C'est la confrontation quotidienne à la langue française qui permet aux individus de la maîtriser, et non pas un stage de deux mois en territoire étranger !
Sur ce point, ce projet de loi instituera un système de délivrance d'autorisations de regroupement familial discriminant. En effet, seuls les ressortissants étrangers ayant un certain niveau de vie ou ayant suivi des études dans des écoles dispensant des cours de français ou ayant des parents parlant le français seront éligibles au regroupement familial.
Vous éliminez les ruraux, qui n'ont pas la chance d'accéder à ces écoles situées souvent dans les grandes villes.
Plus grave encore, certaines personnes ne pourront pas suivre la formation qui leur sera imposée : ceux dont le domicile est éloigné du lieu de formation ou ceux qui n'ont pas les moyens de se rendre dans une autre ville pour suivre cette formation.
Elles ne pourront pas obtenir l'attestation de suivi de la formation et seront donc exclues du dispositif en raison de leurs ressources financières.
Ce dispositif est non seulement irréaliste, mais également discriminant. Il risque d'exclure du bénéfice du regroupement familial un grand nombre d'individus, notamment les familles les plus pauvres.
De fait, le regroupement familial leur sera refusé en raison non plus des capacités financières de l'accueillant, mais de leurs ressources financières propres, ressources insuffisantes pour leur permettre de suivre cette formation.
Par ailleurs, il est étonnant que le Gouvernement veuille renforcer un dispositif déjà existant.
En effet, depuis la loi du 18 janvier 2005 et sa généralisation par la loi du 24 juillet 2006, les bénéficiaires du regroupement familial doivent conclure un contrat d'accueil et d'intégration.
Par ce contrat, les personnes âgées de plus de seize ans s'engagent à suivre une formation civique et linguistique. Pourquoi dans ce cas instituer un nouveau dispositif ?
Le Gouvernement, en créant ce doublon, alourdit encore plus la procédure de regroupement familial. Cette fois, il met en place des obstacles extraterritoriaux avant même l'entrée en France des ressortissants étrangers.
Un autre exemple édifiant de votre volonté de détruire le droit de mener une vie familiale normale, monsieur le ministre, est l'exigence d'un seuil de ressources supérieur au SMIC pour les familles étrangères.
Depuis la loi de 2003 sur l'immigration, toute personne souhaitant faire venir sa famille en France par le biais du regroupement familial doit justifier d'un revenu égal au SMIC.
Or l'article 2 du projet de loi vise à augmenter le seuil des ressources en exigeant du demandeur 1, 33 fois le SMIC selon la taille de la famille.
Cette disposition crée une discrimination entre les familles étrangères et les familles françaises dans la mesure où le revenu minimum en France s'établit au SMIC. Pourquoi exiger d'une famille étrangère un super-SMIC ? Si un SMIC permet à une famille française de vivre convenablement, pourquoi n'en serait-il pas de même pour une famille étrangère ? Pourquoi voulez-vous précariser encore davantage cette dernière ? Là encore, il s'agit d'exclure les plus précaires et les plus pauvres !
Je me permets de citer les propos du président de la commission des lois, M. Hyest, dans ce même hémicycle, en 2006 : « il n'y a pas lieu d'établir de distinction, s'agissant des ressources, entre la situation des familles étrangères et celles des familles françaises. Par conséquent, s'il est considéré qu'un revenu égal au SMIC permet à une famille française de vivre dans des conditions acceptables, il en va de même pour une famille étrangère ».
À deux reprises, le Sénat a rejeté une telle disposition dans le cadre de la réforme du regroupement familial.
De nouveau, nous ferons en sorte que ce projet de loi prenne un visage humain.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré à la presse, et je le regrette : « Je fais confiance au Sénat pour qu'il adopte le projet in fine. ». Mais vous avez précisé que « c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot ».