Par ailleurs, le caractère probant de ce type de moyen peut poser problème, le prélèvement ADN étant considéré plus souvent comme un élément de preuve qu'une preuve à part entière.
De surcroît, prouver son lien de filiation par ce type de test revient à cantonner la famille à sa définition biologique. Or la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, en application de l'article 8, alinéa 1, de la Convention, offre une définition élargie de la famille : la vie familiale doit être « préexistante et effective », caractérisée par des « relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres », ces relations pouvant prendre la forme « d'une vie en commun, d'une dépendance financière, d'un droit de visite exercé régulièrement » ou encore « de relations continuelles entre un père et ses enfants », même illégitimes.
Cette jurisprudence converge avec le droit français de la filiation, qu'il soit celui de la loi ou du juge administratif ou constitutionnel.
Enfin, et plus fondamentalement, le dispositif de recours aux tests ADN paraît discriminatoire dans la mesure où il s'applique uniquement à l'égard des étrangers qui souhaitent prouver leur lien de filiation dans le cadre du regroupement familial.
Est également discriminatoire la limitation du dispositif à « certains États » sources d'immigration.
Surtout, le droit français de la filiation reconnaît, faute d'état civil probant, la possession d'état comme mode d'établissement de la filiation.
Rappelons que, pour être constituée, la possession d'état doit comporter le traitement de l'enfant comme tel par ses parents présumés, l'apparence de la filiation dans la famille et dans la société et le fait de porter le nom de ses parents. La possession d'état se prouve par tout moyen ; elle doit être « continue », c'est-à-dire avoir une certaine permanence ; elle doit être « paisible, publique et non équivoque », selon les termes de l'article 311-1 du code civil, dans sa dernière rédaction de 2005.
Il paraît difficile d'introduire de manière discriminatoire le recours éventuel à des tests génétiques pour des ressortissants étrangers alors que ce moyen de preuve n'est autorisé que dans le cadre de procédures judiciaires ou de recherches médicales sur le territoire de la République française.
Dans le nouveau dispositif proposé, ce recours se fait sur la base du volontariat. Mais ce critère est-il effectif, sachant que, devant le refus de recourir au test ADN, l'administration pourrait être amenée à supposer que l'étranger ne présente pas une situation régulière et, par conséquent, décider de refuser le visa ?
De même, si l'État rembourse les frais avancés par la personne demanderesse, cela ne résout pas le problème de l'avancement du prix du test ADN, qui s'élève à 300 euros par personne en moyenne, car certaines familles ne peuvent débourser une telle somme. Les dépenses engendrées par ce type de procédure risquent de coûter cher à l'État, pour un effet plus que relatif, tout autant que les frais d'avocat qui seraient engendrés par la saisine du président du tribunal de grande instance de Nantes.