiative, de la carte de séjour « compétences et talents », qui permettra à un personnel qualifié de venir perfectionner ses techniques sur le sol français. Encourageons l'immigration temporaire et renforçons le codéveloppement avec les pays de départ !
Enfin, garante d'une immigration choisie, la majorité doit résolument engager le débat et rompre avec la terrible hypocrisie qui règne depuis plus de trente ans. Monsieur le ministre, il faut permettre à la France de s'aligner sur la politique de ses voisins. Ainsi, notre pays adaptera la demande de visas aux impératifs de son économie et aux contraintes des pays de départ.
Un plafond global annuel d'accueil pourrait être fixé par profession et par catégorie. Il donnerait à la représentation nationale les outils d'une politique de codéveloppement efficace et de contrôle des flux migratoires. Nicolas Sarkozy a reçu ce mandat des Français : il incombe à la majorité de l'accomplir !
Monsieur le ministre, c'est avec conviction que j'exprime mon soutien au projet de loi que vous défendez. Vous avez su retranscrire les engagements de campagne de Nicolas Sarkozy et assumer le dépôt d'un projet de loi ambitieux et attendu par les Français. Je salue votre capacité d'écoute et de dialogue ainsi que votre souci de faire progresser ce texte grâce au débat parlementaire.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Georges Othily et Adrien Giraud applaudissent également.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.