Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 2 octobre 2007 à 16h10
Immigration intégration et asile — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Ces étudiants constituent pourtant une ressource humaine précieuse dont on risque de priver nos entreprises. Ils pourraient surtout représenter un réseau d'influence très utile pour l'avenir.

Tout cela est absurde ! Lisez plutôt le rapport d'information n° 347 rédigé par M. Christian Gaudin, au nom de la mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent en ce domaine à l'attractivité du territoire national, mission présidée par M. Philippe Marini. Il y est proposé d'assouplir la délivrance des visas pour renforcer l'attractivité de notre territoire.

Et que dire de la francophonie ? C'est pourtant grâce à cette dernière que nous avons pu parfois avoir gain de cause dans certaines négociations internationales serrées, comme celle qui concernait, par exemple, la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle.

En tenant des propos comme ceux qu'a prononcés en juillet dernier à Dakar le Président de la République et en affichant de manière ostentatoire une politique intensive d'expulsion d'étrangers, vous êtes en train de réussir le tour de force de brouiller la France avec la communauté francophone. En ce sens, le blocage du projet de Maison de la francophonie à Paris est un très mauvais signal que nous lui envoyons. D'ailleurs, nous commençons à le payer. Cela se traduit pour de nombreux pays africains par un partenariat privilégié avec la Chine au détriment de la France, par exemple dans un secteur crucial comme celui de l'uranium.

Cette image de fermeture ne contribue en rien à régler nos problèmes intérieurs. Votre politique conduit la France dans une impasse sur le plan international.

Monsieur le ministre, nous sommes convaincus qu'il faut changer notre politique de l'immigration et modifier radicalement le rapport à l'étranger, rapport de défiance et d'exclusion que vous instillez jour après jour, loi après loi, dans la société française.

Il n'est pas forcément nécessaire de consentir aux étrangers vivant sur notre territoire tous les droits dont jouissent les nationaux. D'ailleurs, beaucoup de migrants souhaitent conserver le lien avec leur pays d'origine. Ils ne sont pas tous demandeurs de la nationalité française, mais c'est souvent le seul moyen pour eux de vivre en paix chez nous. Ils n'en auraient pas besoin si, tout étranger qu'ils sont, leur étaient reconnus les droits fondamentaux, notamment celui de travailler et de vivre normalement.

Il est indigne de la France que les unions entre Français et étrangers soient désormais systématiquement suspectes aux yeux de l'administration. C'est la raison pour laquelle l'article 4 du projet de loi doit être complètement réécrit. La commission des lois du Sénat a déjà travaillé en ce sens.

Il faudra aussi modifier les articles 6 à 10 relatifs au droit d'asile, qui vous ont été en partie imposés par la condamnation de la France, le 26 avril 2007, par la Cour européenne des droits de l'homme. Malheureusement, vous avez assorti les nouvelles dispositions, assurant enfin le caractère suspensif du recours, de conditions encore restrictives de délai et d'appel, alors même que se multiplient dans le monde les situations de conflit et les régimes antidémocratiques.

Monsieur le ministre, c'est aussi notre rôle de parlementaire de dire que l'état de peur dans lequel vivent désormais de nombreux étrangers sur notre territoire n'est pas acceptable. Cela me conduit à parler des aspects de votre politique qui sont extérieurs au projet de loi, mais qui participent de la même philosophie, sans doute de la même stratégie.

Les objectifs chiffrés d'expulsion qui sont les vôtres ne sont ni réalistes ni justes et ont pour seul résultat de conduire à des situations inhumaines, dramatiques. Cette politique place les pays de départ dans une situation impossible. Ils n'osent pas le dire tout haut tant ils dépendent des aides au développement. Certains font donc de la résistance passive en refusant d'accueillir leurs nationaux reconduits.

Il est grand temps de reprendre une politique de régularisation réfléchie avec des critères justes et sans objectifs chiffrés absurdes. L'expulsion devrait être l'exception. Notre premier souci devrait être de faire entrer le plus grand nombre possible de ces étrangers dans la légalité, situation bénéfique pour eux et pour toute la collectivité, puisque nous en ferions d'utiles contributeurs à la croissance de notre pays.

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