Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 14 février 2007 à 15h00
Banque de france — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. le rapporteur l'a confirmé, le Gouvernement et sa majorité parlementaire souhaitent un vote conforme sur ce texte, que nous examinons en deuxième lecture.

Je me contenterai donc, à ce stade quasiment ultime de la discussion de la proposition de loi, fort opportunément inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 17 janvier dernier, de reprendre le débat au moment où nous l'avions laissé au Sénat, au mois d'octobre 2006.

Le groupe socialiste n'avait pas émis d'objection de principe sur l'adaptation de la gouvernance de la Banque de France et sur la création du comité monétaire. En revanche, il s'était opposé à l'introduction de dispositions consistant à modifier les droits des représentants du personnel et de leurs instances, ainsi que le mode de calcul du montant des oeuvres sociales qu'ils gèrent. Avec sagesse, le Gouvernement avait demandé leur retrait dans l'attente d'une négociation avec les partenaires sociaux.

Que s'est-il passé depuis l'examen de cette proposition de loi en première lecture ?

Le 21 novembre dernier, un protocole d'accord relatif à l'amélioration de l'efficacité du dialogue social et à l'évolution de la politique sociale de la Banque de France a été signé entre le gouverneur et six organisations syndicales sur sept.

Le rapporteur général de l'Assemblée nationale, notre collègue Gilles Carrez, s'est autorisé à réintroduire par amendement les dispositions de l'article 5 qui avaient été supprimées par le Sénat à la demande du Gouvernement. Pour justifier cette initiative, il s'était appuyé sur le « bon déroulement de la négociation », qui revenait, selon lui, à considérer qu'elle avait abouti.

Or c'est aller très vite - trop vite ! - en besogne. En effet, le protocole d'accord, que j'ai lu attentivement, fixe une méthode de négociation, précise les points qui peuvent en faire l'objet et établit un calendrier. Il y est explicitement mentionné que « les négociations s'engageront début 2007 » - nous y sommes - et qu'un « premier constat sera établi de manière commune en juin 2007, suivi de points de rendez-vous réguliers tous les six mois faisant l'objet de rapports d'étapes ». Le relevé de conclusions consignera les évolutions à mettre en oeuvre, admises de part et d'autre.

Dès lors, l'argumentation que nous avions développée en première lecture n'a rien perdu de sa force : la négociation d'abord, la négociation jusqu'au bout, la loi ensuite, si besoin est. En conséquence, nous maintenons aujourd'hui l'attitude que nous avions adoptée au mois d'octobre dernier.

Ce n'est pas ici le lieu de détailler le protocole signé, mais ses termes savamment pesés font preuve du haut degré de responsabilité des organisations signataires. Il en va de même de leur attitude face au délicat sujet de la retraite. Je veux le souligner ici, car le contraste est frappant entre l'attitude des personnels et de leurs représentants et la très malsaine campagne de presse dont ils ont fait l'objet en automne dernier.

Pourquoi cette campagne de presse a-t-elle été malsaine et pourquoi le procédé n'est-il pas bienveillant ?

Tout d'abord, il n'est jamais bon de mettre au pilori une catégorie de travailleurs en cherchant à opposer leur statut à tous ceux - et ils sont trop nombreux - qui n'en ont pas, surtout à une période où les emplois précaires sont source d'insécurité grandissante et placent dans une grande fragilité des millions de salariés qui veulent travailler et qui n'ont pas d'autre choix que d'accepter le contrat qu'on leur propose.

Ensuite, c'est oublier les efforts qui ont été accomplis par les personnels de la Banque de France. Faut-il rappeler la réorganisation du réseau, la mobilité de 20 % des agents, la suppression de 2 500 emplois, qui ont permis des gains de productivité substantiels ? J'estime que le personnel a joué un rôle dans la bonne santé financière de la Banque de France, laquelle a versé en 2006 - le gouverneur de la Banque l'a rappelé hier en commission des finances - 950 millions d'euros de dividendes à l'État.

C'est bien mal traiter le personnel que d'en faire - facilement, du reste - un bouc émissaire. Il a montré qu'il était soucieux d'apporter sa contribution pour que la Banque de France ne soit pas taxée d'immobilisme : il a bougé.

Enfin, ce texte nous revient de l'Assemblée nationale enrichi de deux nouveaux articles. L'article 8 autorise le Gouvernement à transposer les directives dites « Bâle II » avant le 1er novembre 2007 ; l'article 9 ratifie l'ordonnance sur les sûretés, qui porte notamment sur le crédit hypothécaire rechargeable pour les particuliers.

Il n'est pas bon d'avoir recours de manière systématique à l'ordonnance, surtout quand il s'agit de normes prudentielles auxquelles devront souscrire les établissements bancaires, sans que la représentation nationale ait pu en évaluer l'impact sur la vie des entreprises et sur l'activité économique.

On nous a fait valoir que les préventions concernant notamment les conséquences sur l'évaluation du risque dans l'octroi des prêts aux petites et moyennes entreprises, les PME, ont pu être levées en fin de négociation des directives au motif que la segmentation du risque en fonction de la taille de l'entreprise permettait une approche plus fine, donc une meilleure attribution de crédit aux PME et aux très petites entreprises, les TPE. Il s'agit là d'un argument a priori que seuls les faits confirmeront ou infirmeront, surtout quand, dans le même temps, les banques font valoir les économies qu'elles pourraient réaliser sur leurs fonds propres avec les nouvelles normes de ratio.

Compte tenu du peu d'allant de notre système bancaire pour soutenir la croissance des PME, alors que l'on sait que le passage du statut de TPE à celui de PME constitue le maillon faible de notre tissu industriel, je reste sceptique sur ce qui nous est proposé.

S'agissant de la ratification demandée, qui porte notamment sur le crédit hypothécaire rechargeable pour les particuliers, le groupe socialiste a déjà exprimé son désaccord sur l'introduction de cette modalité dans notre droit au moment de la discussion sur la loi Dutreil. Nous persistons, car nous avions mis en garde sur les risques de surendettement. À examiner les derniers chiffres du surendettement, nos craintes apparaissent fondées et sont appelées à se vérifier.

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