Alors que la France donne l'image d'un pays qui se referme sur lui-même, la Chine joue l'ouverture en finançant, nous le savons tous, les bâtiments du parlement mauritanien, du sénat gabonais ou encore le port de Nouakchott, par exemple. Enfin, les visas sont tellement difficiles à obtenir que même les élites se tournent vers d'autres pays. Catherine Tasca reviendra tout à l'heure sur ce sujet, mais je veux vous poser une question, monsieur le ministre : pourquoi certains pays sont-ils si réticents à reconnaître leurs ressortissants en cas de reconduite ? N'avez-vous pas pensé que c'est peut-être leur seule manière de lutter contre le rouleau compresseur que nous leur opposons ? Ne faudrait-il pas examiner cette question avec attention, et instaurer un dialogue d'égal à égal avec tous ces pays du Sud en développement ?
Il n'est plus pensable que chaque pays de l'Union européenne pratique sa propre politique ; nous devons examiner les problèmes ensemble. De vrais choix doivent être faits en matière d'immigration ; ils sont cités régulièrement, remettons-les sur la table. Ce n'est qu'au niveau européen qu'une véritable politique de l'immigration peut être efficace. Certes, l'Europe travaille déjà sur ces sujets, mais il est indispensable d'aller plus loin. Ne laissons pas croire à l'opinion que la solution est uniquement nationale. Sortons des faux-semblants médiatiques et de l'affichage politique pour traiter enfin cette question de l'immigration avec l'attention et le sérieux qu'elle mérite.
Monsieur le ministre de l'immigration, n'oubliez pas que vous avez également en charge le codéveloppement. Une politique de l'immigration ne peut être efficace à long terme que si les pays concernés obtiennent les moyens de se développer. La France doit agir, à sa place et compte tenu de son histoire, de façon exemplaire. Vous avez fait part de projets en la matière ; sachez que nous n'avons pas l'intention de nous contenter d'annonces, d'accords sur la dispense de visa pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou d'autres coquilles vides.
Au lieu de mettre en place des tests ADN pour lutter contre la fraude, tests que vous voulez prendre en charge financièrement, il nous semblerait plus utile et plus juste d'aider les pays concernés à mettre en place un état civil.
Cela permettrait d'ailleurs à ces pays de dresser des listes électorales, seules à même de permettre des élections libres et transparentes. En effet, à l'occasion d'opérations électorales que nous sommes périodiquement appelés à observer, nous voyons bien que l'absence de résultats tient notamment à l'absence d'état civil.
Alors que le codéveloppement devrait être un préalable, vous préférez nous faire légiférer sur un texte répressif, que nous considérons inutile et contre-productif.
Je conclurai ce propos en citant l'intégralité d'une phrase de Michel Rocard : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. ». Ce message équilibré reflète fidèlement les convictions qui nous animent, qui nous poussent à rejeter votre projet de loi au nom des valeurs de notre démocratie et afin d'affirmer encore avec fierté que la devise de la France est bien : « Liberté, Égalité, Fraternité. » ! §