Séance en hémicycle du 20 juillet 2009 à 16h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport triennal 2005-2007, étendu à l’année 2008, sur le contrat de service public entre l’État et Gaz de France, établi en application de l’article 1er de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et sera disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose les candidatures de :

- M. Thierry Repentin pour siéger au sein du Conseil national de l’habitat en qualité de suppléant ;

- M. Dominique Braye pour siéger au sein de la Commission du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés ;

- Mme Odette Herviaux pour siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

(Textes des commissions)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle l’examen de neuf projets de loi tendant à autoriser l’approbation ou la ratification de conventions internationales.

Pour ces neuf projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, ensemble un protocole, signée à Londres le 19 juin 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur les gains en capital (projet n° 247, texte de la commission n° 521, rapport n° 520).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 31 août 1994, et modifiée par l'avenant du 8 décembre 2004, (ensemble un protocole), signé à Paris le 13 janvier 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (Procédure accélérée) (projet n° 451, texte de la commission n° 523, rapport n° 522).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée à Bruxelles le 10 mars 1964 et modifiée par les avenants du 15 février 1971 et du 8 février 1999, signé à Bruxelles le 12 décembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus (Procédure accélérée) (projet n° 452, texte de la commission n° 525, rapport n° 524).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée la ratification de l'accord entre l'Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, établissant un centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants, signé à Lisbonne le 30 septembre 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre l’Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d’Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, établissant un centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (projet n° 333, texte de la commission n° 529, rapport n° 528).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de la convention de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (ensemble un protocole administratif et financier relatif aux moyens de la coopération), signée à Alger le 4 décembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de la convention de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (projet n° 334, texte de la commission n 539, rapport n° 538).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée, signé à Madrid le 21 janvier 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée (projet n° 390, texte de la commission n° 527, rapport n° 526).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des Ministres de la République d'Albanie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Paris le 15 mai 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des Ministres de la République d’Albanie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (projet n° 315, texte de la commission n° 495, rapport n° 494).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière signé à Chambéry le 3 octobre 1997, signées à Paris le 12 juin 2006 et à Rome le 20 novembre 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter l’accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (projet n° 391, texte de la commission n° 497, rapport n° 496).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la francophonie à Paris, signée à Québec le 18 octobre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris (projet n° 356, texte de la commission n° 541, rapport n° 540).

Le projet de loi est définitivement adopté.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (projet n° 515, texte de la commission n° 536, rapport n° 535).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre de la modernisation de nos institutions, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a transformé le Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental. Elle a étendu sa compétence consultative aux questions environnementales.

Avec le Grenelle de l’environnement, c’est une des traductions de la volonté du Président de la République de placer l’écologie et le développement durable au cœur de nos préoccupations et de nos débats.

La revalorisation du Conseil économique et social souhaitée par le Constituant a également pris la forme d’une modification des conditions de sa saisine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’initiative de la Haute Assemblée, la Constitution donne désormais la possibilité au Parlement de consulter le Conseil, prérogative réservée depuis 1958 au Gouvernement.

Les citoyens pourront eux-mêmes saisir le Conseil économique, social et environnemental par voie de pétition. Celui-ci fera connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu’il propose de donner à chaque saisine citoyenne.

La mise en œuvre de cette réforme impose une profonde modification de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social.

La procédure de saisine parlementaire devra être précisée ; les conditions d’exercice du droit de pétition devront être définies ; plus globalement, le fonctionnement du Conseil économique, social et environnemental devra être adapté, comme l’a parfaitement montré Jean-Claude Frécon dans son rapport fait au nom de la commission des finances.

Mais la tâche la plus délicate sera l’adaptation de la composition du Conseil économique, social et environnemental. En effet, celle-ci n’a connu depuis 1958 que de très faibles ajustements.

Pour le Gouvernement, il est indispensable que les différentes composantes de la société civile contemporaine trouvent aujourd’hui leur place au sein de ce conseil rénové.

Par ailleurs, la nouvelle compétence environnementale de celui-ci devra se traduire dans sa composition. Elle implique l’entrée de représentants des associations de protection de l’environnement.

Cette double modification de la composition du Conseil économique, social et environnemental doit être réalisée à effectif constant. En effet, la révision constitutionnelle de juillet 2008 a fixé le nombre de ses membres à 233, soit celui qui est actuellement prévu. Le principe ainsi posé est d’ailleurs le même que celui qui a été retenu pour l’Assemblée nationale et le Sénat.

Tout risque d’accroissement important du nombre de conseillers est de ce fait écarté. Mais la réforme de la composition du Conseil se révèle d’autant plus une tâche complexe.

Au mois de novembre 2008, le Président de la République a confié à M. Dominique-Jean Chertier, directeur de Pôle emploi et lui-même membre du Conseil économique, social et environnemental, le soin de réaliser un rapport sur la mise en œuvre des nouvelles missions du Conseil et la rénovation de sa composition. Dans ce rapport, remis le 15 janvier 2009, il propose plusieurs principes d’évolution de la composition du Conseil.

Quel que soit le choix qui sera fait, toute modification appellera des efforts en termes d’effectif de la part des groupes actuellement présents au sein du Conseil économique, social et environnemental.

La nouvelle physionomie du Conseil peut d’ores et déjà être esquissée. Celui-ci devrait être constitué autour de trois grands pôles significatifs : la vie économique et le dialogue social ; la cohésion sociale et territoriale et la vie associative ; enfin, l’environnement et la protection de la nature. Les associations verront leur présence renforcée. Les secteurs de l’économie solidaire, de la lutte contre l’exclusion, du handicap, du sport, les mondes de la science et de la culture devraient trouver une représentation au sein du Conseil économique, social et environnemental. Le rajeunissement et la féminisation de l’institution seront poursuivis. Les jeunes et les étudiants bénéficieront, à ce titre, d’une représentation spécifique.

La question de la représentativité est un enjeu fondamental de cette rénovation. Elle se posera avec acuité pour l’ensemble des nouvelles composantes du Conseil, notamment pour les organisations de protection de l’environnement.

Le comité opérationnel du Grenelle de l’environnement, dirigé par M. Bertrand Pancher, député de la Meuse, et auquel ont participé notamment MM. Pierre Jarlier et Paul Raoult, a déjà travaillé sur la question de la représentativité des acteurs environnementaux. La désignation de ces acteurs devra se faire sur la base de critères très précis. La discussion sur ces critères aura lieu dans le cadre du projet de loi Grenelle II, qui sera examiné en première lecture par votre assemblée dès la rentrée parlementaire.

Par ailleurs M. Jean-Pierre Vial a souligné à juste titre dans son excellent rapport…

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

… qu’il sera aussi nécessaire de préserver les équilibres de représentation existant actuellement au sein du Conseil économique, social et environnemental.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Ainsi, la pratique de la concertation et la recherche permanente du consensus pourront demeurer un atout essentiel du Conseil.

L’ensemble de ces exigences à remplir montre que cette réforme se révèle délicate tant dans les grands choix à opérer que dans les modalités très concrètes de mise en œuvre. Le temps de l’analyse et de la concertation est, pour le Gouvernement, une condition essentielle du succès de cette réforme.

Par ailleurs, cette réforme de grande envergure vient prendre place dans le vaste chantier législatif ouvert par la révision constitutionnelle.

Le temps et l’énergie nécessaires sont consacrés par le Gouvernement à construire, dans le dialogue, une véritable réforme du Conseil économique, social et environnemental.

Le projet de loi organique ne pourra en conséquence être adopté définitivement par le Parlement, soumis à l’examen du Conseil constitutionnel et promulgué par le Président de la République avant la fin du mandat des membres actuels du Conseil en septembre 2009.

Le renouvellement des membres du Conseil en septembre 2009 sur le fondement des dispositions actuelles conduirait à reporter les effets de la réforme constitutionnelle au prochain renouvellement, en 2014. Le Gouvernement considère qu’un tel calendrier n’est pas souhaitable.

Il ne serait pas davantage satisfaisant que l’entrée en vigueur de la loi organique modifiant la composition du Conseil mette fin au mandat des membres ainsi nommés au mois de septembre.

La procédure lourde de renouvellement des membres devrait alors être mise en œuvre à deux reprises en seulement quelques mois.

Le Gouvernement propose donc à la Haute Assemblée de proroger le mandat des membres actuels du Conseil économique, social et environnemental jusqu’à la mise en œuvre de la réforme. Vous le savez, une telle solution a déjà été utilisée à plusieurs reprises tant pour les assemblées élues que pour des conseils économiques et sociaux régionaux.

La prorogation devrait s’appliquer jusqu’au terme d’un délai de quatre mois suivant la publication de la loi organique. En effet, ce délai est nécessaire pour assurer la modification des textes réglementaires et la désignation des nouveaux membres par les organisations qui seront représentées au Conseil.

Un délai butoir est enfin prévu afin de conserver à la disposition qui vous est proposée un caractère transitoire qui soit raisonnable. La prorogation ne pourra, en tout état de cause, excéder le 30 septembre 2010. La réforme devra donc être adoptée au cours de la session ordinaire 2009-2010.

Le projet de loi organique réformant le Conseil économique social et environnemental sera, je le répète, déposé au Parlement dès la prochaine rentrée parlementaire, c’est-à-dire très bientôt.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est saisie du projet de loi organique relatif à la prorogation du mandat des membres du Conseil économique et social, devenu Conseil économique, social et environnemental aux termes de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008.

L’enjeu réside bien dans la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui a largement modifié les attributions, le fonctionnement et la composition du Conseil économique et social.

Il s’agit là d’une nouvelle étape dans la vie du Conseil économique et social, institution originale, qui l’a conduit à être qualifié de troisième chambre en même temps que d’autres pouvaient s’interroger sur son rôle.

Créé en 1925 sous le nom de Conseil national économique, ce n’est en réalité qu’en 1946 et 1958 que le Conseil économique et social se voit confirmé comme une institution à part entière, reconnu par la Constitution de 1946 et confirmé par la Constitution de 1958, avec un titre spécifique.

La présente réforme constitutionnelle ne se réduit pas à un simple aspect de forme. Elle se rattache à cette volonté politique qui veut faire du Conseil économique et social un acteur à part entière du débat démocratique aux côtés du Parlement.

Pourquoi ne pas souligner à quel point, dès la Libération, le général de Gaulle considérait comme nécessaire l’expression de la société civile à travers sa composante économique et sociale, dont l’idée d’un projet « Grand Sénat » en 1958 et du projet référendaire de 1969 était une traduction forte, quand bien même elle fut rejetée par trois fois.

Cette nécessité de trouver les moyens d’associer les acteurs de la société civile au cœur du débat politique a gardé toute son actualité.

Si certains grands pays voisins, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, sont dépourvus d’une telle institution, encore convient-il de souligner que l’acceptation des règles sociales dans ces pays résulte d’un processus d’élaboration tout particulièrement ancré dans leur culture politique et sociale.

À l’inverse, un nombre beaucoup plus important de pays ont suivi l’exemple français en se dotant d’une telle institution associant les acteurs de la société civile à l’élaboration des choix politiques.

L’enjeu repose donc bien sur les missions, le fonctionnement et la représentation de l’institution dont aujourd’hui presque les trois quarts de son activité relève de sa propre autosaisine.

La réforme constitutionnelle veut répondre à ce triple défi.

C’est d’abord l’élargissement du champ de compétences du Conseil économique et social aux questions environnementales. À cet égard, si la saisine du Conseil dans les domaines de l’environnement reste facultative, tout projet de programmation à caractère environnemental devra lui être soumis pour avis, au même titre que ceux qui ont un caractère économique et social.

C’est ensuite le double élargissement de la saisine du Conseil : saisine au bénéfice du Parlement, conformément à la nouvelle rédaction de l’article 70 de la Constitution, adoptée sur proposition du Sénat ; saisine au bénéfice des citoyens, par voie de pétition, dont la loi organique aura à préciser les conditions.

C’est enfin la rénovation de l’institution par une nouvelle composition qui devra intégrer la limitation des membres à 233, nombre fixé par la Constitution, à l’instar du nombre des membres des deux assemblées parlementaires.

Il s’agit en réalité d’une double réforme. Au réajustement des différentes catégories de ses membres pour une meilleure représentation de la société attendue depuis longtemps s’ajoute l’intégration des nouveaux membres de la représentation environnementale.

Tous les aspects de la réforme auraient pu être mis en œuvre sans une remise en cause du calendrier électoral du renouvellement des membres.

En revanche, la révision de la composition du Conseil nécessite une rénovation en profondeur de la représentation et constitue un élément majeur de la réforme.

En ce qui concerne la prise en compte la plus large possible des différentes composantes de la société civile, la question de la représentation éventuelle des cultes a été soulevée par certains.

Je tiens à le dire, j’ai été sensible, monsieur le ministre, à la position que vous avez exprimée à l’Assemblée nationale, en soulignant que le Gouvernement n’y était pas favorable et que cette représentation ne serait donc pas proposée dans la loi organique. Je vous remercie de bien vouloir me le confirmer.

Le rapport de M. Dominique-Jean Chertier, qui a été remis au Président de la République, montre bien, à travers les trois scénarios proposés, l’enjeu fondamental que représente la réforme de la composition du Conseil. L’absence d’ajustement progressif a provoqué un véritable décalage entre l’expression de l’institution et sa représentation, qui pouvait être fortement discutée. À défaut d’être abordée avec courage et clarté, cette question de la représentativité aurait immanquablement pesé de plus en plus sur la légitimité de l’institution.

Compte tenu de l’objet très limité du texte, il n’y a pas lieu de se prononcer aujourd’hui sur la composition future du Conseil.

Néanmoins, il me semble utile de souligner dès à présent que la force du Conseil est d’être un lieu d’expertise sociale où s’élaborent des consensus entre les différents acteurs de la société civile et de la vie professionnelle. Il faudra en tenir compte pour désigner les nouveaux membres intégrés au Conseil, en particulier les acteurs de l’environnement.

La réforme portant sur la composition est donc un enjeu essentiel, dont le temps nécessaire à la concertation doit être une des conditions du succès. Encore faut-il que cette étape de concertation soit précisément encadrée dans un délai raisonnable. Le report de l’échéance à un délai de quatre mois suivant la promulgation de la loi, avec une date butoir fixée au 30 septembre 2010, constitue un délai raisonnable pour le report du renouvellement des membres du Conseil économique, social et environnemental.

Conformément à la position de la commission des lois, je vous demande, mes chers collègues, en vous en remerciant par avance, de bien vouloir voter conforme le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui a apporté les modifications rédactionnelles nécessaires.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mmes Anne-Marie Payet et Anne-Marie Escoffier ainsi que M. Richard Yung applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur président, monsieur le ministre, mes chers collègues, héritier du Conseil national économique, créé en 1925 à la demande des syndicats ouvriers et des principaux acteurs de la vie économique de l’époque, puis supprimé par le régime de Vichy, le Conseil économique, rétabli en 1946, devenu, en 1958, Conseil économique et social et, en 2008, Conseil économique, social et environnemental, est une institution essentielle dans la vie de la nation.

Ses appréciations, publications, remarques, avis ou conseils, toujours marqués du double sceau de la compétence et du sérieux, sont très largement prisés.

Nous ne saurions du reste oublier que le Conseil économique, social et environnemental constitue la troisième assemblée constitutionnelle, avec l’Assemblée nationale et le Sénat. Un certain projet constitutionnel, développé par le général de Gaulle, voilà une quarantaine d’années, était même allé jusqu’à suggérer que sénateurs et conseillers économiques et sociaux eussent pu siéger de conserve dans une structure commune.

C’est dire l’intérêt que présente, non pas tant ce projet de loi organique prorogeant le mandat de ses membres, que nous étudions aujourd’hui, que le projet de loi organique à venir, modernisant et valorisant le Conseil économique, social et environnemental. Ce futur projet de loi est la conséquence de la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui lui permettra notamment, d’une part, d’élargir ses missions aux questions environnementales et, d’autre part, de fixer les conditions de sa saisine au Parlement et d’appliquer le nouveau principe de saisine sur pétition citoyenne.

Au préalable, une remarque s’impose.

Alors que le Gouvernement a mis en œuvre, il y a tout juste un an, cette réforme constitutionnelle, en sachant qu’elle allait inévitablement entraîner la réforme du Conseil économique, social et environnemental, on peut s’interroger sur les raisons du retard pris sur ce projet de loi. Monsieur le ministre, pourquoi un tel silence sur un texte dont on ne sait toujours pas à quelle date il sera présenté au Parlement, même si vous venez de nous donner une échéance – je vous en remercie – et s’il semble qu’il soit actuellement soumis à l’examen du Conseil d’État ?

Cette manière de gouverner, et par là même de légiférer, qui consiste à attendre, lorsqu’il y a, sinon urgence, du moins des limites de temps à respecter, et cette regrettable habitude prise de multiplier les lois transitoires plutôt que d’être prêts à honorer les rendez-vous législatifs prévus – au cas particulier depuis douze mois – ne manquent pas d’être critiquables, et nous les dénonçons à chaque fois.

Cette remarque, monsieur le ministre, ne s’adresse pas à vous personnellement

M. le ministre et plusieurs sénateurs de l’UMP sourient

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

, mais je suis certaine que vous en comprendrez le sens, puisque, en tant que sénateur, vous avez défendu, pendant de nombreuses années, dans cet hémicycle, les prérogatives parlementaires. Je ne doute pas que vous saurez faire part de cette remarque en haut lieu.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Le présent projet de loi, constitué d’un article unique, prévoit d’adopter une disposition transitoire afin de préserver le fonctionnement du Conseil dans l’attente de l’adoption de la loi organique, en prorogeant d’une année le mandat de ses membres jusqu’au 30 septembre 2010 au plus tard. Il s’agit, de ce fait, d’un texte consensuel, que nous ne pouvons qu’approuver dans sa forme. C’est ce que fera le groupe RDSE, qui mesure parfaitement qu’il serait dommageable, pour la communauté nationale, que soient interrompus les travaux du Conseil économique, social et environnemental.

Ce texte, de surcroît, nous donne l’occasion d’évoquer la future loi organique, dont l’objectif, je le répète, est de moderniser et de valoriser une institution qui a besoin d’évoluer sans pour autant que soit dénaturé l’outil qu’elle représente et qui a pour vocation de favoriser le dialogue, la coopération et les échanges d’expériences avec les conseils économiques et sociaux régionaux, le Conseil économique et social européen et les institutions similaires étrangères.

L’intégration du qualificatif « environnemental », désormais ajouté au traditionnel « Conseil économique et social », illustre l’évidente légitimité que constituent la lutte contre toutes les formes de pollution et la recherche d’un équilibre indispensable à la survie de notre planète et de ses habitants.

Il reviendra d’ailleurs, sur ce point, au prochain Grenelle II de l’environnement de fixer les critères de représentativité de ce tiers secteur, qui vient compléter la représentativité des organisations syndicales et celle des organisations patronales. L’essentiel restera de ne pas remettre en cause les grands équilibres actuels, afin de ne pas casser ce lieu de démocratie sociale participative auquel on a abouti aujourd’hui en favorisant toujours l’expression de propositions partagées, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.

Je mesure, bien sûr, la difficulté à trouver ces équilibres au sein d’un conseil dont le numerus clausus a été opportunément limité à deux cent trente-trois, mais où chaque secteur entend préserver ses prérogatives au détriment des nécessaires évolutions.

La représentativité des entreprises publiques ne devrait-elle pas, par exemple, être réduite à moins de dix, alors que celle des professions libérales devrait aller au-delà des trois sièges qui lui sont actuellement octroyés ?

Je ne doute pas que le problème de la parité fera lui aussi question dans ce débat. §Faut-il l’imposer, lorsqu’on constate que les femmes ne représentent qu’environ 20 % des membres du Conseil ?

Ne faut-il pas rajeunir une assemblée dont la moyenne d’âge augmente graduellement de cinquante-cinq ans à soixante ans, en imposant au sein de chaque groupe une forme de quota de jeunes ?

Ne serait-il pas nécessaire également de porter une réflexion sur la limitation à deux du nombre des mandats pour les futurs conseillers ?

Autant de questions ouvertes qui viennent s’inscrire à côté des mesures opportunément prises s’agissant de la saisine du Parlement, sous réserve du contrôle des conditions de saisine, ou de la saisine sur pétition citoyenne dont il conviendra de définir le seuil de signataires.

Sur tous ces points, je ne puis donc que souhaiter que, à l’avenir, le Conseil économique, social et environnemental soit performant et géré de façon plus démocratique. Appelé à devenir non pas une « assemblée des experts de la société civile », mais l’assemblée des organisations composant la société civile, le Conseil pourra alors pleinement remplir sa vocation d’assemblée consultative, favorisant la collaboration entre les différentes catégories professionnelles, suggérant les adaptations économiques et sociales indispensables, contribuant à l’information des assemblées parlementaires. Nous ne pouvons que nous en réjouir. C’est pourquoi le groupe RDSE votera ce texte et demeurera très attentif à la rédaction du prochain projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a élargi le champ de compétences du Conseil économique et social aux questions environnementales, Conseil économique et social devenu d’ailleurs, entre-temps, Conseil économique, social et environnemental.

Je rappelle que cette disposition reprend une demande formulée lors du « Grenelle de l’environnement » et reprise par le comité Balladur de réflexion et de proposition sur la modernisation des institutions de la Ve République.

L’élargissement du champ d’action du Conseil nécessitera bien sûr une modification de sa composition. En effet, celle-ci ne reflète plus la réalité de la société française contemporaine : les femmes y sont largement minoritaires – c’est un crime suprême ! –, l’agriculture y est surreprésentée – c’est classique en France –, les jeunes et les étudiants en sont quasiment absents, et les personnalités qualifiées nommées par le Premier ministre sont très nombreuses, je dis bien « très » nombreuses. Il est donc urgent de revoir cette représentativité.

La loi constitutionnelle ayant plafonné à deux cent trente-trois le nombre de conseillers, l’élargissement de la représentation aux milieux écologiques implique une reconfiguration des dix-huit groupes qui composent le Conseil.

La tâche ne sera pas aisée. L’histoire montre en effet que la réforme du Conseil peut s’avérer difficile. Il suffit, pour s’en convaincre, de rappeler l’échec du référendum de 1969. En outre, nous savons par expérience que la modification de la composition d’une assemblée à effectif constant, comme cela a été récemment le cas à l’Assemblée nationale, est toujours un exercice difficile et douloureux.

L’article 71 de la Constitution dispose que la composition du Conseil économique, social et environnemental est fixée par une loi organique. Un an après la réforme constitutionnelle, je constate avec d’autres que vous n’avez toujours pas présenté ce texte devant le Parlement. Vous avez considéré qu’il était plus urgent de faire adopter de nombreux autres textes – nous connaissons les aléas de l’agenda parlementaire –, par exemple le texte tendant à faciliter le retour au Parlement des membres du Gouvernement, qui à vos yeux était une priorité.

Cette situation est d’autant plus regrettable que le rapport de Dominique-Jean Chertier sur la réforme du Conseil économique, social et environnemental a été remis au Président de la République le 15 janvier dernier, c’est-à-dire voilà un peu plus de six mois.

Pour justifier ce retard, vous avancez l’argument selon lequel la désignation des acteurs environnementaux devra se faire sur la base de critères de représentativité qui seront fixés par la future loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle II ».

Vous nous avez indiqué que le projet de loi organique serait déposé au Parlement dès les tout premiers jours de la rentrée. Dont acte ! Sachez que nous serons vigilants quant à son inscription sur l’agenda parlementaire, qui sera sans doute chargé au début de la prochaine session.

Au lieu de désigner, même provisoirement, les nouveaux membres du Conseil économique, social et environnemental sur la base des règles actuellement en vigueur, vous avez estimé qu’il était plus efficient de prolonger le mandat des membres actuels jusqu’après le vote et l’entrée en vigueur de la réforme, en fixant une date butoir au 30 septembre 2010. Cette disposition n’appelle pas de commentaires particuliers de notre part ; nous espérons que ce délai supplémentaire permettra de créer un consensus, dont la France a besoin. En la matière, je suivrai donc les recommandations de notre excellent rapporteur.

Je profite de cette occasion pour formuler quelques remarques concernant la future réforme de la composition du Conseil économique, social et environnemental.

M. Dominique-Jean Chertier propose, dans son rapport, de faire entrer dans ce conseil renouvelé des représentants des jeunes et des associations œuvrant dans le domaine de l’écologie et du développement durable. Pour ce faire, il envisage trois scénarios.

Le premier prévoit l’ajustement périodique de la composition du Conseil économique, social et environnemental afin de permettre son adaptation continue. Le deuxième scénario, un peu plus radical, vise à faire du Conseil une assemblée d’experts de la société civile. Les employeurs, salariés et associations seraient regroupés au sein de trois entités à peu près égales, tandis qu’un groupe d’experts serait un peu plus important. Enfin, le troisième scénario envisage la transformation du Conseil en assemblée représentative des corps intermédiaires : syndicats, employeurs, associations…

J’ai quelques doutes sur le troisième scénario, qui a un parfum un peu corporatiste rappelant certaines philosophies appartenant à des temps révolus. Nous nous concentrerons donc sans doute davantage sur les deux premiers scénarios.

Je voudrais souligner trois éléments importants.

Tout d’abord, il est nécessaire de conserver une représentation substantielle et égale des collèges représentants les employeurs et les salariés. Le Conseil économique, social et environnemental est en effet l’un des rares endroits, en France, où un débat effectif a lieu entre les représentants des salariés et des employeurs, entre ces deux catégories, ces deux classes sociales, allais-je dire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… mais vous allez me taxer de marxiste. Vous le savez, nous souffrons, dans notre vieux pays gallo-romain, de donner systématiquement la préférence à l’affrontement et à la guérilla, parfois à la guerre, et de considérer que l’accord et le consensus ne sont pas de mise, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… ce qui n’est pas le cas dans nombre d’autres pays.

À nos yeux, le Conseil apporte beaucoup, grâce au dialogue permanent qui est entretenu entre ces deux grandes catégories de représentants.

Ensuite, il est nécessaire de définir des critères de représentativité consensuels et indiscutables pour le choix des représentants des secteurs de l’environnement et de l’écologie. En effet, les associations et les milieux qui s’intéressent à ces questions sont extrêmement divers : certains se préoccupent de l’énergie, d’autres, des transports, d’autres encore, de l’agriculture biologique. Des associations sont de très grandes associations internationales tandis que d’autres sont très modestes.

Il existe donc une foultitude d’associations provenant de milieux très divers, et le choix des représentants – ils seraient dix-huit ou vingt – sera difficile, même s’ils sont pris, comme on l’a évoqué tout à l’heure, sur le quota des entreprises publiques ou de l’agriculture. Il faudra donc faire preuve d’une grande sagesse lors du choix de ces représentants.

Par ailleurs, vous me permettrez, en ma qualité de sénateur des Français établis hors de France, de souhaiter que, dans la nouvelle configuration, la représentation de ces derniers, à savoir deux membres, soit maintenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je ne dis pas cela par corporatisme. Toutefois, en la matière, certaines arrière-pensées – comme vous le savez, les arrière-pensées sont toujours ce qu’il y a de pire – n’ont pas été étrangères à la réforme qui a créé les députés des Français établis hors de France, au travers de l’idée selon laquelle nos compatriotes vivant à l’étranger n’auraient plus besoin d’être représentés au Conseil économique, social et environnemental puisqu’ils le sont à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je pense que tous mes collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France, toutes tendances confondues, s’associeront à moi, dans une sorte d’union sacrée, pour s’élever contre une telle idée.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Afin que les choses soient bien claires et parce qu’il est important que de tels représentants existent, je proposerai pour ma part que ces membres soient non plus nommés par le Gouvernement mais désignés par chacune des deux grandes organisations représentatives, à savoir l’Union des Français de l’étranger, l’UFE, et l’Association démocratique des Français à l’étranger, l’ADFE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Non, par l’Assemblée des Français de l’étranger !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Dans une lettre qu’il m’a adressée le 19 mai dernier, le Premier ministre – vous voyez qu’il lui arrive de m’écrire !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Qu’en est-il, par exemple, de la représentation des cultes ? Au nom de la laïcité, M. Chertier de même que les membres du comité Balladur ont refusé que les « forces spirituelles » soient représentées au sein du Conseil économique, social et environnemental. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué qu’il n’y était pas non plus favorable et que, par conséquent, il ne le proposerait pas.

Ces propos sont pleins de bon sens, mais ils sont en contradiction avec les déclarations du Président de la République, qui, en décembre 2007, avait exprimé son souhait d’élargir la représentation du Conseil « aux représentants des grands courants spirituels ». On peut imaginer qu’entrent dans cette catégorie les Églises, ainsi que les grandes écoles philosophiques. Mais lesquelles ? Bref, où va-t-on ? Sachant le poids qui est celui de l’Élysée dans notre vie politique, je ne suis que moyennement rassuré par vos propos.

M. Robert del Picchia s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je voudrais également savoir si l’armée sera représentée en tant que telle au sein du Conseil, puisque l’idée en avait été avancée.

Enfin, je souhaite vous interroger sur l’élargissement des saisines. Il s’agit en effet de l’un des points importants de la réforme, constituant un réel progrès. Le Conseil économique, social et environnemental ne sera plus seulement le conseil de l’exécutif, puisque le Parlement aura la possibilité de le consulter sur les questions économiques et sociales, ce qui sera une excellente chose car nous avons besoin d’une capacité d’expertise comme la sienne. Il y aura aussi le nouveau droit de pétition citoyenne. Je souhaiterais savoir comment est prévue la mise en œuvre de ces deux dispositions : quelles en seront les modalités dans le futur projet de loi organique ?

Telles sont, mes chers collègues, les principales remarques que nous souhaitions faire sur la réforme à venir, tout en répétant que nous voterons la mesure transitoire visant à prolonger la durée du mandat des conseillers actuels.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme du Conseil économique et social a été souhaitée et annoncée dès juillet 2007 par le Président de la République, date à laquelle il a chargé Édouard Balladur, président du comité de réflexion sur les institutions de la Ve République, d’intégrer cette question dans les travaux dudit comité. Le principal enjeu était alors d’intégrer la problématique du développement durable et de l’environnement dans les thèmes traités par le Conseil économique et social, ce dont nous nous félicitons.

La révision constitutionnelle de juillet 2008 a ainsi ouvert la voie à une réforme d’ampleur du Conseil économique et social, devenu Conseil économique, social et environnemental, CESE, ce qui nécessite une révision tout aussi importante des dispositions organiques qui le concernent.

Il s’avère, comme cela a déjà été dit, que le calendrier nécessaire à cette révision des dispositions organiques ne coïncide pas avec la durée du mandat de celles et ceux qui sont actuellement membres du Conseil.

Le Gouvernement n’ayant pas encore présenté au Parlement de projet de loi organique, la réforme du Conseil ne pourra pas intervenir avant la fin du mandat en cours de ses membres, qui expire en septembre 2009. Une solution a dû être trouvée, et c’est pourquoi nous sommes réunis aujourd’hui.

La révision constitutionnelle a tout d’abord élargi les compétences du Conseil aux questions environnementales. Il devra donc intégrer de nouveaux membres, issus d’associations environnementales. Sur ce point, se posera la question de la représentativité et des critères qui devront être retenus pour la désignation de ces nouveaux membres.

La révision constitutionnelle a également ouvert la possibilité pour le Parlement de consulter le Conseil sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental, ce qui est jusqu’à présent réservé au Gouvernement. Le Conseil peut également se saisir lui-même de toute question relevant de sa compétence.

Enfin, la révision constitutionnelle a créé une possibilité de saisine du Conseil par les citoyens, par voie de pétition.

Une loi organique est donc nécessaire pour modifier les missions et les attributions du CESE, ainsi que sa composition, son organisation et son fonctionnement, aujourd’hui déterminés par l’ordonnance du 29 décembre 1958. Une loi organique est également nécessaire pour que puisse entrer en vigueur la nouvelle rédaction de l’article 69 de la Constitution, permettant la saisine du CESE par voie de pétition.

En revanche, la saisine par le Parlement ne nécessite pas une loi organique. Cependant, le Gouvernement a décidé d’inclure également cette question dans la future loi organique, l’ordonnance du 29 décembre 1958 prévoyant les modalités de saisine par le Gouvernement.

Compte tenu de l’ampleur de la réforme, le Gouvernement n’a pas été en mesure de nous présenter un projet de loi organique avant que n’expire le mandat des membres actuels du CESE.

Pourtant, un travail important de réflexion sur cette réforme a déjà été produit : Bernard Pancher, député, s’est vu confier en février 2008 par le Premier ministre la présidence d’un comité opérationnel chargé de mettre en œuvre les conclusions du Grenelle de l’environnement. Ce travail a abouti à des propositions précises pour permettre une sélection, à l’aide de critères de représentativité et d’éligibilité, des acteurs représentatifs du secteur environnemental.

Cette entreprise a été ensuite complétée par la révision constitutionnelle, puis par un travail préparatoire de réforme plus globale du CESE, confié en novembre 2008 par le Président de la République à Dominique-Jean Chertier, et destiné à préparer la mise en œuvre des nouvelles missions du Conseil. Son rapport a été remis à M. Nicolas Sarkozy le 15 janvier 2009.

Enfin, le 6 mai dernier, notre collègue Jean-Claude Frécon a présenté un rapport d’information sur cette réforme.

Au vu de l’ensemble de ces travaux de réflexion, il me paraît regrettable que nous ne connaissions même pas les grandes lignes du projet de loi organique à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Fort de ce constat, le Gouvernement avait trois possibilités pour mettre en œuvre la réforme du CESE.

Première possibilité : les membres du Conseil auraient pu être renouvelés en septembre 2009 sur le fondement du texte actuellement en vigueur, l’entrée en application de la loi organique modifiant sa composition étant reportée au renouvellement suivant, c’est-à-dire en 2014. Cette solution aurait reporté l’entrée en vigueur de la réforme six ans après la révision constitutionnelle.

Deuxième possibilité : les membres du CESE auraient pu être renouvelés en septembre 2009 sur le fondement du texte actuellement en vigueur, la loi organique modifiant la composition du Conseil mettant fin à leur mandat à son entrée en vigueur, pour procéder à un renouvellement sur la base du nouveau texte. Cette solution aurait conduit à nommer de nouveaux membres pour quelques mois seulement.

Troisième possibilité : une loi organique venant prolonger le mandat des membres actuels du CESE jusqu’après le vote et l’entrée en vigueur de la réforme, avec une date butoir que le Gouvernement propose de fixer au 30 septembre 2010.

Les deux premières solutions ayant été jugées insatisfaisantes par le Gouvernement, c’est la troisième, et donc la prorogation du mandat des membres actuels du Conseil, qui a été choisie.

Nous ne pouvons émettre d’objection particulière sur cette solution, qui semble effectivement la plus logique ; c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous voterons ce texte.

Marques d’approbation sur quelques travées de l’UMP. – M. Robert del Picchia applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Néanmoins, nous resterons vigilants sur un certain nombre d’aspects, notamment en ce qui concerne les contours de la future loi organique.

En effet, il est prévu d’intégrer de nouveaux membres – entre trente et quarante, nous dit-on –, acteurs du secteur environnemental. Mais le nombre des membres du Conseil, fixé à deux cent trente-trois par la Constitution, restera identique.

Le 1er juillet dernier, à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du texte, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a déclaré que le Gouvernement s’orientait vers « une légère diminution des représentants de la profession agricole [...] et de ceux des entreprises publiques », le nombre de ces dernières ayant « considérablement diminué » pour reprendre ses propos. D’autres modifications pouvant intervenir à l’avenir ne sont donc pas à exclure.

Nous serons par conséquent particulièrement attentifs à une éventuelle diminution du nombre des représentants des salariés, tout comme à la présence de jeunes, qui nous paraît nécessaire. Bien sûr, nous veillerons également au respect de la parité hommes-femmes.

Nous serons attentifs par ailleurs à l’engagement du Gouvernement sur le fait de ne pas inclure dans la future loi organique la possibilité pour des représentants des cultes de siéger au sein du Conseil économique, social et environnemental. Étant donné que le Président de la République s’y est déclaré pour sa part favorable, nous ne serions guère étonnés s’il arrivait à faire céder le Gouvernement sur ce point.

Je rappelle à cet égard que la pratique d’un culte relève uniquement de la sphère privée et nous ne comprendrions pas qu’elle soit institutionnalisée au sein du Conseil économique, social et environnemental.

Nous espérons que le projet de loi organique sera présenté au Parlement dans les délais les plus brefs ; on nous a parlé de l’automne. En attendant, comme je l’ai indiqué voilà un instant, nous voterons le texte qui nous est soumis aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – MM. Richard Yung et Jacques Gautier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui tend à proroger le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental jusqu’au 30 septembre 2010 au plus tard.

Ce délai doit permettre de mener à son terme une réflexion de fond sur la réforme de cette institution. J’ai eu l’occasion de le souligner dans mon récent rapport d’information sur le Conseil, que j’avais souhaité rédiger en ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits du CESE. Voilà pourquoi j’interviens dans la discussion générale de ce projet de loi organique.

La réforme opérée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République n’emporte en effet pas seulement un changement de dénomination du Conseil, devenu Conseil économique, social et environnemental ; elle commande, de façon beaucoup plus ambitieuse, de repenser la place même du CESE au sein de notre paysage institutionnel et d’adapter l’organisation ainsi que le fonctionnement de cette institution.

Ne nous y trompons pas : la période qui s’engage aujourd’hui est une période charnière pour le CESE. Le défi à relever dans les mois à venir n’est nullement de l’ordre du simple formalisme juridique. Il s’agit, ni plus ni moins, de façonner le visage du Conseil pour le futur.

L’enjeu est double : à la fois améliorer la représentativité de l’institution et perfectionner son fonctionnement à moyens budgétaires constants.

La spécificité du CESE réside dans sa capacité à offrir un lieu privilégié de débats et d’échanges entre les différentes composantes de la société française. De ce point de vue, la composition du CESE, qui n’a que peu évolué depuis 1958, est la question la plus controversée. Dans un rapport publié en janvier dernier, M. Dominique-Jean Chertier, lui-même membre du Conseil, a d’ailleurs contribué à ouvrir la réflexion.

Trois scénarii sont suggérés dans son rapport, allant du simple ajustement périodique de la composition du Conseil à une transformation en une véritable assemblée des corps intermédiaires, en passant par sa conversion en une assemblée des experts de la société civile, comme l’ont souligné tout à l’heure aussi bien notre rapporteur, Jean-Pierre Vial, que notre collègue Richard Yung.

S’il n’est pas encore temps de trancher entre ces différentes options – mais un certain nombre des intervenants qui m’ont précédé ont posé des principes en la matière –, voire d’en imaginer d’autres, un impératif doit néanmoins être rappelé : cette réforme devra s’opérer à moyens constants et son impact budgétaire devra être neutre. C’est en tout cas le souci que le rapporteur spécial que je suis par ailleurs voulait signaler ici.

Le nombre de membres du CESE a été limité à 233 par la loi constitutionnelle de juillet 2008, soit son effectif actuel, en corrélation avec la fixation d’un nombre maximum de députés et de sénateurs.

Je tiens à cet égard à souligner que l’objectif de rester à moyens constants est totalement partagé par l’actuel président du CESE, M. Jacques Dermagne. En tant que rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l’État », dont dépendent les crédits du CESE, je ne peux que me féliciter de cette sagesse budgétaire et de ce souci de prendre le virage de la réforme sans dérapage financier. Cette politique volontariste visant à « tenir » la dépense s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des efforts budgétaires mis en œuvre par cette institution, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

… efforts dont j’ai pu témoigner, ces cinq dernières années, en présentant devant le Sénat le budget du Conseil.

Outre les dépenses de fonctionnement courant liées au changement de nom de l’institution, il conviendra donc d’absorber à budget constant un certain nombre de coûts difficiles à évaluer dans l’immédiat, mais des coûts certains : je pense, notamment, à ceux qu’induira la saisine parlementaire, ou encore aux importants coûts de gestion que risque d’entraîner l’exercice du nouveau droit de pétition citoyenne.

En outre, le rajeunissement nécessaire du Conseil – objectif que je ne conteste pas, bien au contraire –, nous impose de facto de prendre en compte le coût supplémentaire que devra supporter la caisse des retraites.

Il faudra donc réaliser des économies ailleurs. Le rapport Chertier de janvier dernier comme celui que j’ai présenté ici même au mois de mai ouvrent quelques pistes en ce sens. Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement avance des propositions.

Le CESE se trouve à la croisée des chemins. Trop longtemps cantonné dans un anonymat relatif, il se voit aujourd’hui offrir une occasion inédite d’affirmer encore un peu plus et d’affermir encore un peu mieux son statut de troisième assemblée constitutionnelle. En ce sens, la mise en œuvre de la loi du 23 juillet 2008 représente bien pour lui une chance à saisir dans les mois à venir.

Sur cette voie, néanmoins, tout ne dépendra pas de lui seul. La volonté politique, exprimée en particulier par le Parlement, tout spécialement par le Sénat, jouera un rôle éminent dans l’évolution et l’influence du Conseil.

En guise de conclusion, je tiens à souligner devant vous, mes chers collègues, tout l’intérêt que peut avoir notre assemblée à tirer le plus largement profit des possibilités de consultation du CESE qui lui sont désormais offertes. Le dialogue entre le Sénat et le Conseil a toujours été fructueux, mais uniquement en commission. Il ne tient qu’à nous de l’enrichir encore dans les années à venir, pour le plus grand bénéfice des deux institutions et, surtout, de l’intérêt général, qui nous est cher.

Je suis donc tout à fait favorable à ce projet de loi organique.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés et saluer le climat très consensuel dans lequel se déroule cette discussion. Je ne doute pas que tous auront à cœur de trouver le même esprit consensuel à l’occasion de l’examen du futur projet de loi organique.

En effet, il ne s’agit aujourd’hui que de proroger la durée du mandat des membres du CESE, et nombre des questions qui ont été posées ne pourront trouver de réponse que dans le second projet de loi organique. Je me contenterai donc de reprendre ceux des points pour lesquels je peux d’ores et déjà apporter des éclairages.

Plusieurs sénateurs, notamment le rapporteur, M. Vial, ont soulevé le problème de la représentation des cultes. Je confirme ce qu’Henri de Raincourt a déjà indiqué à l’Assemblée nationale : une représentation des cultes ne sera pas proposée dans le futur projet de loi organique. L’ouverture vers les grands courants de pensée n’implique pas nécessairement leur représentation institutionnelle. Il est de toute façon bien évident que les positions et les idées développées par l’ensemble des cultes et des mouvements de pensée seront recueillies et prises en considération à l’occasion de saisines les concernant.

Mme Escoffier a évoqué la féminisation du Conseil économique, social et environnemental, tout comme Mme Assassi et M. Yung. Le Président de la République a affirmé la nécessité de faire progresser la parité dans la représentation du CESE. Ce point est essentiel si l’on veut que le Conseil soit en pleine adéquation avec la société civile et puisse répondre aux grandes évolutions de la société. Cela ne concerne jamais que la moitié de l’humanité !

Sourires

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Ainsi qu’a pu le suggérer Mme Escoffier, le renouvellement du Conseil pourrait impliquer quelques innovations, comme la diminution de l’âge minimum pour siéger – cela irait dans le sens, souhaité par plusieurs intervenants, du rajeunissement – et la limitation du nombre de mandats. Mais le Sénat sera amené à y revenir.

La représentation des Français de l’étranger est effectivement un sujet sur lequel une réflexion devra être engagée Il faut cependant souligner que, pour ceux-ci, le contexte a changé puisque le Président de la République a souhaité leur offrir une meilleure représentation avec, au-delà des sénateurs qu’ils élisent, une représentation à l’Assemblée nationale dès la prochaine législature.

Enfin, Mme Assassi s’inquiétait de l’équilibre entre représentation des employeurs et représentation des salariés. Henri de Raincourt l’a rappelé dans son discours, il est important, aux yeux du Gouvernement, que les grands équilibres au sein du Conseil puissent être conservés, tout particulièrement l’équilibre entre les représentants des employeurs et les représentants des salariés.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Par dérogation au premier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, la durée du mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental est prorogée jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant la promulgation de la loi organique modifiant la composition du conseil pour l'application de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République et, au plus tard, jusqu'au 30 septembre 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi organique, je donne la parole à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UMP tient à féliciter le rapporteur et à se réjouir du consensus qui s’est fait jour. Il lui paraît sage de s’accorder le temps de réussir cette réforme importante, qui marquera une évolution profonde du Conseil économique, social et désormais environnemental.

Le CESE devra s’adapter aux changements : le développement durable, le souci de parité, l’évolution du monde social et économique. Il faudra trouver la formule idéale pour qu’il puisse le faire à moyens constants, moyens financiers, bien sûr, mais aussi nombre des membres du Conseil. Or s’il est très facile, en paroles, de modifier la composition d’une assemblée, concilier les divers objectifs sans augmenter le nombre de sièges peut s’avérer un exercice difficile, voire périlleux.

Dès lors, que le Gouvernement prenne un peu de temps pour mettre en place cette réforme, quoi de moins étonnant ? Il a retenu la solution de sagesse, car il aurait sans doute été délicat de renouveler le Conseil pour une courte durée. Nous approuvons la solution retenue.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi organique.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Richard Yung a proposé, tout à l’heure, que les représentants des Français de l’étranger au sein du CESE soient désignés par les associations.

Je m’expliquerai plus longuement sur ce point lorsque nous examinerons le futur projet de loi organique, mais je voudrais dès aujourd’hui préciser que, si j’apprécie le consensus qui s’est dessiné aujourd’hui dans l’hémicycle, je m’opposerai à cette proposition. Les Français de l’étranger élisent au suffrage universel direct une assemblée, dans laquelle siègent aussi leurs sénateurs et bientôt leurs députés. Il me semble que c’est plutôt à elle que ce rôle devra revenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 200 :

Nombre de votants338Nombre de suffrages exprimés338Majorité absolue des suffrages exprimés170Pour l’adoption338 Le Sénat a adopté à l’unanimité des suffrages exprimés.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je rappelle que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a proposé des candidatures pour trois organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- M. Thierry Repentin pour siéger au sein du Conseil national de l’habitat en qualité de suppléant ;

- M. Dominique Braye pour siéger au sein de la Commission du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés ;

- Mme Odette Herviaux pour siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique (nos 394, 559 et 560).

Dans la discussion générale, la parole est M. Xavier Pintat, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le Gouvernement d’avoir accepté d’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Sénat le très important dossier de l’aménagement numérique de notre territoire national.

Parmi les divers défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés, le déploiement des moyens d’accès à l’internet à très haut débit figure en bonne place. Nombreux sont ceux qui y voient l’un des principaux piliers de l’après-crise, tant les effets de son déploiement seront profonds, multiples, dans pratiquement tous les domaines.

Le développement du très haut débit va, en effet, amener de profonds bouleversements dans la façon de s’informer, de se former, de travailler, de communiquer.

Il en sera ainsi avec la visioconférence et le télétravail, évitant des transports de personnes coûteux en temps et en énergie. Je rappelle que le télétravail concerne déjà 40 % des salariés au Japon, mais seulement 10 % en France.

Il en ira de même pour l’enseignement, le très haut débit offrant la capacité inédite de se relier au monde, dans des conditions d’ergonomie et de rapidité inégalées, mettant à disposition de nouveaux tableaux numériques interactifs.

L’accès au très haut débit touchera également le domaine de la santé, avec la possibilité d’interventions chirurgicales à distance.

L’accès aux services publics, à l’audiovisuel, à la domotique en sera métamorphosé, contribuant de manière décisive au désenclavement des territoires. La puissance et la rapidité des travaux scientifiques et d’ingénierie seront accrues de manière fantastique.

Le plan de développement de l’économie numérique du Gouvernement a bien répertorié le vaste éventail des applications des technologies de communication numérique : c’est en réalité l’ensemble du fonctionnement économique, social, administratif et culturel de notre pays qui pourra bénéficier du saut technologique que va constituer le très haut débit par rapport aux réseaux à haut débit actuels, dont les limites de capacité constitueront très rapidement des goulets d’étranglement inacceptables.

L’ambition, portée par le plan France numérique 2012, de faire de la France l’un des leaders en matière de très haut débit est grande et incontournable.

Nous parlons donc ce soir d’un grand chantier national et ce débat est pour moi l’occasion de vous remercier, madame la secrétaire d’État, de votre investissement personnel sur ce dossier, pour lequel vous marquez votre ferme intention de fédérer, avec intelligence, tous les acteurs : les opérateurs, les pouvoirs publics et, bien sûr, les collectivités territoriales.

Mes remerciements vont également au président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Paul Emorine, et à son vice-président, Pierre Hérisson, qui a parfaitement présidé nos débats. Je les remercie de leur expertise et de leur discernement.

Je veux également saluer le travail considérable accompli, dans un délai record, par Bruno Retailleau, rapporteur de cette proposition de loi, et remercier l’ensemble de mes collègues qui ont soutenu cette proposition de loi : le groupe UMP et son président Gérard Longuet, avec une mention spéciale pour Jacques Blanc, qui a été le premier à soutenir cette initiative, sans oublier, bien sûr, nos collègues issus d’autres groupes, en particulier Nathalie Goulet et Aymeri de Montesquiou.

L’enjeu du déploiement des réseaux de communication électronique à très haut débit est tel que nous devons tout faire pour permettre à l’ensemble de nos territoires d’en bénéficier dans un délai raisonnable.

Le très haut débit va faire figure, comme l’électricité, de service vital, rendant insupportable toute fracture territoriale dans ce domaine. Nos entreprises doivent pouvoir faire le choix de s’implanter dans les villes petites et moyennes, et même en milieu rural, en y bénéficiant d’accès efficients et compétitifs à internet, abolissant en quelque sorte les distances géographiques et permettant d’y conjuguer la qualité de vie avec la performance économique.

Une grosse entreprise installée à Paris souhaitera que ses sous-traitants disposent d’un accès au très haut débit pour être plus efficaces et réactifs. Or la France est aujourd’hui seulement au début de ce déploiement. On ne compte, en effet, que 180 000 abonnés au très haut débit pour 18 millions d’abonnés au haut débit.

De plus, ces prises très haut débit ne concernent que les grandes zones urbaines, dans lesquelles sont présents plusieurs opérateurs, et pour lesquelles la question pertinente est celle des modalités du déploiement vertical, c’est-à-dire du câblage des immeubles dans des conditions respectueuses de l’intérêt des résidents et du droit de la concurrence.

La desserte en réseaux de communications électroniques en très haut débit des zones moins denses est d’un ressort bien différent.

Ces zones sont confrontées à la contrainte propre à tous les réseaux filaires, celle des surlongueurs par abonnés, qui caractérisent les territoires à faible densité démographique et qui en compromettent la rentabilité pour les investisseurs. Pour rendre possible la réalisation des centaines de milliers de kilomètres de fibre que suppose le maillage de notre territoire, cette contrainte devra être levée. Cela passe par une volonté politique très semblable à celle qui a permis, à partir des années trente, d’irriguer l’ensemble de notre pays en énergie électrique, grâce à l’implication des collectivités, responsables de la distribution d’électricité, et à l’appui du dispositif de péréquation financière que constitue le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ.

Mes chers collègues, je vous propose, pour atteindre cet objectif, un dispositif à trois composantes.

La première concerne l’indispensable rationalisation et la mise en cohérence du déploiement de la fibre optique. Ce déploiement, nous le savons, sera une opération coûteuse, mais il est possible de maîtriser ces coûts en organisant et en favorisant le partage des infrastructures entre réseaux de communications électroniques, mais aussi avec d’autres réseaux publics, au premier rang desquels figure, bien sûr, la distribution d’électricité, dont le partenariat avec le secteur des télécommunications résulte structurellement tant de l’histoire que de la géographie et de la technique.

J’ai, dans cette perspective, proposé l’élaboration de schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Ces schémas dresseront tout d’abord l’inventaire de l’existant en termes d’infrastructures et de réseaux en haut et très haut débit, de façon à déterminer les besoins prioritaires. Les schémas auront ensuite pour objet de définir des orientations en ce qui concerne le développement, sur le territoire concerné, des réseaux de communication électroniques en très haut débit.

Il me semble important, s’agissant des investissements nouveaux à programmer, de faire très clairement du très haut débit la priorité absolue.

Consentir des moyens importants pour le développement de la desserte sur des débits de type ADSL reviendrait à nous conduire à distraire une partie substantielle de nos financements sur des ouvrages qui deviendront rapidement technologiquement obsolètes et devront donc être remplacés, sans doute avant même d’avoir été amortis en totalité, par les technologies du très haut débit, qui seules apparaissent pérennes à l’heure actuelle.

La deuxième composante concerne le portage territorial de l’élaboration des schémas.

Si nous voulons favoriser une desserte satisfaisante des zones grises et des zones blanches du très haut débit, il importe de nous donner une vision suffisamment large des territoires, permettant de mettre en lumière des logiques de solidarités territoriales.

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé de retenir comme périmètre d’élaboration de chacun des schémas une aire géographique correspondant au moins à celle d’un département ou à un ensemble démographique cohérent. Cela induit que le schéma soit élaboré par une personne publique de taille suffisante.

Afin de tenir compte de la compétence concurrente des divers niveaux de collectivités locales et de groupements pour exercer les attributions définies en matière de communications électroniques par le code général des collectivités territoriales, la commission propose que les syndicats mixtes, qui permettent de regrouper des collectivités de natures très différentes, mais aussi les départements ou les régions en tant que tels, puissent assurer l’élaboration des schémas, ce qui me semble une solution de sagesse permettant de s’adapter à la diversité des approches locales.

La troisième composante me paraît fondamentale : la mise en place d’un fonds d’aménagement numérique des territoires, destiné à contribuer au financement de certains travaux de réalisation des ouvrages prévus par les schémas directeurs. L’objectif est ici de permettre l’accès de l’ensemble de la population aux communications électroniques à très haut débit à un coût raisonnable.

Je remercie la commission des précisions ou compléments qu’elle a apportés sur ce point, notamment en ce qui concerne le rôle du régulateur pour la détermination des zones éligibles aux aides du fonds. La robustesse juridique de ce fonds va certainement en être améliorée au bénéfice de l’ensemble des secteurs géographiques et des populations dont la desserte sera, il faut y insister, impossible sans un tel dispositif. Je souhaite que celui-ci puisse rapidement bénéficier de sa première dotation financière, et le lancement du grand emprunt national en donnera peut-être, madame la secrétaire d’État, l’opportunité, de façon à ne pas retarder le déploiement de la fibre optique au-delà des zones denses ou très denses.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mon cher collègue, excusez-moi de vous interrompre, mais, au nom du président du Sénat, je souhaite informer notre assemblée que, pour la première fois sous la Ve République, le Sénat vient à l’instant précis de dépasser les mille heures de séance depuis l’ouverture de la session ordinaire le 1er octobre dernier. Il s’agit d’un moment solennel ! (Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Mes chers collègues, vous avez souhaité insérer dans la proposition de loi une mesure relative à l’obligation pour un maître d’ouvrage ouvrant une tranchée d’y accueillir des infrastructures de communications électroniques à la demande d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités.

Une telle mesure me semble très opportune, à condition de préciser que cela doit se faire avec le souci de la cohérence entre les réseaux d’initiative publique puisque le maître d’ouvrage de la tranchée peut être lui-même une collectivité ; le moment venu, je vous présenterai d’ailleurs un amendement en ce sens.

Dans le cadre du basculement vers la télévision numérique terrestre, d’importantes dispositions relatives à la couverture télévisuelle des territoires ont également été ajoutées au texte par la commission. Celles-ci me semblent avoir d’autant plus leur place dans un texte relatif aux communications électroniques en très haut débit qu’un accès performant à internet fait partie des dispositifs alternatifs susceptibles de pallier l’insuffisance de la couverture de certains territoires par la TNT.

En tout état de cause, il me paraît important que la couverture des coûts afférents au traitement des zones d’ombre numérique soit assurée, de façon que ni les abonnés ni les collectivités ne soient pénalisés par ces évolutions.

L’aménagement numérique en très haut débit de notre territoire national est un défi exaltant.

L’enthousiasme que nous sommes nombreux à partager dans ce domaine aura raison, j’en suis certain, des difficultés à résoudre, et je me réjouis que notre débat d’aujourd'hui puisse y concourir.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la révolution numérique qui s’accélère sous nos yeux présente deux caractéristiques.

D’une part, elle est planétaire au sens où elle contribue à l’aplatissement de notre monde, ainsi que l’aurait dit Thomas L. Friedman, et elle est mondiale, comme on l’a vu récemment avec le rôle qu’a joué internet dans l’élection américaine et aussi dans la diffusion de l’information pour couvrir les événements malheureusement beaucoup plus graves qui se sont produits en Iran.

D’autre part, il s’agit non pas d’une simple mutation technologique, mais d’une rupture radicale qui modifie l’ensemble des activités humaines. Cette révolution numérique aura demain des impacts sur notre façon de communiquer, de travailler, de nous former, ou encore de nous soigner, comme l’a souligné tout à l'heure, à juste titre, Xavier Pintat. De même, elle transforme notre modèle économique, nos systèmes de production.

Le plan France Numérique 2012 avait fixé un objectif de 30 % en termes de contribution à la croissance mondiale à l’horizon 2015, ce qui est considérable. Au moment où la France traverse une crise économique profonde et où elle cherche un nouveau modèle de croissance, nous partageons, me semble-t-il, madame la secrétaire d'État, cette conviction, cette certitude même, que l’économie numérique sera demain l’un des leviers essentiels de ce nouveau modèle de croissance, qui permettra de libérer des énergies et, surtout, de créer de la valeur ajoutée, donc de nombreux emplois.

Avec le haut débit, notre pays a su négocier correctement la première étape de la révolution numérique. Avec un peu plus de 18 millions de foyers connectés, nous avons l’un des taux de pénétration les plus élevés d’Europe et, surtout, les meilleures offres au monde pour ce qui concerne, par exemple, la télévision par ADSL ou le téléphone sur IP.

Toutefois, nous ne pouvons nous en satisfaire, car cette étape sera très vite dépassée. Nous voyons déjà poindre une nouvelle étape avec le très haut débit, pour une raison très simple : les nouveaux usages font apparaître une interactivité de plus en plus grande, ainsi qu’une plus grande consommation d’images. Demain, nous serons dans la réalité virtuelle, et les débits seront de plus en plus importants. Nos vieux réseaux deviendront donc très rapidement obsolètes. C’est pourquoi il nous faut penser à la nouvelle génération de réseaux pour le XXIe siècle, avec bien entendu la fibre optique. De ce point de vue, notre pays a sans doute des atouts, mais aussi des fragilités.

En effet, monsieur le ministre, la France est vraisemblablement l’un des pays au monde où la ruralité est la plus importante. En tout cas, en Europe, nous sommes le grand pays de la ruralité : 50 % de la population française vivent dans des communes de moins de 10 000 habitants. La ruralité au sens où on l’entend généralement concerne 31 % de la population et plus de 70 % du territoire. À terme, la révolution qui s’annonce sera capitale, et nous ne pouvons laisser un espace aussi important sur le bord de la route. Le risque d’une France à deux vitesses, avec un internet des villes et un internet des champs, est extrêmement important.

C'est la raison pour laquelle la proposition de loi de Xavier Pintat est la bienvenue et tombe à point nommé, alors même que l’on réfléchit au déploiement de ces nouveaux réseaux. En outre, elle rappelle que le très haut débit constituera l’infrastructure essentielle de la société de l’information de demain.

Je tiens à revenir sur les deux dispositifs qui me semblent importants en matière de planification.

Il s’agit, d’abord, des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique à l’échelle minimale d’un territoire départemental, qui ont vocation à assurer une péréquation entre les zones plus denses et les zones moins denses.

Il s’agit, ensuite, du fonds d’aménagement numérique des territoires. En effet, il est évident que l’État ne pourra pas se désintéresser financièrement du déploiement du très haut débit dans notre pays ; j’y reviendrai tout à l'heure.

La commission de l’économie a travaillé dans des délais extrêmement courts ; je remercie d’ailleurs Xavier Pintat de l’avoir rappelé. Toutefois, nous avons tenu à conserver l’esprit de la proposition de loi, tout en l’enrichissant. Nous avons établi deux constats : premièrement, il faut essayer de réduire la fracture numérique qui existe déjà, y compris pour ce qui concerne le haut débit ; deuxièmement, il convient d’anticiper et de prévenir l’apparition d’une nouvelle fracture numérique, avec le très haut débit et la fibre optique.

J’aborderai d’abord la question de la réduction de la fracture numérique d’aujourd'hui, et non de demain, en évoquant la TNT, l’outre-mer et la montée en débit.

La télévision numérique terrestre connaît un grand succès en France, puisque 88 % du territoire sont désormais couverts et elle est aujourd'hui adoptée par les deux tiers de nos compatriotes, qui ont équipé au moins l’un de leurs postes de télévision. La loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur avait posé un principe assez simple : 100 % des Français pourraient avoir accès à la télévision numérique, dont 95 % par le biais du réseau hertzien terrestre et 5 % via d’autres moyens, tels le satellite ou l’ADSL, par exemple. Or, aujourd'hui, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ou CSA, souhaite aller au-delà, ajoutant à l’objectif de couverture de 95 % du territoire un correctif cible départemental de 91 % à partir duquel seront numérisés les petits émetteurs qui couvrent des zones de 500 habitants. C’est un point important.

La position du CSA est actuellement attaquée par un certain nombre de chaînes qui aimeraient réduire le nombre d’émetteurs numérisés. Nous considérons qu’il ne faut pas aller dans ce sens et souhaitons donner une force législative au dispositif envisagé par le CSA.

De même, nous avions imaginé la création d’un fonds d’aide – je sais que le Gouvernement y songe également ! – afin que tous les ménages qui habiteront dans une zone d’ombre numérique et ne recevront pas l’hertzien terrestre puissent s’équiper pour bénéficier, notamment, d’une réception satellitaire. Toutefois, cette mesure est tombée sous le coup de l’article 40 de la Constitution. En conséquence, nous proposerons la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement, pour inciter ce dernier à faire des propositions, car la création d’un tel fonds est capitale, mes chers collègues. Certes, un autre fonds existe déjà, mais il traite de la fracture sociale pour les personnes exonérées de la redevance audiovisuelle.

J’en viens à la fracture numérique de l’outre-mer. Il n’est pas normal que nos compatriotes ultramarins paient beaucoup plus cher que leurs compatriotes métropolitains des services moindres. Un certain nombre d’amendements de nos collègues ultramarins viendront enrichir ce texte et nous nous montrerons bienveillants à leur égard.

L’autre défi concerne le très haut débit, avec la fibre optique. Comment anticiper l’apparition d’une nouvelle fracture numérique, plus grave encore que la première ?

Comme je l’ai indiqué, la mise en place du réseau nouvelle génération, le réseau du XXIe siècle, est essentielle pour la société de l’information de demain. L’enjeu est considérable en termes de coût – entre 30 milliards et 40 milliards d’euros pour tout le territoire français – et en matière de croissance et d’emplois : la Commission européenne vient d’évaluer le déploiement du très haut débit en Europe à 1 million d’emplois et à une croissance supplémentaire annuelle de 0, 6 %.

L’enjeu est également considérable en termes de menaces : si l’on ne régule pas le marché, 60 % de la population française n’auront pas accès, demain, au très haut débit.

De tels enjeux suffisent pour décider que le très haut débit sera un grand chantier national. Nous devons avoir l’objectif ambitieux de couvrir un maximum de la population française à l’horizon 2020.

Il ne saurait y avoir d’investissements aussi massifs sans une stratégie nationale volontariste et partagée afin de la soutenir dans la durée. C’est ainsi que la commission de l’économie a commencé par poser des principes d’action, ainsi qu’un cadre général de déploiement de ce nouveau réseau.

Pour ce qui concerne les principes d’action, l’État devra avoir un rôle majeur dans la définition de cette stratégie et dans son pilotage. Il devra aussi coordonner l’ensemble des acteurs et mobiliser les ressources financières nécessaires. En effet, il ne sera pas possible de déployer un tel réseau sur tout le territoire sans une intervention financière de l’État, d’une façon ou d’une autre.

Dans tous les grands réseaux, ce sont les opérateurs privés qui ont lancé le mouvement ; on l’a vu pour les chemins de fer au XIXe siècle. Cependant, à un moment donné, l’État est venu coordonner ce mouvement et le renforcer. Le régulateur aura donc un rôle très important à jouer pour favoriser un écosystème, avec un double souci : celui de la concurrence, bien sûr, mais tempéré par celui des investissements, afin d’inciter les opérateurs à déployer le réseau sur tout le territoire.

Les collectivités auront également un rôle essentiel en la matière, car elles bénéficient désormais d’une expertise. Il faudra utiliser toutes les technologies disponibles : la fibre optique, bien sûr, mais aussi, dans les territoires très peu denses, les technologies hertziennes de nouvelle génération qui seront, me semble-t-il, très utiles.

Tels sont les principes d’action que nous avons inscrits dans le rapport et que nous vous proposerons de retenir au travers d’un certain nombre d’amendements.

S’agissant du cadre de déploiement, la donnée cardinale est la densité démographique. Il existe aujourd’hui un consensus entre tous les acteurs – opérateurs, État, régulateurs – pour considérer qu’un découpage du territoire en trois zones est certainement cohérent.

La zone I, très dense, est chiffrée à environ 5 millions de foyers par l’ARCEP. Cette zone supportera, par les seules forces du marché, le déploiement de plusieurs réseaux : ce sera un déploiement avec une concurrence par les infrastructures.

La zone II, un peu moins dense, concernera entre 6 millions et 12 millions de foyers. Il faudra y favoriser un modèle coopératif, encourageant la mutualisation, afin que les opérateurs ne se dispersent pas sur plusieurs investissements et puissent rassembler leurs forces.

Dans la zone III, très peu dense, l’intervention publique, disons-le franchement, sera impérative.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’objectif visé dans la zone I sera d’encourager la concurrence, qui constituera, sur ces territoires, le gage d’une couverture rapide et de qualité.

On ne part pas de rien en termes d’équipement, puisque déjà 4 millions de foyers se trouvent à proximité d’un réseau de fibre optique.

On ne part pas non plus de rien sur un plan juridique. La loi de modernisation de l’économie a posé un certain nombre de principes de mutualisation, sur lesquels je ne reviens pas. Depuis, le régulateur a aussi fait en sorte que l’accès au génie civil soit ouvert, étant rappelé que cet accès représente 50 % à 80 % du coût de déploiement des réseaux de fibre optique. Désormais, l’accès au génie civil de l’opérateur historique pourra également servir aux opérateurs alternatifs.

Dans cette nouvelle zone, nous avons souhaité encourager un principe de neutralité technologique. Il doit être possible de déployer des fibres surnuméraires – ce que l’on appelle l’architecture en monofibre ou en multifibre – et, dans ce cadre, nous nous fixons un double objectif : éviter de revenir à une monopolisation de la phase terminale des réseaux de sous-boucle locale, et assurer dans le même temps un partage équitable des coûts. Il ne faut pas décourager les investissements ou permettre des comportements de passager clandestin à ce niveau.

Pour la zone II, dans laquelle ce modèle coopératif devra être encouragé, il faut donner à l’ARCEP les moyens de définir un point de mutualisation qui soit le plus couvrant possible, afin d’englober des périmètres beaucoup plus larges que ceux de la zone I.

Enfin, s’agissant de la mutualisation de la phase terminale des réseaux de boucle locale, une coordination sera indispensable pour faire en sorte d’obtenir des coinvestissements ou un partage du territoire. Bien entendu, les modèles retenus devront être euro-compatibles.

Madame la secrétaire d’État, vous avez annoncé, au mois de mai dernier, la création une société de coinvestissement, ou du moins d’un mécanisme de financement articulé autour de la Caisse des dépôts et consignations. Ce mécanisme est important. Pour autant, il ne privera pas le régulateur de la possibilité de déterminer, si nécessaire, des offres de gros, tel que c’est le cas aujourd’hui en matière de dégroupage.

Il est bien clair, mes chers collègues, qu’il faudra mobiliser toutes les technologies, fibre ou réseau hertzien, dans la zone III, la plus rurale ; j’y reviendrai lors de la discussion des amendements. L’intervention publique sera déterminante sur ces territoires.

Elle sera déterminante en matière de planification : les schémas directeurs sont bien sûr absolument nécessaires.

Elle sera déterminante en termes de réglementation. Ainsi, la commission a repris un amendement déposé par l’un de nos collègues sur les droits à la tranchée. Ce point me semble capital : il faut mobiliser tous les réseaux et tous les travaux de génie civil.

Elle sera déterminante s’agissant du fonds d’intervention. D’ailleurs, nous avons souhaité conserver ce fonds afin de concrétiser la nécessaire intervention financière de l’État dans le déploiement du réseau de fibre optique en milieu rural. Par le passé, l’État est intervenu pour assurer l’organisation et la péréquation du financement du réseau ferroviaire, du réseau de téléphonie fixe et du réseau d’électricité.

Nous n’avons pas retenu l’idée d’une taxe imposée aux opérateurs, ce qui aurait sans doute été le plus sûr moyen d’arrêter le déploiement de la fibre optique en France, y compris dans la zone I, la plus dense. Mais il me semble que d’autres solutions sont envisageables.

Ainsi, je souscris à la proposition de Xavier Pintat visant à mobiliser l’emprunt national sur ce sujet. Nous pourrons également compter avec les recettes sur les « fréquences en or » du dividende numérique et sur les fonds européens.

Il existe donc un certain nombre de pistes, que nous souhaitons explorer. Mais il n’y aura pas de grand réseau de fibre optique en France, en zone rurale, sans une intervention financière de l’État : c’est le principal message que nous souhaitons adresser au Gouvernement !

Mes chers collègues, nous sommes au début d’un très grand chantier et je crois que nous aurons à tirer les leçons de l’expérience.

Nous devrons, bien sûr, être fermes sur les objectifs, en restant pragmatiques et très souples sur les modalités. Dans ce dossier, qui représente un enjeu considérable pour notre future croissance, notre ambition est double : faire de la France une grande nation numérique en créant, dans notre pays, l’un des environnements numériques les plus avancés au monde, et ne laisser aucun territoire sur le bord du chemin.

Le principe d’égalité est chevillé au corps de chaque Français. Même si, on le sait bien, il n’est pas identique au principe de l’égalitarisme, l’État républicain doit en être le garant. Ce point est essentiel pour respecter cette double ambition.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a souhaité se saisir pour avis des dispositions de cette proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat, dont nous apprécions d’ailleurs l’initiative. En effet, le texte répond à de nombreux besoins de nos concitoyens. Relatif à la couverture du territoire, notamment dans le domaine de la télévision numérique terrestre, la TNT, il fait suite au rapport de notre collègue Bruno Retailleau.

Je commencerai par rappeler que la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a fixé pour les chaînes de la TNT un objectif de couverture de 100 % de la population, sans préjudice des modes de diffusion utilisés – réseau hertzien, satellite, ADSL ou câble –, cet objectif étant porté à 95 % de la population pour la seule diffusion par la voie hertzienne terrestre.

Conformément à l’article 96-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a fixé en janvier 2007, donc très récemment, le calendrier du passage au numérique. Il a notamment arrêté un schéma d’extension de la couverture de la TNT entre 2008 et 2011 pour les chaînes historiques, d’une part, et pour les nouveaux entrants, d’autre part, ce schéma ayant été validé par le Premier ministre.

La TNT va donc progressivement couvrir le territoire jusqu’à la fin de l’année 2011. C’est un grand chantier que nous avons devant nous ! Pour notre commission, il est majeur, car il permettra d’offrir à tous les Français de nouveaux programmes de télévision. Ces programmes seront, nous l’espérons tous, de meilleure qualité, mais aussi plus diversifiés. Nous savons également que cette couverture est un facteur non négligeable d’attractivité du territoire.

Pour donner davantage d’ambition géographique à la TNT, le CSA a en outre fixé un taux de couverture de la TNT par voie hertzienne par département. En effet, si le taux de couverture de la population par la TNT atteignait 87 % à la fin de l’année 2008, des variations importantes existent encore selon les zones géographiques. On observe, par exemple, une couverture inférieure à 60 % de la population pour la Franche-Comté ou pour la partie alpine de la région Rhône-Alpes.

L’objectif est donc d’assurer une couverture harmonieuse de la TNT sur l’ensemble du territoire national, tout en tenant compte, bien entendu, des contraintes économiques des chaînes de télévision, qui doivent supporter le coût des émetteurs.

Ce taux d’obligation de couverture a été fixé de manière très ambitieuse. Pour les chaînes historiques, il atteint 91 % de la population de chaque département et, pour les nouveaux entrants, 85 % de la population de chaque département. Toutefois, il s’agit là d’approximations et les méthodes de calcul du CSA pour déterminer la couverture du territoire sont en fait beaucoup plus complexes.

En application de l’article 115 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le CSA a publié, le 23 décembre 2008, une liste des zones qui devront être couvertes par la TNT au plus tard le 30 novembre 2011. Au final, sont concernées 1 626 zones pour les chaînes historiques en clair et 1 423 zones pour Canal Plus et les nouveaux entrants de la TNT.

Cet équilibre défini par le CSA est satisfaisant à plusieurs égards. D’abord, le nombre de personnes ayant accès à la télévision par la voie hertzienne augmente globalement. Ensuite, des zones auparavant non desservies en analogique le seront prochainement en numérique. Enfin, on assure une équité territoriale pertinente, alors qu’il était impossible pour le législateur de fixer un taux minimal de couverture par département du fait des très nombreuses incertitudes techniques entourant le passage à la TNT.

Toutefois, et c’est l’une des raisons de notre débat d’aujourd’hui, il ne faut pas se voiler la face : des zones d’ombre subsistent et certaines zones, auparavant desservies en analogique, ne le seront plus en numérique. Cela suscite, nous le savons, l’émotion tant des élus locaux que d’un certain nombre de nos concitoyens.

Pour résoudre ces difficultés, le législateur a été doublement actif.

D’une part, l’article 102 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a prévu la mise en place d’un accompagnement social du passage au numérique via un fonds d’aide, afin que tous les citoyens puissent s’équiper et recevoir la TNT. Ce dispositif s’applique aux téléspectateurs dégrevés de contribution à l’audiovisuel public, l’ancienne redevance, et sous condition de ressources. Mais, comme vous le savez, ce fonds est également géré par le groupement d’intérêt public France Télé numérique, qui a fait l’objet de nombreux débats dans cette assemblée au cours de l’hiver dernier.

D’autre part, la loi de 2007 et celle de 2009 ont permis le développement de deux offres satellitaires gratuites pour les zones d’ombre, qui réunissent l’ensemble des chaînes de la TNT. Ces deux offres, TNTSat et Fransat des groupes Canalsat et Eutelsat, permettent la réception de la TNT sans abonnement ni frais de location d’un terminal de réception, avec un investissement initial relativement modéré, que l’on estime aujourd’hui à un maximum de 250 euros.

Une faiblesse subsiste néanmoins. Elle est liée au choix du CSA d’imposer un taux départemental, qui souffre d’absence de base juridique. Or il semblerait, comme l’a rappelé Bruno Retailleau, que plusieurs chaînes aient contesté devant le juge la légalité des listes définies par le CSA.

C’est pourquoi la commission de l’économie a introduit avant l’article 1er deux articles, les articles 1erA et 1erB. Ceux-ci visent à conforter la légalité des listes actuelles, en confiant explicitement au CSA le soin de définir une couverture minimale par département. Graver dans le marbre législatif ce choix du régulateur nous paraît constituer une excellente initiative !

En revanche, il serait dangereux de vouloir augmenter davantage le nombre de sites TNT. Outre le coût extrêmement élevé que cela représenterait pour les chaînes de télévision, notamment pour France Télévisions, la mise en service d’émetteurs supplémentaires, au-delà de ceux qui sont prévus pour l’instant, risquerait de décaler de nombreux mois le calendrier d’extension de la TNT.

Nous savons que le réseau hertzien ne couvrira jamais l’ensemble du territoire. L’État doit donc apporter des solutions à ces inégalités territoriales : le soutien à l’achat d’une parabole et aux solutions alternatives que constituent le câble et l’ADSL est, à cet égard, une nécessité.

C’est la raison pour laquelle nous sommes également satisfaits par l’article 1erD, qui impose au Gouvernement de rendre un rapport sur le soutien financier qui pourrait être apporté aux personnes résidant dans les zones d’ombre. Il apparaît en effet que le fonds de soutien géré par le GIP s’adresse uniquement aux personnes dégrevées de redevance. Dans les zones d’ombre, il pourrait s’avérer utile d’élargir le public concerné, afin de respecter l’égalité de tous nos concitoyens devant l’arrivée de la TNT.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et la communication a donné un avis favorable à l’adoption de la présente proposition de loi.

Toutefois, des interrogations relatives à la couverture de la TNT demeurent. Je voudrais donc, madame le secrétaire d’État, évoquer deux questions qui se posent au sein de notre commission et au-delà, j’imagine, sur l’ensemble des travées de cette assemblée.

La première question concerne le décret d’application de l’article 102 de la loi de 1986 qui n’est pas encore publié. Il était prévu que le soutien financier aux personnes dégrevées de redevance serait technologiquement neutre. Il serait donc logique que les achats de paraboles dans les zones d’ombre soient subventionnés pour ces personnes. Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous nous le confirmer et nous donner des indications sur le délai dans lequel ce décret sera publié ?

Ma seconde question est connexe à la première. Madame la secrétaire d'État, vous aviez évoqué en commission l’idée de soutenir davantage les populations situées en zones d’ombre, ce qui constituerait un engagement de l’État en faveur de l’équité territoriale et de l’égalité de tous face à l’arrivée de la TNT. Selon vous, quelles formes ce soutien pourrait-il prendre ?

Nous soutenons les conclusions de la commission de l’économie et nous apprécions le travail de notre collègue Xavier Pintat. Nous sommes maintenant dans l’attente des réponses que le Gouvernement voudra bien nous apporter.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier et féliciter Xavier Pintat, auteur de cette proposition de loi. Comme il l’a rappelé, notre débat d’aujourd’hui s’inscrit dans le cadre, d’une part, du déploiement des réseaux à très haut débit sur notre territoire et, d’autre part, du passage à la télévision tout numérique avant le 30 novembre 2011. Cette proposition de loi crée une fenêtre d’opportunité et les idées qui y sont développées sont particulièrement bienvenues dans ce contexte-là.

Je souhaite aussi féliciter le rapporteur, Bruno Retailleau, pour le travail considérable qui a été effectué en commission, dans un délai extrêmement restreint, ainsi que le vice-président Pierre Hérisson, qui a su mener avec efficacité les débats, et encore mercredi dernier, en présidant la commission lors de l’examen des amendements.

Les réseaux à très haut débit sont un véritable défi pour le maintien de la compétitivité de nos entreprises comme pour le rayonnement de notre culture. C’est un défi tous azimuts ! Les réseaux de fibre optique représentent aujourd’hui un enjeu industriel majeur pour la France, avec plusieurs milliards d’euros d’investissements potentiels.

L’État est conscient du défi que représente le développement du très haut débit dans les zones rurales. La présence à mes côtés de Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, bien connu dans cette maison, et l’action que nous menons conjointement, sont une preuve de notre détermination à trouver des solutions et à les mettre en œuvre de manière efficace.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

La loi de modernisation de l’économie, discutée ici même voilà tout juste un an, a défini le cadre de développement de ces réseaux. Le Gouvernement s’attache, depuis lors, à mettre en œuvre cette loi.

Un point fait désormais l’objet d’un consensus entre tous les acteurs : notre territoire sera « découpé » en trois zones qui ne correspondent pas à autant de priorités ou de développements successifs du très haut débit : différentes règles seront mises en œuvre pour permettre un développement le plus rapide possible du très haut débit dans ces trois zones.

Il s’agit donc non pas d’opposer ou de stigmatiser tel ou tel territoire, mais de définir les outils adaptés à chacun, afin que le très haut débit soit, dans les plus brefs délais, une réalité pour tous. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’élaboration de schémas directeurs tels que ceux qui sont proposés dans le texte issu de la commission sera certainement, dans cette perspective, un outil essentiel.

La zone I correspond à la zone la plus dense, celle où les différents acteurs privés devraient investir chacun dans leur boucle locale en fibre optique et ne mutualiser que la partie terminale, généralement située dans les immeubles.

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a ainsi soumis à consultation publique, le 22 juin dernier, deux projets de décision et un projet de recommandation visant à définir le cadre réglementaire applicable. Ce cadre devrait être mis en place définitivement à l’automne. Tous les investissements pourront ainsi être libérés dans la zone I.

La commission de l’économie du Sénat a proposé plusieurs mesures, afin de compléter le cadre législatif sur cette zone. Le Gouvernement y est bien entendu favorable.

Dans la zone II, celle qui est moyennement dense, les différents acteurs vont être appelés à coopérer, afin de mutualiser les investissements et d’éviter une dispersion nuisible à leur rentabilité. C’est pourquoi j’ai proposé, dans le cadre du volet numérique du plan de relance présenté le 6 mai dernier en conseil des ministres, une action spécifique de l’État.

La Caisse des dépôts et consignations a été mandatée pour structurer une enveloppe de fonds propres avec des acteurs privés d’un montant minimal de 250 millions d’euros par an pendant trois ans, soit 750 millions d’euros en tout, afin de développer les réseaux à très haut débit dans cette zone II.

Je mène actuellement des discussions avec les différents acteurs, en espérant les convaincre tous de se joindre à cet effort de mutualisation.

Là encore, la commission de l’économie de votre assemblée a proposé un cadre législatif permettant de définir les conditions réglementaires associées à ce coinvestissement.

La zone III représente la zone où seules des subventions publiques permettront aux réseaux très haut débit de se développer ; nous en sommes tous d’accord. Il convient dès lors de préparer au mieux aujourd’hui le déploiement des réseaux dans cette zone par une meilleure mutualisation des infrastructures : utilisation des réseaux électriques, mutualisation des tranchées, etc.

Par ailleurs, les fréquences du dividende numérique – Bruno Retailleau parlait tout à l’heure de « fréquences en or » ! – seront un autre outil de développement de ces services dans la zone III permettant de réaliser des économies substantielles.

Les travaux réalisés en commission ont permis d’élaborer plusieurs propositions que le Gouvernement soutient. Ils ont aussi validé le principe d’un fonds d’aménagement du territoire. À ce propos, je le dis très clairement, ne nous méprenons pas : la priorité du Gouvernement est de libérer les investissements dans les réseaux à très haut débit, notamment ceux du secteur privé, qui est prêt à investir. Rien ne serait pire que de les freiner !

Il faut anticiper l’avenir et éviter qu’une nouvelle fracture numérique ne se développe. L’enjeu de notre discussion d’aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, sera de trouver un équilibre entre cette nécessaire anticipation et la coordination entre fonds publics et fonds privés.

J’en viens au passage à la télévision tout numérique terrestre.

Le texte issu de la commission aborde les enjeux structurants de la TNT dans le cadre de l’extinction de la télévision analogique le 30 novembre 2011. Ceux-ci reflètent, naturellement, l’inquiétude légitime des élus sur la non-couverture de leur territoire en TNT, alors que la couverture hertzienne terrestre passera de 99 % à 95 % de la population.

Je tiens personnellement à rappeler l’engagement du Gouvernement que tous les Français reçoivent les dix-huit chaînes gratuites nationales de la TNT, y compris les cinq chaînes en haute définition. Une partie des foyers aura accès à la TNT via les deux offres gratuites de télévision par satellite.

Le Gouvernement a d’ores et déjà mis en œuvre un dispositif d’accompagnement vers le tout numérique pour les foyers.

D’abord, une aide pour les foyers défavorisés et les publics sensibles, tant financière que technique, permettra d’éviter une fracture numérique sociale.

Par ailleurs, un site d’information sur Internet, une charte de confiance pour les prestataires et un centre d’appels ont été créés afin d’assister les foyers dans ce passage vers la TNT.

Les aides pour les personnes défavorisées tiendront évidemment compte du mode de réception – satellite, antenne râteau –, s’adaptant ainsi au budget d’installation requis en fonction du mode d’installation possible.

Une réunion du Comité stratégique pour le numérique se tiendra mercredi sous la présidence du Premier ministre, François Fillon. Elle permettra de définir le calendrier complet de passage au tout numérique. Elle sera aussi l’occasion d’examiner ma proposition d’accorder une aide spécifique aux personnes défavorisées dans les zones blanches de la TNT ; je sais que vous êtes nombreux à partager cette idée.

Enfin, pour répondre à la question posée par le rapporteur pour avis, Michel Thiollière, le décret d’application de l’article 102 de la loi de 1986 est en cours d’examen au Conseil d’État et sera publié d’ici à la fin de l’été.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais, moi aussi, remercier mes collègues Pierre Hérisson, Xavier Pintat et, surtout, Bruno Retailleau, qui, avec son éloquence bien connue, a tenté de traduire l’inquiétude qui est la nôtre, nous les élus de la ruralité, face à ce nouveau défi.

Je vais gagner du temps en n’abordant pas le sujet de la TNT, qui a été évoqué par tout le monde. Lorsque Bruno Retailleau parlait tout à l’heure d’enjeu, j’avais l’impression de ne pas appartenir au même pays ! Si ce texte a été validé, c’est parce que nous avons pris conscience du défi qui nous attendait. Toutefois, en écoutant les arguments des uns et des autres, je n’ai pas trouvé de réponse à la question que nous nous posons tous : comment financer la réduction de cette fracture numérique qui s’annonce et qui existe même déjà ?

Aujourd’hui, il faut le savoir, des entreprises délocalisent une partie de leur ingénierie, de leurs bureaux d’études, de leur communication commerciale près d’aéroports, de gares TGV, ne laissant plus sur place qu’un outil de production.

Demain, lorsque nous parlerons de valeur ajoutée pour conserver un lien entre le territoire et l’économie, comment ferons-nous pour faire face à la désertification économique qui s’annonce ?

On veut éviter le débat du financement par une péréquation entre les zones denses et les zones rurales, mais je ne comprends pas pourquoi on fait preuve d’autant de pudeur : la proposition de loi qui nous est soumise n’apporte aucune précision à ce sujet. Or nous savons ce qu’il est advenu des textes comportant des dispositions financières que nous avons votés !

Si je prends l’exemple de la région Midi-Pyrénées, nous en sommes déjà à 1, 5 milliard d’euros pour le TGV, à 500 millions d’euros pour les voies ferrées de RFF, sans compter, bien évidemment, les montants relatifs aux grandes infrastructures routières, pour lesquelles l’État s’était engagé, par écrit, à remplacer les volets routiers des contrats de plan par des programmes de développement et de modernisation des itinéraires, les PDMI, qui sont aujourd’hui presque réduits de moitié : 45 % !

Comment allons-nous trouver un euro pour résoudre le problème de la fracture numérique ? Nous devons très précisément être éclairés sur ce point, car vous ne pouvez pas évoquer la dramatique fracture numérique sans faire des propositions nous permettant de prendre position sur ce texte.

Je passe sur le travail de la commission, qui a enrichi la partie relative à la TNT, ainsi que sur tous les amendements, que nous avons vus très rapidement en commission et qui enrichissent également le texte.

En revanche, j’insiste sur ce qui est, pour notre groupe, la question de fond : comment les fonds publics financeront-ils la réduction d’une fracture numérique qui affecte déjà aujourd’hui 31 % de la population et 70 % du territoire ?

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous abordons la discussion de la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat dont l’importance n’échappe à personne : elle vise à lutter contre la fracture numérique en rationnalisant le déploiement de la fibre optique.

Je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de notre collègue, tout en regrettant que ce texte soit examiné presque en catimini, à la fin de la session extraordinaire du mois de juillet, un lundi, et probablement en séance de nuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Heureusement que ce n’est pas un dimanche !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Permettez-moi également de m’étonner que, sur un sujet majeur comme le désenclavement numérique, le Gouvernement ne soit pas à l’origine de ce texte. En disant cela, je ne vise pas Nathalie Kosciusko-Morizet, qui n’est en charge de la prospective et du développement de l'économie numérique que depuis quelques mois. Cela étant, je trouve anormal que les gouvernements qui se sont succédé depuis sept ans n’aient jamais eu la volonté de demander au Parlement de légiférer en vue de réduire la fracture numérique.

Pourtant, de nombreux experts, les habitants des territoires ruraux et de certains territoires urbains et un grand nombre d’élus ne cessent, depuis plusieurs années, de dénoncer la fracture numérique et ses conséquences pour l’attractivité et le développement des territoires concernés. Ici même, au Sénat, nous avons régulièrement alerté les gouvernements successifs lors de l’examen des crédits des dernières lois de finances initiales.

Pour ma part, depuis la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, j’ai consacré chaque année des développements à ce thème lors de mes interventions sur les crédits des missions concernées.

Les constats sont clairs. Selon les chiffres de l’ARCEP, au troisième trimestre 2008, le nombre d’abonnés au haut débit, qu’il s’agisse de l’ADSL, du câble ou de la fibre, était d’environ 17 millions. La couverture en très haut débit ne concerne que les zones les plus denses, comme le souligne le Rapport d’étude sur la couverture très haut débit des territoires de l’Association des régions de France, paru en décembre 2008.

En Europe, la France occupait en septembre 2008 la neuvième place pour le taux de pénétration du haut débit, loin derrière les Pays-Bas ou la Suède.

Compte tenu des enjeux dans le domaine de l’information, en matière de renforcement de l’attractivité des territoires et s’agissant de l’égalité des chances, il est essentiel de développer l’accès de tous au haut, puis au très haut débit, mais aussi à la téléphonie mobile et à la TNT.

En 2005, l’Union européenne avait adopté un plan numérique pour 2010, dont l’un des objectifs était l’accès à internet de 90 % de la population et des entreprises en 2010. Louable intention, qui ne s’est pas concrétisée !

Depuis la très grave crise économique et financière, si lourde de conséquences sociales, l’Union européenne a remis en lumière la nécessité du développement des technologies de l’information et de la communication, confirmant un objectif général de couverture de 100 % de la population entre 2010 et 2013, la priorité devant être accordée aux zones les moins bien desservies, qui nécessitent donc les investissements les plus importants.

Dans cette perspective ont été envisagées plusieurs mesures : de l’emploi des fonds agricoles européens à la révision des aides d’État, en passant par une utilisation optimale du dividende numérique.

En France, Christine Lagarde et Hervé Novelli ont lancé une consultation en décembre 2007, afin d’accélérer le déploiement du très haut débit. L’objectif était de favoriser le développement de la fibre.

Le Gouvernement a ensuite présenté le plan France numérique 2012, qui rappelle les objectifs et moyens envisagés pour le développement de l’accès pour tous aux nouvelles technologies de communication.

Deux objectifs principaux sont directement liés à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui : l’accès de tous au haut débit à un coût raisonnable – 512 kilobits par seconde pour un maximum de 35 euros mensuels – et la réduction de la fracture numérique, largement fléchée vers l’accès de tous à la télévision numérique terrestre.

Si les objectifs de ce plan ne peuvent que recueillir un consensus, les moyens nécessaires à sa réalisation ne sont pas programmés. Le plan ne prévoit en effet aucun financement de l’État et laisse, pour une large part, la responsabilité de sa concrétisation aux collectivités territoriales.

Dans ce contexte, caractérisé par de profondes inégalités sociales et territoriales dans le développement du numérique, la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat prend donc toute sa place. Prenant acte de la nécessité d’accroître l’accès pour tous au haut et très haut débit, ce texte vise particulièrement le développement de la fibre optique, technologie encore peu utilisée en France.

La proposition de loi s’articule autour de trois axes.

Premièrement, la mise en place de schémas directeurs territoriaux permettra une forme de péréquation entre zones denses et zones moins denses.

Deuxièmement, des syndicats mixtes seront impliqués dans l’aménagement numérique, un rôle particulier étant dévolu aux syndicats mixtes d’électrification.

Troisièmement, un fonds d’aménagement numérique des territoires sera mis en place.

Le travail de la commission et de son rapporteur a permis de compléter et de préciser le texte, en prévoyant des dispositions destinées non seulement à réduire la fracture numérique existante, mais aussi à prévenir l’apparition d’une fracture numérique dans le très haut débit.

Notre groupe est favorable à l’introduction dans cette proposition de loi de mesures relatives à la télévision numérique terrestre. En effet, la fracture numérique concerne non seulement l’accès à internet, mais aussi l’accès à la télévision du futur.

Cela étant, nous souhaitons aller plus loin que le rapporteur, en inscrivant dans la loi une couverture minimale de 95 % de la population de chaque département, ainsi que des procédures visant à permettre aux maires dont les communes ne seront pas desservies en numérique hertzien d’être informés, afin qu’ils puissent effectuer, en amont, les bons choix en matière de technologies alternatives.

S’agissant de l’installation de fibres surnuméraires, nous vous proposerons de remplacer l’expression « coûts spécifiques » par les mots « coûts supplémentaires », qui nous paraissent mieux préciser le fait que l’opérateur demandeur prend à sa charge l’intégralité des coûts additionnels induits par la pose des fibres surnuméraires, en sus de la quote-part équitable des coûts d’équipement de l’immeuble.

Concernant les schémas directeurs territoriaux, la rédaction proposée par M. le rapporteur nous paraît plus satisfaisante que celle de la proposition de loi initiale. Ces nouveaux outils sont intéressants. Il convient toutefois de prendre en compte l’évolution prévisible des structures territoriales et l’importance accrue du rôle des régions en matière d’attractivité du territoire. Nous défendrons donc un amendement visant à modifier l’article 1er, tout en précisant que les territoires des départements peuvent faire l’objet de schémas de secteurs.

Quant au fonds d’aménagement numérique des territoires, il est difficile d’y être opposé. Cependant, les dispositions prévues ne nous semblent pas assez précises. Nous vous proposerons donc, mes chers collègues, d’inscrire clairement dans la loi qu’il s’agit d’un fonds de péréquation. Il contribuera au financement de certains travaux, certes, mais lesquels ? Par ailleurs, quid du financement de ce fonds ? Encore une fois, les crédits risquent de manquer ! Un fonds dont les ressources ne sont ni précises ni pérennes perd de son intérêt.

Compte tenu des lourds investissements à venir, il est nécessaire d’avoir une visibilité à moyen ou long terme, afin de pouvoir mettre en place des stratégies de développement du numérique. Nous vous suggérerons donc de revenir sur la suppression des ressources du fonds.

Surtout, ce texte fait l’impasse sur un élément essentiel de la lutte contre la fracture numérique, à savoir la mise en place d’un véritable service universel.

Avec le progrès technologique et les évolutions des modes de vie, la définition du service universel doit évoluer. En effet, selon l’article L.35-1 du code des postes et des communications électroniques, le service universel des communications électroniques doit fournir à tous :

« 1° Un service téléphonique de qualité à un prix abordable. Ce service assure l’acheminement des communications téléphoniques, des communications par télécopie et des communications de données à des débits suffisants pour permettre l’accès à internet, en provenance ou à destination des points d’abonnement, ainsi que l’acheminement gratuit des appels d’urgence. […]

« 2° Un service de renseignements et un annuaire d’abonnés, sous formes imprimée et électronique [...].

« 3° L’accès à des cabines téléphoniques publiques installées sur le domaine public.

« 4° Des mesures particulières en faveur des utilisateurs finaux handicapés […] »

Ces dispositions, si nécessaires soient-elles, ne sont plus suffisantes, puisqu’elles s’appliquent principalement à la téléphonie fixe. Il importe désormais que chacun puisse disposer d’un accès à la téléphonie mobile, ainsi qu’à l’internet à haut et très haut débit. Dans cette logique, nous avions déposé un amendement visant à élargir le champ du service universel. La commission des finances nous ayant opposé l’article 40 de la Constitution, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

… nous ne pourrons pas débattre de cette proposition. Par conséquent, j’évoquerai ce point, que je juge essentiel, lors d’une intervention sur article.

Pour conclure, ce texte comporte des avancées, notamment en ce qu’il complète les dispositions de la loi de modernisation de l’économie et fixe des objectifs partagés. Toutefois, dans sa forme actuelle, il ne prévoit d’intégrer au service universel ni la téléphonie mobile ni le haut et très haut débit. Selon nous, c’est une occasion manquée.

La proposition de loi est également imprécise concernant le fonds d’aménagement numérique des territoires en ce qui concerne tant les travaux qu’il peut financer que les ressources dont il va disposer.

Enfin, le texte ne fixe pas un objectif suffisamment ambitieux en matière de couverture numérique hertzienne.

Dans ces conditions, nous ne nous opposerons pas à l’adoption de ce texte. Quant à savoir si nous le voterons, tout dépendra du sort qui sera réservé à nos amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord féliciter notre collègue Xavier Pintat pour cette proposition de loi, qui s’attaque de manière pertinente, concrète et réaliste à un sujet fondamental, la fracture numérique.

Je souhaite également saluer le travail effectué par le rapporteur, Bruno Retailleau, qui, une fois de plus, prouve sa connaissance du sujet, sa compétence dans ce domaine et sa capacité à rendre compréhensible par chacun d’entre nous des aspects qui sont parfois techniques. Les travaux de la commission ont permis d’améliorer le texte qui nous est proposé aujourd’hui.

Je salue aussi le Gouvernement, qui a su prendre, au cours des derniers mois, des initiatives tout à fait positives, qu’il s’agisse du plan France numérique 2012, du volet numérique du plan de relance, dont la mise en place a cependant été un peu tardive et un peu timide, ou de l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour de la session extraordinaire.

Enfin, je suis très heureux de saluer, au banc du Gouvernement, non seulement la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique, mais aussi le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, …

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

…car il ne peut y avoir d’aménagement du territoire sans développement du numérique. Votre présence, monsieur le ministre, est donc symbolique.

Nous sommes tous pleinement conscients, mes chers collègues, de l’importance du numérique tant dans le domaine économique – la Commission européenne a rappelé que le déploiement du très haut débit créerait un million d’emplois et 0, 6 % de croissance annuelle supplémentaire –, qu’en termes de culture et de savoir, de développement durable, de qualité de vie et d’aménagement du territoire ; les élus ruraux que nous sommes sont particulièrement attachés à ce dernier aspect.

L’impact du numérique sur les territoires est en effet considérable. Un territoire rural peu favorisé pourra, grâce au numérique, être en situation d’accueillir des activités économiques et touristiques, ainsi que de nouveaux habitants. Au contraire, s’il ne bénéficie pas du numérique, il verra se réduire encore sa population et son activité. Ainsi, l’arrivée du numérique peut inverser un déclin, tandis que son absence peut l’accélérer.

Aujourd’hui, chacun le reconnaît, l’accès au haut débit, c'est-à-dire aux 512 kilobits par seconde, ne correspond plus aux besoins des utilisateurs. Le seuil minimal généralement admis comme nécessaire se situe autour de 2 mégabits : c’est d’ailleurs ce seuil que le gouvernement britannique s’est engagé à atteindre, dans le cadre d’un service universel qui sera mis en place en 2012.

Dans ces conditions, le rapporteur a raison de le souligner, « le déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire n’est pas un luxe. C’est le seul moyen pour que les entreprises et les particuliers puissent bénéficier de nouveaux usages d’internet […] et que les territoires puissent préserver leur attractivité ».

La question qui se pose est celle du coût. En effet, cela a été dit, la couverture du territoire en haut débit représente des montants considérables : on parle de 40 milliards d’euros ! On sait bien que les opérateurs n’investiront que dans les zones rentables, c’est-à-dire les zones denses. On risque donc d’assister à une nouvelle fracture numérique qui laisserait de côté 80 % du territoire et 60 % de la population. Ce n’est pas acceptable et il faudra que la puissance publique, plus précisément l’État, intervienne financièrement. On évalue à environ 10 milliards d’euros les fonds nécessaires.

La création du fonds d’aménagement numérique des territoires est une bonne chose, car on ne peut pas, une nouvelle fois, laisser les collectivités territoriales financer l’ensemble de cet investissement en très haut débit.

La question est de savoir comment alimenter ce fonds. Il me semble que l’État devra le faire au moyen du grand emprunt national – cela me paraît particulièrement approprié, le numérique étant, par essence, un secteur d’avenir –, mais aussi en mobilisant des financements européens et une partie du produit de la vente des fréquences numériques.

La commission a choisi d’exclure une participation des opérateurs, contrairement à ce que prévoyait le texte initial de la proposition de loi. En ce qui me concerne, je ne suis absolument pas hostile à ce que les opérateurs contribuent au financement de la couverture numérique du territoire, à condition que l’on cesse de leur demander de payer pour tout et n’importe quoi. Pour parler clairement, je préférerais qu’ils financent la couverture numérique du territoire plutôt que la suppression de la publicité à la télévision. Je rappelle que la taxe de 0, 9 % instituée à cette fin permettrait de raccorder à la fibre optique 380 000 foyers supplémentaires chaque année. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à supprimer ce prélèvement, mais prévoyant en contrepartie un abondement du fonds par les opérateurs. Il ne serait pas non plus anormal que les départements densément peuplés, qui n’auront pas à financer le très haut débit et sont d’ailleurs souvent économiquement favorisés, puissent alimenter le fonds au titre de la solidarité territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

M. Jean-Pierre Plancade. Qu’en pense le président du conseil général du Rhône ?

Sourires

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

La question de l’accès au très haut débit pour tous – qui ne deviendra une réalité, au mieux, que dans une dizaine d’années –, bien qu’essentielle, ne doit pas en cacher d’autres plus immédiates, à la résolution desquelles il faut s’atteler de toute urgence.

Le sujet de la télévision numérique terrestre a été largement abordé. Chaque jour, des élus et des citoyens découvrent qu’ils ne recevront plus la télévision au moment du passage de l’analogique au numérique : c’est tout simplement inacceptable ! L’objectif d’une couverture à 100 % du territoire fixé par la loi doit être atteint. La commission a d’ailleurs introduit des dispositions en ce sens, et je m’en félicite.

La téléphonie mobile constitue un autre problème majeur qui, malheureusement, n’est pas traité par la proposition de loi. Aujourd’hui, selon les données officielles, 3 000 communes ne bénéficient pas de la téléphonie mobile de deuxième génération, mais nous savons tous que le chiffre réel est sans doute plus important, une commune étant considérée comme couverte dès lors qu’une fraction de son territoire est desservie par la téléphonie mobile. Le problème sera-t-il résolu à l’échéance du plan France Numérique, en 2012 ?

En ce qui concerne la téléphonie mobile 3G, on sait que l’objectif de couverture du territoire n’est que de 98 %, et qu’il est loin d’être atteint. J’espère que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, n’hésitera pas à prendre les sanctions qui s’imposent. Là aussi, je préférerais que l’on demande aux opérateurs d’accomplir leur mission plutôt que d’attribuer une quatrième licence qui n’apportera rien aux territoires ruraux et qui leur servira de prétexte pour ne pas remplir leurs obligations en matière de couverture du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Il est donc quelque peu inconvenant de parler aujourd’hui de très haut débit aux 550 000 foyers qui, selon les chiffres officiels, n’ont toujours pas accès au haut débit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Par exemple, comment certains bacheliers peuvent-ils s’inscrire à l’université sachant que les inscriptions ne se font que par internet ? Et comment les élus ruraux peuvent-ils accéder aux informations que les préfectures leur adressent désormais exclusivement par le même canal ? Le très haut débit est une belle chose, mais il faut donc assurer l’accès au haut débit pour tous. Le plan France Numérique 2012 prévoit que cet objectif soit atteint au 1er janvier 2010. J’espère que l’échéance sera tenue et que, dans certains cas, des offres légèrement supérieures à 512 kilobits par seconde seront même proposées. Comme M. le rapporteur, je souhaite que nous puissions, chaque fois que cela est possible, augmenter les débits existants.

La commission a bien voulu accepter mon amendement relatif au droit aux tranchées pour les collectivités territoriales, et je l’en remercie. Elle a élaboré un texte important, qui recevra le soutien du groupe de l’Union centriste. Néanmoins, je regrette pour ma part que nous ne soyons pas allés plus loin, notamment en mettant en place un service universel de la téléphonie mobile et de l’internet à haut débit. J’avais également déposé un amendement en ce sens, mais il a été rejeté au titre de l’article 40 de la Constitution. J’aimerais, madame la secrétaire d’État, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait la même ambition que le Royaume-Uni, qui prévoit d’instaurer un service universel à 2 mégabits par seconde.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Dès lors que chacun reconnaît que le haut débit et la téléphonie mobile sont indispensables, ils devraient être inscrits dans le service universel. Il serait grand temps que les pouvoirs publics montrent, par des gestes forts, qu’ils considèrent le numérique comme une priorité, tout particulièrement en zones rurales, et qu’ils sont prêts à mobiliser les moyens nécessaires.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis, à quelques jours de la fin d’une session extraordinaire, pour débattre d’une proposition de loi émanant de la majorité, dont le titre donnait à penser qu’elle avait été élaborée dans un souci d’intérêt général.

Cependant, au-delà de cet affichage, et malgré les efforts de la commission, que je tiens à saluer, les délais qui nous ont été imposés ne pouvaient permettre un travail législatif efficace, compte tenu de l’ordre du jour de la semaine qui débute.

La commission de la culture a nommé en urgence un rapporteur pour avis, mais cet avis est resté bien discret, pour ne pas dire qu’il a été étouffé, alors que de nombreux points auraient certainement dû faire l’objet de vifs débats, moins de deux semaines après l’adoption de la très discutable loi dite Hadopi 2.

En effet, la fracture numérique est un véritable sujet de société, qui mériterait mieux qu’une discussion précipitée dans la mesure où elle est le reflet d’inégalités sociales et territoriales dont la résorption représente un enjeu allant au-delà de l’amélioration de la compétitivité de l’économie.

Les arguments développés dans l’exposé des motifs du texte et dans le rapport de la commission, à la fois généraux et techniques, visent à justifier des dispositions que nous combattons depuis des années.

En premier lieu, ce texte est un nouveau moyen d’entériner le désengagement de l’État au profit du marché, qui est désormais l’alpha et l’oméga. Il résulte d’ailleurs de la transposition de directives européennes comme le paquet « télécoms », fondé sur des options idéologiques ultralibérales.

En second lieu, la dérégulation d’un secteur d’intérêt général comme celui des communications selon le dogme de la concurrence libre et non faussée a conduit à renforcer les prérogatives des grands groupes privés, qui accroissent leurs bénéfices au détriment de nos concitoyens, notamment de ceux d’entre eux qui vivent loin des centres d’activité, dans des territoires mal ou pas desservis par les technologies numériques, qu’il s’agisse d’internet, de la téléphonie mobile, de la télévision ou de la radio, et qui ne disposent pas des savoirs requis pour maîtriser les outils de communication les plus récents.

De surcroît, les dispositions relatives à l’accès au haut ou au très haut débit placent une nouvelle fois au pied du mur les collectivités locales, dont nous sommes les représentants : soit elles acceptent de financer le progrès, malgré la baisse constante de leur dotation globale de fonctionnement et l’amputation inéluctable des ressources tirées de la taxe professionnelle, soit elles seront stigmatisées et dénoncées comme hostiles au progrès et insensibles à la question de l’attractivité territoriale.

Tous les efforts déjà accomplis doivent être intensifiés avec moins de recettes, donc avec l’appui du secteur privé marchand. Ce dernier sera largement gagnant, la proposition de loi de notre collègue favorisant clairement les investissements privés qui seront consentis pour la couverture en haut et en très haut débit de nombreuses villes et régions, notamment en permettant leur défiscalisation.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres exposés dans les différents rapports et avis des commissions, conseils et autorités compétents, car ils ne sont que le reflet des inégalités engendrées par le reflux général des missions régulatrices de l’État. Nous avons maintes fois dénoncé cette tendance lourde à la dérégulation et à la course à la rentabilité, en particulier en 2003, lors de la discussion de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et de la loi relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, et plus récemment, en 2007 et en 2008, à l’occasion de l’élaboration de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur ou de la loi de modernisation de l’économie.

Pourtant, le constat est unanime : en ce qui concerne l’audiovisuel, l’extinction de la diffusion analogique interviendra avant que tout le territoire ne soit couvert par le numérique. Les plus âgés et les plus fragiles de nos concitoyens, qui sont parfois aussi les plus concernés par l’éloignement physique ou cognitif des moyens de communication, se trouveront alors laissés pour compte. À cet égard, le bilan du GIP France Télé Numérique n’est guère brillant en termes de soutien à l’équipement des ménages – mais sans doute les principales chaînes tiendront-elles un jour leurs engagements de 2007…

Le déploiement de la fibre optique devait être le moyen de résorber cette fracture technologique. Toutefois, l’abandon du modèle fondé sur la péréquation qui prévalait avec l’opérateur public, devenu aujourd’hui « historique », a sans aucun doute interdit de mener le plan câble à son terme et de diffuser cette technologie sur l’ensemble du territoire. Au lieu de mettre au cœur du dispositif un pôle public des communications qui soutiendrait le développement des réseaux de fibre optique, des réseaux sans fil ou des boucles Wimax, on offre une nouvelle chance aux grands groupes privés de capter le dividende numérique et de renforcer leurs positions oligopolistiques, au détriment des collectivités territoriales, qui devront financer des infrastructures lourdes, et, en dernier ressort, du portefeuille de l’usager final.

À ces solutions inégalitaires, à ce énième rapport commandé à l’ARCEP pour faire le point sur les zones blanches et les zones d’ombre que la libre concurrence entretient, nous opposons une réponse articulée non pas selon de nouveaux schémas territoriaux du numérique, mais autour d’un véritable service universel du numérique, du rétablissement d’un fonds de péréquation alimenté par les opérateurs qui, grâce à leurs ententes sur les prix, ont accumulé de substantiels bénéfices et, finalement, d’une intervention forte de l’État en faveur des territoires ruraux, des zones de montagne ou des quartiers périphériques, dont les habitants ne doivent pas rester à l’écart du progrès, mais se voir au contraire garantir l’accès aux technologies numériques en matière de communications.

Cette intervention ne doit pas devenir le dernier poste de l’emprunt national, ni reposer sur le seul engagement de la Caisse des dépôts et consignations. Mes chers collègues, la lutte contre la fracture numérique passe aussi par la mise en place d’un service universel du numérique, par la création d’un pôle public des télécommunications et par une réflexion sur les contenus, les logiciels libres, les droits d’auteurs ou la place des médias associatifs ou locaux. La fracture territoriale et sociale induite par les inégalités d’accès aux technologies ne sera pas réduite par le recours accru au marché et à la libre concurrence !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier et de féliciter M. Pintat de son initiative : l’examen de sa proposition de loi offre au Sénat l’occasion de remplir pleinement sa mission, en exprimant les attentes des collectivités territoriales, que nous représentons, et en traçant des perspectives.

Ce sont, bien sûr, ses qualités personnelles, mais aussi son expérience à la présidence de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, qui ont amené notre collègue à préparer ce texte. En effet, il existe de nombreux points de convergence entre ce qui s’est passé dans le secteur de l’électricité et ce qui devrait se passer pour le haut débit.

Je voudrais également remercier et féliciter M. Retailleau, éminent rapporteur de la commission de l'économie, et M. Thiollière, non moins éminent rapporteur de la commission de la culture.

La présence conjointe de Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique et du redoutable nouveau ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

atteste de l’importance du texte qui nous est soumis. Il ne saurait en effet y avoir de véritable aménagement du territoire et de l’espace rural sans mise en œuvre d’un plan ambitieux de lutte contre la fracture numérique.

M. Pierre-Yves Collombat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Le président du conseil général de Lozère a lancé une délégation de service public afin de créer un syndicat mixte chargé d’installer la fibre optique, qui associe six départements et trois régions traversés par l’A75. Ce n’est pas forcément là son rôle, mais il a bien fait de prendre cette initiative. Le syndicat départemental d’électrification et d’équipement de la Lozère, que je préside, a couplé la fibre optique à des lignes électriques torsadées à haute tension, mais nous pouvons aller plus loin. Nous étudions ainsi un plan d’enfouissement de 80 kilomètres de lignes électriques associées à des fuseaux. Une telle opération coûtera 1, 4 million d’euros : un département comme la Lozère ne peut la mener s’il n’est pas aidé !

Nous sommes donc au cœur d’un débat d’avenir, dont l’issue peut changer complètement les perspectives en matière d’aménagement du territoire. Nous avons été trop longtemps victimes de l’enclavement numérique. Aujourd'hui, la lutte contre la fracture numérique peut donner à des espaces qui apparaissaient défavorisés, à l’écart, condamnés à la désertification, de vraies chances de bâtir un avenir. C’est un élément qui conditionnera l’évolution de ces zones sur les plans économique, culturel, sanitaire, social et même éducatif, car, dans les campagnes aussi, les parents souhaitent que leurs enfants maîtrisent les outils numériques, d’abord par le jeu. Ne manquons donc pas le coche !

La définition de trois zones devrait nous permettre d’éviter de faire payer les villes pour la campagne, ou l’inverse. Il faut s’inspirer de ce qui a été fait pour la fourniture d’électricité, d’abord assurée par des entreprises privées, puis par un monopole, avant que n’apparaissent des modes de production diversifiés. Les choses évoluent !

Dans les zones denses, la concurrence jouera entre les opérateurs, avec des investissements privés importants qui devront engendrer des profits, ce qui permettra peut-être à terme – il ne faut pas, pour l’heure, effrayer ou décourager les opérateurs – de constituer l’équivalent du fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, en vue d’instaurer un prix unique et un égal accès au numérique pour tous. Aujourd’hui, pour un même tarif d’abonnement, le débit est de 2 mégabits par seconde en Lozère, et encore pas partout, contre 100 mégabits par seconde à Issy-les-Moulineaux.

Dans les zones à densité de population moyenne, un certain degré de structuration et d’organisation suffira, mais dans les zones à faible densité, comme en Lozère, il est bien évident que la mutualisation devra être complète, avec le soutien de l’État et de l’Union européenne, laquelle s’est d’ailleurs fixée un objectif à cet égard et a inscrit dans le plan de relance des crédits pour favoriser la réduction de la fracture numérique.

À terme, je le répète, quand les zones denses auront été équipées, pourquoi ne pas envisager que le fonds dont la création est prévue et qui sera, nous l’espérons, alimenté par le biais du grand emprunt national – ce devra être, madame le secrétaire d'État, monsieur le ministre, un de vos combats – ou d’autres crédits permette la mise en place d’un mécanisme analogue à celui du FACÉ ?

Nous le voyons bien, l’enjeu dépasse toutes les approches partisanes. Il y a cinquante ans, nous aurions bâti un monopole. Aujourd'hui, nous entendons apporter des réponses diversifiées, tenant compte des territoires, du besoin d’initiatives privées, des règles de la concurrence. Cependant, nous ne voulons pas que l’État, au nom d’une idéologie, se désengage ; nous voulons au contraire qu’il remplisse pleinement sa nouvelle mission, qui est de réguler, de faire jouer la mutualisation et la solidarité, afin que notre pays continue d’être exemplaire dans le domaine de l’aménagement du territoire. Nous maintenons le plus possible une population et des activités, notamment agricoles ou artisanales, sur tout le territoire : c’est cela, le développement durable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Promouvoir le développement durable, ce n’est pas se soucier exclusivement de l’environnement naturel, c’est également penser à l’équilibre de vie de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. Or les citadins ont besoin d’espaces ruraux vivants, non seulement pour pouvoir respirer pendant les vacances, mais aussi pour vivre dans un environnement équilibré. Promouvoir le développement durable, c’est donc répondre aux attentes angoissées de nos concitoyens, qui ont souvent perdu leurs repères spirituels et ont besoin de se ressourcer dans un environnement naturel. Les formidables avancées technologiques actuelles peuvent contribuer à un aménagement du territoire équilibré et nous permettre aujourd’hui de maintenir vivantes ces racines. Je compte sur vous, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, pour que nous gagnions ensemble ce fantastique pari !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les technologies de l’information et de la communication sont une branche d’activité économique essentielle pour l’avenir de l’outre-mer.

Les quatre départements d’outre-mer, qu’il s’agisse d’un département continental tel que la Guyane ou d’îles comme la Guadeloupe, la Martinique ou la Réunion, comptent peu de secteurs d’avenir à côté des domaines d’activité traditionnels que sont l’agriculture, la pêche, le bâtiment ou les travaux publics, mais, à n’en pas douter, les TIC en sont un, qui intéresse au premier chef la jeunesse de ces départements. Ainsi, à la Réunion, elles constitueront en 2010 le premier secteur d’activité créateur de richesses devant le bâtiment et les travaux publics, qui occupent pourtant 15 000 personnes, et ce malgré les handicaps que j’évoquerai.

Pour les départements d’outre-mer, situés à 10 000 kilomètres de la métropole, les TIC représentent la rupture de l’isolement, ainsi qu’un moyen de développer les échanges culturels avec le reste du monde, ces échanges devant d’ailleurs s’effectuer dans les deux sens : tous ceux d’entre vous qui sont venus à la Réunion ont pu constater la réussite de notre melting-pot ethnoculturel ! Le mécanisme d’intégration culturelle en œuvre à la Réunion est une réussite de la République. Faire connaître ce « vivre ensemble » réunionnais, où les différences culturelles sont ressenties non pas comme un handicap, mais comme un enrichissement mutuel, peut être, pour la métropole et pour l’Europe, un exemple de construction d’une société de paix !

En ce qui concerne le développement de l’activité économique, beaucoup de mes collègues se sont exprimés avec brio à cette tribune sur l’importance des TIC pour l’aménagement du territoire : c’est évident ! Nous n’avons pas le droit à l’erreur sur ce sujet. Outre-mer, nous devons développer le télétravail, et je propose que le département de la Réunion, que j’ai l’honneur de représenter, devienne un chantier d’expérimentation dans ce domaine. En Allemagne, le taux de télétravail est de 20 %, en métropole il s’élève à 7 % et à la Réunion il est pratiquement nul. Développer le télétravail contribuerait à la réalisation des objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement et permettrait de diminuer la circulation sur les routes, ainsi que de moins bétonner notre belle île, parfois défigurée par de grands travaux. Nous entrerions ainsi dans un cycle de développement durable et vertueux.

Quels secteurs faut-il développer ?

Je citerai maintenant, mes chers collègues, des chiffres qui vous surprendront. Pour l’usager ultramarin, il faut améliorer le rapport qualité-prix-débit des connexions, même si je suis bien conscient qu’il n’est pas possible, au nom de l’égalité, de desservir un territoire situé à 10 000 kilomètres exactement dans les mêmes conditions que la métropole. Cela étant, si un abonnement à 29, 90 euros mensuels permet de bénéficier d’un débit de 20 mégabits par seconde en métropole, on ne dispose à la Réunion, pour 39, 90 euros mensuels, que d’un débit de 1 mégabit par seconde, et de 128 kilobits par seconde en Guadeloupe ! Dans ces conditions, il est véritablement illusoire de vouloir développer l’activité économique en s’appuyant sur les TIC. Il est donc nécessaire d’améliorer les choses.

Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Au départ, elle était inévitable, car pour relier la Réunion au monde par le biais du réseau de fibre optique international, il fallait installer un câble Safe. Ceux qui ont investi des milliards d’euros dans cet équipement ont donc bénéficié d’une situation de monopole jusqu’en 2006, date à laquelle l’ARCEP, qui a fait un très gros travail outre-mer, a aboli ce monopole, ce qui a permis l’instauration progressive de la concurrence et une réduction de notre handicap. Nous voyons désormais se développer une libre concurrence pour la téléphonie mobile et une concurrence « acceptable » en matière de fourniture d’accès à internet. M. Retailleau ayant décrit de façon réaliste et véridique la situation outre-mer, je ne plagierai pas son rapport.

Je souhaite plutôt formuler des propositions.

La ministre de l’outre-mer et vous-même, madame la secrétaire d’État, avez commandé un rapport à l’ARCEP, qui sera remis à la fin de l’année. Je vous propose que nous en tirions alors ensemble, en compagnie de M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, des conclusions pour l’avenir.

Tout d’abord, il existe un arbitrage sur lequel nous n’avons pas le droit de nous tromper : faut-il que les régions continuent à investir dans des câbles pour relier, par exemple, la Réunion à Madagascar, ou faut-il acheter des capacités de transport d’information sur les câbles des grands consortiums ? C’est là un point très important.

Par ailleurs, comment faire en sorte que le rapport qualité-prix-débit de la desserte outre-mer soit identique à ce qu’il est en métropole ?

Enfin, quels services existant en métropole pouvons-nous créer outre-mer, afin de nous inscrire sur la carte du développement économique lié aux TIC ?

En conclusion, je soulignerai que la proposition de loi prévoyait initialement la création d’un fonds d’aménagement numérique des territoires, qui devait être alimenté par les opérateurs. Toutefois, la commission a décidé de priver ce fonds des ressources qui lui étaient destinées. Monsieur le ministre, madame le secrétaire d’État, je raisonne en paysan : à quoi servira un fonds qui n’est pas abondé ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

… qui suppose la mise en œuvre de schémas d’aménagement territoriaux, le respect du principe de continuité numérique, la desserte des zones blanches ? Puisque rien ne se fait sans argent, si la caisse est vide, le pari ne pourra être tenu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Je terminerai par trois questions particulières.

Premièrement, les départements d’outre-mer ne bénéficient pas de la télévision numérique terrestre, madame la secrétaire d’État, mais je sais que, sur ce point, le Gouvernement a des projets dans ses cartons. Pouvez-vous nous indiquer quand ce mode de diffusion sera étendu à l’outre-mer ? C’est un véritable enjeu pour la culture et l’enrichissement du paysage audiovisuel de ces départements.

Deuxièmement, j’ai déposé un amendement de justice économique. En effet, quand nous quittons les Antilles ou la Réunion pour venir en métropole, lorsque nous utilisons notre téléphone portable, nous payons le prix d’une communication aller-retour, ce qui est ruineux. Nous demandons donc l’application de la réglementation communautaire concernant l’itinérance, afin que les tarifs soient ramenés à des niveaux acceptables pour les métropolitains qui font du tourisme outre-mer et pour les Français d’outre-mer qui se rendent en métropole.

Troisièmement, madame la secrétaire d’État, vous avez lancé un plan de relance de l’économie numérique doté de 750 millions d’euros sur trois ans, applicable à l’ensemble du pays : avez-vous pensé à l’outre-mer, et avez-vous défini les caractéristiques de ce plan pour nos territoires ? Dans la négative, nous sommes disponibles pour travailler avec vous sur ce sujet.

Le Président de la République a souhaité que notre pays connaisse une révolution numérique au cours des prochaines années : nous souhaitons être des acteurs de cette révolution, n’en doutez pas une seconde !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec grand plaisir que je participe aujourd’hui, en compagnie de Mme Kosciusko-Morizet, à la discussion de la proposition de loi présentée par M. Pintat.

Cette proposition de loi, qui soulève un vrai problème, vient à point nommé. M. Retailleau a su mettre en exergue dans son rapport, avec la connaissance approfondie du sujet qui est la sienne, tout l’intérêt des thèmes abordés par ce texte. Les interventions que Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avons entendues constituent pour le Gouvernement autant de motivations supplémentaires de lutter contre la fracture numérique.

En tant que ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, je considère ce sujet comme essentiel. C’est une grande chance pour moi de pouvoir le traiter en collaboration avec Mme Nathalie Kosciusko-Morizet : nous avons chacun notre sphère de compétence, nous travaillons en très bonne intelligence et nous allons essayer d’être efficaces, parce que les attentes sont énormes en tous points du territoire, en particulier, bien sûr, dans les zones moins bien desservies que d’autres.

Hier, j’ai assisté à un concours de labours dans mon département. J’y ai rencontré deux jeunes couples d’agriculteurs qui s’installaient dans une ferme : en dehors du problème récurrent du prix du lait, la seule question pour eux était de savoir s’ils auraient accès à l’internet à haut débit ! Aujourd’hui, que ce soit en ville, dans les quartiers ou dans l’espace rural, il n’est pas de vie concevable sans les nouvelles technologies de l’information et de la communication, comme l’ont d’ailleurs souligné avec force tous les orateurs.

Je tiens à affirmer que le Gouvernement entend mener avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, une action efficace pour que la France, dans son ensemble, ne connaisse pas de fracture numérique et que nos concitoyens puissent accéder à ces nouvelles technologies, car elles sont la clé de la compétitivité et de l’attractivité de tous nos territoires.

En particulier, beaucoup de zones rurales connaissent aujourd’hui un regain de vitalité. Si elles ne bénéficient pas d’un accès correct aux nouvelles technologies, nous ne pourrons pas répondre à la demande de ceux qui ont choisi d’y vivre et dont l’installation en milieu rural est un fait positif pour l’équilibre de l’ensemble du territoire. Les nouvelles technologies permettent la télémédecine, le télétravail ou simplement l’accès à la culture en tout point du territoire. Nous sommes donc prêts à travailler à leur diffusion.

Je vais maintenant essayer de répondre aux différents orateurs.

Tous les territoires doivent être desservis par le haut débit et le très haut débit. Il s’agit donc de s’orienter vers un accès universel avec un débit suffisant. Tel est d’ores et déjà l’objectif du label « Haut débit pour tous », qui sera mis en œuvre par Mme Kosciusko-Morizet d’ici à la fin de l’été : ce service minimum permettra aux foyers situés dans les zones les plus reculées de disposer d’une offre d’accès à internet de 512 kilobits par seconde pour moins de 35 euros par mois, généralement grâce au satellite. C’est un premier pas ; nous savons parfaitement que nous devrons aller plus loin et nous sommes bien décidés à le faire ! Pour l’heure, certains candidats à ce label proposent déjà une offre d’accès à 2 mégabits par seconde.

Cet objectif doit nous guider, et le texte issu des travaux de la commission de l’économie s’inscrit tout à fait dans une perspective d’augmentation du débit. Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie numérique déterminera, à partir du rapport que l’ARCEP remettra d’ici à la fin de l’année, les outils que nous pourrons utiliser.

Plusieurs d’entre vous, notamment M. Maurey, ont évoqué le grand emprunt national. Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avons indiqué au Premier ministre que le développement de l’accès au haut débit par la constitution d’un réseau de fibre optique couvrant l’ensemble du pays était la seule dépense que nous proposerions au titre de l’aménagement du territoire.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. Michel Mercier, ministre. Le secrétariat d’État à l’économie numérique va organiser une journée de réflexion sur ce thème au mois de septembre : je ne doute pas que Mme Kosciusko-Morizet invitera les sénateurs qui ont pris la parole aujourd’hui à y participer !

Mme la secrétaire d’État acquiesce.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Pour l’outre-mer, monsieur Virapoullé, nous allons bien entendu attendre de connaître les conclusions des états généraux, qui n’omettront certainement pas d’aborder la question essentielle des nouvelles technologies de l’information et de la communication. En tout état de cause, le Gouvernement s’est engagé à résorber la fracture numérique outre-mer.

Nous aurons l’occasion de discuter, tout à l’heure, d’un de vos amendements, tendant à faire baisser le coût des communications mobiles. Ce serait un premier pas, qui en appellerait d’autres. Comme vous l’avez très bien dit, l’ARCEP établira, d’ici à la fin de l’année, un rapport sur ce sujet : nous prenons l’engagement de discuter avec vous de ses conclusions en vue de les mettre en œuvre, notamment celles de nature législative.

MM. Maurey, Jacques Blanc, Vall et Danglot ont exprimé des inquiétudes compréhensibles à propos du passage à la télévision numérique terrestre. Je tiens tout d’abord à féliciter M. le rapporteur d’avoir inscrit dans le texte de la proposition de loi des dispositions qui vont conforter la position adoptée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, en matière d’obligations de distribution de la TNT. M. Thiollière a bien rappelé tout ce qui restait à faire dans ce domaine.

Le texte de la commission constitue une bonne base de départ. Le Gouvernement, comme l’a rappelé Mme Kosciusko-Morizet, a déjà mis en œuvre un dispositif d’accompagnement vers le tout-numérique destiné aux foyers les plus défavorisés. Les aides tiendront compte du mode de réception – satellite, antenne râteau – et du budget requis pour l’installation. Néanmoins, il faut probablement aller plus loin, et le comité stratégique pour le numérique, qui se tiendra mercredi prochain sous la présidence de François Fillon, examinera une proposition d’aide spécifique en faveur des personnes défavorisées résidant dans les zones blanches.

Enfin, en matière de téléphonie mobile, il existe partout des zones blanches. M. Maurey estime que mon département est favorisé, mais il comporte également de telles lacunes ! L’État a déjà pris des initiatives pour les résorber, en 2001 et en 2003, mais beaucoup reste à faire. Dans les zones grises, nous devons à la fois développer la concurrence et mutualiser les installations, pour obtenir les services et les tarifs les meilleurs possibles. Tel est notre objectif.

En ce qui concerne le fonds d’aménagement numérique des territoires dont la création est prévue par la proposition de loi, j’ai bien compris qu’il restait quelque peu mystérieux pour nombre d’entre vous…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Cela étant, la création de ce fonds est déjà une bonne chose, qui n’a pas été si facile à obtenir. Nous soutiendrons cette initiative.

Reste à trouver les moyens adéquats d’alimenter le fonds. Instaurer un impôt nouveau n’est pas forcément la meilleure solution, même si c’est la première idée qui vient à l’esprit.

Nous devons d’abord mieux utiliser, à mon sens, les fonds européens. Le Gouvernement est tout à fait disposé à faire pression, à l’échelon européen, pour que l’installation de réseaux de fibre optique soit éligible aux fonds structurels.

S’agissant du coût, beaucoup de chiffres ont été cités. On a parlé de 30 milliards à 40 milliards d’euros. Selon la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT, la réalité serait plus proche de 25 milliards que de 40 milliards d’euros : en effet, les réseaux existants pourront être réutilisés en partie et les travaux de génie civil mutualisés. Évoquer des montants trop élevés est le meilleur prétexte pour ne rien faire. Il faut au contraire mutualiser et utiliser l’existant pour que le réseau de fibre optique couvre l’ensemble du territoire et que les communes rurales ne soient plus en fin de réseau, mais insérées dans la boucle. Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avons en tout cas cet objectif.

L’équipement de notre pays en fibre optique et sa desserte par la TNT, la téléphonie mobile et le haut débit représentent un enjeu essentiel pour l’avenir et contribueront à nous faire sortir de la crise, que ce soit en métropole ou outre-mer. C'est la raison pour laquelle je félicite de nouveau M. Pintat d’avoir déposé cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

titre ier

Réduire la fracture numérique existante

Division et intitulé nouveaux

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Leroy, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 96-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :

1° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré trois phrases ainsi rédigées :

« À la date d'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique la couverture d'un département ne peut être inférieure en diffusion numérique. Les éditeurs assurent une continuité de service en numérique sur l'ensemble des sites analogiques faisant l'objet de l'extinction technique de leur choix ne nécessitant pas un abonnement de l'usager. Les éléments correspondant les engagements de couverture sont portés à connaissance des collectivités concernées au moins huit mois avant l'extinction. »

2° Au second alinéa, le chiffre :

cinq

est remplacé par le chiffre :

six

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Collombat, Teston, Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Raoul, Patriat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 96-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Dans les trois mois suivant la promulgation de la loi n° du relative à la lutte contre la fracture numérique, le Conseil supérieur de l'audiovisuel publie une liste complémentaire à celle des sites publiée en application de l'article 96-2. Cette liste comprend l'ensemble des sites existants propriété des collectivités locales, régulièrement autorisés et diffusant actuellement la télévision hertzienne terrestre en mode analogique.

« Le Conseil peut toutefois déroger à cette obligation pour les sites apportant une couverture utile inférieure à 250 habitants. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Si j’ai bien compris, il n’y a ici que des défenseurs du monde rural. Je n’ai donc aucun doute sur le sort qui sera réservé à mon amendement !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il vise à apporter une réponse à un problème qui apparaît bien prosaïque et microscopique au regard des enjeux de la révolution numérique : il s’agit simplement d’éviter que, après le déploiement de la TNT, le territoire ne soit pas plus mal desservi qu’il ne l’était avec la télévision analogique. En fait de révolution, il s’agirait alors plutôt d’une contre-révolution !

Aujourd'hui, de 98 % à 99 % du territoire est couvert par la télévision analogique, les zones blanches se situant essentiellement dans les secteurs ruraux et de montagne. Comme pour la téléphonie mobile, les collectivités locales ont réalisé des équipements, qui ont permis de réduire progressivement ces zones blanches ou d’ombre, quelle que soit la dénomination qu’on leur donne.

Or, la liste des réémetteurs qui seront équipés par les opérateurs publiée par le CSA à la fin de l’année dernière est loin d’assurer la couverture numérique que nous souhaiterions. La loi dispose que 95 % du territoire doit être couvert, et on entend parfois dire qu’il faut garantir un taux de couverture minimal de 91 % par département. En réalité, nous savons très bien que ce taux n’est pas atteint, notamment dans les départements de montagne. Je demande simplement que la situation ne soit pas pire après le déploiement de la TNT qu’avant !

On m’objectera que le coût de couverture des territoires ruraux serait exorbitant pour les opérateurs : les pauvres malheureux ! Il serait de l’ordre de 850 000 euros par chaîne et par an, ce qui me paraît tout à fait tolérable puisque le coût de diffusion sera très inférieur, pour les petites installations, à ce qu’il est actuellement. Le retour sur investissement se fera donc progressivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mon argumentation vaudra pour d’autres amendements, monsieur le président.

L’extinction de la télévision analogique permettra de diviser par huit ou dix les coûts de diffusion.

On me répondra certainement que mon amendement est déjà satisfait, puisque la loi prévoit une couverture à 100 % du territoire. Je trouve cependant quelque peu inconvenant de considérer les ruraux qui se trouveront à la fois privés de TNT et de télévision analogique à la fin de 2011 comme une population défavorisée, alors que ce sont des citoyens égaux en droits aux autres. Il est d’ailleurs tout aussi inconvenant de vouloir régler ce problème de principe par un bricolage, en créant des fonds plus ou moins sociaux, dénués de ressources, avant de finir par refiler, comme en d’autres occasions, le bébé aux collectivités locales, notamment aux plus pauvres d’entre elles.

Mes chers collègues, puisque vous êtes tous des défenseurs de la ruralité, votez mon amendement !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Une série d’amendements, dont celui-ci est le premier, vise à généraliser la numérisation des émetteurs existants.

Je voudrais rappeler que la loi a effectivement inscrit dans le marbre l’objectif de 100 % de la population couverte grâce à deux technologies – à hauteur de 95 % avec le hertzien de terre et de 5 % avec des technologies alternatives.

Nous proposons d’aller au-delà, par deux voies.

D’une part, nous suggérons de cristalliser dans la loi le correctif départemental proposé par le CSA : dans les départements les moins bien desservis, les petits émetteurs qui couvriront des zones regroupant moins de 500 habitants pourront être numérisés.

D’autre part, nous souhaitons encourager le Gouvernement à créer un fonds ayant vocation à rétablir l’égalité d’accès à la TNT en offrant aux populations des zones blanches un financement pour s’équiper, notamment afin de recevoir la télévision numérique par satellite. Il ne s’agit pas, monsieur Collombat, de traiter les ruraux comme une population défavorisée. Un accord est en cours de négociation, et j’espère que le Premier ministre pourra annoncer prochainement sa conclusion.

Je voudrais rappeler que, avec la diffusion analogique, une quinzaine de départements étaient déjà couverts à moins de 91 %. Il existait une offre Eutelsat pour la télévision analogique, que de 1 million à 2 millions de foyers français recevaient grâce à une parabole.

Les propositions de la commission sont donc très ambitieuses et vont finalement dans le sens de ce que vous souhaitez, monsieur Collombat, puisqu’elles visent à établir l’équité en matière de couverture du territoire national par la TNT. Nous avons donc émis un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État

Nous partageons tous ici le même objectif : permettre à chacun d’avoir accès à la TNT, dans des conditions justes et équitables.

Monsieur Collombat, votre amendement tend à imposer aux chaînes de prendre intégralement en charge l’équipement satellitaire de l’ensemble des foyers qui ne seront pas couverts par la TNT. Cela représente un coût très supérieur au montant que vous avez annoncé : je l’estime pour ma part à plus de 100 millions d’euros, alors même que la situation financière des chaînes est actuellement difficile. Il ne me semble donc vraiment pas que cette solution soit envisageable.

En revanche, votre préoccupation, très légitime, d’assurer une couverture minimale par département est prise en compte par l’article 1er A, qui a été introduit par la commission et auquel le Gouvernement est favorable.

Enfin, M. le rapporteur l’a rappelé, nous réfléchissons à un dispositif de soutien spécifique pour les foyers vivant dans les zones d’ombre de la TNT. Nous examinerons cette question lors de la réunion du comité stratégique pour le numérique qui se tiendra dans deux jours. Cela étant, je comprends que vous refusiez que les populations concernées soient considérées comme défavorisées, terme qui introduit une confusion.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Madame la secrétaire d’État, vous disposez certainement de renseignements que je n’ai pas. Vous avez indiqué que le coût des équipements satellitaires pour les foyers non couverts par la TNT serait de 100 millions d’euros, mais pour ma part je n’ai parlé que de la conversion au numérique des relais existants, pour permettre que la couverture ne soit pas moins étendue après l’abandon de l’analogique qu’avant ! En tout cas, les sommes en jeu ne sont pas astronomiques.

Quant au principe d’une couverture minimale affiché dans la proposition de loi, il est purement cosmétique et sans réelle portée puisqu’il n’est assorti d’aucun engagement. En somme, on fera mieux que si l’on faisait pire !

Enfin, je trouve tout de même quelque peu curieux le raisonnement selon lequel faute de pouvoir faire peu, on va faire beaucoup. Ne serait-il pas plus simple de se borner à faire évoluer les équipements que les collectivités territoriales ont progressivement mis en place ? Je comprends mal ce refus qui nous est opposé.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État

Permettez-moi de préciser qu’il est nettement moins coûteux d’équiper en paraboles que de numériser l’ensemble des petits émetteurs.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq.