Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 2 octobre 2007 à 16h10
Immigration intégration et asile — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Pourtant, à regarder les chiffres, d'ailleurs variables selon les années et les sources, on se demande ce qui justifie de modifier, en urgence et pour la soixante-douzième fois, l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Je rappelle que la soixante et onzième modification a moins de quinze mois !

Selon Eurostat, les non-nationaux représenteraient 5, 6 % de la population française. C'est un peu plus qu'en Italie, en Grande-Bretagne ou en Suède, mais largement moins qu'en Allemagne, en Belgique ou en Espagne. Au total, la France se situe dans la moyenne.

Quant aux flux d'entrée, ramenés à la population, c'est en France qu'ils sont les plus faibles en comparaison avec les grands pays développés. Ainsi, en 2004, ils s'élevaient à 0, 34 % dans notre pays, contre 1, 62 % en Espagne, 0, 94 % en Allemagne, 0, 87 % en Grande-Bretagne. Le seul pays enregistrant un taux comparable au nôtre est le Japon, dont on connaît la position en matière d'immigration...

On cherche donc la vague migratoire risquant d'emporter, comme un château de sable, notre identité nationale.

Toujours selon Eurostat, entre 1990 et 2000, alors que le nombre de nationaux français a augmenté de 2, 5 millions, celui des étrangers sur le territoire français a baissé de 330 000. Parmi les Vingt-Cinq, une telle évolution ne se retrouve qu'aux Pays-Bas.

Selon vous, la concentration des immigrés dans quelques régions et le niveau de chômage de ces derniers seraient la marque de l'échec de notre modèle d'intégration.

Ils sont plutôt le résultat de l'absence d'une politique d'aménagement du territoire et de la mise en oeuvre d'une politique économique ayant délibérément sacrifié l'emploi à la rente.

À regarder la situation de nos partenaires européens, le modèle français d'intégration ne souffre pas de la comparaison, bien au contraire.

Les immigrés ne sont pas plus concentrés que les cadres et les professions intellectuelles supérieures, dont 40 % résident en Île-de-France et 25 % dans trois départements : Paris, les Hauts-de-Seine et les Yvelines. Leur taux d'activité est d'ailleurs comparable à celui des nationaux. Le chômage, quant à lui, est un problème qui relève d'abord de la politique économique.

Un taux de croissance de 3 %, ce qui semble être l'objectif du Président de la République, ferait plus pour l'intégration que tous vos contrats, vos stages et votre Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Quant au taux actuel de fécondité en France, même porté à deux enfants par femme, il ne permettra pas le renouvellement des générations.

Certes, il appartient à la France de définir sa politique d'immigration, mais encore faut-il que ses finalités ne soient pas idéologiques et qu'elle ait quelque chance de réussir.

Le distinguo entre migration économique et migration pour raisons familiales est moins clair que vous ne le pensez. D'ailleurs, si j'ai bien compris, M. le rapporteur n'a pas dit autre chose. En effet, 70 % des migrants familiaux travaillent, et 50 % ont un emploi dès six mois de présence sur le territoire.

Certains pays, comme le Canada, pourtant cité comme modèle, classent dans la même catégorie les migrants économiques et leur famille. À mode de calcul identique, ils représentent dans ce pays un peu plus de 21 % du total des migrants, avec un flux migratoire double du nôtre. On est donc loin de l'objectif de 50 % qui vous a été fixé par le Gosplan migratoire présidentiel, monsieur le ministre !

« L'immigration choisie », ce n'est pas celle que nous choisirons, mais celle des migrants qui nous choisiront.

Ceux que nous recherchons iront là où ils seront accueillis correctement avec leurs familles, là où ils pourront se loger, disposer des moyens d'effectuer leurs études ou leurs recherches, travailler dans de bonnes conditions et, d'une manière générale, là où on ne les prendra pas pour des délinquants potentiels.

Penser pouvoir recueillir la crème du flux migratoire en le faisant aigrir avec la levure des obstacles administratifs et des pratiques vexatoires est un non-sens.

En outre, c'est un non-sens inutile, puisque les flux de ceux qui sont indésirables à vos yeux se révèlent faibles. En effet, selon les chiffres que vous nous avez fournis, sur les quelque 94 000 autorisations de séjour délivrées en 2005, au titre du regroupement familial, la moitié concerne des conjoints de Français, qu'il faudra bien vous résoudre à accueillir, et seulement 8 600 enfants, ceux dont vous tenez tant à prouver la filiation biologique.

Dès lors, pourquoi tout ce bruit ? Pourquoi risquer de ternir, pour si peu, notre image à l'étranger de patrie des droits de l'homme ? Pour une question de stratégie électorale, tout le monde l'a compris !

Le présent projet de loi ne sera pas le dernier d'une longue série, car, entre un texte relatif à la délinquance et un autre sur les chiens dangereux

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