Intervention de Michèle André

Réunion du 2 octobre 2007 à 16h10
Immigration intégration et asile — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Monsieur le président, je tiens dès maintenant à saluer la qualité des travaux menés, depuis plusieurs jours, par M. le rapporteur, car les auditions et les débats ont été nombreux.

Monsieur le ministre, le projet de loi que vous présentez aujourd'hui illustre parfaitement la méthode consistant à exploiter un sujet grave, l'immigration, à des fins médiatiques et politiques. Durant la campagne présidentielle, cette question douloureuse a été largement utilisée pour galvaniser les foules et accroître les craintes de nos concitoyens face à l'avenir.

Vous avez coutume de vous féliciter de la création d'un ministère spécialement chargé de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Nous tenons à réaffirmer que cette dénomination est pour le moins contestable. Si un malaise persiste, c'est en raison du caractère contingent de la notion d'identité nationale et de la juxtaposition de ce terme à la nécessaire politique migratoire de la France. Vous présentez ainsi l'immigration comme une menace à l'encontre de notre identité nationale et vous stigmatisez des populations qui ont déjà du mal à trouver leur place dans notre société.

Par ailleurs, nous déplorons la marginalisation du ministère des affaires étrangères sur la question sensible et symbolique de l'asile.

L'étranger est une nouvelle fois le bouc émissaire ; il sert à expliquer nos problèmes, qui sont aussi, en grande partie, vos échecs. En effet, qui était aux responsabilités au cours de ces cinq dernières années ? Quel était le ministre de l'intérieur qui a fait voter, en novembre 2003, une loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, et, en juillet 2006, une loi relative à l'immigration et à l'intégration ?

Votre projet de loi, présenté en urgence, - nous en voyons tous les inconvénients aujourd'hui - est le signe de son échec, pour ce qui concerne tant la méthode que le fond.

En effet, c'est la quatrième fois en cinq ans que nous sommes sollicités pour modifier la politique de l'immigration, alors que certaines des mesures précédemment adoptées ne sont même pas appliquées. Or, avant même la fin de la procédure législative, et sans attendre le bilan des dernières lois, vous annoncez une nouvelle étape incluant une modification constitutionnelle pour mettre en place des quotas. Après avoir excité les craintes, vous avez clairement l'objectif de donner un gage de bonne foi à l'opinion publique.

Pour sa part, le groupe socialiste du Sénat dénonce la mise en place de mesures inefficaces et injustes. Nous proposerons de les supprimer et, le cas échéant, nous tenterons d'atténuer leurs effets les plus contestables. À ce stade du débat, je souhaite indiquer la position du groupe socialiste sur quelques points emblématiques.

En premier lieu, vous proposez, monsieur le ministre, de durcir les conditions du regroupement familial. Au-delà des difficultés pratiques de mise en oeuvre de cette mesure, nous considérons que l'exigence d'une évaluation des bénéficiaires du regroupement, dans leur pays d'origine, du degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République, constitue une restriction disproportionnée au droit de vivre une vie familiale normale. De même, l'augmentation du niveau de ressources exigibles pour obtenir un regroupement familial est discriminatoire.

C'est pour cette raison que le Sénat a déjà rejeté par deux fois des propositions similaires. Je forme le voeu qu'il réaffirme cette position, conformément à l'analyse du président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, mais je n'y reviendrai pas, car le rapporteur s'en est fait fidèlement l'écho. Gardons à l'esprit le fait qu'il n'y a pas lieu de traiter plus mal une famille étrangère qu'une famille française, pour ce qui concerne ses revenus.

Ce projet de loi crée la confusion en mettant sur le même plan le regroupement familial - ma collègue Alima Boumediene-Thiery y reviendra - et la situation des conjoints de Français.

Pour ma part, je tiens à saluer la proposition de la commission de supprimer le premier et le deuxième alinéa de l'article 4 du projet de loi. Pour les conjoints, vous prévoyez l'obligation d'évaluer le degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République. Cette mesure crée, là encore, des discriminations disproportionnées à l'encontre de Français qui souhaitent simplement mener une vie familiale normale.

Par ailleurs, vous remettez en cause la disposition, adoptée en 2006, sur l'initiative notamment de notre regretté collègue Jacques Pelletier, selon laquelle les étrangers entrés régulièrement en France, mariés avec un ressortissant français et séjournant en France depuis plus de six mois avec leur conjoint, présentent la demande de visa de long séjour à la préfecture de leur domicile. Je me félicite que notre commission ait adopté ce matin un amendement tendant à rétablir cette possibilité.

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