Les valeurs de la république sont-elles univoques ? Par exemple, la laïcité, symbole souvent avancé, signifie-t-elle l'acceptation « du fait religieux dans l'espace public », comme l'a souhaité Jean-Paul II dans un célèbre discours au corps diplomatique, et telle qu'elle est pratiquée dans les départements concordataires français ? C'est une notion qui n'est pas univoque !
Sait-on précisément ce que sont aussi « les principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France », selon la formulation du Conseil constitutionnel ?
Toutes ces notions, sources d'interprétations et de contentieux futurs, sont pourtant au coeur du projet de loi.
Un seul point appelait une modification législative : l'institution d'un droit de recours suspensif contre les refus d'admission sur le territoire français. On aurait pu s'attendre à ce que le projet de loi tire toutes les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui aurait impliqué deux dispositions.
Premièrement, il aurait fallu étendre le droit de recours suspensif, au-delà des demandeurs d'asile, à toutes les personnes retenues en zone d'attente, pouvant se prévaloir des articles 2, 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, à savoir des étrangers dont l'état de santé permet d'invoquer l'article 2 de ladite convention, les mineurs isolés ou les personnes dont la famille vit en France, relevant de l'article 8 de la convention.
Deuxièmement, il aurait été nécessaire d'éviter de se mettre en défaut au regard de l'article 13 - droit à un recours effectif - et de l'article 6 - droit à être entendu équitablement, publiquement, par un tribunal indépendant, droit à être informé dans une langue que l'on comprend et de se faire assister d'un interprète, droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
La limitation du bénéfice du recours suspensif aux seuls demandeurs d'asile, la brièveté des délais de recours, le risque d'un jugement par ordonnance, malgré le progrès que constitue l'abandon de la procédure du référé-liberté, les conditions matérielles de l'exercice de la justice en zone de police et de la préparation de la défense permettent de penser que l'arrêt Gebremedhin ne constituera pas la dernière condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.
Aujourd'hui, ce n'est plus l'administration qui règle le gros des affaires, en s'appuyant sur des textes clairs et des règles incontestables, les organes juridictionnels s'occupant de l'exception. Désormais, c'est la situation inverse : le contentieux est devenu le mode normal de régulation des flux migratoires. Pas étonnant s'il est en train d'exploser !