Ainsi, au Congo-Brazzaville, j'ai relevé un nombre significatif de décisions favorables de regroupement familial qui avaient été notifiées aux demandeurs par les préfectures alors que le consulat avait, vérifications à l'appui, établi que les liens de filiation étaient faux. Que se passe-t-il en pareil cas ? Le consulat ne délivre pas, à juste titre, de visa, et il est dans son rôle. Mais que pensent alors ces demandeurs de regroupement familial de l'administration française ?
Le travail des administrations autour de l'immigration économique n'est pas plus satisfaisant. Il est frappant que nos entreprises implantées en Afrique ou en Asie aient autant de difficultés à faire venir leurs collaborateurs en détachement en France, alors qu'il s'agit d'employés qualifiés.
Dans le même temps, il apparaît plus simple à un ressortissant turc résidant en France de faire venir un membre de sa famille pour travailler dans son entreprise de bâtiment ou de restauration rapide, au motif que la maîtrise de la langue turque est un impératif et que cette compétence n'existe pas sur notre sol !
Ces deux exemples soulignent combien l'émergence d'une culture de travail commune aux administrations responsables de la gestion des flux migratoires doit être une priorité. Il n'y a qu'un seul État, porteur d'une seule politique cohérente de l'immigration. Pour cette raison, monsieur le ministre, et contrairement à certains collègues, je me félicite du transfert de la tutelle sur l'OFPRA du ministère des affaires étrangères à votre ministère, gage d'une tutelle utile, prenant au sérieux le travail des agents chargés d'examiner les demandes d'asile. C'est un travail ô combien éminent, ô combien difficile, mais qui, au quotidien, ne figurait malheureusement pas dans les « priorités nobles » de notre diplomatie.
J'en arrive au deuxième défi : une politique de l'immigration se construit avec un budget qui déploie les moyens en fonction des priorités.
Or, à l'automne, monsieur le ministre, le Parlement examinera un budget de l'immigration parcellaire, puisqu'il ne regroupera qu'une maigre partie des crédits consacrés à la politique de l'immigration. Ainsi, les services des visas et les services des étrangers des préfectures n'y figureront pas. Comment procéder à des redéploiements de moyens dans ces conditions ?
Dans mon rapport intitulé Trouver une issue au casse-tête des visas, j'indique que « le coût moyen de traitement d'une demande de visa est de 35 euros, tandis que le coût moyen d'une reconduite à la frontière atteint 1 800 euros. »
Voilà qui devrait nous inciter à investir plus de moyens au moment de l'entrée sur le territoire ; mais notre maquette budgétaire ne rend pas encore possible de tels arbitrages. Je sais que vous êtes sensible à cet état de fait, monsieur le ministre, et que vous ferez tout pour y remédier. Toutefois, je tenais à en parler à cette tribune.
J'en arrive au troisième et dernier défi : un vaste chantier de simplification des formalités administratives reste à engager.
Il s'agit là d'une exigence de service public. Les visiteurs étrangers ne comprennent pas les méandres administratifs des consulats et des préfectures. Comment imaginer développer une immigration économique de qualité si les travailleurs étrangers doivent accomplir, après le parcours du combattant de la demande de visa, le marathon de l'instruction du titre de séjour ?
Cette situation parfois ubuesque est née de la méfiance réciproque qu'entretiennent nos administrations. Tout se passe comme si ces dernières étaient incapables de se faire confiance et gardaient une possibilité de déjuger la décision des autres services. En matière d'immigration économique, il devient urgent, monsieur le ministre, d'adopter une logique de guichet unique et de créer ainsi un titre unique, c'est-à-dire un visa valant également carte de séjour.
C'est la voie qu'a suivie l'Assemblée nationale et que propose d'approfondir notre commission des lois. À titre expérimental, les visas de long séjour délivrés à des conjoints de Français vaudront en eux-mêmes titre de séjour. La commission des lois propose d'étendre cette expérimentation aux futurs titulaires de la carte « compétences et talents » ; je soutiendrai une telle initiative.
À l'avenir, nous pourrons sans doute aller encore plus loin, monsieur le ministre. Je me crois en droit de citer le cas des étudiants. Notre pays a intérêt à accueillir les étudiants étrangers