...mais de surcroît il prendrait le risque d'ouvrir la voie à l'élargissement de cette pratique à d'autres domaines, par exemple au versement des allocations familiales.
Cette mesure doit absolument être supprimée de ce projet de loi.
Autre frein au regroupement familial : la connaissance de la langue française et des valeurs de la République, soi-disant « pour éviter le communautarisme et favoriser l'intégration ». Comment demander à des étrangers de connaître nos valeurs républicaines quand toute votre politique tourne précisément le dos aux valeurs les plus sacrées, les plus ancrées dans notre République, et qui ont pour nom : liberté, égalité, fraternité, solidarité, coopération, respect du « vivre ensemble » ?
Nombre de questions restent entières quant au dispositif proposé : où, quand, comment et par qui va s'effectuer l'évaluation du degré de connaissance et, en cas de nécessité, la formation ? Qui va prendre en charge cette formation ?
Obstacle supplémentaire, le texte revoit à la hausse les conditions de ressources hors allocations familiales pour bénéficier du regroupement familial et les module en fonction de la taille de la famille. Là où avant on exigeait un SMIC, le projet de loi initial exigeait 1, 2 SMIC. Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale a cru bon de faire de la surenchère en l'espèce en précisant : « 1, 2 SMIC pour une famille de moins de six personnes et 1, 33 SMIC pour une famille de six personnes ou plus ». Qui dit mieux ?
Certains parlementaires souhaitent aller jusqu'à exiger deux SMIC ! Il s'agirait, selon l'argument avancé par les défenseurs de cette trouvaille, d'éviter que les familles concernées ne tombent sous la coupe de marchands de sommeil. Quelle bienveillance !
Le caractère éminemment discriminatoire de cette mesure saute pourtant aux yeux : on exigerait des familles étrangères qu'elles disposent de ressources plus importantes que les familles françaises.
N'est-ce pas pourtant en vertu du caractère discriminatoire de cette mesure que notre Haute Assemblée a repoussé par deux fois en 2003 et 2006 des propositions similaires ?
Obstacle encore avec la création d'un contrat d'accueil et d'intégration à destination des familles, à l'instar de ce qui a été inventé pour les primo-arrivants. Je voudrais insister ici sur le fait que cette exigence supplémentaire sera sanctionnée en cas de non-respect des stipulations du contrat par la suspension du versement des allocations familiales et qu'il en sera tenu compte lors du renouvellement de la carte de séjour des intéressés pour le leur refuser.
Autrement dit, cette mesure - là encore discriminatoire - revient à exiger davantage des familles étrangères que des familles françaises.
Avec une telle disposition, une épée de Damoclès planera sur les familles concernées jusqu'au renouvellement de leur carte de séjour. Des personnes en situation régulière pourront ainsi se retrouver du jour au lendemain sans titre de séjour !
C'est vraiment inadmissible et incompréhensible. Sachant qu'en 2006 le regroupement familial a concerné 23 000 personnes environ dont 9 000 enfants, où est le problème ?
La seule justification de ce projet de loi est de mettre des barrières supplémentaires au regroupement familial et de stigmatiser une certaine frange de la population. Votre texte, monsieur le ministre, va surtout précariser les femmes, dans la mesure où 80 % environ des conjoints rejoignants sont les épouses, ainsi que les enfants, qui ne sont pas épargnés par votre politique d'immigration dévastatrice et qui en sont même les premières victimes.
J'ajoute que les étrangers conjoints de Français ne sont pas plus épargnés par votre texte dans lequel vous avez osé, d'une part, réintroduire l'obligation de retour au pays pour les conjoints désirant obtenir un visa de long séjour et, d'autre part, leur imposer l'apprentissage de la langue française.
En ce qui concerne maintenant le droit d'asile, déjà réformé et restreint à plusieurs reprises, la démarche est la même. Sous des prétextes tout aussi fallacieux que celui qui consiste à invoquer le trop grand nombre de faux demandeurs d'asile, vous multipliez les obstacles. Faut-il rappeler que l'asile est la protection offerte par un pays à des personnes persécutées pour des motifs liés à la race, à la religion, à la nationalité, à l'appartenance à un certain groupe social ou encore en raison de leur opinion politique, ce qui n'a a fortiori rien à voir avec les questions liées à l'immigration et doit en être, par conséquent, détaché ?
Or votre texte, monsieur le ministre, opère sciemment une confusion entre l'exercice d'un droit inaliénable, le droit d'asile régi par la convention de Genève de 1951 pour des personnes en danger fuyant leur pays, et la question de l'immigration.
Cette confusion a été institutionnalisée par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la création d'un ministère de l'immigration intégrant l'asile et, avec le présent texte, la mise de l'OFPRA sous tutelle du ministère de l'immigration, alors que l'Office dépendait du ministère des affaires étrangères.
On s'éloigne ici vraiment de la France terre d'asile, de la France patrie des droits de l'homme !
La portée du droit d'asile avait pourtant déjà fait l'objet de restrictions ces dernières années avec l'introduction de notions telles que celles d'acteurs de protection, d'asile interne, de pays d'origine sûrs, de protection subsidiaire, sans parler de la mise en oeuvre de la procédure prioritaire ni de la multiplication des rejets au motif que la demande est manifestement infondée.
Il n'était vraiment pas besoin d'en rajouter. C'est pourtant ce que fait votre texte s'agissant, par exemple, du raccourcissement du délai de recours contre des décisions de l'OFPRA, rendant ce droit au recours totalement ineffectif, de l'application aux déboutés du droit d'asile de l'obligation de quitter le territoire français, l'OQTF, enfin de la mise en conformité a minima - vingt-quatre heures au lieu de quarante-huit heures - de la procédure de recours contre une décision de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile.
Pourquoi prévoir tant d'obstacles à l'accès à un droit aussi fondamental que le droit d'asile ? Faut-il rappeler que les mouvements migratoires se font pour l'essentiel dans un axe sud-sud et dans une moindre mesure sud-nord ? Les personnes déplacées ont, en effet, davantage tendance à aller se réfugier dans les pays voisins, ce que confirment pour l'année 2006 les statistiques du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, qui relève que 63 % des 9, 9 millions de réfugiés du monde se trouvent en Afrique et en Asie et seulement 18 % en Europe.
Vous le savez, on ne change pas les trajectoires migratoires à coup d'articles de loi. Si vous ne voulez pas accueillir toute la misère du monde, alors faisons en sorte d'éradiquer cette misère !
En France, il faut redonner du sens aux mots « accueil », « intégration ». Pour une meilleure intégration, il faut d'abord stabiliser le droit au séjour, et non l'inverse.
N'ayons pas peur d'octroyer certains droits fondamentaux comme le droit de vote pour les résidents étrangers sous certaines conditions ; mettons en place un vrai droit de formation à la langue du pays d'accueil ; respectons le droit de vivre en famille, les droits de l'enfant, les engagements nationaux et internationaux pris par la France, ce que ne fait pas votre texte, monsieur le ministre, et il a encore été aggravé par l'Assemblée nationale. De nombreuses dispositions aussi stigmatisantes que perverses - nous en demanderons la suppression - ont, en effet, été insérées par les députés, mais je ne m'y attarderai pas, faute de temps.
Toutefois, avec ce texte, qui comporte désormais 47 articles quand il n'en comptait que 18 à l'origine, il s'agit bel et bien d'un retour en arrière, qui plus est aux relents colonialistes. Ce qui n'est guère étonnant de la part d'une majorité qui, il n'y a pas si longtemps - rappelons-le - voulait que soit souligné dans la loi « le rôle positif de la colonisation »