Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le Gouvernement d’avoir accepté d’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Sénat le très important dossier de l’aménagement numérique de notre territoire national.
Parmi les divers défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés, le déploiement des moyens d’accès à l’internet à très haut débit figure en bonne place. Nombreux sont ceux qui y voient l’un des principaux piliers de l’après-crise, tant les effets de son déploiement seront profonds, multiples, dans pratiquement tous les domaines.
Le développement du très haut débit va, en effet, amener de profonds bouleversements dans la façon de s’informer, de se former, de travailler, de communiquer.
Il en sera ainsi avec la visioconférence et le télétravail, évitant des transports de personnes coûteux en temps et en énergie. Je rappelle que le télétravail concerne déjà 40 % des salariés au Japon, mais seulement 10 % en France.
Il en ira de même pour l’enseignement, le très haut débit offrant la capacité inédite de se relier au monde, dans des conditions d’ergonomie et de rapidité inégalées, mettant à disposition de nouveaux tableaux numériques interactifs.
L’accès au très haut débit touchera également le domaine de la santé, avec la possibilité d’interventions chirurgicales à distance.
L’accès aux services publics, à l’audiovisuel, à la domotique en sera métamorphosé, contribuant de manière décisive au désenclavement des territoires. La puissance et la rapidité des travaux scientifiques et d’ingénierie seront accrues de manière fantastique.
Le plan de développement de l’économie numérique du Gouvernement a bien répertorié le vaste éventail des applications des technologies de communication numérique : c’est en réalité l’ensemble du fonctionnement économique, social, administratif et culturel de notre pays qui pourra bénéficier du saut technologique que va constituer le très haut débit par rapport aux réseaux à haut débit actuels, dont les limites de capacité constitueront très rapidement des goulets d’étranglement inacceptables.
L’ambition, portée par le plan France numérique 2012, de faire de la France l’un des leaders en matière de très haut débit est grande et incontournable.
Nous parlons donc ce soir d’un grand chantier national et ce débat est pour moi l’occasion de vous remercier, madame la secrétaire d’État, de votre investissement personnel sur ce dossier, pour lequel vous marquez votre ferme intention de fédérer, avec intelligence, tous les acteurs : les opérateurs, les pouvoirs publics et, bien sûr, les collectivités territoriales.
Mes remerciements vont également au président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Paul Emorine, et à son vice-président, Pierre Hérisson, qui a parfaitement présidé nos débats. Je les remercie de leur expertise et de leur discernement.
Je veux également saluer le travail considérable accompli, dans un délai record, par Bruno Retailleau, rapporteur de cette proposition de loi, et remercier l’ensemble de mes collègues qui ont soutenu cette proposition de loi : le groupe UMP et son président Gérard Longuet, avec une mention spéciale pour Jacques Blanc, qui a été le premier à soutenir cette initiative, sans oublier, bien sûr, nos collègues issus d’autres groupes, en particulier Nathalie Goulet et Aymeri de Montesquiou.
L’enjeu du déploiement des réseaux de communication électronique à très haut débit est tel que nous devons tout faire pour permettre à l’ensemble de nos territoires d’en bénéficier dans un délai raisonnable.
Le très haut débit va faire figure, comme l’électricité, de service vital, rendant insupportable toute fracture territoriale dans ce domaine. Nos entreprises doivent pouvoir faire le choix de s’implanter dans les villes petites et moyennes, et même en milieu rural, en y bénéficiant d’accès efficients et compétitifs à internet, abolissant en quelque sorte les distances géographiques et permettant d’y conjuguer la qualité de vie avec la performance économique.
Une grosse entreprise installée à Paris souhaitera que ses sous-traitants disposent d’un accès au très haut débit pour être plus efficaces et réactifs. Or la France est aujourd’hui seulement au début de ce déploiement. On ne compte, en effet, que 180 000 abonnés au très haut débit pour 18 millions d’abonnés au haut débit.
De plus, ces prises très haut débit ne concernent que les grandes zones urbaines, dans lesquelles sont présents plusieurs opérateurs, et pour lesquelles la question pertinente est celle des modalités du déploiement vertical, c’est-à-dire du câblage des immeubles dans des conditions respectueuses de l’intérêt des résidents et du droit de la concurrence.
La desserte en réseaux de communications électroniques en très haut débit des zones moins denses est d’un ressort bien différent.
Ces zones sont confrontées à la contrainte propre à tous les réseaux filaires, celle des surlongueurs par abonnés, qui caractérisent les territoires à faible densité démographique et qui en compromettent la rentabilité pour les investisseurs. Pour rendre possible la réalisation des centaines de milliers de kilomètres de fibre que suppose le maillage de notre territoire, cette contrainte devra être levée. Cela passe par une volonté politique très semblable à celle qui a permis, à partir des années trente, d’irriguer l’ensemble de notre pays en énergie électrique, grâce à l’implication des collectivités, responsables de la distribution d’électricité, et à l’appui du dispositif de péréquation financière que constitue le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ.
Mes chers collègues, je vous propose, pour atteindre cet objectif, un dispositif à trois composantes.
La première concerne l’indispensable rationalisation et la mise en cohérence du déploiement de la fibre optique. Ce déploiement, nous le savons, sera une opération coûteuse, mais il est possible de maîtriser ces coûts en organisant et en favorisant le partage des infrastructures entre réseaux de communications électroniques, mais aussi avec d’autres réseaux publics, au premier rang desquels figure, bien sûr, la distribution d’électricité, dont le partenariat avec le secteur des télécommunications résulte structurellement tant de l’histoire que de la géographie et de la technique.
J’ai, dans cette perspective, proposé l’élaboration de schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Ces schémas dresseront tout d’abord l’inventaire de l’existant en termes d’infrastructures et de réseaux en haut et très haut débit, de façon à déterminer les besoins prioritaires. Les schémas auront ensuite pour objet de définir des orientations en ce qui concerne le développement, sur le territoire concerné, des réseaux de communication électroniques en très haut débit.
Il me semble important, s’agissant des investissements nouveaux à programmer, de faire très clairement du très haut débit la priorité absolue.
Consentir des moyens importants pour le développement de la desserte sur des débits de type ADSL reviendrait à nous conduire à distraire une partie substantielle de nos financements sur des ouvrages qui deviendront rapidement technologiquement obsolètes et devront donc être remplacés, sans doute avant même d’avoir été amortis en totalité, par les technologies du très haut débit, qui seules apparaissent pérennes à l’heure actuelle.
La deuxième composante concerne le portage territorial de l’élaboration des schémas.
Si nous voulons favoriser une desserte satisfaisante des zones grises et des zones blanches du très haut débit, il importe de nous donner une vision suffisamment large des territoires, permettant de mettre en lumière des logiques de solidarités territoriales.
C’est la raison pour laquelle j’ai proposé de retenir comme périmètre d’élaboration de chacun des schémas une aire géographique correspondant au moins à celle d’un département ou à un ensemble démographique cohérent. Cela induit que le schéma soit élaboré par une personne publique de taille suffisante.
Afin de tenir compte de la compétence concurrente des divers niveaux de collectivités locales et de groupements pour exercer les attributions définies en matière de communications électroniques par le code général des collectivités territoriales, la commission propose que les syndicats mixtes, qui permettent de regrouper des collectivités de natures très différentes, mais aussi les départements ou les régions en tant que tels, puissent assurer l’élaboration des schémas, ce qui me semble une solution de sagesse permettant de s’adapter à la diversité des approches locales.
La troisième composante me paraît fondamentale : la mise en place d’un fonds d’aménagement numérique des territoires, destiné à contribuer au financement de certains travaux de réalisation des ouvrages prévus par les schémas directeurs. L’objectif est ici de permettre l’accès de l’ensemble de la population aux communications électroniques à très haut débit à un coût raisonnable.
Je remercie la commission des précisions ou compléments qu’elle a apportés sur ce point, notamment en ce qui concerne le rôle du régulateur pour la détermination des zones éligibles aux aides du fonds. La robustesse juridique de ce fonds va certainement en être améliorée au bénéfice de l’ensemble des secteurs géographiques et des populations dont la desserte sera, il faut y insister, impossible sans un tel dispositif. Je souhaite que celui-ci puisse rapidement bénéficier de sa première dotation financière, et le lancement du grand emprunt national en donnera peut-être, madame la secrétaire d’État, l’opportunité, de façon à ne pas retarder le déploiement de la fibre optique au-delà des zones denses ou très denses.