La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.
La séance est reprise.
M. le Président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
L'ordre du jour appelle la désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Le groupe Union pour un Mouvement Populaire m'a fait connaître qu'il proposait la candidature de M. Pierre Bernard-Reymond, en remplacement de M. André Dulait, démissionnaire.
Cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat a été à l'initiative de la proposition de loi sur la Banque de France qui vous est aujourd'hui soumise en deuxième lecture, après son examen par l'Assemblée nationale le mois dernier.
Nous avons donc de ce fait l'opportunité d'arriver au terme d'un processus entamé ici même, en 2005, à l'occasion de l'examen d'une loi de finances rectificative.
C'est une grande satisfaction que de pouvoir envisager à présent la mise en oeuvre d'un texte de première importance pour notre banque centrale et sa gouvernance.
Dans mon intervention, j'aimerais, d'abord, revenir brièvement sur les principales mesures de ce texte, ensuite, rappeler les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, enfin, évoquer les suites à donner à cette loi.
En premier lieu, je rappellerai donc les principales mesures de ce texte.
L'objectif de cette proposition de loi est de doter la Banque de France d'une gouvernance moderne et d'un cadre adapté à ses missions d'intérêt général.
La modernisation voulue par votre assemblée, et à laquelle le Gouvernement souscrit bien évidemment, commence par la gouvernance. À cet égard, la suppression du Conseil de la politique monétaire, le CPM, répond simplement au nouveau mode de définition de la politique monétaire au sein de l'Eurosystème.
Toutefois, en prenant en main une réforme nécessaire, le Sénat a proposé une perspective claire, à savoir que la suppression du CPM, loin d'être une fin en soi, doit s'inscrire dans une révision globale de ladite gouvernance.
La logique que vous avez retenue, mesdames, messieurs les sénateurs, affirme la prééminence du conseil général comme organe de gestion de la Banque, qui s'ouvre, pour ce faire, à de nouvelles compétences professionnelles.
Le comité monétaire reprend sa place d'organe de réflexion ; il n'est donc plus l'organe central. La Cour des comptes vient d'ailleurs de saluer cette évolution dans son rapport public.
Par ailleurs, le texte adapte le droit du travail applicable aux personnels de la Banque pour tenir compte de son appartenance au Système européen des banques centrales, le SEBC, et tenir compte de la réalité.
L'Assemblée nationale a rétabli les dispositions initialement proposées par votre commission des finances.
Vous vous en souvenez, le Gouvernement avait souhaité que le temps nécessaire pour la concertation soit pris. Or je me félicite de constater que ce temps du dialogue a permis la conclusion d'un accord entre les responsables de la Banque et l'ensemble des sept organisations syndicales. Les personnels représentés ont ainsi marqué leur adhésion aux mesures que vous aviez proposées, monsieur le président de la commission des finances.
Le Gouvernement a donc approuvé le rétablissement de l'article 5 dans sa version initiale, la consultation ayant maintenant eu lieu.
L'adoption de ces dispositions ouvre sur un nouveau processus de dialogue, afin de déterminer les modalités de leur mise en oeuvre. Nous veillerons à ce que la préparation de ces textes se déroule conformément aux engagements de concertation étroite qui ont été pris à l'Assemblée nationale, et que je rappelle ici.
Enfin, le Gouvernement soutient l'adoption des mesures tendant à moderniser les missions de la Banque de France. Je mentionnerai, sans m'y appesantir, le transfert de la balance des paiements dans les missions fondamentales de la Banque. Comme vous le savez, le Gouvernement souhaite que cette démarche de modernisation se poursuive dans d'autres domaines, tant il est vrai que nous avons tous intérêt à voir l'efficacité de la Banque renforcée dans l'exercice de toutes ses missions.
Je relèverai également les évolutions intervenues en matière de supervision bancaire. L'amendement du Gouvernement que votre assemblée a bien voulu voter en octobre dernier habilite celui-ci à transposer par ordonnance les mesures législatives nécessaires à la mise en oeuvre des deux directives dites de « Bâle II ».
Ces deux directives modernisent très profondément les méthodes de surveillance prudentielle des établissements de crédit en Europe. Il s'agit, en particulier, des exigences de fonds propres, de leur évaluation et de leur contrôle.
Nous souhaitons ainsi améliorer la sécurité et la compétitivité dans le secteur bancaire et financier, en d'autres termes assurer un meilleur financement de l'économie tout simplement.
En second lieu, j'évoquerai les mesures d'amélioration de notre réglementation financière introduites à l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement. Ces dispositions portent sur la directive relative aux marchés d'instruments financiers ainsi que sur la modernisation du crédit hypothécaire.
Les textes de transposition de la directive concernant les marchés d'instruments financiers devaient, en principe, être adoptés dès le 31 janvier 2007 en vue de leur entrée en vigueur le 1er novembre. Toutefois, la négociation communautaire des mesures d'application n'a abouti qu'en août 2006, c'est-à-dire bien tard, et les dernières dispositions ont été publiées en septembre dernier. C'est pourquoi la mise au point d'un dispositif complet, comprenant une ordonnance, ses décrets d'application et une revue très significative du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, est toujours en cours.
La consultation du plus grand nombre d'acteurs de place concernés par cette réforme est déjà très avancée et se poursuit. Il vous est proposé de définir le délai d'habilitation pour tenir compte de ce contexte de travaux et de négociations en cours. À cet égard, il conviendra de mobiliser, dans les prochaines semaines, tous les efforts afin de permettre aux acteurs de la place de Paris de se préparer au mieux au nouvel environnement issu de cette directive.
Par ailleurs, le nouvel article 9 de la proposition de loi doit permettre de ratifier et de compléter l'ordonnance sur les sûretés du 23 mars 2006, dont vous aviez approuvé le principe par l'habilitation adoptée dans la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie du 28 juillet 2005.
Cette ordonnance a permis d'introduire sur le marché français deux nouveaux produits de crédit : l'hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire.
Tous les textes d'application nécessaires à leur mise en oeuvre ont d'ores et déjà été publiés. La ratification de l'ordonnance constitue donc la dernière étape à franchir pour cette importante réforme qui doit donner aux Français les moyens de financer leurs projets dans de meilleures conditions de coût.
Les ménages qui le souhaitent pourront désormais mobiliser leur patrimoine immobilier pour faciliter le financement de leurs projets d'investissement et de consommation ; plusieurs établissements bancaires proposent déjà certains de ces nouveaux crédits.
Enfin, en dernier lieu, je voudrais succinctement rappeler les étapes qui nous attendent après le vote de cette proposition de loi par le Sénat.
Dès que vous aurez approuvé ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement engagera les démarches réglementaires nécessaires à son application ; je n'en citerai que les principales.
Un décret fixera les modalités de fonctionnement du conseil général.
Par ailleurs, un décret en Conseil d'État garantira le nouveau régime de financement des dépenses sociales de la Banque centrale. Il sera établi en liaison avec la Banque de France et dans le contexte des nouvelles concertations sociales engagées cette année et qui se poursuivent actuellement.
Enfin, il sera possible de procéder à la désignation des personnalités compétentes qui viendront composer le nouveau conseil général.
Bien entendu, les deux membres actuels nommés au CPM, à l'instar du représentant du personnel au conseil général, demeureront en place jusqu'à échéance de leur mandat.
En conclusion, je dois dire une nouvelle fois que le Gouvernement remercie le Sénat de son initiative qui nous conduit au vote d'aujourd'hui.
Cette proposition de loi constitue un texte de rationalisation des dépenses publiques, exemplaire à bien des égards, et d'amélioration de missions effectuées dans l'intérêt général.
Je vous remercie donc de l'avoir promue et d'avoir finalement rendu possible cette réforme déterminante par sa portée et son exemplarité.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés très vraisemblablement au dernier texte de cette législature examiné par la commission des finances. Nous avons le plaisir d'en débattre avec vous, madame la ministre, mais nous nous félicitons surtout qu'il s'agisse d'une proposition de loi dont le premier signataire était M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Qu'il me suffise de rappeler après vous, madame la ministre, que cette proposition de loi était en fait l'aboutissement d'un assez long processus et que, précédemment, un contenu voisin avait fait l'objet d'un amendement que nous avions été en devoir de retirer.
Cette proposition de loi, en ce qui la concerne, est venue en discussion devant le Sénat le 17 octobre 2006 dans le cadre de l'ordre du jour réservé. Elle a été adoptée dans le texte proposé par la commission à une modification près, intervenue à l'article 5, sur proposition du Gouvernement, par le biais d'un amendement.
Il me paraît inutile de rappeler qu'il s'agit, d'une part, de la suppression du Conseil de la politique monétaire et de passer à des modalités plus modernes de gouvernance de la Banque de France, et, d'autre part, de l'adaptation du droit applicable à celle-ci pour tenir compte de son appartenance au système européen de banques centrales, le SEBC.
Le droit communautaire est très présent dans cette proposition de loi par les adaptations auxquelles je viens de faire allusion et qui sont issues non seulement des institutions de la zone euro mais également des autorisations données au Gouvernement de transposer par ordonnance les deux directives dites de « Bâle II ». Ces directives devaient d'ailleurs être transposées avant le 31 décembre 2006 ; à peu de chose près, le délai est donc respecté.
Quelles ont été les modifications apportées par l'Assemblée nationale au texte que le Sénat avait adopté le 17 octobre dernier ?
Il y a d'abord le retour au texte initial de l'article 5 de notre proposition de loi, ce qui ne peut que susciter l'accord le plus complet de la commission des finances. À l'origine de cette modification se trouve l'accord que le gouverneur de la Banque de France est parvenu à conclure, au terme de négociations très approfondies avec les organisations représentatives du personnel, et qui porte, entre autres, sur le devenir du régime de retraite des agents de cette institution.
Hier, nous avons auditionné M. Christian Noyer et fait le point sur ce sujet : la Banque de France se conformera progressivement aux obligations comptables qui lui incombent compte tenu des engagements pris de longue date à l'égard de son personnel pour la mise en oeuvre de ce régime de retraite.
Par ailleurs, il convient de le rappeler, la rédaction initiale préconisée par la commission pour l'article 5 visait à confirmer que le code du travail s'appliquait toujours à la Banque de France, exception faite des dispositions propres aux entreprises en situation de risque économique, car nous savons bien que la Banque de France, pour toutes sortes de raisons, n'entre pas dans cette catégorie.
De même, nous avions souhaité que, dans le respect des règles internes qui prévalent à la Banque de France et qui résultent de la négociation avec les partenaires sociaux, le financement des activités sociales et culturelles échappe à la règle dite du « cliquet social », qui ne nous semblait plus appropriée en raison de la baisse tendancielle des effectifs de la Banque de France.
En effet, il n'est plus possible d'agir comme si cette institution demeurait dans un splendide isolement et avait conservé toutes ses fonctions et prérogatives antérieures au traité de Maastricht.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a introduit deux nouveaux articles : tout d'abord, un article 8, qui a pour objet de prolonger de huit mois, c'est-à-dire jusqu'au 1er novembre 2007, l'habilitation à transposer par ordonnance la directive du 21 avril 2004 sur les marchés d'instruments financiers, dite directive « MIF » ; ensuite, un article 9, qui tend non pas à habiliter, mais à ratifier l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, en ajoutant quelques modifications techniques qui emportent tout à fait notre adhésion.
Mes chers collègues, il convient de souligner la portée de ces dispositions, qui introduisent l'hypothèque rechargeable. En effet, ce nouvel outil de gestion de l'endettement et du patrimoine accordera une souplesse supplémentaire aux particuliers et permettra une véritable modernisation de notre système financier, puisque celui-ci sera mis en concurrence. Il constituera également un progrès social, notamment pour les personnes qui ont besoin d'acquérir des biens immobiliers.
Au détour de ce texte consacré principalement à la Banque de France, nous introduisons donc une disposition de droit financier qui concernera de nombreux emprunteurs et sera sans doute de nature à assurer une plus grande fluidité du marché de l'immobilier.
Pour conclure, je formulerai quelques observations sur les conditions de transposition de la directive « Marchés d'instruments financiers ». La prolongation du délai de transposition jusqu'au 1er novembre est prudente, mais j'espère, madame la ministre, qu'il sera possible d'aller plus vite.
Je sais bien que d'autres projets doivent être menés dans le même temps, mais pendant que les politiques participent au grand débat national de cette année, les services peuvent travailler ! La commission des finances souhaiterait que tous les efforts nécessaires soient engagés afin que la publication de cette ordonnance intervienne avant le 1er novembre 2007, ce qui devrait être possible.
Sur le fond, je regrette le cadre d'habilitation que nous avions voté et qui a été allégé par l'Assemblée nationale - celle-ci s'inspirant, me semble-t-il, des observations du Conseil d'État. Il me paraissait plus clair et plus complet que celui que nous voterons sans doute cet après-midi. J'y reviendrai lors de la discussion des articles ; toutefois, mes chers collègues, je rappelle qu'il s'agit de la question des plates-formes de négociation qui sont organisées au sein des grands établissements financiers sur le marché mondial et qui, de ce fait, échappent aux règles s'appliquant aux marchés réglementés, c'est-à-dire aux bourses, selon l'appellation toujours usuelle.
Lorsque nous avons examiné cette loi d'habilitation en octobre 2006, nous avons souhaité que des conditions bien précises de transparence pré et post-négociation soient définies et que des orientations de nature à assurer la meilleure exécution des ordres puissent guider la transposition de la directive communautaire. Madame la ministre, nous demeurons très attentifs à ce problème technique, sur lequel je conclurai mon intervention.
Mes chers collègues, je précise, si c'était nécessaire, que la commission des finances préconise le vote sans aucune modification de cette proposition de loi, qui me semble constituer une avancée réelle à la fois pour la Banque de France, pour notre système financier et pour la législation à laquelle nous aurons pu collaborer au cours de la législature qui s'achève.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis en deuxième lecture pose une question essentielle : devons-nous légiférer sur un thème de cette nature alors même que les évolutions politiques futures peuvent frapper d'obsolescence l'objet de notre débat ?
Le titre de cette proposition de loi pourrait sembler séduisant. On pourrait penser en effet que celle-ci devrait porter sur le devenir de notre banque centrale nationale, soit une question éminemment politique, cette institution pouvant contribuer à la mise en oeuvre des orientations politiques validées par le suffrage universel.
En fait, les apparences sont trompeuses !
L'examen en première lecture de cette proposition de loi, ici même, au mois d'octobre 2006, comme le débat mené, à la va-vite, à l'Assemblée nationale, le 17 janvier dernier, l'ont montré : ce n'est pas d'une réflexion sur le rôle de la banque centrale dans la vie économique et sociale du pays qu'il s'agit, mais seulement, hélas, d'une attaque en règle contre les droits de ses salariés.
Les motivations profondes de la proposition de loi de M. Arthuis sont, d'une part, l'esprit de revanche à l'encontre des salariés qui, non contents d'assumer des missions de service public, se piquent aussi de formuler quelques propositions sur le sens de la vie économique du pays, en commençant par leur propre entreprise et, d'autre part, la volonté de mettre en cause des fondements du dialogue social, la situation de la Banque de France présentant, dès lors, un caractère exemplaire.
Pour nourrir ce procès mené contre le droit du travail à la Banque de France, vous avez orchestré une campagne de presse sur la base d'informations mensongères.
Ainsi, les salariés de notre banque centrale jouiraient d'avantages sociaux inconsidérés, matérialisés par le niveau trop élevé des prestations fournies par le comité central d'entreprise pendant leur période d'activité et, au terme de celle-ci, par leur régime de retraite particulier.
Comme nous l'avons rappelé lors de la première lecture de cette proposition de loi, le comité central d'entreprise, par exemple, prend en charge les seules prestations accidents du travail-maladies professionnelles, les autres versements étant assurés par la branche du régime général. Il ne s'agit donc en rien d'un avantage spécifique aux personnels de la Banque de France.
Dans votre esprit, messieurs, le statut de ces salariés constituerait une sorte de luxe que nous ne saurions tolérer plus longtemps, une anomalie qu'il conviendrait de corriger.
Malheureusement, la même vertueuse indignation n'a pas cours dès qu'il s'agit des golden parachutes et autres avantages consentis aux cadres dirigeants d'entreprises, dont la presse s'est pourtant également fait l'écho ces dernières années !
Selon vous, les avantages sociaux ne sont pas normaux quand ce sont les salariés qui en profitent, mais les bonus fiscaux et l'argent public généreusement dépensé pour les détenteurs de capitaux et de patrimoine sont toujours bons pour l'économie !
Nous le savons, le régime de retraite des agents de la Banque de France se trouve dans l'oeil du cyclone, et il s'agirait de mettre en question - sinon de mettre en cause - une partie de son contenu.
Notre collègue député M. de Courson, orateur du groupe UDF, indiquait le 17 janvier dernier à l'Assemblée nationale : « La famille UDF a une position très claire sur les régimes spéciaux : nous sommes pour la mise en extinction des régimes spéciaux - ceux qui y sont y restent leur vie durant, mais les nouveaux entrants sont au régime général [...] ». Et il ajoutait en conclusion : « Néanmoins, madame la ministre, nous souhaiterions être éclairés sur le point essentiel de la réforme du régime de protection sociale des agents de la Banque de France, réforme qui, je le répète, indique la voie à suivre pour résoudre le problème de l'ensemble des régimes spéciaux en France. »
La modification du régime de la Banque de France serait ainsi une sorte de « poisson pilote » de cet alignement des régimes spéciaux, qui, comme chacun s'en doute, sera réalisé par le recul de l'âge du départ à la retraite des agents concernés et par une dégradation du niveau des pensions servies au titre de la garantie collective solidaire.
La suppression éventuelle de la qualité des régimes spéciaux permettra-t-elle d'assurer le versement de retraites plus élevées qu'aujourd'hui aux ressortissants du régime général ? Les quelques centaines de millions grappillés de-ci de-là sur les régimes spéciaux auront-ils la moindre traduction concrète pour l'ensemble des autres retraités ? À l'évidence, non !
Votre obsession à combattre les régimes de retraite dits « spéciaux » ne vise aucunement à améliorer les garanties collectives servies à tous, mais plutôt à créer un appel d'air, un vide, afin que l'ensemble des salariés de ce pays, qu'ils participent par leur travail au financement du régime général ou des régimes spéciaux, se trouvent contraints, demain, de cotiser de manière individuelle aux fonds de pension les plus divers qui ne manquent pas d'émerger depuis l'adoption de la réforme des retraites en 2003 - ce qui revient d'ailleurs à les obliger à financer leurs retraites à hauteur de leur capacité contributive et donc à cristalliser durablement, y compris au terme de la vie professionnelle, les inégalités de revenu !
Au-delà de cet aspect du texte qui nous est soumis, monsieur le président, mes chers collègues, vous me permettrez de faire également quelques observations sur le rôle de notre banque centrale, car nous avons quelques idées à ce sujet.
La véritable réforme de la Banque de France, que nous attendons toujours, c'est celle qui mettrait en question, à la lumière de l'expérience acquise depuis lors, la réforme de 1993, qui a limité le rôle de cette institution, comme celui des autres banques centrales européennes regroupées dans le système européen de banques centrales, à « définir et mettre en oeuvre la politique monétaire dans le but d'assurer la stabilité des prix ».
En effet, la Banque de France joue un rôle particulier dans l'aménagement du territoire, dans le suivi de l'endettement des entreprises comme des ménages, dans l'étude de la qualité de la circulation monétaire, dans la connaissance du tissu économique et la transmission d'une information de qualité aux agents économiques, dont elle éclaire les choix. Nous tenons à ce service public !
En tant que parlementaires dépositaires de la souveraineté nationale, nous avons vocation à user de l'activité et des missions de la Banque de France, afin de décider en toute connaissance de cause des orientations de la politique économique, de la politique industrielle - qui constitue, d'ailleurs, le parent pauvre de cette législature, puisque 300 000 emplois ont été supprimés dans ces secteurs - et donc de nos choix budgétaires.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons naturellement qu'inviter le Sénat à rejeter, sans la moindre ambiguïté, cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. le rapporteur l'a confirmé, le Gouvernement et sa majorité parlementaire souhaitent un vote conforme sur ce texte, que nous examinons en deuxième lecture.
Je me contenterai donc, à ce stade quasiment ultime de la discussion de la proposition de loi, fort opportunément inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 17 janvier dernier, de reprendre le débat au moment où nous l'avions laissé au Sénat, au mois d'octobre 2006.
Le groupe socialiste n'avait pas émis d'objection de principe sur l'adaptation de la gouvernance de la Banque de France et sur la création du comité monétaire. En revanche, il s'était opposé à l'introduction de dispositions consistant à modifier les droits des représentants du personnel et de leurs instances, ainsi que le mode de calcul du montant des oeuvres sociales qu'ils gèrent. Avec sagesse, le Gouvernement avait demandé leur retrait dans l'attente d'une négociation avec les partenaires sociaux.
Que s'est-il passé depuis l'examen de cette proposition de loi en première lecture ?
Le 21 novembre dernier, un protocole d'accord relatif à l'amélioration de l'efficacité du dialogue social et à l'évolution de la politique sociale de la Banque de France a été signé entre le gouverneur et six organisations syndicales sur sept.
Le rapporteur général de l'Assemblée nationale, notre collègue Gilles Carrez, s'est autorisé à réintroduire par amendement les dispositions de l'article 5 qui avaient été supprimées par le Sénat à la demande du Gouvernement. Pour justifier cette initiative, il s'était appuyé sur le « bon déroulement de la négociation », qui revenait, selon lui, à considérer qu'elle avait abouti.
Or c'est aller très vite - trop vite ! - en besogne. En effet, le protocole d'accord, que j'ai lu attentivement, fixe une méthode de négociation, précise les points qui peuvent en faire l'objet et établit un calendrier. Il y est explicitement mentionné que « les négociations s'engageront début 2007 » - nous y sommes - et qu'un « premier constat sera établi de manière commune en juin 2007, suivi de points de rendez-vous réguliers tous les six mois faisant l'objet de rapports d'étapes ». Le relevé de conclusions consignera les évolutions à mettre en oeuvre, admises de part et d'autre.
Dès lors, l'argumentation que nous avions développée en première lecture n'a rien perdu de sa force : la négociation d'abord, la négociation jusqu'au bout, la loi ensuite, si besoin est. En conséquence, nous maintenons aujourd'hui l'attitude que nous avions adoptée au mois d'octobre dernier.
Ce n'est pas ici le lieu de détailler le protocole signé, mais ses termes savamment pesés font preuve du haut degré de responsabilité des organisations signataires. Il en va de même de leur attitude face au délicat sujet de la retraite. Je veux le souligner ici, car le contraste est frappant entre l'attitude des personnels et de leurs représentants et la très malsaine campagne de presse dont ils ont fait l'objet en automne dernier.
Pourquoi cette campagne de presse a-t-elle été malsaine et pourquoi le procédé n'est-il pas bienveillant ?
Tout d'abord, il n'est jamais bon de mettre au pilori une catégorie de travailleurs en cherchant à opposer leur statut à tous ceux - et ils sont trop nombreux - qui n'en ont pas, surtout à une période où les emplois précaires sont source d'insécurité grandissante et placent dans une grande fragilité des millions de salariés qui veulent travailler et qui n'ont pas d'autre choix que d'accepter le contrat qu'on leur propose.
Ensuite, c'est oublier les efforts qui ont été accomplis par les personnels de la Banque de France. Faut-il rappeler la réorganisation du réseau, la mobilité de 20 % des agents, la suppression de 2 500 emplois, qui ont permis des gains de productivité substantiels ? J'estime que le personnel a joué un rôle dans la bonne santé financière de la Banque de France, laquelle a versé en 2006 - le gouverneur de la Banque l'a rappelé hier en commission des finances - 950 millions d'euros de dividendes à l'État.
C'est bien mal traiter le personnel que d'en faire - facilement, du reste - un bouc émissaire. Il a montré qu'il était soucieux d'apporter sa contribution pour que la Banque de France ne soit pas taxée d'immobilisme : il a bougé.
Enfin, ce texte nous revient de l'Assemblée nationale enrichi de deux nouveaux articles. L'article 8 autorise le Gouvernement à transposer les directives dites « Bâle II » avant le 1er novembre 2007 ; l'article 9 ratifie l'ordonnance sur les sûretés, qui porte notamment sur le crédit hypothécaire rechargeable pour les particuliers.
Il n'est pas bon d'avoir recours de manière systématique à l'ordonnance, surtout quand il s'agit de normes prudentielles auxquelles devront souscrire les établissements bancaires, sans que la représentation nationale ait pu en évaluer l'impact sur la vie des entreprises et sur l'activité économique.
On nous a fait valoir que les préventions concernant notamment les conséquences sur l'évaluation du risque dans l'octroi des prêts aux petites et moyennes entreprises, les PME, ont pu être levées en fin de négociation des directives au motif que la segmentation du risque en fonction de la taille de l'entreprise permettait une approche plus fine, donc une meilleure attribution de crédit aux PME et aux très petites entreprises, les TPE. Il s'agit là d'un argument a priori que seuls les faits confirmeront ou infirmeront, surtout quand, dans le même temps, les banques font valoir les économies qu'elles pourraient réaliser sur leurs fonds propres avec les nouvelles normes de ratio.
Compte tenu du peu d'allant de notre système bancaire pour soutenir la croissance des PME, alors que l'on sait que le passage du statut de TPE à celui de PME constitue le maillon faible de notre tissu industriel, je reste sceptique sur ce qui nous est proposé.
S'agissant de la ratification demandée, qui porte notamment sur le crédit hypothécaire rechargeable pour les particuliers, le groupe socialiste a déjà exprimé son désaccord sur l'introduction de cette modalité dans notre droit au moment de la discussion sur la loi Dutreil. Nous persistons, car nous avions mis en garde sur les risques de surendettement. À examiner les derniers chiffres du surendettement, nos craintes apparaissent fondées et sont appelées à se vérifier.
Ce n'est pas un élément de souplesse ou de modernisation du crédit dans notre pays.
Les évolutions de notre système bancaire, dont la Banque de France est garante, méritaient mieux qu'un débat rapide, limité et, pour partie, inopportun. Le groupe socialiste du Sénat confirmera donc le vote qu'il a émis au mois d'octobre dernier.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour, je voudrais me réjouir de l'aboutissement de la procédure parlementaire qui nous permettra de tirer les conséquences du passage à l'euro en supprimant le Conseil de la politique monétaire.
Nous aurions pu régler cette question plus tôt, mais l'essentiel est d'y parvenir avant la fin de la législature. Je souhaite, madame la ministre, vous remercier, car le Gouvernement a tenu ses engagements. Lorsque, le 17 octobre dernier, le Sénat s'est saisi de ce texte en s'appuyant sur le rapport de Philippe Marini, j'avoue avoir éprouvé une certaine irritation en constatant que le Gouvernement avait déposé un amendement tendant à supprimer l'article 5, alors que ce dernier tirait les conséquences d'un récent rapport de la Cour des comptes et avait pour objet de lever une ambiguïté.
Il s'agissait non pas de porter atteinte aux prérogatives du personnel...
... mais de dissiper une équivoque qui faisait que des agents, dont le statut relève très largement de celui de la fonction publique, pouvaient se prévaloir de dispositions relevant du droit du travail dans la sphère marchande.
C'est parce que le dialogue n'avait pas eu lieu que l'amendement avait été déposé. Il a maintenant pu se dérouler dans des conditions satisfaisantes.
Vous l'avez rappelé, madame Bricq, la commission des finances a procédé hier à l'audition du gouverneur de la Banque de France et l'a interrogé sur ce point particulier. Il a confirmé que la consultation avait été menée, qu'elle avait été intense, rapide, riche, et que le contrat social n'était pas remis en cause. Je le répète, les ambiguïtés ont été levées.
Il ne s'agit pas de réduire drastiquement et aveuglément un certain nombre de primes ou d'avantages alloués au titre de l'action sociale. Grâce au vote qui, je l'espère, sanctionnera notre discussion, les partenaires sauront à quoi s'en tenir et pourront revenir sur des dispositions qui n'avaient plus d'objet.
Qu'est-ce qui justifie l'exercice du droit d'alerte par le comité d'entreprise, c'est-à-dire le fait de demander à la Banque de France d'engager des crédits pour qu'un cabinet extérieur vérifie que celle-ci n'est pas à la veille d'un dépôt de bilan ? Convenons qu'il s'agissait d'une dérive, source d'une dépense tout à fait inutile !
Vous avez également rappelé, madame Bricq, que les effectifs ont été réduits. Il faut rendre hommage à tous les agents de la Banque de France, qui ont accepté de mettre en mouvement l'institution pour la rendre plus compétitive. Fallait-il pour autant conserver les avantages consentis au titre du comité central d'entreprise et de quelques autres oeuvres sociales, dont les crédits correspondant à peu près à 13 % de la masse salariale - c'est un record absolu ! - restaient sans aucun équivalent ? Il ne me semble pas qu'il soit en la matière porté atteinte à un principe fondamental d'équité.
Le dialogue ayant eu lieu, nos collègues députés ont pu, dès le 17 janvier dernier, rétablir l'article 5 et adopter le dispositif. J'espère que le Sénat confirmera ce vote.
S'agissant des directives « Bâle II », nous comprenons bien qu'il faille des normes prudentielles. Pour autant, au moment où l'économie française est à la recherche de crédits pour financer l'économie productive, il serait fâcheux que des excès de précaution contraignent les détenteurs d'épargne - je pense aux compagnies d'assurance, qui proposent notamment des contrats d'assurance vie - à investir l'essentiel de leurs capitaux dans des obligations d'État pour financer le déficit public. Cela les empêcherait d'investir dans le capital des entreprises, notamment des PME, et laisserait cette souscription à des liquidités mondiales, qui investiront en dehors des principes édictés par les directives « Bâle II ». Il faut que, sur ce point précis, le Gouvernement se montre particulièrement vigilant.
En ce qui concerne la réforme des retraites des agents de la Banque de France, madame Beaufils, le Gouverneur a indiqué hier que, s'il devait se soumettre aux nouvelles normes de présentation des comptes, il devrait constater une dette de retraite de quelque 6 800 000 d'euros, laquelle n'apparaît pas aujourd'hui au passif du bilan de la Banque de France. La situation nette de la Banque de France serait alors négative. C'est dire combien il était nécessaire d'amorcer un processus de réforme.
Le dialogue a permis d'aboutir. Il convient de saluer cette négociation qui, pour l'essentiel, préservera les droits des agents et anciens agents de la Banque de France.
Enfin, je remercie Mme Beaufils et son groupe d'avoir retiré leur motion tendant à opposer la question préalable, ce qui va nous faire gagner un peu de temps.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je veux indiquer à M. Arthuis que le Gouvernement a porté une attention particulière à l'impact de « Bâle II » sur le financement des PME, sachant que ce dernier est une condition nécessaire et indispensable à la croissance de ces entreprises.
Selon plusieurs études récentes, le nouvel accord de « Bâle II » ne pénalisera pas le crédit aux PME et l'on peut même considérer qu'il l'améliorera. En effet, les modélisations effectuées à portefeuille de prêt inchangé montrent que les exigences de capital réglementaire des banques couvrant le risque PME devraient, en moyenne, baisser significativement, quelle que soit la méthode retenue.
La forte croissance des crédits aux PME observée actuellement, alors même que les banques françaises ont déjà pris en compte le nouveau régime prudentiel, confirme que ce dernier ne sera pas défavorable au financement des PME.
J'ajoute que le Gouvernement est très attentif aux financements massifs évoqués par le rapporteur, financements qui se promènent actuellement et sont mobilisables en dehors de la réglementation des places boursières.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
L'article L. 142-9 du code monétaire et financier est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée.
« Les troisième à huitième alinéas de l'article L. 432-1 du code du travail et les articles L. 432-5 et L. 432-9 du même code ne sont pas applicables à la Banque de France.
« Les dispositions du chapitre II du titre III du livre IV du même code autres que celles énumérées à l'alinéa précédent sont applicables à la Banque de France uniquement pour les missions et autres activités qui, en application de l'article L. 142-2 du présent code, relèvent de la compétence du conseil général.
« Le comité d'entreprise et, le cas échéant, les comités d'établissement de la Banque de France ne peuvent faire appel à l'expert visé au premier alinéa de l'article L. 434-6 du code du travail que lorsque la procédure prévue à l'article L. 321-3 du même code est mise en oeuvre.
« Les conditions dans lesquelles s'applique à la Banque de France l'article L. 432-8 du même code sont fixées par un décret en Conseil d'État. »
L'amendement n° 2, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
L'article 5, sur lequel nous en étions restés malgré les avis divergents du rapporteur, M. Marini, et du président de la commission des finances, M. Arthuis, a été modifié par l'Assemblée nationale, qui a choisi d'en revenir aux termes du texte initial de la proposition de loi.
Une telle orientation, que notre rapporteur nous invite à valider puisqu'il recommande l'adoption conforme du texte, est parfaitement contraire à ce qui a été entrepris depuis, notamment après l'adoption du projet de loi de modernisation du dialogue social.
C'est dans cet esprit que, avant même l'adoption de ce texte, la négociation collective s'était mise en oeuvre, dans le cadre de la Banque de France, entre la direction - c'est-à-dire le gouverneur, M. Noyer - et les organisations syndicales.
Cette situation a d'ailleurs abouti à l'adoption d'un protocole d'accord qui comprend un certain nombre d'axes de réflexion, de pistes de travail, et prévoit une mise en oeuvre concertée et régulée entre les parties.
Or il s'avère que cet article 5 conduit concrètement à faire valoir, par la loi, la seule position de la partie « patronale » en tirant les conclusions de la négociation avant même qu'elle n'ait produit ses effets !
En effet, les champs couverts par l'article 5 ne correspondent à rien d'autre qu'à la conclusion anticipée des « pistes de réflexion » ouvertes par le protocole d'accord du 21 novembre dernier.
Alors que les parties se sont mises d'accord pour se donner rendez-vous en juin prochain, nous serions, nous, au détour de la présente proposition de loi, en situation de leur dicter le contenu des conclusions de ce rendez-vous !
Considérons, par exemple, la question du rôle du comité d'entreprise, de ses fonctions et de ses moyens puisque la presse s'est abondamment répandue sur ce thème, en mélangeant d'ailleurs sans complexe torchons et serviettes.
Comme nous l'avons dit, le comité central d'entreprise met en oeuvre, à la Banque de France, des missions qui, ailleurs, ne sont pas du tout du ressort des instances représentatives du personnel.
Si le CCE de la Banque de France gère, par exemple, la question des accidents du travail, c'est pour la seule raison que cette mission toute particulière lui a été confiée.
Au demeurant, le protocole d'accord stipule expressément ce qui suit : « À cette occasion, les organisations syndicales ont réaffirmé leur attachement à l'application du code du travail et ont acté l'affirmation solennelle selon laquelle toutes les prérogatives et compétences des vingt-sept comités d'établissement et du comité central d'entreprise demeurent. »
Le protocole d'accord poursuit en ces termes : « Par ailleurs, la Banque et les organisations syndicales manifestent la ferme volonté que le législateur reconnaisse au travers du décret le pouvoir déterminant de la négociation s'agissant de la gestion des activités sociales et culturelles. »
Avec l'article 5, nous sommes donc clairement en présence d'un texte qui ne respecte pas la parole donnée, à l'automne dernier, par le Gouvernement lui-même et qui fait du protocole d'accord signé entre les parties concernées un véritable chiffon de papier.
Mes chers collègues, laissons faire la négociation sociale et rejetons cet article tel qu'il nous est proposé !
La commission émet un avis défavorable.
Que M. Vera veuille bien me le pardonner, mais je ne m'étendrai pas davantage, puisque nous avons déjà échangé nos arguments au cours de la discussion générale.
À l'évidence, la commission n'est pas convaincue par les propos qu'il vient de tenir et elle continue à préconiser le vote de l'article 5 dans la version qui était précisément celle de la proposition de loi, adoptée par la commission des finances.
Je suis surprise de la lecture qui a été faite par nos différents collègues du protocole d'accord tel que nous l'avons en main.
Loin d'être un relevé de décisions résultant de la discussion entre le gouverneur et les organisations syndicales, ce protocole constitue un engagement afin de se donner un programme de travail de négociations.
Or, avec l'article 5, nous sommes appelés à décider aujourd'hui ce qui doit être fait, avant même que les négociations n'aient abouti.
C'est un procédé assez curieux au regard du débat sur la qualité du dialogue social, qui fait l'objet par ailleurs de multiples déclarations en ce début de campagne électorale !
S'agissant du droit d'alerte, sur lequel s'interrogeait M. Arthuis tout à l'heure, je souligne qu'il a tout son intérêt, comme on l'a vu lors de la restructuration des unités implantées dans nos régions. En effet, s'il n'y avait pas eu le droit d'alerte des salariés de la Banque de France, nous aurions rencontré un certain nombre de difficultés pour intervenir dans de bonnes conditions.
Quant à l'argument relatif au poids représenté par l'ensemble des charges des retraites, il me semble que l'on ne peut pas faire supporter aux salariés de la Banque de France les conséquences des 6, 8 milliards d'euros évoqués par M. Arthuis tout à l'heure, car ce besoin de financement ne relève pas de leur responsabilité. L'hypothèse qui a été présentée par le gouverneur de la Banque de France d'étaler dans le temps cette couverture de financement me paraît tout à fait correcte et envisageable.
Comme le disait Nicole Bricq tout à l'heure, la somme reversée par la Banque de France montre l'importance de l'effort accompli par les salariés pour permettre à la banque d'obtenir de tels résultats.
Madame Beaufils, permettez-moi de vous apporter deux précisions.
Tout d'abord, l'article 5 a été précédé d'un échange entre le gouverneur de la Banque et les représentants des salariés. Le vote de cet article va rendre la négociation possible.
Hier, aucune négociation n'était possible, car l'on s'arc-boutait sur des références au droit du travail applicables à la sphère marchande. Tout cela était ambigu.
Ensuite, s'agissant du droit d'alerte, je vous ferai observer que les cabinets mandatés par le comité central d'entreprise auraient peut-être pu faire observer qu'il convenait de s'interroger sur la sincérité des comptes de la Banque de France, laquelle ne provisionnait pas les dettes de retraite. À ma connaissance, ces cabinets, qui demandaient pourtant des honoraires substantiels à la Banque, n'ont jamais fait de telles observations pour dénoncer le caractère approximatif du bilan.
Il ne vous a pas échappé non plus que la négociation permettra de réduire de 6, 8 milliards d'euros à un peu plus de 6 milliards d'euros le montant de cette dette, laquelle apparaîtra progressivement, au fil des années, au passif de la Banque.
Ce n'est pas en supprimant le droit d'alerte qu'on fera avancer les choses.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
I. - Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Les articles L. 421-12 et L. 421-13 sont abrogés ;
2° Le 3° du VII de l'article L. 621-7 est abrogé.
II. - Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires pour transposer la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d'instruments financiers, modifiée par la directive 2006/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, ainsi que la directive 2006/73/CE de la Commission, du 10 août 2006, portant mesures d'exécution de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d'exercice applicables aux entreprises d'investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive, et notamment les mesures tendant à la protection des investisseurs, par le renforcement de la transparence et de l'intégrité des marchés financiers.
Le Gouvernement est autorisé, dans les mêmes conditions, à étendre en tant que de besoin et à adapter à Mayotte, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, les dispositions de l'ordonnance susmentionnée.
Cette ordonnance est prise dans un délai de huit mois à compter de la publication de la présente loi et au plus tard le 1er novembre 2007. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
III. - Le I est applicable à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance mentionnée au II.
L'article 8 prolonge l'habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive communautaire du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, dite « directive MIF ».
Les nombreuses mesures législatives et réglementaires que requiert cette transposition n'étant pas tout à fait prêtes, le Gouvernement nous propose d'étendre l'habilitation au 1er novembre 2007. En revanche, la directive MIF fixe la date butoir de transposition au 31 janvier 2007.
J'ai déjà eu l'occasion, madame la ministre, au cours de la discussion générale, de souhaiter que toute diligence soit faite afin que l'ordonnance puisse intervenir avant la date limite.
Je veux rappeler - et c'est le point principal de mon intervention - que la directive MIF comporte des innovations majeures pour l'architecture des marchés financiers et l'offre de services d'investissements.
En premier lieu, il convient de relever plus particulièrement une innovation que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer dans cet hémicycle, à savoir la suppression du principe de concentration des ordres sur les marchés réglementés et la mise en concurrence des différents lieux et modes de négociation des ordres que sont les marchés réglementés, les systèmes multilatéraux de négociation et l'« internalisation systématique » dans de grandes banques d'investissement.
En deuxième lieu, la directive opère une simplification de l'exercice du passeport européen pour les prestataires de services d'investissement.
En troisième lieu, elle prévoit l'harmonisation des conditions de l'offre de services d'investissement, le renouvellement de la liste de ces services et une nouvelle segmentation de la clientèle en catégories.
En quatrième lieu, la directive comporte une approche complètement renouvelée de la clientèle, avec des règles de transparence des informations pré et post-négociation sur les différents canaux, une obligation de « meilleure exécution » pour les prestataires et celle de se doter d'une politique d'exécution des ordres, ou encore avec le renforcement des règles de prévention des conflits d'intérêt.
Le texte de l'article 8, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, élude malheureusement une partie du cadre d'habilitation qui avait été introduit par le Sénat. Ce dernier avait en effet précisé : « [Le Gouvernement] veille plus particulièrement à définir les principes et modalités garantissant la meilleure exécution possible des ordres et la fluidité de leur circulation entre les infrastructures de marché, la prévention des conflits d'intérêt au sein des prestataires de services d'investissement et une définition équitable des dérogations accordées à la transparence des négociations. »
J'ai cru comprendre que le Conseil d'État avait jugé que ces orientations étaient d'ordre réglementaire. Je ne partage pas cette opinion, madame la ministre. En effet, la commission persiste à considérer que ces orientations sont essentielles et légitimes, car elles conditionnent la protection des épargnants et un fonctionnement transparent des infrastructures de marché.
Nous souhaitons donc que vous puissiez nous rassurer et nous indiquer que le Gouvernement entend bien travailler dans le cadre qui avait été ainsi tracé, avec son plein accord, lors de la première lecture du texte au Sénat, en octobre dernier.
Une telle confirmation nous permettrait de voter l'article 8 sans état d'âme, avec l'assurance que le cadre d'habilitation que nous avions conçu est pleinement validé par cette seconde lecture au Sénat.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Monsieur Marini, croyez-le bien, je répugnerais à vous donner des états d'âme !
Sourires
Concernant le délai, dont la date butoir du 1er novembre 2007 est bien tardive, nous souhaitons, comme vous le recommandez, aller au plus vite. La consultation sur le texte est déjà largement engagée. L'autorité des marchés financiers, a elle-même commencé le travail de concertation portant sur son règlement général. Nous devons bien sûr finaliser tout cela rapidement et dans le bon ordre. En effet, le règlement général de l'AMF est un document essentiel pour la compétitivité de la place de Paris ; c'est pourquoi, après la consultation, nous nous efforcerons de le mettre en oeuvre le plus promptement possible.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, grâce à son travail extrêmement attentif, la commission des finances a relevé que la rédaction du nouvel article d'habilitation ne reprenait pas une phrase qui avait pourtant été ajoutée par votre assemblée dans le texte de la première loi d'habilitation du 20 juillet 2005.
Lors de l'examen technique du texte de l'ordonnance, notamment avec le secrétariat général du Gouvernement, les travaux de transposition, qui sont déjà bien engagés à ce stade, ont mis en évidence que cette phrase entraînait les conséquences que vous avez mentionnées sur le partage des dispositions du code monétaire et financier entre les domaines législatif et réglementaire.
Sur le fond, les dispositions nécessaires à la transposition seront adoptées dans le respect des importantes préoccupations que vous avez exprimées à plusieurs reprises. Le Gouvernement y veillera, je m'y engage, notamment lors de l'homologation des modifications du règlement général de l'AMF.
L'amendement n° 3, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
L'article 8 de la présente proposition de loi pose au moins trois problèmes de principe.
En premier lieu, le lien entre son contenu et le texte est relativement ténu, quand bien même la Banque de France joue un rôle spécifique dans la transparence et la sécurité des marchés financiers.
En deuxième lieu, l'article 8 provient d'un amendement présenté par le Gouvernement, celui-ci ayant ainsi fait de la proposition de loi de M. Arthuis le véhicule d'une adoption accélérée de dispositions qui ne sont pourtant pas dénuées d'importance.
En troisième lieu, avec cet article, se trouve une fois de plus remis en question le droit des parlementaires à légiférer et à débattre. C'est en effet par la voie de la promulgation d'une ordonnance que l'on nous invite à transposer dans le droit français une directive européenne qui peine à trouver sa place dans la législation des pays membres.
Pourquoi tant d'empressement ?
Les trois griefs que je viens d'exposer nous conduisent à demander la suppression de l'article 8.
La commission ne peut pas être favorable à cet amendement.
En effet, monsieur Vera, l'empressement que vous évoquez résulte précisément des délais prévus par la directive. Il ne vous échappe pas que, la semaine prochaine, le Parlement devra interrompre ses travaux. Si tel n'était pas le cas, je serais très heureux que l'on puisse consacrer des journées entières à la discussion d'un texte législatif sur les marchés d'instruments financiers. Je me vois malheureusement privé ce très grand plaisir par le calendrier.
Sourires
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
I. - L'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés est ratifiée.
II. - Le code civil est ainsi modifié :
1° Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 2364, le mot : « nantie » est remplacé par le mot : « garantie » ;
2° Le début du dernier alinéa de l'article 2441 est ainsi rédigé : « La radiation de l'inscription peut être requise... §(le reste sans changement). » ;
3° Dans le chapitre V du sous-titre III du titre II du livre IV, la division en sections 1 et 2 est supprimée ;
4° Dans le chapitre VI du même sous-titre III, la division en sections 1 et 2 est supprimée.
III. - Pendant un délai de deux ans à compter de la date de promulgation de la présente loi, le prêteur de deniers dont le privilège a été inscrit avant cette date peut renoncer à la sûreté qu'il tient du 2° de l'article 2374 du code civil en contrepartie de la constitution par le débiteur d'une hypothèque rechargeable régie par l'article 2422 du même code en garantie de la créance initialement privilégiée. Ces renonciation et constitution sont consenties dans un même acte notarié qui est inscrit dans les formes prévues à l'article 2428 du même code.
Par dérogation à l'article 2423 du même code, la somme garantie ne peut être supérieure au montant en capital de la créance privilégiée.
L'hypothèque constituée prend le rang du privilège de prêteur de deniers antérieurement inscrit.
Toutefois, si une convention de rechargement est publiée, ce rang est inopposable aux créanciers qui ont inscrit une hypothèque entre la date de publicité du privilège de prêteur de deniers et celle de l'acte notarié prévu au premier alinéa.
Le III de l'article 7 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 est applicable aux transformations mentionnées au premier alinéa lorsque le privilège de prêteur de deniers a été inscrit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 précitée.
IV. - L'article 64 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est ainsi modifié :
1° Dans la dernière phrase du premier alinéa, le mot : « conventionnelle » est remplacé par les mots : « ou d'un privilège » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
V. - A. - Les I, II et III du présent article sont applicables en Nouvelle-Calédonie.
Pour son application en Nouvelle-Calédonie, la référence au décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière s'entend de la référence faite à la loi du 23 mars 1855 sur la transcription hypothécaire dans sa rédaction issue du décret du 24 juillet 1921 et du décret du 30 octobre 1935.
B. - Le I et le 1° du II du présent article sont applicables à Mayotte.
Les 2° à 4° du II et le III sont applicables à Mayotte à compter du 1er janvier 2008.
Pour leur application à Mayotte :
1° La référence au décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 précité s'entend de la référence faite au titre IV du livre V du code civil ;
2° Le III s'applique au privilège du prêteur de deniers inscrit avant le 1er janvier 2008.
C. - Le I et le 1° du II sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien que je parle en cet instant depuis les travées où je siège habituellement, c'est bien en tant que président de la commission des lois que je vais m'exprimer.
L'ordonnance du 23 mars 2006 a été prise sur le fondement de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Sur ce texte, qui avait été renvoyé à la commission des finances pour son examen au fond, la commission des lois n'avait été saisie que pour avis et avait, à ce titre, formulé un certain nombre d'objections. Depuis, bien entendu, l'ordonnance a été prise.
Le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 23 mars 2006 a été déposé au Sénat en juin 2006 et renvoyé, tout naturellement, à la commission des lois, dès lors que la majorité de ses dispositions concernaient le code civil et, accessoirement, le code de la consommation. C'est d'ailleurs dans la perspective de l'examen de ce texte que la commission avait réfléchi à l'organisation d'une mission tendant à examiner les dispositions de cette ordonnance afin de les ratifier en y intégrant les éléments manquants de la réforme qu'elle introduit.
Pourtant, c'est dans le cadre d'un texte à l'objet fort éloigné du droit des sûretés que le Gouvernement a souhaité faire ratifier cette ordonnance par le Parlement.
L'article 9 de la proposition de loi, introduit par un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, opère une ratification expresse sous réserve de certaines modifications importantes.
Tout d'abord, il étend, d'une part, la simplification de la mainlevée aux hypothèques légales et judiciaires ainsi qu'aux privilèges et, d'autre part, le bénéfice de la purge amiable et de l'attribution judiciaire à toutes les hypothèques et aux privilèges.
Ensuite, il permet au prêteur de deniers titulaire d'un privilège de renoncer à celui-ci et au débiteur de constituer, avec l'accord de ce créancier, une hypothèque conventionnelle rechargeable. Il s'agit donc d'une transformation de sûreté par renonciation et constitution, toutefois limitée aux privilèges du prêteur de deniers publiés avant la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi, et ne pouvant être exercée que pendant un délai postérieur de deux ans. Cette transformation de sûreté est exonérée de la taxe de publicité foncière et du droit fixe d'enregistrement.
Ces dispositions ne sont pas mauvaises en tant que telles. C'est même, paraît-il, le motif pour lequel il faut ratifier l'ordonnance très rapidement !
La commission des lois a toujours estimé que, par souci de sécurité juridique, il était nécessaire qu'intervienne une ratification expresse de chaque ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. Mais encore faut-il que cette ratification intervienne dans des conditions satisfaisantes et permette au Parlement d'exercer un contrôle véritable sur les normes adoptées par le pouvoir réglementaire dans le domaine législatif.
On rappellera l'importance que constitue le droit des sûretés dans la vie quotidienne, celle des entreprises notamment. L'ordonnance modifie ainsi près de deux cents articles du code civil et crée des mécanismes nouveaux et controversés comme le prêt viager hypothécaire.
Les conditions de ratification qui nous sont présentées sont-elles réellement de nature à permettre de se pencher sérieusement sur ces innovations ? La question de la protection de la personne qui souscrit un prêt viager hypothécaire, en particulier, n'est même pas soulevée.
Les modifications apportées par la proposition de loi à l'ordonnance suscitent visiblement des difficultés de cohérence juridique, qui ont notamment été soulignées par un certain nombre de juristes, dont la commission tripartite constituée du Conseil national des barreaux, du barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers.
Sur tous ces points, il n'est malheureusement pas donné à la commission des lois, pourtant saisie au fond du projet de loi de ratification, l'occasion de se prononcer aujourd'hui.
Au nom de la commission des lois, je pense que ces méthodes doivent cesser !
Certains m'ont dit qu'il s'agissait d'un sujet technique, que cela n'intéressait donc personne !
C'est tout de même la vie quotidienne des entreprises et des particuliers qui est en cause !
Bien entendu, madame la ministre, je ne vais pas m'opposer à l'adoption de ce texte.
Non, parce que je ne veux pas provoquer une navette. Mais je pense que j'aurais pu obtenir une majorité !
En revanche, je vous garantis que la commission des lois reprendra chacun des points évoqués et rédigera des propositions, car l'ordonnance est totalement insuffisante en ce qui concerne l'ensemble des sûretés.
À l'avenir, il faudra renoncer à de telles méthodes de travail. Lorsqu'on dépose un projet de loi de ratification d'une ordonnance, il convient de l'inscrire à l'ordre du jour du Parlement, ce qui nous aurait permis d'étudier le texte dans de bonnes conditions.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Il fallait que cela fût dit.
L'amendement n° 4, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Comme vient de le rappeler le président Hyest, il s'agit, avec cet article, de ratifier une ordonnance prise en vertu d'une disposition de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie et visant à réformer le régime des sûretés.
L'orientation qui est prise en l'occurrence aurait mérité autre chose qu'un débat à la sauvette, mené au détour d'un amendement de dernière minute, déposé sur le dernier texte de caractère financier de cette législature. Cette remarque, qui valait déjà pour l'article 8, vaut encore plus pour l'article 9.
On pouvait parfaitement envisager, une fois l'Assemblée nationale renouvelée et le nouveau Gouvernement mis en place, que cette ordonnance fasse l'objet de la discussion d'un projet de loi de ratification. Au lieu de quoi nous est soumis cet article 9, qui tend à raccourcir - on ne sait trop au nom de quelle logique - les délais et à rectifier certains des articles de l'ordonnance pour la rendre opérationnelle, si l'on peut dire.
Ce choix nous semble, par nature, discutable. Il atteste surtout, une fois encore, la volonté, manifestée à maintes reprises durant cette législature, de recourir à l'article 38 de la Constitution.
Ce sont en effet deux cent neuf ordonnances qui auront été promulguées par les gouvernements de cette législature en application de l'article 38 de la Constitution : deux cent neuf occasions de cantonner le débat public à l'exposé lapidaire d'un article d'habilitation, éventuellement à la formulation de quelques commentaires et à la présentation d'amendements. Notons que l'article 38 n'a été utilisé qu'à quatre-vingt-onze reprises lors de la législature précédente.
Reste le problème du fond, notamment la mise en place du dispositif d'hypothèque rechargeable, qui permet surtout aux prêteurs bien plus qu'aux emprunteurs de dégager des plus-values latentes d'exploitation de biens immobiliers.
Dans le régime de l'hypothèque rechargeable, c'est en effet le prêteur qui va jouir des meilleurs atouts dans le déroulement des contrats de prêt. L'emprunteur sera toujours placé dans une situation où il risque de perdre le bien immobilier présenté en hypothèque, et cela dans les pires conditions, c'est-à-dire au prix correspondant au montant permettant de faire face au remboursement du prêt. Peu importe que le bien immobilier ait acquis une quelconque valeur ou que le prêteur puisse, à un moment donné, réaliser une plus-value significative sur le bien immobilier dont il se sera rendu propriétaire par dénouement du contrat.
L'article 9 tend bel et bien à procéder à la mise en place d'un dispositif d'endettement des ménages, destiné à permettre aux établissements financiers, comme aux spécialistes du prêt immobilier, de tirer pleinement parti de la progression de l'endettement des ménages.
Ce sujet aurait décidément mérité, dans une assemblée où nous avons à de nombreuses reprises abordé les graves problèmes que posait le surendettement, un débat plus ample que celui auquel peut donner lieu un article d'un texte examiné à la fin d'une législature !
Pour ces raisons, nous vous invitons à adopter l'amendement de suppression de l'article 9.
Je souhaite rappeler que l'habilitation résulte de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie du 26 juillet 2005. Nous avions veillé, lors de l'examen de ce texte, à ce que les orientations à prendre dans ce cadre soient très strictement précisées.
J'ajoute que, avant l'élaboration de cette loi, un groupe de travail composé de personnes éminentes et présidé par le professeur Michel Grimaldi, avait fait toute une série de propositions tendant à améliorer la lisibilité du droit des sûretés, à consacrer le gage sans dépossession, à permettre à une entreprise de constituer un gage de ses stocks sans dépossession afin d'améliorer ses ressources de trésorerie. Avait également été envisagée dans ce groupe de travail la possibilité de mettre fin, sous certaines conditions, à la prohibition du pacte commissoire. Enfin, il avait été proposé que la modernisation du droit de l'hypothèque soit prolongée par la consécration de cette fameuse hypothèque rechargeable et par l'introduction du prêt viager hypothécaire.
L'ensemble de ces dispositions sont bien présentes dans l'ordonnance.
M. Hyest a fait toutefois observer qu'une série de dispositions ont suscité des remarques de la part, notamment, du Conseil des barreaux, de la Conférence des bâtonniers et du barreau de Paris ; sans doute d'autres professionnels pourraient-ils également faire valoir leurs observations.
En l'état actuel des choses, je pense cependant que, compte tenu de la procédure dans laquelle nous sommes engagés, nous pouvons adopter l'article 9. Bien entendu, si des ajustements doivent être opérés, la voie législative normale nous est toujours ouverte.
Au demeurant, il me semble - je parle sous le contrôle du président de la commission des finances - que notre commission pourrait par avance s'associer aux initiatives que la commission des lois estimerait opportun de prendre, en particulier, si j'ai bien compris, concernant les 2° et 3° du II de l'article 9. Mais d'autres points peuvent peut-être faire également l'objet de compléments ou de rectifications !
En effet, le cautionnement et un certain nombre d'autres questions n'ont pas été traités dans l'ordonnance.
Il n'en reste pas moins que, au stade où nous en sommes, il est préférable de voter l'article 9. Mais nous le ferons en conservant notre vigilance pour la suite.
Le Gouvernement émet, bien sûr, un avis défavorable sur cet amendement.
Je voudrais cependant formuler quelques observations en réponse à M. Hyest sur l'hypothèque rechargeable et sur le prêt viager hypothécaire.
Pour ce qui concerne l'hypothèque rechargeable, l'article 9 est important non seulement parce qu'il ratifie l'ordonnance, mais aussi parce qu'il en complète le dispositif. En effet, la conversion du privilège de prêteur de deniers, qui n'était pas suffisamment bien explicitée, est maintenant clairement intégrée dans les dispositions, et les emprunteurs pourront y recourir en exonération de taxe de publicité foncière et de droit fixe d'enregistrement, conformément à la loi de finances pour 2007.
Bien entendu, les dispositions protectrices du droit des consommateurs, en particulier les mesures protectrices des personnes âgées, s'appliquent à tous les mécanismes de recharge des hypothèques, de même qu'elles s'appliquent au mécanisme de prêt viager hypothécaire.
À propos de ce dernier, je rappelle qu'il s'agit d'un mécanisme ayant pour objet de rendre liquide un patrimoine immobilier dont les personnes âgées disposent librement jusqu'à leur mort. Il n'est donc évidemment pas question d'exiger le remboursement des prêts ainsi consentis avant le décès des personnes en question !
Aujourd'hui, nos services reçoivent de très nombreuses demandes relatives à des situations précaires nées du fait qu'un certain nombre de personnes âgées se trouvent obligées de vendre leur bien immobilier : il serait bien préférable pour elles de pouvoir utiliser le prêt viager hypothécaire au lieu de vendre leur bien immobilier pour disposer des ressources correspondantes.
Il nous semble donc que ce mécanisme ne pénalise pas la succession mais, au contraire, protège d'une certaine manière la personne âgée en lui épargnant de recourir à des mesures dont les conséquences seraient redoutables, en particulier au regard de son logement.
J'ajoute que le Gouvernement est, bien sûr, extrêmement attentif aux propositions de toutes les commissions du Sénat, et il a su tirer parti de l'excellent travail de la commission des finances. Il est évident, monsieur Hyest, que la commission des lois, sous votre présidence, est parfaitement dans son rôle lorsqu'elle formule les observations que vous nous avez fait part.
Monsieur le président, j'en viens à penser qu'un quinquennat est bref !
Sourires
Il est sans doute un peu trop court, si bien que les conditions de travail ne sont pas au meilleur niveau.
J'ai bien entendu les observations du président Jean-Jacques Hyest, et j'y souscris largement : si nous voulons parfaire le travail législatif, il nous faut nous astreindre à une méthode qui nous donne le temps d'examiner les textes. Or, en l'espèce, madame le ministre, on sent comme de la précipitation...
Cela étant, je veux remercier M. Hyest de ne pas compliquer l'examen du texte en discussion et de rendre possible le vote conforme.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.
La démonstration de M. Hyest est éclatante, mais elle reste impuissante à enrayer la volonté gouvernementale d'aller vite, très vite, trop vite.
J'ai évoqué dans la discussion générale le crédit hypothécaire rechargeable. Je réaffirme notre opposition à cette procédure, qui ne fera malheureusement qu'encourager le surendettement des ménages : le maniement de cet outil de crédit n'est pas facile, et les chiffres concernant le surendettement ne nous rassurent pas. Voilà pour le fond.
Par ailleurs, je soulignerai que la souplesse invoquée par le rapporteur vaut pour le prêteur, mais non pour l'emprunteur !
Et quand Mme la ministre indique que le privilège est transformé en exonération de taxe, je m'interroge, en tant que membre de la commission des finances, en m'étonnant que le rapporteur et le président de cette commission n'y regardent pas de plus près : d'une certaine manière, on crée là une nouvelle charge pour le budget de l'État. Dès lors, l'article 40 de la Constitution ne pourrait-il pas être invoqué de manière pertinente ?
Quoi qu'il en soit, cela ne fait que renforcer ma détermination à voter l'amendement du groupe CRC.
M. Philippe Marini, rapporteur. Si je ne m'abuse, madame le ministre, l'hypothèque rechargeable dont il est question s'appliquera à des prêts immobiliers, au financement de biens durables, mais non, comme le craignait particulièrement notre collègue Nicole Bricq, aux crédits à la consommation : il ne me semble pas qu'il s'agisse d'un crédit global permettant d'acheter tout et n'importe quoi.
Mme le ministre approuve.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
L'amendement n° 1, présenté par MM. Longuet et Cambon, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le dernier alinéa de l'article L. 225-185 du code de commerce, les mots : «, dans les mêmes conditions, » sont supprimés.
La parole est à M. Gérard Longuet.
En présentant cet amendement, j'ai le sentiment de m'inviter dans un débat qui n'est pas tout à fait le mien, mais qui est cependant l'occasion d'obtenir un éclairage indispensable sur la mise en oeuvre de la loi du 30 décembre 2006, dont une disposition prévoit d'encadrer l'accès des cadres dirigeants de sociétés aux options d'achat d'actions et aux actions gratuites.
Mon amendement tend à modifier le dernier alinéa de l'article L. 225-185 du code de commerce. Cependant, son véritable objet est en réalité de demander que soit précisé un point extrêmement sensible.
À la demande du Gouvernement, nous avons adopté un dispositif d'encadrement des stock-options et actions gratuites octroyées aux dirigeants, dispositif tel que, lors de ces nouvelles attributions d'options par le conseil d'administration ou de surveillance, celui-ci détermine les conditions dans lesquelles les intéressés peuvent ou non lever, avant la cessation de leurs fonctions les actions dont ils sont bénéficiaires. La loi posait le principe de l'obligation de garder les options et les actions gratuites tant que durait l'activité, tout en autorisant le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, dans certains cas particuliers, à permettre une levée partielle de ces options et de ces actions gratuites.
Ce dispositif vise les dirigeants des sociétés émettrices d'actions cotées. Or, manifestement, la rédaction de l'article L. 225-185 crée, aux yeux des praticiens, une insécurité juridique quant aux conditions d'attribution aux dirigeants d'une société non cotée d'actions d'une société cotée liée. En d'autres termes, qu'en est-il des dirigeants de filiales ou de sociétés soeurs non cotées qui peuvent bénéficier d'actions de la société mère cotée ? Apparemment, le législateur avait souhaité limiter aux seuls dirigeants des sociétés émettrices le dispositif d'encadrement et d'obligation de détention des options d'actions et des actions gratuites, et ne pas l'imposer aux dirigeants des sociétés filiales non cotées.
Or, en précisant que les sociétés non cotées sont traitées « dans les mêmes conditions », la rédaction nouvelle de l'article L. 225-185 du code de commerce aligne la situation des dirigeants des sociétés non cotées filiales ou soeurs de sociétés cotées sur celle des dirigeants des sociétés émettrices.
Les praticiens nous alertent sur l'ambiguïté de la rédaction que nous avions retenue. Ils ont l'impression que nous avons voulu, à juste titre, empêcher le chat d'être le gardien du bol de crème, mais ils se demandent, en quelque sorte, ce qu'il en est pour le bol de crème du voisin ? En clair, l'application dérogatoire doit être entendue stricto sensu et non pas élargie.
Madame le ministre, l'objet de cet amendement est d'obtenir une clarification, que vous serez sans doute en mesure de nous apporter, sur la volonté qui était celle du Gouvernement lorsqu'il a présenté ce dispositif.
La commission espère que la clarification que va certainement nous donner Mme le ministre sera de nature à permettre à notre collègue de retirer son amendement. Si les choses se passent ainsi, nous aurons utilement oeuvré pour apporter à un texte récent quelques précisions nécessaires, et nous pourrons laisser celui que nous examinons en ce moment s'acheminer tranquillement vers son adoption définitive.
Je vais essayer, monsieur Longuet, au bénéfice d'explications que j'espère aussi claires que votre exposé, d'appliquer l'analogie du chat et du pot de crème aux termes « dans les mêmes conditions » dans une situation de groupe où l'on ne souhaite pas appliquer le dispositif en cascade, mais simplement à la tête de pont, et vous me pardonnerez le caractère très spécifique de ma réponse.
Vous présentez un amendement très important pour la bonne compréhension par les entreprises, notamment par les entreprises « en cascade », des modalités d'application de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié. Vous relevez que le texte gagnerait à être précisé sur la question de l'application du dispositif introduit par la loi aux options attribuées par les sociétés émettrices et non par les sociétés liées. Ce point n'a en effet pas été abordé explicitement par la Haute Assemblée lorsqu'elle a débattu en première lecture de ce texte.
Vous soulignez qu'une lecture erronée de l'article L. 225-185 du code de commerce tel qu'il a été modifié par la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié pourrait conduire à un régime excessivement rigide qui prévoirait des dispositions de blocage non pas seulement à l'égard des dirigeants de la société émettrice, mais également à l'égard des dirigeants de sociétés qui, pour être d'importance mineure dans des structures commerciales de groupes, n'en sont pas moins des filiales ou des sous-filiales de la société émettrice.
Selon cette lecture, le dirigeant d'une filiale non cotée, qui reçoit - comme d'autres salariés du groupe, et bien plus éminents - des stock options entrerait alors dans le dispositif dérogatoire prévu pour les dirigeants.
Je rejoins tout à fait, monsieur Longuet, votre analyse selon laquelle telle n'a pas été l'intention de votre assemblée. Les mots « dans les mêmes conditions » figurant dans le cinquième alinéa de l'article L. 225-185 sur les options attribuées par les sociétés liées se réfèrent à la seule première phrase de l'alinéa précédent, qui prévoit que les dirigeants peuvent se voir attribuer « des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-184 », qui sont précisément les conditions d'attribution génériques et pas les dispositions particulières de blocage.
L'introduction, à l'Assemblée nationale, par un deuxième amendement parlementaire, d'un dispositif similaire pour les attributions gratuites d'actions était clairement présentée dans un objectif d'alignement du traitement des mandataires sociaux selon qu'ils reçoivent une option ou une action gratuite. Or la rédaction retenue pour l'article L. 225-197-1, qui s'applique aux actions gratuites, aboutit à ce que les contraintes dérogatoires des conditions génériques d'attribution concernent les actions attribuées aux dirigeants de la seule société émettrice et non pas aux sociétés dites mineures ou filiales.
Je relève en outre, dans le même sens, pour la même interprétation, que l'article L. 225-185 renvoie, au titre des mesures de publicité, au rapport mentionné à l'article L. 225-102-1 sur la rémunération des dirigeants dont les dispositions ne visent que les sociétés cotées ou contrôlées par des sociétés cotées et les dirigeants ayant un mandat de société cotée. En particulier, les dirigeants de sociétés filiales sans mandat de société cotée sont clairement hors du champ d'application de ces dispositions.
Au-delà de considérations purement juridiques, il me semble que nous avons intérêt à avoir un dispositif bien ciblé sur les dirigeants des sociétés qui attribuent les stock options, susceptible d'avoir de l'influence sur l'attribution, afin d'exiger un encadrement « serré » à leur égard, plutôt que de se disperser dans son extension aux filiales au risque de voir ce dispositif se relâcher pour être applicable à un plus grand nombre, ce qui n'était pas l'intention du législateur. C'est donc dans cet esprit que le dispositif a été réservé aux dirigeants et n'est pas appliqué aux salariés.
Sous le bénéfice de cette explication, dont je vous prie de me pardonner le caractère laborieux, j'espère que vous pourrez, monsieur le sénateur, considérer que votre amendement est satisfait par le texte actuel à la lumière des explications que je viens de donner et ainsi procéder à son retrait.
Madame le ministre, je vous remercie de la clarté de vos explications, qui confortent en effet la volonté du législateur telle qu'elle s'était exprimée à l'occasion du débat et qui avait été sans doute bien involontairement atténuée par les mots « dans les mêmes conditions ».
Par conséquent, monsieur le président, c'est en toute sérénité que je retire l'amendement n° 1, qui n'a plus lieu d'être.
L'amendement n° 1 est retiré.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. le rapporteur nous a invités à adopter sans modification le texte voté par l'Assemblée nationale. Cela permet en effet de se dispenser de la réunion d'une commission mixte paritaire, dans la discrétion d'une discussion de fin de session, à peine visible dans le tourbillon électoral que nous traversons - c'est ainsi qu'on le traduira demain dans la presse - et de porter quelques coups aux droits des salariés et à la raison d'être même de la Banque de France.
Nous prenons ce texte comme le signe avant-coureur de la conception du dialogue social et de l'évolution des garanties collectives des salariés telles qu'elles sont conçues par la majorité UMP-UDF de notre assemblée.
La loi vient mettre un terme anticipé à ce qui devrait procéder de la négociation collective. Elle pèse dans le sens des attentes de la seule partie patronale. Quant aux missions de la Banque de France, elles sont étroitement cantonnées aux exigences de la construction européenne, notamment dans la définition du rôle de la Banque centrale européenne.
Ce texte crée une zone de non-droit, au regard du droit du travail comme du statut des agents du secteur public, qui conduit une fois de plus à s'interroger sur l'absolue conformité constitutionnelle des dispositions votées, notamment s'agissant de l'article 5.
N'étant pas des fonctionnaires au sens du statut de la fonction publique instauré en 1945 et renouvelé en 1984, les agents de la Banque de France se retrouvent, avec ce texte, placés dans une situation de droit commun où ils disposent de moins de droits que les salariés d'une PME de soixante-dix personnes !
Limiter l'appel à l'expertise aux seuls cas de mise en oeuvre de plans de licenciement économique, c'est refuser en fait aux agents de la Banque de France d'avoir le moindre pouvoir de regard sur l'évolution de leur institution, d'autant que le recours au droit d'alerte n'a pas été, à dire vrai, souvent utilisé par ces salariés !
Cette proposition de loi n'est donc rien d'autre qu'un texte d'autoritarisme et d'arbitraire.
Les salariés, dans ce pays, ont légitimement le droit de connaître la manière dont l'entreprise où ils travaillent, où ils créent de la richesse, fonctionne, fait des choix stratégiques et les met en oeuvre, par la mobilisation de moyens adéquats.
Vous déniez aux salariés de la Banque de France le droit d'avoir leur mot à dire et, pourtant, ils ont prouvé à maintes reprises dans le passé leur attachement aux missions de service public de l'établissement et leur apport critique aux choix qui remettaient en cause lesdites missions.
Évidemment, compte tenu de cet enjeu qui dépasse quelque peu le seul cas d'espèce, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à rejeter le texte qui nous est soumis.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au-delà des questions de forme, le groupe UMP tient à souligner les raisons de fond qui l'ont amené à soutenir en première lecture la proposition de loi déposée par M. le président de la commission des finances et qui vont nous conduire aujourd'hui à approuver le texte tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale.
Sur le fond, en effet, la suppression du Conseil de la politique monétaire de la Banque de France constitue une nouvelle avancée sur la voie de la réforme de l'État et de la rationalisation des dépenses publiques. Cette mesure de bon sens s'inscrit dans la démarche de performance instaurée par la LOLF et répond à notre souhait d'une gestion rigoureuse des deniers publics. Il y va de notre responsabilité politique vis-à-vis des contribuables d'aujourd'hui, mais aussi des générations futures.
Sur le fond également, nous approuvons l'adaptation du droit du travail au statut particulier de la Banque de France. Il convient, en effet, de tenir compte de la situation spécifique de cette institution, qui n'est pas soumise aux mêmes risques économiques que les autres établissements de crédits.
Sur ce point, l'Assemblée nationale a repris les dispositions que la commission des finances avait proposées en première lecture, mais que le Sénat avait décidé de retirer provisoirement, à la demande du Gouvernement, afin de laisser le temps au gouverneur et aux organisations syndicales de se concerter sur ce sujet. Cette concertation a conduit, depuis, à la signature d'un protocole d'accord relatif à l'amélioration de l'efficacité du dialogue social et à l'évolution de la politique sociale de la Banque de France, ce dont nous nous réjouissons.
Sur le fond toujours, nous approuvons la réforme du droit des sûretés. Une autre procédure législative que celle d'un amendement à la proposition de loi relative à la Banque de France aurait pu être employée pour ratifier l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, comme l'a souligné le président de la commission des lois, notre collègue Jean-Jacques Hyest. Mais l'essentiel est, pour nous, l'assouplissement du droit des sûretés au regard de l'évolution des pratiques des entreprises et des particuliers, grâce notamment à la création de l'hypothèque rechargeable et du prêt viager hypothécaire.
Comme l'a très bien rappelé M. le rapporteur, cette branche du droit qui est intimement liée à l'activité économique n'avait pourtant connu aucune réelle réforme d'ensemble depuis 1804.
La réforme souhaitée par le Président de la République et introduite par l'ordonnance du 23 mars 2006 devrait améliorer les conditions d'accès au crédit et ainsi soutenir l'activité économique dans notre pays.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, telles sont les raisons de fond qui vont conduire le groupe UMP du Sénat à voter l'ensemble de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui en deuxième lecture.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. -M. le rapporteur applaudit également.
Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée définitivement.
Je rappelle que le groupe Union pour un mouvement populaire a proposé une candidature pour la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Pierre Bernard-Reymond membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, Nicolas About, Jean-Patrick Courtois, Philippe Goujon, Jean-Claude Peyronnet et Mme Éliane Assassi.
Suppléants : MM. Nicolas Alfonsi, Laurent Béteille, Yves Détraigne, Bernard Frimat, Patrice Gélard, Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons, sous cette législature, profondément réformé notre droit civil familial.
Les lois en vigueur, votées en 1966 et 1968, ne sont plus adaptées à notre société du xxie siècle.
C'est vrai !
Elles ne permettent plus d'assurer une protection suffisante et effective des 800 000 personnes concernées, soit plus de 1 % de la population.
La protection des personnes vulnérables implique une privation ou une restriction des droits. C'est pourquoi le juge ne doit envisager une mesure de protection qu'en dernier recours et limiter son effet à ce qui est strictement nécessaire.
La protection doit par ailleurs être adaptée et respectueuse de la personne. Elle doit être exercée et contrôlée avec les meilleures garanties.
Je vais vous présenter le contenu du dispositif du droit civil et mon collègue Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, vous présentera dans un instant le dispositif social et financier de cette réforme.
La réforme du droit civil de la protection des majeurs repose sur une nouvelle approche, plus respectueuse du droit des personnes. Elle s'articule autour de quatre grands axes essentiels : une protection juridique qui concerne exclusivement les personnes atteintes d'une altération de leurs facultés ; un dispositif de protection qui redonne sa place à l'exercice de la liberté civile ; des régimes de protection où sont définis et renforcés les droits de la personne ; enfin, des mesures de protection exercées avec plus de vigilance par les professionnels.
Le premier objectif de la réforme est donc de définir plus précisément et de délimiter strictement les personnes concernées par une mesure de protection : seront appliqués les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité.
Il faudra, c'est le fond du débat, mesurer et constater l'altération des facultés personnelles de l'intéressé. Cette altération sera mesurée médicalement et constatée par un médecin expert.
La protection juridique sera recentrée sur les personnes atteintes de troubles et de handicaps mentaux et il devient nécessaire de compléter le champ de l'action sociale.
Ce dispositif social, graduel et progressif, comporte deux volets : un volet administratif relevant des conseils généraux, mis en oeuvre en collaboration avec la personne intéressée, et un volet judiciaire, plus contraignant, intervenant subsidiairement si l'action préalable du département n'a pu aboutir. On commence donc par la mesure sociale et l'on n'ouvre le volet judiciaire qu'après constat de l'altération des facultés personnelles de la personne.
Le dispositif social a principalement une vocation éducative. Son objectif est de permettre à chacun de retrouver le chemin de l'autonomie.
Si ces mesures d'action sociale se révèlent insuffisantes, les services sociaux compétents adresseront un rapport circonstancié au procureur de la République.
La commission des lois du Sénat a compris l'importance de l'enjeu de cette disposition et a adopté un amendement afin de revenir à la rédaction initiale du projet de loi. J'en approuve tous les termes et je veux convaincre la commission des affaires sociales qu'il est nécessaire de se rallier à cette position.
L'objectif de suppression des utilisations abusives de la protection juridique a conduit le Gouvernement à supprimer la possibilité pour le juge de se saisir d'office sur le simple signalement d'un tiers, intervenant social ou professionnel médical.
Il existe, en effet, pour protéger une personne vulnérable, des solutions juridiques moins contraignantes et moins attentatoires à ces droits que la tutelle ou la curatelle.
Certains de ces moyens sont indépendants de toute intervention judiciaire. Il s'agit de la procuration, du mandat de protection future et de l'accompagnement social.
D'autres outils, en revanche, requièrent l'intervention du juge. Il en est ainsi de la sauvegarde de justice ou des règles d'habilitation propres aux régimes matrimoniaux.
En outre, la subsidiarité implique que, avant de recourir à la collectivité publique, l'on se tourne d'abord vers la famille, lieu naturel de protection.
Le deuxième apport majeur du projet de loi tient à l'affirmation et à la liberté civile de la personne protégée.
Il faut reconnaître une place à l'autonomie de la volonté de la personne, même au sein d'un ordre public de protection. L'avis de la personne sera toujours sollicité, y compris, et c'est un cas très fréquent dans nos familles, lorsqu'on place une personne âgée dans une maison de retraite.
Le mandat de protection future pourra être établi par acte sous seing privé ou par acte notarié et n'aura, selon la forme choisie, pas les mêmes effets en matière patrimoniale.
Le mandat notarié permettra une protection juridique très étendue et pourra couvrir les actes de disposition du patrimoine, la vente du bien par exemple, tandis que le mandat sous seing privé donnera au mandataire les pouvoirs d'un administrateur légal sous contrôle judiciaire et sera limité aux actes conservatoires ou de gestion courante.
Votre rapporteur a souhaité mieux encadrer les conditions de mandat sous seing privé lorsque le mandant n'est pas assisté d'un professionnel. Je puis d'ores et déjà vous indiquer que le Gouvernement se rallie à cette démarche qui vise à sécuriser davantage les modalités d'établissement du mandat. Nous devons toutefois veiller à ne pas trop alourdir les procédures.
Il n'y aura pas lieu à mesure de publicité du mandat. En effet, ce mandat de protection future crée un régime de représentation et il fonctionnera comme une procuration générale donnée par une personne à une autre.
Le troisième objectif de cette réforme est de mieux adapter la protection à la spécificité des besoins de nos concitoyens les plus fragiles.
Pour cela, la réforme affirme le principe de protection de la personne et non plus seulement de son patrimoine. C'est la grande avancée de ce texte : au-delà du patrimoine, on s'intéresse en premier lieu à la personne.
La protection à la personne trouvera son sens dans l'exigence de proportionnalité imposée au juge. Les mesures de protection seront strictement proportionnées à la vulnérabilité et aux besoins de la personne.
La protection à la personne s'imposera dans la mission du tuteur, qu'il s'agisse d'un membre de la famille ou d'un professionnel.
Enfin, les modalités de contrôle de l'exécution de la mesure seront réorganisées et renforcées.
Tout d'abord, les mesures devront être révisées tous les cinq ans, ce qui constitue une innovation. Dans l'actuel régime de protection juridique, les mesures restent valables ad vitam æternam, au sens strict. Demain, elles seront révisées tous les cinq ans. L'instauration de ce contrôle apporte une liberté très importante pour les personnes sous protection juridique.
Les modalités du contrôle annuel, en particulier des comptes de gestion, seront personnalisées et adaptées à la situation de chaque dossier.
Le quatrième grand axe de cette réforme consiste à améliorer le régime juridique qui encadre l'activité tutélaire.
Comme vous le savez, une nouvelle profession, celle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, est créée par ce texte, mais je laisserai à Philippe Bas le soin de développer ce point.
Au terme de mon propos, je souhaite de nouveau remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, M. Henri de Richemont, du remarquable travail qu'ils ont effectué. Je remercie également Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, de son implication.
Cette réforme marque une étape essentielle de notre histoire juridique : elle s'inscrit dans la construction d'un droit moderne, attentif aux évolutions de notre société et adapté aux besoins des plus vulnérables d'entre nous.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un texte important que M. le garde des sceaux et moi-même avons l'honneur de vous présenter. À cet égard, je voudrais saluer la qualité du travail accompli par la commission des lois et la commission des affaires sociales pour préparer le débat d'aujourd'hui.
Cette réforme était nécessaire. En effet, M. le garde des sceaux l'a rappelé à l'instant, la tutelle est trop souvent utilisée à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été créée. Par ailleurs, les textes qui la régissent datent d'une quarantaine d'années.
Aujourd'hui, la tutelle est utilisée à des fins sociales, faute d'instruments mieux adaptés. Privative de droits, sans alternative, elle n'est pratiquement jamais révoquée. Il faut cesser de l'utiliser à des fins d'accompagnement social, en la réservant pour des situations d'altération grave et permanente des facultés mentales. Dans ce dernier cas, l'exercice de la tutelle doit être mieux encadré.
Du fait des dérives actuelles dues à l'absence d'instruments alternatifs destinés à la protection des incapables majeurs, de la poussée démographique - nous savons que le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans va doubler dans les dix ans à venir, passant de 1, 1 million à 1, 9 million -, mais aussi de la progression de la maladie d'Alzheimer, le nombre de majeurs protégés est en augmentation constante depuis plusieurs années. Ainsi, 850 000 de nos compatriotes souffrent d'ores et déjà de cette affection. Par conséquent, si nous continuons à utiliser la tutelle pour répondre aux difficultés des personnes atteintes de cette maladie, notre régime des tutelles, qui est d'ores et déjà proche de l'embolie, risque tout simplement la paralysie totale.
À travers cette réforme, le Gouvernement prend trois engagements : créer et développer des alternatives à la tutelle ; adapter la protection des personnes à l'évolution de leurs capacités, en créant, lorsque c'est possible, un véritable parcours d'autonomie ; apporter des garanties nouvelles aux personnes, comme aux familles.
Pour mettre en oeuvre ces engagements, le Gouvernement respectera une exigence fondamentale, celle d'assurer le financement de la réforme sans pénaliser les départements, lesquels seront les principaux acteurs pour son volet social. Les départements doivent évidemment pouvoir s'engager dans cette voie en disposant de toutes les assurances nécessaires s'agissant de l'équilibre des financements mobilisés.
Le premier engagement est donc de créer et de développer des alternatives à la tutelle.
Plus du tiers des bénéficiaires adultes de tutelles aux prestations sociales est concerné. Ces personnes sont souvent des blessés de la vie, touchés par la maladie ou la dépression, frappés par le chômage ou la précarité. Elles ne parviennent plus à gérer leur budget, à payer leur loyer, à faire face aux dépenses de la vie courante. Elles risquent de tomber dans l'errance, de compromettre leur santé et de mettre leur vie en danger.
Pour ces personnes, nous proposons de créer une mesure d'accompagnement social personnalisé, qui interviendrait en amont du dispositif judiciaire. Elle prendra la forme d'un contrat passé avec les services sociaux du conseil général et comportera une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social personnalisé. C'est ainsi que nous éviterons l'ouverture de mesures judiciaires non justifiées.
Les familles et les personnes concernées seront associées et entendues à chaque étape de la procédure. S'il en a la capacité, le majeur protégé pourra renouer avec l'autonomie puisqu'un examen périodique de la situation est prévu. Hier, une personne qui se retrouvait sous tutelle n'avait plus « voix au chapitre ». Désormais, elle sera accompagnée, écoutée, mais aussi responsabilisée, car nous ne désespérons pas de la voir recouvrer, après une période de crise aiguë, l'ensemble des attributs de la citoyenneté, de la responsabilité et de l'autonomie. Il s'agit de lui permettre de retrouver son indépendance, parce que la solidarité passe aussi par la responsabilité de celui qui en bénéficie.
Le deuxième engagement du Gouvernement est d'adapter la protection de chaque personne à l'évolution de ses capacités, en créant, lorsque c'est possible, un véritable parcours vers l'autonomie.
Bien sûr, il faut d'abord protéger les intérêts fondamentaux de la personne et sa sécurité : c'est le sens du placement sous protection judiciaire. Mais nous devons aussi prendre en considération ses droits légitimes et lui garantir, autant que possible, l'exercice de ses libertés. Un statut très protecteur, peut-être trop protecteur, comme la tutelle, n'encourage pas la personne protégée à évoluer pour assumer de nouveau ses responsabilités. Nous voulons faire le pari de la confiance, chaque fois qu'il sera réaliste. C'est pourquoi le projet de loi que nous vous soumettons permet à toute personne dont la situation évolue favorablement de reprendre l'exercice de ses droits.
Dans cette optique, tout un éventail de mesures sera déployé, de l'accompagnement social jusqu'à la tutelle et, dans d'autres cas, de la tutelle jusqu'à l'autonomie.
La mesure d'accompagnement social personnalisé constitue le premier niveau d'accompagnement. Si elle échoue, une seconde mesure, plus contraignante, d'accompagnement judiciaire pourra être mise en oeuvre. Bien qu'elle soit de même nature que la mesure d'accompagnement social, elle sera décidée par le juge. Cette contrainte est nécessaire, parce que la personne s'est dérobée au contrat. C'est alors un tiers qui gérera les prestations sociales de la personne protégée, laquelle conservera néanmoins ses droits civiques et ses droits sur son patrimoine. Au fond, nous proposons de ne retirer que les droits ne pouvant réellement plus être exercés, car il ne faut plus passer du tout au rien !
Enfin, la curatelle et la tutelle seront désormais réservées aux personnes les plus vulnérables, qui souffrent d'une altération le plus souvent définitive de leurs facultés mentales.
Je veux m'arrêter à mon tour sur le mandat de protection future, dispositif très important prévu par le projet de loi.
Cette mesure, essentielle pour deux catégories de personnes dont j'ai plus particulièrement la charge, les personnes âgées et les personnes handicapées, a été annoncée lors de la conférence de la famille de 2006.
Là encore, nous privilégions le contrat, qui permettra désormais à chacun d'entre nous d'organiser à l'avance sa prise en charge en cas d'altération mentale. Je pense notamment à la maladie d'Alzheimer. Toute personne pourra désormais choisir celui ou celle qui prendra soin d'elle et de ses biens le jour où ses facultés seront altérées par cette maladie.
Je pense aussi aux parents d'un enfant handicapé majeur, qui se demandent toujours avec angoisse qui s'occupera de leur enfant s'ils viennent à disparaître ou s'ils ne sont plus en mesure d'assumer cette prise en charge. Cette question est devenue leur principal souci, en raison du vieillissement des personnes handicapées. Grâce au mandat prévu par le projet de loi, ils pourront désigner à l'avance celui ou celle qui prendra soin de leur enfant après eux.
Enfin, le troisième engagement du Gouvernement est d'apporter des garanties nouvelles aux familles comme aux personnes protégées.
Les familles, je le rappelle, prennent directement en charge plus de la moitié des tutelles. Je tiens à leur rendre hommage : c'est un bel exemple de solidarité, qui appelle de la part des associations et des acteurs sociaux aide et soutien. Sans les familles, nous ne pourrions pas assumer la responsabilité des personnes les plus vulnérables. L'Assemblée nationale, avec l'appui du Gouvernement, a d'ailleurs décidé de mettre en place un dispositif d'aide et d'information, qui permettra aux familles de trouver plus facilement des solutions aux difficultés qu'elles rencontrent si souvent aujourd'hui.
Madame le rapporteur pour avis, vous soulignez dans votre rapport que le projet de loi redonne la priorité aux familles en matière de protection des majeurs. Les mesures de protection seront en effet confiées en priorité à un proche, pourvu qu'il entretienne des liens étroits avec la personne protégée. Le texte étend ainsi le nombre de celles et de ceux qui pourront assumer cette fonction pour l'un des leurs.
Aujourd'hui, les tutelles, lorsqu'elles ne sont pas assurées par les familles, sont confiées à des associations tutélaires, à des mandataires ou aux établissements qui accueillent des personnes sous tutelle. Si les intervenants, dans leur ensemble, s'acquittent généralement avec dévouement de leurs responsabilités, trop d'abus ou de négligences sont encore constatés.
Nous avons donc voulu que soient à la fois mieux encadrés et mieux formés les mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Si l'on ne doit pas réduire une profession à quelques dérives, force est de constater qu'elles existent. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de professionnaliser davantage la fonction de mandataire et de renforcer les contrôles.
Un certificat national de compétence sera ainsi créé. Le mandataire devra être inscrit sur une liste tenue par le préfet, après avis favorable du procureur de la République. L'État assumera la responsabilité de contrôles renforcés.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, pour nos trois engagements.
J'en viens maintenant à l'exigence que j'ai évoquée tout à l'heure : il s'agit d'assurer le financement de la réforme sans pénaliser les départements, qui seront les principaux acteurs des changements à venir. Nous leur devons cette garantie.
Les départements constituent, en effet, l'échelon de proximité qui garantit l'efficacité de notre politique sociale. Cette réforme conforte leurs missions actuelles et, donc, la cohérence de l'action sociale.
Certains départements ont exprimé la crainte que cette réforme n'alourdisse leurs dépenses. Je veux leur répondre, afin de dissiper les inquiétudes qui ont pu naître.
Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, le travail mené par le Gouvernement pour s'assurer que le financement de ce dispositif pourrait fonctionner correctement, ce dont je vous remercie.
La réforme du régime de protection juridique des majeurs s'accompagne d'une évaluation de son financement. Le nouveau régime de financement prévu par le projet de loi sera mieux maîtrisé.
Tout d'abord, je tiens à vous dire que, par le biais de ce texte, l'État prend un engagement fort à l'égard des départements. Il assumera en effet la charge financière des tutelles des bénéficiaires des prestations sociales attribuées par les départements - je pense notamment au RMI -, en lieu et place des conseils généraux. C'est une charge normalement assignée aux départements que l'État reprend directement à son compte.
En 2009, les départements économiseront ainsi 77 millions d'euros. En 2013, plus de 92 millions d'euros seront pris en charge par l'État. Et s'il est vrai que les départements assumeront effectivement, en contrepartie, une charge nouvelle liée aux mesures d'accompagnement social personnalisé, cette dépense ne pourra pas excéder les économies réalisées grâce à l'effort de l'État.
L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un amendement apportant une garantie formelle sur ce point, puisqu'il prévoit l'évaluation régulière des dépenses incombant à chacun.
Nous avons également prévu que la réforme s'appliquerait intégralement au 1er janvier 2009. Les départements ont dû en effet absorber beaucoup de nouvelles missions au cours des dernières années. Il faut leur donner le temps de s'organiser et de maîtriser les nouveaux instruments pour leur permettre d'appliquer pleinement la réforme.
Pour autant, les dispositions qui n'affectent pas la charge de travail des départements seront, elles, immédiatement mises en oeuvre, qu'il s'agisse de la professionnalisation des mandataires, du renforcement des contrôles ou du nouveau mandat de protection future. Sur ces différents points, il n'y a en effet aucune raison de faire attendre les familles jusqu'en 2009.
Nous avons par ailleurs voulu laisser aux départements la liberté de s'organiser. Pour mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement personnalisé, ils pourront soit s'appuyer directement sur leur service d'action sociale, comme ils peuvent actuellement le faire pour les mesures de tutelle des prestations dont ils ont la charge, soit faire appel à des associations. Ce sera alors le même réseau d'associations qu'aujourd'hui qui continuera d'assurer le suivi des personnes protégées.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les dimensions sociale et financière de cette réforme. Il s'agit d'une réforme de citoyenneté. Elle s'inspire des mêmes principes que ceux qui sont au coeur de la loi du 11 février 2005 relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : s'intéresser d'abord non pas au handicap, aux difficultés, mais aux possibilités de chaque personne, à son potentiel, à ses talents, à sa capacité d'action et d'autonomie, en bref à ses aptitudes. Il s'agit certes de tenir compte de ses difficultés, mais avec l'idée qu'il est possible à chacun de développer la capacité d'assumer de manière autonome les responsabilités de son existence, tout en évitant d'ériger autour de lui un mur qui l'enferme dans un statut d'incapacité définitive.
C'est donc à une véritable révolution des esprits que cette réforme invite, à un pari sur l'homme, sur ses capacités et sur sa dignité.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur le banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'ai l'honneur de rapporter au nom de la commission des lois ce texte important qui vise à réformer la loi de 1968 relative au droit des incapables majeurs ainsi que la loi de 1966 relative à la tutelle aux prestations sociales.
Nous avons, avec ma collègue Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, auditionné de nombreuses personnes : des magistrats, des professeurs, des responsables d'associations, des tuteurs. Nous avons ainsi pu mesurer que le présent texte arrivait à temps pour mettre fin aux abus et aux dévoiements qui sont constatés dans l'application des lois existantes.
Aujourd'hui, on dénombre 700 000 tutelles et ces mesures ne correspondent plus à leur destination première, qui est de protéger le majeur dont les facultés mentales sont altérées. On utilise de plus en plus la tutelle comme une « bouée de sauvetage » pour protéger des personnes ayant des problèmes de dettes locatives ou dont le logement est insalubre. Autrement dit, on ne respecte pas actuellement les principes de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité.
Nous avons observé que, malheureusement, de moins en moins de personnes acceptent d'exercer la fonction de tuteur lorsqu'un membre de leur famille doit être protégé.
Nous avons également constaté un dévoiement en ce qui concerne le financement. En effet, pour assurer le financement des tutelles, on cumulait un régime de tutelle normal avec une tutelle aux prestations sociales, celle-ci étant à la charge des finances publiques, et plus particulièrement celles du département.
L'une des avancées de ce projet de loi réside dans le fait qu'il trace une ligne de partage très claire entre les mesures de protection juridique destinées à protéger les majeurs dont les facultés mentales sont altérées et les mesures d'accompagnement social.
Je ne rappellerai pas, messieurs les ministres, les dispositions du texte, que vous avez vous-mêmes détaillées, mais je formulerai quelques observations concernant le principe de nécessité, qui est ici clairement affirmé.
Le texte supprime l'ouverture d'une protection juridique pour cause de prodigalité, d'intempérance ou d'oisiveté. Lorsque nous avons discuté avec le professeur Philippe Malaurie de cette disposition novatrice - elle peut étonner puisque, jusqu'à présent, quelqu'un qui s'exposait à tomber dans le besoin pouvait être mis sous curatelle -, il a estimé que chacun avait la liberté de se comporter comme un polisson s'il le souhaitait et qu'il n'était pas normal de tomber sous le coup d'une mesure de protection juridique.
Vous avez supprimé, et je m'en félicite également, la saisine d'office, qui pouvait donner lieu à des abus, et vous proposez, ce que je trouve tout à fait judicieux, que la mesure soit révisée tous les cinq ans.
Ce qui me paraît fondamental dans ce texte, c'est qu'il replace la personne au centre de la mesure de protection. Il y est affirmé de manière très nette qu'aucune personne ne pourra être mise sous tutelle sans que le juge ait préalablement procédé à son audition. Celui-ci se prononcera sur la base d'un avis médical émanant d'un expert figurant sur une liste établie par le procureur de la République.
Il y a eu des discussions pour savoir s'il fallait également l'avis du médecin traitant de la personne en question ou celui d'un deuxième expert. Il a finalement été décidé que non : il suffira que le juge dispose d'un certificat médical émanant d'un expert pour qu'il puisse prononcer une mesure de tutelle. Le problème est toutefois de savoir comment financer cet examen médical qui, paraît-il, coûte très cher.
Le texte affirme donc les droits de la personne protégée, en prévoyant que, sauf inaptitude médicalement constatée, elle sera systématiquement entendue, ce qui me paraît essentiel. Je me réjouis en particulier de toutes les dispositions qui tendent à protéger le logement de la personne ou encore à faire en sorte que le tuteur ne puisse pas changer le compte en banque du majeur protégé sans y avoir été autorisé par le juge.
L'avancée la plus importante du texte est le mandat de protection future. Des débats ont eu lieu en commission sur la question de savoir s'il était souhaitable de maintenir deux mandats distincts, le mandat sous seing privé pour les actes d'administration et le mandat authentique pour les actes de disposition.
Nous avons estimé qu'il serait regrettable d'imposer un acte authentique, c'est-à-dire un acte notarié. En revanche, nous pensons que votre texte n'est pas assez protecteur lorsqu'il estime suffisante la seule présence d'un avocat ou celle de deux majeurs venant signer.
Nous pensons que des majeurs ayant le droit d'accompagner une personne devant être protégée pourraient avoir sur elle une influence négative. C'est la raison pour laquelle nous proposons soit la présence d'un avocat, soit l'établissement d'un mandat qui serait conforme à un « texte type » élaboré par décret.
Je suis heureux, monsieur le garde des sceaux, que vous ayez souligné sur ce point l'apport remarquable de la commission des lois.
Une telle solution est effectivement de nature à garantir l'engagement de la personne qui va souscrire un mandat de protection future. Comme vous le voyez, monsieur le garde des sceaux, quand le Gouvernement mérite d'être félicité, nous le faisons !
Nous avons également eu un débat important en ce qui concerne la mesure d'accompagnement social personnalisé. La question qui se pose est de savoir s'il faut limiter ce contrat aux prestations sociales ou l'étendre à toutes les rémunérations dont bénéficie le majeur devant être placé sous protection juridique.
Madame Dupont en parlera tout à l'heure, mais j'aimerais, messieurs les ministres, attirer dès maintenant votre attention sur ce point. Il est vrai qu'il faut améliorer la gestion des prestations sociales. On a le droit, je le répète, de disposer librement de ses biens. Il n'existe pas de droit à l'héritage, ce qui veut dire que l'on peut faire ce que l'on veut de sa fortune, jusqu'à ce qu'on se trouve finalement dans le besoin et que l'on perçoive alors des prestations sociales.
La question est donc la suivante : ne faudrait-il pas pouvoir éviter que quelqu'un se trouve en situation d'être à la charge de la société ? Tel est l'objet des amendements déposés par Mme Dupont.
Le débat sur ce point est important, monsieur le garde des sceaux. Si la commission des lois a rétabli votre texte, qui avait été modifié par l'Assemblée nationale, ce n'est pas seulement pour vous faire plaisir, ...
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est dommage !
Sourires
... mais parce que nous avons considéré qu'il ne fallait pas rendre les choses plus compliquées qu'elles ne le sont. Aujourd'hui, concrètement, il est quasiment impossible de placer un majeur sous curatelle sous prétexte qu'il s'expose à sombrer dans le besoin. Toutes les demandes de ce type échouent. Or, aujourd'hui, et je parle sous votre contrôle, monsieur le garde des sceaux, l'idée maîtresse du texte est d'alléger les mesures de tutelle et non de les renforcer.
Il est donc bien évident que, si nous avions étendu la mesure de protection sociale non seulement aux prestations, mais également à tous les revenus, nous aurions créé un système de coercition ne correspondant pas à la philosophie du texte. Voilà pourquoi la commission des lois a rétabli le texte initial du Gouvernement, bien que nous ayons pris en considération les observations tout à fait fondées de la commission des affaires sociales.
Je voudrais également souligner, monsieur le garde des sceaux, l'importance du rôle du procureur de la République, qui est votre représentant. Il jouera un important rôle de filtrage, dans la mesure où, s'il n'y a plus de saisine directe, c'est lui qui pourra saisir le juge des tutelles et qui établira la liste des médecins experts.
La question est de savoir si la responsabilité du procureur de la République doit être engagée pour faute simple ou pour faute lourde. Il s'agit là d'un point qui fait débat. Nous en discuterons lors de l'examen des amendements que nous avons déposés sur cette question.
Je voudrais enfin attirer votre attention sur le problème des gérants de tutelle travaillant dans les établissements médico-sociaux. Beaucoup d'amendements ont été déposés, monsieur le ministre délégué, qui visent à interdire la possibilité de choisir un gérant de tutelle travaillant dans ce type d'établissements.
La commission des lois a estimé, après moult réflexions et discussions, qu'il fallait faire confiance au juge et que, si aucun membre de la famille ou aucune association n'était disponible pour assurer la tutelle, il fallait laisser la possibilité à l'établissement médico-social accueillant la personne de nommer quelqu'un relevant de lui-même. Nous voulons toutefois - et cela fait l'objet d'un amendement - affirmer l'indépendance de ce gérant de tutelle par rapport à l'établissement où il travaille. Il ne doit avoir de comptes à rendre qu'au juge des tutelles, et en aucune façon à l'établissement qui l'emploie. Nous demandons également qu'il figure sur la liste des gérants de tutelle qui sera établie par le préfet.
Nous soulignons en outre l'avancée majeure que constitue la création d'une véritable profession de mandataire judiciaire pour les personnes protégées et nous nous réjouissons des dispositions visant à assurer une authentique formation à ces personnes qui joueront un rôle majeur. En effet, il s'agit pour elles non seulement d'aider, mais souvent de remplacer la personne dans les dispositions essentielles qu'elle est amenée à prendre.
Voilà les principaux éléments que je voulais évoquer s'agissant de cet important texte de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis, qui va présenter son premier rapport devant notre assemblée.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce texte est le résultat d'un important et long travail de concertation et de réflexion ; nous sommes heureux qu'il nous soit présenté.
C'est l'occasion pour moi de vous remercier, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, et de saluer votre ténacité. Grâce à vous, en effet, cette réforme va aboutir, malgré un calendrier législatif particulièrement chargé.
Cette réforme de la protection juridique des majeurs était attendue de longue date, pour mieux distinguer les besoins de chacun et reconnaître aussi à chacun sa dignité.
L'Assemblée nationale a voté en première lecture un texte de qualité, auquel le Sénat souhaite, à son tour, apporter sa contribution. La commission des lois, par la voix de son rapporteur, M. Henri de Richemont, sera la cheville ouvrière de cette réflexion. Saisie pour avis, la commission des affaires sociales a souhaité y apporter le regard particulier qui est le sien, notamment pour ce qui concerne la dimension humaine et sociale du texte.
C'est l'honneur des parlementaires que de faire la loi ; c'est celui de chacune des commissions de s'exprimer dans la compétence qui lui est propre.
La première ambition du texte est d'adapter la protection juridique des majeurs aux réalités sociales de notre temps, tout en redonnant vie aux principes fondateurs de la loi du 3 mars 1968.
Les dérives du dispositif de protection juridique des majeurs font l'objet d'un constat très largement partagé : le seul critère légal d'altération des facultés personnelles de l'intéressé a été perdu de vue au fil du temps ; plus de la moitié des mesures de protection juridique sont désormais confiées à des personnes extérieures à la famille, ce qui n'était pas l'inspiration initiale ; enfin, le non-respect de la gradation des mesures conduit souvent à des mesures mal adaptées aux besoins et, par conséquent, ressenties par les intéressés comme étant abusives.
La commission des affaires sociales approuve, d'une façon générale, les réponses apportées par le projet de loi pour mettre un terme à ces dérives.
Elle ne peut d'abord qu'être favorable à la réaffirmation des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures de protection.
Il était en effet nécessaire de recentrer les mesures de protection sur les seules personnes dont les facultés mentales présentent des signes caractérisés d'altération médicalement constatés : personnes nées ou devenues handicapées avec une altération irréversible, personnes victimes de troubles mentaux graves, personnes âgées dont les facultés intellectuelles ont décliné, toutes ayant besoin que leurs biens et leur personne soient protégés par la loi.
Dans les autres cas, ces mesures peuvent opportunément être remplacées par des dispositions moins contraignantes, relevant simplement d'un accompagnement social. Pourquoi, en effet, priver de leur capacité juridique des personnes dont les besoins de protection se limitent en réalité à une assistance dans la gestion du quotidien ?
J'émettrai cependant quelques réserves sur certains points précis.
Dans le cas d'une demande de protection juridique, je regrette la disparition de l'obligation, pour le médecin expert, de consulter le médecin traitant. Qui, en effet, est mieux que ce dernier à même d'éclairer l'expertise sur les antécédents du majeur et sur sa situation familiale et sociale ?
Par ailleurs, il me semble que le coût d'établissement du certificat médical - en moyenne 250 euros - peut s'opposer au libre accès de tous les citoyens à la protection juridique. Ce coût ne pourrait-il pas faire l'objet d'une prise en charge pour les personnes aux ressources les plus modestes ?
Notre commission s'est également émue de ce que les personnes établissant leur résidence hors de France se voient privées de toute protection. Cette disposition n'est-elle pas contraire au droit international privé et au code civil, qui prévoient que la protection des personnes relève toujours de leur loi nationale, où qu'elles se trouvent ? Ne revient-il pas au ministère des affaires étrangères, lorsque cela est nécessaire, de se donner les moyens d'assurer le suivi de ces mesures à l'échelon des consulats ?
Enfin, dans un souci de simplification et d'assouplissement du système, dont je comprends l'objectif, le texte limite au strict minimum les cas d'auditions obligatoires par le juge. Pourtant, il me semble que cet entretien est essentiel, car c'est le seul moyen dont dispose le juge pour se rendre compte par lui-même des besoins de la personne protégée et pour adapter au mieux les mesures de protection susceptibles de répondre à ces besoins. Le texte n'est-il pas trop restrictif en ce domaine ?
Le deuxième point sur lequel la commission des affaires sociales rejoint le Gouvernement est la nécessité d'assurer le respect de la priorité familiale dans la prise en charge d'un majeur à protéger.
À cet égard, il est important de noter que, dans le texte, sont reconnues les difficultés que peuvent rencontrer certaines familles pour exercer les mesures de protection et que l'on s'attache à y remédier en mettant en place une information pour les tuteurs familiaux sur leur propre rôle. Je crois que ce service rendu aux familles est constructif et qu'il conviendra de veiller à sa mise en place effective.
Nous saluons ensuite l'extension - conforme à la jurisprudence de la Cour de Cassation - du champ de la protection du seul patrimoine à la personne elle-même. Il s'agit de réaffirmer les droits de la personne protégée et de rechercher, autant que possible, son consentement.
S'agissant de cette reconnaissance de la responsabilité de la personne dans sa propre protection, une mesure nouvelle est emblématique : c'est la création du mandat de protection future. Le mandant peut l'établir pour lui-même, mais il était également attendu des parents d'enfants handicapés, que l'allongement de l'espérance de vie avec un handicap place devant la perspective angoissante de laisser derrière eux un enfant seul et vulnérable.
Les amendements que je vous présenterai, au nom de la commission des affaires sociales, ne remettent pas en cause les principes de ce mandat. Ils visent simplement à faire apparaître, les confusions étant encore fréquentes à ce sujet, que le mandat est bien un régime de procuration et non d'incapacité.
La commission des affaires sociales approuve aussi sans réserve la dernière orientation du texte, qui consiste à assurer une meilleure répartition des rôles entre protection juridique et protection sociale.
Des esprits plus ou moins bien intentionnés voudraient faire croire qu'il ne s'agit que de reporter sur les conseils généraux une charge financière que l'État n'arrive plus à juguler. En réalité, la motivation est tout autre : il s'agit de reconnaître que la vulnérabilité n'est pas nécessairement synonyme d'incapacité et que, parfois, elle appelle un accompagnement social plutôt qu'une protection juridique privant l'intéressé de ses droits civils.
Concrètement, le projet de loi met en place un dispositif gradué pour répondre aux difficultés de ceux qui, par leur incapacité à gérer leur budget, mettent en danger leur propre personne et/ou leur famille.
Cela est raisonnable, mais nous avons observé que, en l'état actuel du texte, l'accompagnement ne s'appliquait qu'aux seules prestations sociales. M. Henri de Richemont l'a dit tout à l'heure, ce point nous soucie et nous aimerions savoir si, dans un certain nombre de cas, le fait de rétablir la situation de l'intéressé n'exigerait pas de prendre en compte l'ensemble du budget familial, non pour gérer celui-ci, mais au moins pour conseiller la personne et lui apprendre, comme le font d'ailleurs souvent les conseillers en économie sociale et familiale, à gérer son budget.
De plus, avec la présentation qui est faite, on rend peut-être cette mesure discriminatoire, puisque ces personnes, que M. de Richemont appelle des « polissons », qui ne touchent aucune prestation, en sont d'emblée exclues. Je crois sincèrement qu'il nous faudrait franchir le pas et affirmer clairement l'extension du dispositif à l'ensemble des ressources des bénéficiaires, de manière que la mesure d'accompagnement social personnalisé, la MASP, soit la plus efficace possible.
Le projet de loi fixe également un cadre à l'exercice des mesures de protection par des professionnels extérieurs à la famille.
Notre commission approuve la réforme proposée, qui crée un véritable statut professionnel de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et encadre l'exercice de cette profession. Nous en attendons plus de cohérence et de transparence pour le système de protection juridique et la garantie d'une compétence reconnue des différents intervenants, notamment grâce aux listes départementales des opérateurs habilités à exercer.
Cela étant, pourquoi ne pas établir, parallèlement, une liste nationale des mandataires judiciaires interdits d'exercice, pour mieux contrôler le dispositif d'ensemble ? Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, je vous demande d'être attentifs à ce problème de liste nationale, car il semble que certaines personnes interdites d'exercer aient la possibilité de proposer leur candidature dans d'autres départements.
J'en reviens à la liste sur laquelle trois types d'opérateurs pourront être inscrits : les gérants de tutelle privés, les associations tutélaires - qui auront désormais la qualité de services sociaux et médico-sociaux - et les préposés des établissements sanitaires et sociaux.
À mon sens, cette dernière catégorie soulève une grave interrogation. À plusieurs reprises, la commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en établissements et services sociaux et médico-sociaux et les moyens de la prévenir ou, plus récemment, lors de l'examen de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la commission des affaires sociales, particulièrement par la voix de notre collègue Paul Blanc, a eu l'occasion de souligner les risques de dérives liées à des mesures de protection juridique confiées à des salariés d'établissements médico-sociaux.
De cette situation il ressort un évident risque de conflits d'intérêt. Comment garantir en effet l'impartialité du mandataire dans la relation qu'entretient la personne protégée avec son établissement d'accueil si le préposé est à la fois juge et partie ? Cette question se pose avec plus d'acuité encore lorsqu'il s'agit de défendre les droits de la personne protégée en matière de participation financière aux frais d'hébergement ou de prise en charge médicale et sociale.
Le risque existe tout particulièrement dans le cas des adultes mentalement handicapés, que l'on a souvent la tentation d'assimiler aux personnes âgées dépendantes. Or leur situation est totalement différente. En général, ils arrivent jeunes en établissement médico-social ; ils ont alors, comme les autres jeunes de la planète, besoin de loisirs, d'activités stimulantes, notamment sportives, ils ont aussi, particulièrement les filles, envie de porter les vêtements à la mode, etc. Je ne pense pas que le préposé d'un établissement ait le temps de veiller à tout cela ! Un regard extérieur est indispensable à l'impartialité nécessaire au bien-être de la personne protégée. À moins qu'il y ait d'autres possibilités, il est important que la tutelle des adultes handicapés mentaux hébergés en établissement ne soit pas confiée à un membre de ce même établissement.
C'est surtout en pensant à ces derniers que la commission des affaires sociales a fait de la suppression de cette faculté accordée aux établissements médico-sociaux une question de principe, considérant que le souci de proximité, que l'on pourrait considérer comme légitime, ne doit pas conduire à un amalgame malencontreux.
Nous ne pouvons évidemment pas ignorer que 28 000 mesures sont aujourd'hui confiées aux préposés des établissements concernés. Pourtant, en la matière, nous ne pouvons pas raisonner seulement en termes de moyens ou de protection des intérêts de telle ou telle catégorie de tuteurs. La compétence de ces derniers n'est absolument pas en cause ; seul l'enjeu humain du rapport entre le mandant protégé et le mandataire est important.
C'est pourquoi, ferme sur le principe, mais consciente des contraintes matérielles, la commission des affaires sociales a estimé raisonnable de prévoir une période transitoire de cinq ans, afin de laisser le temps aux juges des tutelles de réaffecter l'ensemble de ces mesures à des mandataires indépendants de ces établissements.
Enfin, concernant le financement de la protection des majeurs, les évolutions proposées dans le projet de loi vont, semble-t-il, dans le bon sens.
Dans la mesure où le montant est calculé en fonction des ressources, la participation systématique des personnes protégées au financement des mesures de protection me paraît être équitable et équilibrée. Ainsi, les personnes bénéficiaires du minimum vieillesse ou de l'allocation aux adultes handicapés, AAH, en seront exonérées.
De même, nous nous félicitons que l'Assemblée nationale ait supprimé la possibilité de récupération des participations financières publiques sur la succession du majeur protégé lorsque celui-ci n'a pas eu les moyens de participer financièrement à sa protection.
S'agissant précisément des financements publics complémentaires, le passage du système du « mois mesure » au système éprouvé de la dotation globale est également une bonne chose. En effet, cela devrait permettre de rompre avec la spirale inflationniste actuelle et de produire des économies pour les collectivités publiques. Le fait que le financement de ces dotations sera partagé entre l'État, les départements et les organismes de sécurité sociale, selon une clé de répartition qui avantagera visiblement les départements, est une juste compensation du coût probable qui devrait résulter, pour ces derniers, de la mise en place de la mesure d'accompagnement social personnalisé.
Vous l'avez compris, ce texte nous donne globalement satisfaction. Incontestablement, le dispositif actuel de protection juridique des majeurs, vieux de quarante ans, devait être adapté et modernisé. C'est ce à quoi tend ce projet de loi. Il convient maintenant de lui donner les moyens de porter tous ses fruits. Il ne devra donc pas exclure un accroissement du nombre de juges des tutelles et un renforcement de leurs équipes, greffiers en chef et greffiers.
Il serait en effet illusoire de penser que la diminution attendue du nombre de majeurs protégés puisse conduire à faire l'économie de ces recrutements. Les tribunaux d'instance ont notoirement besoin d'être renforcés.
Sous le bénéfice de ces observations, sous réserve des amendements qu'elle présente, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'adoption de ce projet de loi, qui encadre, dans le respect de la dignité des personnes les plus faibles ou en difficulté sociale, la meilleure protection que la société se doit de leur apporter. La personne à protéger doit être au coeur de ces débats.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 31 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui, en cette fin de session parlementaire, le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs.
Cette réforme était attendue depuis une décennie, voire davantage. Le système actuel est régi par la loi du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs, dont les dispositions ont été insérées dans le code civil, et par la loi du 18 octobre 1966 relative à la tutelle aux prestations sociales, dont les dispositions ont été insérées dans le code de la sécurité sociale.
Ce système, prévu au départ pour quelques milliers de personnes incapables de gérer leurs biens, est maintenant au bord de l'implosion.
Quelque 700 000 personnes sont aujourd'hui concernées par la tutelle, auxquelles il faut ajouter près de 60 000 personnes bénéficiant d'une tutelle aux prestations sociales. Elles seront environ 1 million en 2010. Sont en cause l'allongement de la durée de la vie et le vieillissement de la population, mais également la maladie d'Alzheimer, dont on recense près de 200 000 nouveaux cas chaque année.
Un autre facteur, et non des moindres, est à prendre en compte dans cette augmentation des mesures de tutelle. La montée de la précarité et de l'exclusion a eu pour effet que des mesures de tutelles ont été prononcées à l'encontre de personnes ne présentant aucun trouble mental ni aucun handicap, mais « seulement », si je puis dire, victimes d'exclusion et dont le traitement des difficultés devrait relever de l'aide sociale.
Nous observons donc, depuis une dizaine d'années, une augmentation exponentielle des mesures de tutelle, jusqu'à un dévoiement de celles-ci. De nombreux abus ont été commis à l'encontre des personnes en situation d'exclusion.
Ces abus ont pu être commis notamment parce que le nombre de juges des tutelles est insuffisant. Pour régler ces situations souvent délicates, toujours difficiles, seuls 80 juges des tutelles et leurs greffiers sont en mesure de se prononcer sur les mesures de protection. L'insuffisance de contrôle des mesures engendre inévitablement des dérives.
En 1996, le Médiateur de la République préconisait une « réforme humanisée » du dispositif juridique en vigueur et, en 1998, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, de l'inspection générale des finances, l'IGF, et de l'inspection générale des services judiciaires, l'IGSJ, mettait l'accent sur les nombreux dysfonctionnements en matière de protection des majeurs en France.
Le contrôle des tutelles ne doit pas se limiter au simple enregistrement des dossiers. Des comportements frauduleux ont été constatés, mais aussi des cas de maltraitance aux dépens de personnes particulièrement fragiles.
L'objectif, aujourd'hui, doit être de favoriser autant que possible l'autonomie de la personne protégée. La liberté individuelle est réduite à sa plus simple expression dans le cas de la tutelle. La personne perd tous ses droits. La tutelle est un dispositif particulièrement contraignant et attentatoire aux droits de la personne. Dès que la personne est protégée, tout relève de son tuteur et son autonomie est tout simplement inexistante.
Le projet de loi vise à redonner toute leur effectivité aux principes fondateurs de la loi du 3 janvier 1968 : la nécessité, la subsidiarité et la proportionnalité des mesures de protection. Il était urgent, en effet, de réaffirmer que les incapacités ne peuvent avoir qu'un caractère exceptionnel et que seules doivent être prises les mesures d'encadrement strictement nécessaires eu égard à la situation. Il s'agit de restreindre la liberté individuelle dans le cadre de ce qui est strictement nécessaire à la protection de la personne.
Placer la personne au coeur du dispositif, notamment par une meilleure prise en compte de ses intérêts, passe par la recherche de son adhésion au régime de protection qui lui est appliqué, par l'individualisation de la mesure en fonction de son degré d'incapacité ou de capacité et, enfin, par la nécessité de respecter sa volonté chaque fois que cela est possible.
Le projet de loi recentre les tutelles sur les seules personnes dont les facultés mentales sont réellement altérées. Pour les autres, une mesure d'accompagnement social personnalisé est créée en amont. La mise sous tutelle pour cause de prodigalité, d'intempérance ou d'oisiveté est enfin supprimée - ce que je ne peux qu'approuver.
Le projet de loi organise donc une meilleure lisibilité des mesures de protection tout en prévoyant une meilleure identification des rôles respectifs de la famille, des professionnels et des associations en charge de la gestion des tutelles.
Il scinde ainsi la protection juridique en deux domaines distincts : d'une part, les tutelles et curatelles, sous la responsabilité du juge, d'autre part, la mesure d'accompagnement social personnalisé, sous l'égide du département.
Le régime des tutelles et des curatelles est simplifié en même temps qu'est garanti le respect des droits fondamentaux de la personne protégée.
L'évaluation de la situation de la personne vulnérable sera systématique : une mesure de protection juridique ne pourra être ouverte que lorsqu'une personne se trouvera dans l'impossibilité de veiller seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, altération de nature à empêcher l'expression de sa volonté.
Cette altération doit être constatée par un médecin spécialiste inscrit sur une liste établie chaque année par le procureur de la République. L'absence de certificat médical circonstancié rend irrecevable la demande d'ouverture de la mesure de protection.
Sur ce point, je tiens à préciser que le coût de ce certificat médical est particulièrement élevé puisqu'il avoisine 200 euros. Il serait donc regrettable qu'un tel coût représente un obstacle à l'ouverture d'une mesure de protection pour des personnes qui en ont pourtant besoin. Nous souhaitons par conséquent que les frais d'établissement de ce certificat médical puissent être pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle.
Par ailleurs, le projet de loi organise la procédure judiciaire préalable au prononcé de la mesure de protection.
D'une part, il supprime la possibilité offerte au juge des tutelles de se saisir d'office, possibilité qui est non seulement contraire à la convention européenne des droits de l'homme, mais qui traduisait aussi un certain abandon des familles.
D'autre part, il fait obligation au juge d'entendre systématiquement la personne qui va faire l'objet d'une mesure de protection. Aujourd'hui, seulement une personne sur trois est auditionnée. En raison de l'encombrement de leur cabinet, les juges préfèrent souvent faire envoyer un questionnaire pour obtenir certains renseignements. De telles pratiques étaient bien évidemment insatisfaisantes, notamment du point de vue du respect des droits de la personne, l'intéressé risquant de voir prononcer à son encontre une mesure de protection totalement incapacitante.
Avec la présente réforme, l'audition est une formalité substantielle qui ne peut être écartée qu'en cas de contre-indication médicale. Cependant, l'une des contre-indications prévues par le texte semble poser problème. Il s'agit de celle qui permet au juge de ne pas entendre une personne si l'état de celle-ci ne lui permet pas de comprendre la portée de son audition - nous avons eu ce matin une discussion à ce sujet en commission des lois. Le risque existe qu'avec une telle formulation, le juge n'auditionne jamais les personnes handicapées mentales.
Néanmoins, malgré ces quelques remarques, force est de constater que cette réforme de la procédure de protection juridique permet un plus grand respect des libertés individuelles. Le fait que la tutelle à vie disparaisse constitue de ce point de vue une véritable avancée. Le juge devra réexaminer le dossier de protection juridique tous les cinq ans. Cette périodicité est un excellent moyen de vérifier l'opportunité d'une mesure de protection et de dresser un bilan de l'action exercée.
Dans ce même esprit, et grâce à nos collègues députés, le juge devra consulter la personne chargée de la mesure de protection avant d'y mettre fin, de la modifier ou de lui substituer une autre mesure.
Je tiens à saluer également l'introduction dans notre droit du mandat de protection future, qui permettra à chacun d'organiser son propre avenir en prévision d'une maladie incapacitante ou du vieillissement, ou d'anticiper sur le devenir d'un enfant handicapé.
Ce nouveau dispositif, qui est l'un des axes majeurs de cette réforme, devrait permettre à toute personne, alors qu'elle est en possession de ses moyens, de désigner un mandataire pour agir en son nom et pour son compte dans le cas où elle deviendrait inapte.
Il pourra également s'agir des parents d'un enfant handicapé qui désigneront la personne qui s'en occupera quand ils ne seront plus eux-mêmes en capacité de le faire ou après leur décès.
Ce dispositif permet ainsi, quel que soit le cas de figure, d'éviter l'ouverture d'une mesure judiciaire de protection.
Ce mandat de protection future peut être donné par acte notarié ou sous seing privé : nous souhaitons cependant que toutes les garanties soient apportées si l'option de l'acte sous seing privé est retenue.
Il faut néanmoins se féliciter de l'adoption d'un tel mandat, attendu depuis très longtemps par les familles.
Le projet de loi renforce la place de la famille dans le dispositif de protection juridique. Aujourd'hui, la famille a parfois du mal à assumer son rôle dans ce dispositif : les multiples configurations familiales et l'éclatement géographique ne favorisent pas le volontariat familial pour ce type de responsabilité. Les tuteurs familiaux ne disposent pas, le plus souvent, d'aide véritablement organisée. Il est donc primordial que ceux-ci puissent bénéficier d'un soutien organisé pour leur permettre de bénéficier de conseils, d'informations et pour que soient facilités les échanges.
De même, les professionnels des associations tutélaires doivent se voir reconnaître un véritable statut avec des mesures de qualification et de formation. Nous souhaitons par conséquent compléter le projet de loi, qui ne prévoit pas de réel diplôme, et permettre ainsi une homogénéisation des pratiques professionnelles.
J'en viens maintenant à la mesure d'accompagnement social personnalisé. Si nous nous félicitons de la séparation effectuée par le projet de loi entre les mesures de protection juridique et les mesures d'accompagnement social, nous ne pouvons que regretter l'absence de financement de ces dernières.
Le texte s'inscrit tout naturellement dans la logique des compétences sociales des départements. Mais la mesure d'accompagnement social vient s'ajouter à des transferts de compétences récents, tels l'APA et le RMI, pour lesquels les compensations financières sont loin d'être suffisantes. Vous comprendrez par conséquent notre scepticisme lorsque le Gouvernement nous assure que cette nouvelle charge sera intégralement compensée pour les départements, charge évaluée par le Conseil économique et social à quelque 33 millions d'euros.
En conclusion, nous approuvons l'esprit de ce projet de loi qui vise à redonner une dimension humaine à la protection juridique des majeurs. Le respect de la dignité de la personne et l'encadrement plus strict du placement sous protection juridique emportent bien évidemment notre adhésion. Destiné à mieux protéger les majeurs vulnérables, en nombre croissant du fait du vieillissement de la population, et à mettre fin à de nombreux abus, ce texte est certes positif. Néanmoins, il ne peut susciter une approbation pleine et entière de notre part compte tenu des problèmes de financement que soulève ce nouveau transfert de charges aux départements et du nécessaire recrutement de juges des tutelles et de greffiers pour une totale application des nouveaux dispositifs.
Il est donc fort probable que le groupe communiste, républicain et citoyen s'abstiendra sur ce texte.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme de la loi du 3 janvier 1968 instituant le régime des tutelles et curatelles nécessitait de toute évidence une réforme du fait des dysfonctionnements, voire des dérives évoqués au fil des années dans de nombreux rapports, sans compter un certain nombre d'affaires ayant eu des retentissements médiatiques non négligeables.
L'évolution de la situation actuelle des majeurs vulnérables ne peut que nous amener aux constatations que nous faisons tous aujourd'hui.
Un juge des tutelles en équivalent temps plein gère en moyenne plus de 8 750 personnes concernées par l'une des mesures de protection. Les gérants des tutelles n'ont ni statut ni rémunération clairement établis. Les tribunaux sont assaillis, les psychiatres, les gérontologues trop peu nombreux, et les magistrats, en nombre insuffisant, monsieur le garde des sceaux, ne sont pas en mesure de contrôler réellement la gestion des comptes.
Messieurs les ministres, mon intention n'est pas de reprendre devant vous les arguments juridiques qui vous seront présentés par les orateurs de la commission de lois, mais d'aborder plutôt la question du cadre médico-social, à l'égard duquel les départements expriment un certain nombre d'inquiétudes.
Notre interrogation se cristallise autour du financement, sans lequel les personnels nécessaires à la délégation des compétences tutélaires aux départements ne pourront pas être déployés.
En effet, aujourd'hui, le département constitue légitimement l'échelon de gestion de l'aide sociale et de l'accompagnement aux personnes. Nous ne pouvons donc qu'approuver l'orientation essentielle du texte, qui consiste à distinguer les mesures d'accompagnement social, d'un côté, et les règles de protection juridique, de l'autre.
Mais soyons lucides. Les missions qui ont été dévolues aux conseils généraux au titre de l'APA ou du RMI sont de nature assez distincte de celles qui résulteront du présent texte. Les personnels chargés de cette nouvelle mission devront détenir une qualification spécifique - je dirai même une double compétence -, c'est-à-dire disposer d'une approche à la fois sociale et comptable. Ce n'est pas le profil de nos personnels travailleurs sociaux qui vont être destinés à la gestion de la mesure d'accompagnement social personnalisé, ou MASP.
Il faudra donc à la fois recruter et former afin de se donner les moyens de réussir cette action. Ce sera long et coûteux.
Le Gouvernement nous assure que cette nouvelle charge pesant sur les départements sera intégralement compensée. Il va même plus loin, en nous promettant de faire gagner de l'argent ! Est-ce du cynisme ou, à cette époque particulière, une promesse électorale ?
Malheureusement, ces déclarations déjà éprouvées dans le passé, notamment en matière de RMI, nous laissent sceptiques. Puisque la réforme se fonde sur le transfert aux départements du suivi de dizaines de milliers de personnes, il apparaît peu acceptable que le Gouvernement décentralise cette compétence sans une prise en compte plus précise des conséquences financières engendrées, « à l'euro près », selon l'expression consacrée.
Le coût des mesures de tutelle et de curatelle est évalué à environ 400 millions d'euros par an aujourd'hui et atteindrait 600 millions d'euros dans cinq ans. Nous le savons tous, la solidarité a un coût. Elle requiert des investissements lourds, chaque personne protégée nécessitant, comme je l'ai dit, un suivi comptable et une aide psychologique et sociale. L'attractivité des nouveaux métiers d'aide à la personne, le maintien des structures sur l'ensemble du territoire imposent des lignes budgétaires pérennes.
On peut naturellement s'interroger sur le chiffre de 35 millions d'euros par an que vous aviez annoncé, monsieur le ministre délégué, devant le Congrès des notaires, le 24 mai 2006. Cette somme nous paraît minorée et est largement contestée par l'Assemblée des départements de France.
Ma dernière interrogation concerne l'avenir de ce projet de loi.
En effet, la population visée par les mesures de protection apparaît hétérogène. Certes, nous savons que le nombre de ceux qui la compose s'accroît très fortement et que, si ces mesures concernent aujourd'hui 600 000 personnes, le chiffre de 1 million en 2010 est régulièrement pronostiqué. Mais, en réalité, sur les conséquences de la réforme, notamment sur le nombre de personnes qui relèveront désormais de la mesure d'accompagnement social, les estimations varient, selon les interlocuteurs, et parfois dans de très fortes proportions.
C'est l'un des problèmes auxquels se heurte la réforme : nous ne connaissons pas exactement le nombre de personnes concernées. Certaines associations parlent d'une centaine de milliers de dossiers qui, de facto, se retrouveront sous la responsabilité du conseil général et ne relèveront plus d'un dispositif de protection juridique.
Voilà qui pose une sérieuse difficulté quant à l'objectivité ou à la réalité des estimations financières que vous nous présentez.
Il était temps, messieurs les ministres, de réactualiser ce dispositif de protection juridique et de lui donner une dimension sociale différente de celle qui est héritée du XIXe siècle. En ce sens, la démarche nous paraît parfaitement justifiée.
Cependant, il ne suffit pas de vouloir faire évoluer les choses et de passer le témoin en se réfugiant dans l'esprit de la décentralisation. Encore faut-il que cette volonté de réussite se matérialise à travers des financements aujourd'hui justifiés à deux niveaux : ceux des besoins de la justice, notamment pour la tutelle - ils sont actuellement insuffisants -, et ceux de l'application sociale sur le terrain.
Faute d'une certitude, nous nous abstiendrons lors du vote sur ce texte.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est très attendu : le dispositif actuel date de 1968 et, depuis plus de dix ans, de nombreux rapports ont démontré la nécessité de réformer la protection juridique des majeurs, qui s'écarte malheureusement de plus en plus de sa finalité initiale.
Si je regrette que ce projet de loi soit inscrit à l'ordre de jour si tardivement, d'où la déclaration d'urgence, je félicite toutefois les rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales de ne pas avoir cédé aux sirènes du vote conforme et de nous proposer tous deux un travail de fond sur ce texte, même si leurs vues divergent parfois.
C'est une réforme attendue. Aujourd'hui, en excluant les tutelles aux prestations sociales, 1 % de la population française se trouve sous un régime de protection juridique ; le coût total du dispositif est estimé à 450 millions d'euros et le nombre de mesures prononcées croît de façon régulière du fait du vieillissement de la population française et d'une interprétation trop large de la loi existante.
Nous ne pouvons qu'approuver les objectifs principaux qui sont visés par ce projet de loi : limiter la mise en oeuvre de la protection juridique aux personnes qui en ont réellement besoin, placer la personne protégée au centre du régime de protection et réorganiser les conditions d'activités des tuteurs et curateurs extérieurs à la famille.
Je souhaiterais dire un mot sur deux mesures prévues dans le projet de loi : le régime d'accompagnement social spécifique et le mandat de protection future.
Afin d'accompagner les personnes en situation de détresse sociale, vous proposez, messieurs les ministres, de distinguer l'accompagnement social de l'altération éventuelle des facultés mentales de l'intéressé. L'instauration d'un dispositif d'intervention gradué, dans lequel le juge des tutelles ne serait saisi qu'en cas de recours ultime, va dans le bon sens. Le principe de subsidiarité doit s'appliquer chaque fois qu'il est possible et la mise en place d'un régime d'accompagnement social spécifique, au sein du système de protection des majeurs, permettra de mettre en oeuvre un dispositif de gestion budgétaire de la personne en détresse sociale sans entraîner pour autant son incapacité juridique.
Reste à cadrer très sérieusement, d'un point de vue financier, ce nouvel accompagnement social en pleine concertation avec les conseils généraux. Ce dispositif ne doit en effet se traduire ni par un désengagement de l'État envers les personnes en détresse sociale ni par un nouveau transfert de charges en direction des collectivités locales.
L'instauration du « mandat de protection future », qui permettra à chacun de désigner à l'avance un tiers chargé de veiller sur ses intérêts et sur sa personne pour le jour où l'âge ou la maladie nécessiteront sa protection, est également une bonne mesure. Il sera mis en oeuvre lorsque l'altération des facultés aura été constatée, sans nécessiter l'intervention du juge. Nous ne pouvons qu'approuver cette disposition.
De même, les parents ayant à charge un enfant handicapé pourront organiser sa protection juridique à l'avance pour le jour où ils ne seront plus capables de s'occuper de lui. C'est une mesure très attendue, qui soulagera les parents en leur permettant de prévoir la protection de leur enfant, de l'anticiper, et de désigner la ou les personnes de confiance chargées de l'assumer.
Rappelons toutefois que la solidarité nationale est essentielle et que les parents ne doivent pas se retrouver isolés après avoir opté pour cette mesure en faveur de leur enfant handicapé.
Étant rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois, des crédits alloués aux services judiciaires et à l'accès au droit, je souhaite également intervenir sur deux points qui me tiennent particulièrement à coeur : la surcharge des greffes et le coût des certificats médicaux.
Monsieur le garde des sceaux, vous le savez, l'augmentation constante du nombre des dossiers de protection juridique des majeurs ne fait que souligner l'insuffisance des effectifs dans les tribunaux. Les juges des tutelles sont débordés, les dossiers prennent du retard, les comptes de gestion et les récapitulatifs des décisions prises par les tuteurs ne sont plus toujours examinés dans des conditions optimales. Cela favorise malheureusement les escroqueries de tuteurs mal intentionnés et empêche la révision nécessaire des dossiers. En cela, les nouvelles modalités de contrôle introduites, notamment par l'article 511 du code civil, vont dans le bon sens.
Mais ces mesures « d'allégement » ne doivent occulter ni le manque de moyens assignés à la mise en oeuvre de la protection juridique des majeurs ni l'engorgement des tribunaux.
Je sais également que la commission des affaires sociales, inquiète du coût de l'expertise pour les familles, propose que cette dépense afférente à une procédure en justice soit prise en charge dans le cadre de l'aide juridictionnelle.
Soit ! Ce coût est effectivement trop lourd pour les familles, mais je serais resté réservé sur cette possibilité de prise en charge dans le cadre de l'aide juridictionnelle et j'en aurais appelé à la sagesse de notre Haute Assemblée. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, nous avons longuement débattu de la question de l'aide juridictionnelle, dont le montant global a augmenté de 63 % entre 1998 et 2006.
Une large concertation a été engagée par M. le garde des sceaux sur le thème de l'accès au droit des plus démunis. Nous sommes satisfaits de cette volonté affichée.
Aussi, au moment où il nous faut réfléchir aux conditions d'admission à l'aide juridictionnelle, je crois qu'il n'aurait pas été opportun d'étendre encore son champ à de nouvelles missions d'assistance. Laissons la réflexion engagée conjointement avec les professionnels du droit, le ministère de la justice et le ministère de l'économie et des finances suivre son cours, avant de décider du mode de financement de cette mesure.
Je tiens à vous présenter quelques-uns des amendements que je défendrai au nom du groupe UC-UDF.
Nous proposons de prévoir une exception au principe de la nécessité du certificat médical avant de mettre en place une mesure de sauvegarde de justice, dans les situations très concrètes qui exigent une solution d'urgence, afin de ne pas laisser un majeur sans protection au moment où il en aurait le plus besoin.
Nous demandons également la création d'un diplôme d'État afin que soit reconnu le métier de mandataire à la protection juridique des majeurs. Cette proposition va dans le sens de la réorganisation des conditions d'activités des tuteurs et curateurs, telle qu'elle est souhaitée par le Gouvernement. Dans le même ordre d'idée, s'agissant des tuteurs familiaux, nous souhaitons qu'ils bénéficient non seulement d'une information sur les conditions d'exercice de leur mission, mais également de conseils.
Enfin, plusieurs de nos amendements prévoient une application immédiate de certaines dispositions, notamment sur les questions de la rémunération des mandataires et de la protection des comptes du majeur protégé. En effet, sur ces points, il nous paraît délicat d'attendre le 1er janvier 2009 pour mettre fin à certains abus dénoncés depuis de nombreuses années.
Tels sont, messieurs les ministres, les quelques points sur lesquels je souhaitais intervenir aujourd'hui. Le groupe UC-UDF aborde ce texte de façon positive et souhaite que les débats permettent d'améliorer encore une réforme importante.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est parce que, dans certaines situations, la liberté opprime que la loi, qui affranchit, est nécessaire.
C'est en vertu de ce principe que le législateur est intervenu, dès 1966, pour instituer la tutelle aux prestations sociales servies aux adultes et qu'il a défini et organisé, deux ans plus tard, les mesures de protection juridique que constituent la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.
Sous l'empire de ce cadre légal, le nombre des personnes protégées est passé de 85 000 en 1975 à 700 000 aujourd'hui.
Si le nombre des mesures de protection a augmenté de la sorte, c'est en partie parce que le nombre des personnes ayant besoin que leurs biens et leur personne soient protégés a également progressé. Mais c'est aussi, et surtout, parce que les procédures ont été très souvent dévoyées.
Le dispositif en vigueur, initialement destiné à protéger les majeurs souffrant d'une altération de leurs facultés mentales, est trop souvent utilisé pour des personnes en grande difficulté sociale.
De ce point de vue, l'application du régime de protection des majeurs peut être rapprochée de celle des procédures de surendettement des personnes physiques prévues par le code de la consommation.
Le rapport de 1998 des trois inspections générales, respectivement des services judiciaires, des finances et des affaires sociales, mettait en lumière la qualification extensive de la prodigalité, qui permettait de justifier une cause de placement sur cinq.
De plus, le principe de la gradation des mesures n'est pas plus respecté que celui de la priorité familiale. On ne peut également que déplorer l'absence d'un statut uniforme pour l'ensemble des personnes exerçant des mesures de protection, personnes qui sont souvent des gérants de tutelle.
Enfin, les modes de financement se caractérisent par leur multiplicité et par leur inégalité, le tout pesant de plus en plus lourdement sur les finances publiques, en particulier au titre de la rémunération complémentaire.
À cet égard, la perspective d'un coût prévisionnel pour les financeurs publics de 650 millions d'euros en 2013, par rapport au coût actuel de 400 millions d'euros, ne peut laisser indifférent.
Dans ces conditions, il est indéniable que cette réforme était vivement souhaitable, les moyens engagés ne répondant plus aux objectifs initiaux.
Cette réforme s'imposait d'autant plus que les pays voisins, tels l'Allemagne et l'Italie, ont été à l'origine d'un mouvement ces dernières années ; ils ont fait prévaloir des principes et des modalités qui méritent largement d'être retenus, qu'il s'agisse de l'adaptation des mesures aux besoins des majeurs ou de la possibilité d'anticiper l'organisation de sa propre protection.
La réforme qui nous est aujourd'hui soumise fait l'objet d'un large consensus. Elle est en effet ambitieuse et pragmatique.
Elle trace une ligne de partage claire entre les mesures de protection juridique et les mesures d'accompagnement social ; elle réaffirme les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité de la protection juridique ; elle replace la personne au centre des régimes ; elle met en place un régime d'accompagnement social spécifique ; elle renforce les acteurs de la protection et devrait améliorer les financements.
Ces orientations ayant été très bien détaillées par les rapporteurs, je concentrerai mon propos sur la protection de la personne et sur l'implication des départements, non sans avoir préalablement salué le remarquable travail accompli par le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, qui a placé notre assemblée à la pointe de ce combat.
La protection de la personne est au coeur de la réforme, et c'est essentiel.
Cette protection se manifeste aussi bien dans la définition des personnes autorisées à demander l'ouverture d'une mesure judiciaire de protection que dans le choix du protecteur.
Désormais, la communauté de vie et la cohabitation deviennent l'élément majeur permettant d'être requérant, donc partie à la procédure. La loi se met ainsi en conformité avec les moeurs, qui évoluent, et élargit la famille traditionnelle au partenaire du PACS ou au concubin.
Il sera également possible de désigner toute personne qui s'intéresse au majeur comme curateur, ou même comme tuteur, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Il s'agit là d'un très grand progrès. Pour gérer leurs affaires, de nombreuses personnes isolées et sans famille ont choisi l'enfant de leur ami de coeur, leur « filleul » sans lien de parenté, pour garder des liens affectifs souvent plus soutenus que ceux qui les rattachent à des neveux éloignés. Or, actuellement, cette personne si proche par choix ne peut être désignée comme tuteur, ce qui contraint de nommer un tuteur professionnel dans des circonstances où l'affection n'a pas besoin de liens familiaux.
Ce sera également un bon moyen de prévenir les abus de certains mandataires soucieux d'assurer leur enrichissement personnel grâce à la gestion des biens du majeur qui leur est confié.
Dans cet esprit, il me paraît également logique de lever toute immunité familiale afin que le principe de la charge familiale prioritaire, qui est toujours rappelé par la Cour de cassation, ne puisse pas donner prise à des malversations qui restent impunies.
Soucieux de sa conformité à la Convention européenne des droits de l'homme, le projet de loi supprime la possibilité offerte au juge des tutelles de se saisir d'office, ce qui constitue, à mes yeux, un progrès certain.
Je crois néanmoins qu'il serait nécessaire d'aller plus loin pour éviter que le placement sous protection judiciaire ne cause un grave préjudice au justiciable. À cet effet, il faudrait peut-être prendre le réflexe de faire usage de l'article 1261 du nouveau code de procédure civile afin de demander au bâtonnier de commettre un avocat d'office pour assister la personne à protéger dans tous les cas et pour la représenter dans l'hypothèse où son état de santé ne lui permet pas d'être entendue par le juge.
C'est pourquoi j'approuve sans réserve l'amendement de notre collègue Henri de Richemont tendant à modifier l'article 432 du code civil pour permettre au juge de s'opposer à la présence d'un accompagnateur qui ne serait pas avocat.
Enfin, messieurs les ministres, je ne peux conclure sans parler de l'implication des départements et de ses conséquences financières.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues membre du groupe socialiste évoquait les conséquences financières de la décentralisation. En tant qu'élu d'un conseil général depuis un certain nombre d'années, je peux vous assurer que le problème n'est pas nouveau, quelles que soient les mesures de décentralisation adoptées.
M. Charles Gautier s'esclaffe.
En l'occurrence, la situation n'est pas tout à fait identique. Les départements devront assumer la charge matérielle et financière de l'accompagnement social non judiciaire. Ils mettront en oeuvre la mesure d'accompagnement contractuelle, ce qui nécessitera la création d'un certain nombre de postes de travailleurs sociaux. Il importe donc de tout faire pour maîtriser, s'agissant des départements, le coût des mesures de protection, que ce soit au titre du dispositif social spécifique ou de l'accompagnement judiciaire.
L'impact financier global est estimé jusqu'en 2013. À ce moment-là, il faudra procéder à une évaluation complète de la réforme.
Cela étant, le projet de loi que vous nous présentez, messieurs les ministres, mérite d'être largement approuvé. Les membres du groupe UMP le voteront et forment le voeu qu'il soit adopté à l'unanimité par notre assemblée.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il était temps ! Voilà maintenant dix ans que cette réforme était attendue. La déclaration d'urgence, qui n'est pas vraiment justifiée pour un sujet somme toute assez banal, permet au Gouvernement de faire « passer » cette réforme in extremis, alors que le Parlement va suspendre ses travaux en raison des prochaines échéances électorales.
Le sujet pourrait sembler peu important. Pourtant, il touche plus de 700 000 personnes aujourd'hui, comme l'ont rappelé certains orateurs. Et, si l'on se projette dans l'avenir, il est probable que, très rapidement, en tout cas avant l'année 2010, un million de personnes seront concernées.
La protection juridique des majeurs est donc un sujet important. En effet, elle concerne de nombreuses personnes. De surcroît, elle touche les plus fragiles de nos concitoyens. Il s'agit d'abord des malades, incapables de vivre seuls et aussi aujourd'hui, de plus en plus, des personnes se retrouvant dans un dénuement matériel et moral après avoir connu des difficultés d'ordre social.
Le système existant, qui était satisfaisant en 1968, lors de sa création, avait cessé de l'être pour les malades en raison, notamment, de l'allongement de la durée de la vie ; il devait donc être amélioré.
Le système actuel est aussi tout à fait insatisfaisant pour les personnes présentant plus de difficultés sociales que mentales. Il était donc urgent de trouver un système plus adapté pour nos compatriotes en situation de grande exclusion.
Le projet de loi dont nous commençons la discussion aujourd'hui modernise donc les régimes existants de protection juridique des majeurs. Il recentre tout d'abord les tutelles sur les seules personnes atteintes d'une altération mentale. Il renvoie les cas d'exclusion sociale au département, par transfert de compétence, et prévoit un accompagnement social personnalisé ainsi qu'une mesure d'assistance judiciaire.
Ensuite, ce projet de loi privilégie la tutelle familiale et limite au strict nécessaire la mise sous protection judiciaire. Il professionnalise et moralise le secteur des mandataires privés, notamment avec la constitution d'une liste d'agrément.
Enfin, il crée un « mandat de protection future » qui permettra à toute personne de désigner un mandataire pour le jour éventuel où elle ne sera plus autonome, par exemple si elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Ce mandat pourra aussi être utilisé par les parents d'enfants handicapés, ce qui répondra à l'angoisse profonde de ces familles.
À l'Assemblée nationale, la discussion s'est déroulée dans un relatif consensus, comme l'indique le rapport de la commission. Consensus, parce que ce texte est très attendu par les familles et par les professionnels du secteur depuis plus de dix ans, comme je l'ai déjà mentionné. Il est donc question de construire un système efficace et de répondre aux besoins. Mais ce consensus est tout de même relatif puisque plus de 400 amendements ont été déposés sur ce projet de loi lors de son examen au Palais-Bourbon, et que nombre d'entre eux ont été adoptés contre l'avis du Gouvernement. De plus, il reste de nombreux points sur lesquels nous souhaiterions avoir plus d'informations, de garanties ou d'avancées.
Je me félicite, à cette occasion, des progrès qu'ont réussi à obtenir nos amis députés. Gageons que le Sénat ne sera pas en reste.
En effet, messieurs les ministres, nous déterminerons notre position finale en fonction des réponses que vous nous apporterez, notamment sur le délicat problème des transferts de compétences vers les départements.
Sourires sur le banc des commissions
À ce jour, aucune évaluation de l'impact de la réforme n'a été transmise aux départements et le texte ne mentionne aucune éventuelle compensation financière pour financer ces charges supplémentaires, malgré certains propos tenus tout à l'heure.
L'Assemblée des départements de France est d'ailleurs très réservée à l'égard de ce texte, en raison non pas des mesures de fond, mais de l'absence de toute garantie de financement des dispositions qu'il contient. D'autant que l'on ignore, je le répète, le nombre de personnes qui seront finalement concernées par ces nouvelles mesures.
Certaines réponses qui nous ont été apportées en commission des lois étaient particulièrement singulières. En effet, on nous a assuré que ces mesures ne coûteraient rien, et cette affirmation a d'ailleurs été répétée tout à l'heure. Mais comme cela n'a pas suffi, on nous a aussi indiqué que, de surcroît, ces dispositions feraient gagner de l'argent. Telle est la trouvaille ! Malheureusement, aucun chiffre n'est venu étayer cette affirmation, qui n'était, par conséquent, pas convaincante. Je constate d'ailleurs que personne ne semble convaincu sur les différentes travées de notre assemblée. Aussi sommes-nous relativement inquiets quant à l'impact de ces mesures sur les finances départementales. Mon collègue Bernard Cazeau en a fait la magistrale démonstration tout à l'heure et nous serons attentifs aux réponses que vous ne manquerez pas de nous apporter, messieurs les ministres.
Notre position sur ce texte dépendra donc, en grande partie, de ces réponses.
Nous devons également nous attarder sur un deuxième point, qui doit être éclairé.
En effet, le texte tend à mettre en place un système permettant à un adulte d'organiser et de prévoir le moment où il aura besoin d'une protection juridique. Il s'agit du mandat de protection future.
C'est une excellente initiative. Cette disposition peut permettre d'éviter d'éventuels conflits au sein des familles et constitue un droit nouveau tout à fait utile à l'évolution de notre société. Grâce à elle, les personnes âgées, qui sont de plus en plus nombreuses, pourront organiser leur avenir en cas de dépendance. On sait qu'aujourd'hui les familles sont bien souvent démunies face à leurs parents et grands-parents en situation de dépendance, alors qu'elles ont elles-mêmes des enfants à charge et que leur situation financière n'est pas toujours très stable.
De plus, le fait d'avoir étendu cette mesure aux parents d'enfants handicapés permet de rassurer ces parents sur la situation de leur enfant lorsqu'ils seront décédés.
Pour le moment, cette disposition peut prendre la forme d'un acte sous seing privé.
Le débat permettra de déterminer si nous devons, ou non, améliorer cette nouvelle disposition : il me semble que l'acte authentique assurerait une plus grande transparence et éviterait ainsi d'éventuels conflits au sein des familles. Il serait donc pertinent de favoriser cette formule. Nous en reparlerons lors de l'examen des amendements.
Il est un dernier point sur lequel je tiens à attirer votre attention, messieurs les ministres : les amendements déposés par le Gouvernement à la dernière minute, qui sont, comme souvent, de purs cavaliers législatifs. Il s'agit des amendements n° 272, 307, 308 et 309, qui justifieraient à eux seuls un recours devant le Conseil constitutionnel. Dois-je vous rappeler les dispositions relatives à l'hospitalisation d'office - elles ont connu d'ailleurs de nouvelles péripéties hier - qui ont valu au Gouvernement une censure dans la loi ratifiant l'ordonnance relative à certaines professions de santé ? Il serait bon d'en finir avec de telles pratiques. À cet égard, un véritable consensus se dessine, cette fois, sur toutes les travées de notre assemblée.
Messieurs les ministres, vous avez là nos arguments, tout est maintenant entre vos mains pour que nous réussissions, dans un relatif consensus, à contenter et les familles et les professionnels confrontés aux personnes majeures dépendantes.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les dérives de la tutelle ne datent pas d'hier. Charles Baudelaire lui-même en fut la victime.
Héritier de son père, menant une vie de dandy invétéré, il fut, jeune homme, mis sous tutelle judiciaire à la demande de sa mère et de son beau-père, qui craignaient certainement de le voir dilapider toute sa fortune.
Il y restera toute sa vie et n'aura de cesse de dénoncer la privation des droits à laquelle cette mesure le condamnait. L'auteur des Fleurs du Mal restera brisé par cette « mort civique ».
Au-delà de l'anecdote littéraire, cet exemple illustre à quel point une mesure de tutelle crée, chez les personnes qui en sont l'objet, une souffrance morale et sociale que l'on n'imagine pas.
Outre le fait que l'on confie à un tiers la gestion de ses biens, la personne placée sous tutelle se voit privée de la plupart de ses droits : celui de se marier, de divorcer ou de conclure un PACS, de choisir ses fréquentations si celles-ci affectent son état, de décider de subir une opération chirurgicale ou tout simplement de recevoir des soins dentaires, d'exercer son droit de vote, d'ouvrir un compte bancaire, de conclure ou de résilier un bail, de vendre ses meubles, d'agir en justice, de rédiger un testament ou de faire une donation.
La décision de mise sous tutelle, comme, d'ailleurs, celle de mise sous curatelle ou de sauvegarde de justice, est une décision grave, qui doit être prise par le juge avec retenue et prudence, car, au-delà de la protection du patrimoine, elle engage toute la vie d'une femme ou d'un homme.
Notre devoir de législateur est de veiller à ce que cette décision ultime ne vienne pas porter atteinte aux droits fondamentaux et à la dignité de la personne, d'autant que celle-ci est vulnérable.
C'est un bon projet de loi que nous propose aujourd'hui le Gouvernement, je le dis sans ambages, et je ne reviendrai pas sur les orientations de ce texte, car elles correspondent pleinement à celles que j'avais moi-même fixées, sans vouloir être exhaustif, dans ma proposition de loi.
Recentrer le régime des tutelles sur la protection de la personne et non plus seulement sur celle du patrimoine ? Oui ! J'écrivais même que « la protection patrimoniale ne devait être qu'une conséquence de celle de la personne et non un préalable ».
Donner la priorité à la famille et aux proches ? Oui, sauf si ceux-ci sont défaillants, le recours aux associations tutélaires, ou aux tuteurs privés, devant rester subsidiaire.
Enfin, est prévue la création d'un mandat de protection future permettant à chacun de nous de préparer l'avenir et de désigner par avance la personne de confiance qui sera chargée de nous représenter, en cas d'incapacité ou d'altération grave de nos facultés mentales.
À mon sens, ce dispositif doit être en priorité proposé aux parents ou aux proches d'un enfant handicapé devenu majeur, afin de soulager, autant que possible, l'angoisse qui, tout naturellement, taraude ces personnes lorsqu'elles songent à l'avenir de leur enfant après leur mort, ou si, par malheur, elles devaient elles-mêmes se trouver un jour dans l'incapacité de pouvoir assumer cette responsabilité.
Je vous remercie, messieurs les ministres, d'en avoir compris toute la portée. J'adresse aussi mes remerciements à M. le rapporteur et à Mme le rapporteur pour avis, je salue l'excellence du travail que tous deux, ainsi que les commissions, ont accompli, et je ne veux insister que sur les points qui me paraissent devoir encore être améliorés.
S'agissant du respect des droits de la personne, il me semble que, précisément pour respecter sa dignité et ses droits fondamentaux, cette attention première portée à la personne doit se manifester aussi à chaque étape de la procédure judiciaire de mise sous protection juridique.
Être informé, pouvoir être entendu par le juge - près d'un majeur protégé sur trois n'est pas entendu -, bénéficier d'un recours possible, être défendu sont autant de droits qui doivent se généraliser.
Une mesure de protection sera d'autant mieux vécue et acceptée par la personne à protéger que celle-ci sera davantage associée, dans la mesure du possible, aux décisions la concernant. Comme le texte du Gouvernement le prévoit fort bien, celle-ci doit pouvoir bénéficier, à intervalles courts et réguliers, du réexamen de la mesure par le juge et obtenir plus aisément, si les conditions médicales sont réunies, la révision de son dossier.
Je sais bien que beaucoup de ces mesures relèvent du nouveau code de procédure civile, et qu'il n'appartient pas au législateur d'intervenir dans ce domaine, qui relève pour l'essentiel du pouvoir réglementaire. Néanmoins, je souhaite que nos débats soient l'occasion pour les ministres de prendre l'engagement solennel, devant la représentation nationale, que ces questions seront traitées rapidement par décret.
Le principe de subsidiarité commande aussi de se tourner en priorité vers les familles. Ce sont en effet les familles qui sont les premières à être confrontées à la vulnérabilité de leur proche et ce sont elles qui, la plupart du temps, assument et organisent sa protection. Je rappelle que dans plus de 50 % des cas, c'est la famille qui reçoit la tutelle.
Le projet de loi tend à confirmer cette place prépondérante. Toutefois, il ne prend pas, corrélativement, la mesure de l'aide qu'il faut apporter aux tuteurs familiaux. On ne peut, d'un côté, prôner la professionnalisation des tuteurs extérieurs, renforcer les exigences en termes de formation, de qualification et d'expérience professionnelle des délégués à la tutelle et, de l'autre, négliger les familles, les laisser se débrouiller avec les règles de procédure et de contrôle, les droits et les obligations attachés à la charge tutélaire que le juge leur confie.
Je prône, pour ma part, un droit à l'information et à la formation minimum des familles, dès la procédure d'ouverture d'une tutelle.
Le contrôle ne saurait non plus être absent, car la présence de la famille ou d'un proche ne saurait écarter a priori les risques d'abus ou de dérives.
La maltraitance d'une personne handicapée ou âgée peut provenir, malheureusement, des membres de la famille eux-mêmes. En matière de tutelle, les escroqueries familiales sont plus difficilement sanctionnées pénalement, sauf à faire condamner le parent en tant que tuteur, mais il faut un dépôt de plainte. On voit la difficulté.
Je termine mon propos sur une proposition qui me tient particulièrement à coeur et dont nous avons déjà débattu ensemble lors de l'examen du projet de loi sur le handicap, monsieur Philippe Bas.
À l'époque, vous m'aviez demandé d'attendre le futur projet de loi sur les tutelles : nous y sommes ! Il s'agit de la question du droit de vote.
M. Nicolas About. Selon les termes mêmes de la Constitution, le droit de vote est - faut-il le rappeler ? - universel. Or, vous le savez, mes chers collègues, 700 000 de nos concitoyens sont actuellement privés de leurs droits électoraux
M. le président de la commission des lois s'exclame
Pourtant, revenons aux sources de la loi de 1968. Le critère de mise en oeuvre des régimes de tutelle, c'est l'incapacité du majeur à défendre ses intérêts patrimoniaux personnels. Or, exprimer un vote, c'est participer à la délibération collective, et cela n'a rien à voir avec la gestion des intérêts strictement personnels.
Le parallèle sur lequel repose la loi actuelle entre intérêts privés et vie collective est absolument vide de sens. Sur le plan démocratique, tout citoyen a le droit de participer à la désignation collective de ceux qui le représentent.
Y aurait-il danger, pour un adulte protégé, de voter ? Danger, peut-être, d'être trompé par des promesses abusives ou mensongères ?
M. Nicolas About. Danger, peut-être, de n'être pas capable de chiffrer le programme des candidats ?
Sourires sur les travées de l'UMP.
Je n'arrive pas à le croire ! Tout autant que, malheureusement, beaucoup de Français, il peut à la fois se laisser berner par des promesses abusives et ne pas savoir chiffrer le programme des candidats.
Sourires sur les mêmes travées.
C'est pourquoi je défendrai un amendement « inversé », qui vise à rétablir le droit de vote des majeurs sous tutelle, comme dans la plupart des pays, faisant de cette privation de droits civiques non plus la règle, mais l'exception.
En effet, reprenant le principe de subsidiarité, il faut conserver au juge la possibilité d'interdire l'inscription d'un majeur protégé sur les listes électorales, mais uniquement en cas d'« incapacité absolue ». Dans ce cas précis, le majeur doit toutefois conserver le droit d'être représenté pour voter.
Aujourd'hui, la loi nous permet déjà de désigner une personne de confiance pour effectuer à notre place des choix thérapeutiques majeurs, lorsque nous serons hors d'état d'exprimer notre volonté : c'est la loi sur la fin de vie. Il sera également possible, si le présent texte est adopté, de choisir la personne qui nous représentera dans les actes de la vie civile, au cas où nous serions dans l'incapacité mentale de le faire : c'est le mandat de protection future. Pourquoi ne pourrions-nous pas, dans ces conditions, désigner à l'avance la personne chargée de nous représenter pour voter ?
Le droit de vote par procuration est prévu quand un électeur part en vacances. Être placé sous protection constitue-t-il une faute plus grave que de partir en vacances en période électorale ? Je pense le contraire.
Cette privation de droit est - disons-le - une véritable injure à l'égard d'une personne placée sous tutelle. Cette injustice légale, qui légitime une désocialisation, est contraire aux droits fondamentaux et se révèle, de plus, anti-thérapeutique. L'objectif de la loi doit être non pas de faire définitivement de la personne un « incapable », mais bien de l'aider à retrouver un jour ses capacités.
Je vous remercie par avance, mes chers collègues, de tenir compte de mes arguments lors de vos votes.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Il est difficile de s'exprimer après les brillants exposés de M. About, de Mme et M. les rapporteurs et de MM. les ministres.
Pour ma part, je n'apporterai qu'une modeste contribution à ce débat, pour tenter simplement d'obtenir un éclairage de la part du Gouvernement sur certains points du texte.
Au préalable, je voudrais dire combien j'ai été impressionné par la grande qualité des rapports de Mme Bernadette Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, et de M. Henri de Richemont, au nom de la commission des lois. J'ai d'ailleurs pu admirer tout à l'heure dans leurs interventions la manière dont ils ont exposé, avec beaucoup de clarté et de pédagogie, les tenants et les aboutissants d'un texte tout de même très complexe.
Pour maîtriser un tel sujet, il faut en effet être un vrai initié. Mme Bernadette Dupont l'a rappelé, aujourd'hui, force est de reconnaître que nombre de tuteurs, l'un des parents la plupart du temps, au-delà du simple lien affectif ou du lien de proximité qui les unissent au mineur ou au majeur placé sous protection, n'ont pas la formation requise pour connaître toutes les arcanes de la justice et se familiariser avec la complexité du règlement et de la loi.
Il est heureux que nous puissions progresser sur ce sujet. M. About a insisté à juste titre sur l'intérêt et la nécessité de prévoir une formation juridique, économique et sociale pour les tuteurs, familiaux ou non, afin qu'ils puissent défendre au mieux les intérêts des majeurs ou des mineurs.
Je tiens, en écho aux derniers propos de M. About, à revenir sur le droit de vote. Ses remarques m'ont interpellé car c'est une question à laquelle je pense depuis longtemps. Je connais ainsi de très près la situation d'une jeune handicapée mentale, qui, pendant un temps, a pu voter.
Or, le père a un jour fait spontanément la démarche auprès du tribunal pour demander sa mise sous tutelle, en vue, bien entendu, de préparer son avenir et de la protéger. Le fait d'avoir saisi le juge des tutelles a eu une conséquence immédiate : cette jeune fille a perdu son droit de vote !
Cet exemple devrait tous nous interpeller. Toutes ces personnes ne devraient-elles pas avoir le pouvoir de s'exprimer lors des grandes consultations ? À mon avis, cela mérite que nous y réfléchissions.
Peut-être allons-nous nous heurter à des problèmes fondamentaux d'ordre juridique. N'étant pas juriste de formation, j'ai appris le droit lorsque je suis devenu parlementaire, en essayant de m'y familiariser au fil du temps. J'ai du reste encore beaucoup à apprendre non seulement du président de la commission des lois, qui est un orfèvre en la matière, ...
...mais aussi de mes collègues. Je m'efforce donc d'apporter ma modeste contribution sur tous ces sujets, quitte à parfois recueillir les foudres du président de la commission des lois.
Mais je me réjouis que le Parlement fasse preuve de bon sens, en faisant parfois passer des amendements contre la volonté du président de la commission des lois, du rapporteur et du Gouvernement, tout simplement parce que leur adoption permet de répondre à des besoins précis.
Malgré tout, nous le savons bien, nous n'avons pas toujours le dernier mot, et la commission mixte paritaire sait remettre bon ordre à tout cela, n'est-il pas, monsieur Hyest ?
Au demeurant, ne l'oublions pas, lorsque nous nous exprimons ici, depuis ces travées, nous ne le faisons pas forcément toujours à titre personnel, au vu de l'expérience qui est la nôtre, mais nous nous faisons également l'écho de ce que nous entendons sur le terrain de la part de nos concitoyens. Il est de notre devoir d'agir ainsi et d'appeler l'attention de nos gouvernants sur ces différents points.
Cela étant dit, messieurs les ministres, je voudrais vous saluer et, à travers vous, l'ensemble du Gouvernement, qui a effectué un travail très important au cours des cinq dernières années.
Rappelez-vous, mes chers collègues, tous les textes qui ont été adoptés pendant cette période : loi relative à la modernisation sociale ; loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. En outre, le Parlement est en train d'examiner le projet de loi réformant la protection de l'enfance.
Ce sont autant de textes qui traduisent notre volonté d'agir pour renforcer les droits et la participation de nos concitoyens les plus vulnérables.
Le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui clôt cette législature, vient donc compléter cette longue liste. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car l'actuel dispositif de protection juridique des majeurs, totalement inadapté, dévié de son objectif initial et bien souvent injuste, nécessitait une profonde remise à plat. Nous y voilà !
Établir une ligne de partage claire entre ce qui relève de la protection juridique et ce qui dépend de la protection sociale, réaffirmer les principes fondamentaux de la protection, placer la personne vulnérable au centre de sa protection, rénover l'activité des tuteurs professionnels, confirmer le rôle primordial de la famille, tels sont les objectifs louables de ce texte.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, comme je le disais au début de mon propos, je voudrais simplement appeler votre attention sur quelques points.
Je commencerai ainsi par la famille.
Avec le renforcement du principe de priorité familiale, je constate que la famille est replacée au coeur de cette réforme. C'était indispensable, car, dans une société où les liens se délitent, où la solidarité familiale tend à se perdre, il était important de réaffirmer le rôle des proches.
De surcroît, nombre de familles souffraient de ne pas être davantage associées aux procédures judiciaires. Elles le seront désormais : la tutelle familiale sera encouragée, et je souhaite qu'elle puisse être accompagnée.
Monsieur le garde des sceaux, je me permets d'appeler plus particulièrement votre attention sur l'article 398 du code civil, lequel dispose que la tutelle des mineurs est toujours organisée avec un conseil de famille, même en présence d'un tuteur testamentaire. Une exception est néanmoins prévue, celle de la vacance de la tutelle. Or cet article se distingue des dispositions prévues pour les majeurs au nouvel article 456 du même code, qui ne prévoit pas de caractère systématique à la mise en place d'un conseil de famille.
La « systématicité » de l'existence de cet organe tutélaire est contestée par certains, qui y voient une source de lourdeurs et de conflits dans le cas des tutelles de mineurs disposant d'un faible patrimoine. Je considère, pour ma part, qu'elle se justifie pleinement, et ce même en cas de vacance de la charge tutélaire, c'est-à-dire l'impossibilité pour le juge de confier la tutelle à un des membres de la famille.
Le transfert de la charge tutélaire à la collectivité publique, c'est-à-dire le département, ne doit pas priver l'enfant d'un conseil de famille dans lequel peut siéger, outre les membres de sa famille, toute personne qui manifeste un intérêt pour lui. Ce peut être un voisin ou un ami, c'est en tout cas un proche dont le rôle peut s'avérer utile dans l'accompagnement et la protection du mineur.
Puisque de tels liens ne doivent pas, selon moi, être négligés, j'ai déposé deux amendements en ce sens, portant notamment sur l'article 411 du code civil. J'espère qu'ils retiendront votre attention.
Le deuxième point que je souhaitais aborder concerne les conditions d'ouverture de la mesure de protection judiciaire.
À cet égard, l'article 430 du code civil précise la liste des personnes pouvant saisir le juge d'une demande d'ouverture d'une mesure judiciaire de protection.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a permis à toute personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables de demander au juge des tutelles l'ouverture d'une mesure de protection, même lorsque cette personne ne réside pas avec le majeur. M. Guy Geoffroy a d'ailleurs indiqué que cette disposition permettrait, par exemple, « aux voisins d'une personne vivant dans des foyers-résidences de demander une mesure de protection en faveur de cette personne, ce qui peut être utile lorsque la personne en question n'est pas entourée par sa famille ». Soit !
Mais la requête est un acte fort, c'est une prérogative importante, loin d'être anodine. Aussi cette expression « liens étroits et stables » suscite-t-elle ici une interrogation de ma part. Existe-t-il en effet une définition juridique de cette notion ? Qu'entend-t-on exactement par « lien étroit et stable » ? Quels en sont les critères ? Que dit la jurisprudence sur ce point ? Il me serait donc agréable d'être éclairé sur cette notion de stabilité et de connaître la manière dont les juges interprètent le droit en la matière.
Le troisième point sur lequel je me suis interrogé porte sur l'accompagnement social des familles.
Destiné à venir en aide aux personnes en situation de détresse sociale, le système d'accompagnement mis en place constitue l'une des grandes avancées de cette réforme, et ce pour deux raisons. D'une part, parce qu'il permet d'établir une ligne de partage claire entre la protection juridique et la protection sociale. D'autre part, parce qu'il est la traduction concrète du principe de subsidiarité dans le prononcé des mesures.
Ainsi, toute personne majeure dont la santé ou la sécurité risque d'être compromise du fait de ses difficultés à assurer seule la gestion de ses ressources se verra aidée dans son parcours et dans la gestion de ses revenus. À chaque situation, la réponse la plus adaptée sera donc désormais fournie.
Le fait de diminuer ou de supprimer la capacité juridique pour des considérations essentiellement sociales relevait, il est vrai, d'un système dévié et injuste, et il était temps d'y remédier.
Toutefois, sur ce sujet, je me permets de formuler deux remarques plus précises.
Premièrement, s'agissant de l'aide à la gestion des ressources, je rejoins les observations faites par Mme le rapporteur pour avis. Je considère en effet que l'aide apportée par le conseil général dans la gestion des revenus ne doit pas se limiter aux seules prestations sociales.
Certes, le revenu du public concerné par ces mesures sera essentiellement composé des prestations sociales. Mais « essentiellement » ne signifie pas « totalement » : il faut donc tenir compte des éventuelles autres ressources. C'est dans l'intérêt du majeur, c'est dans l'intérêt de la famille.
Bien sûr, le conseil général n'a pas vocation à gérer les ressources autres que sociales. Mais les revenus forment un tout, et c'est ce tout qui garantit la sécurité et la santé des individus.
Telles sont les motivations qui ont présidé au dépôt de mes amendements en la matière, dont l'objet rejoint d'ailleurs celui des amendements de la commission des affaires sociales.
Deuxièmement, dans certaines situations, le simple accompagnement social ne me paraît pas être suffisant. Si cette question n'est peut-être pas du ressort du présent texte, j'aimerais cependant avoir des éclaircissements afin d'apaiser mes inquiétudes.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi donc d'évoquer ces situations, car elles ne sont pas rares et ne sont pas sans poser de graves difficultés aux élus que nous sommes, en tout cas, à l'élu que je suis.
J'en fais en effet l'expérience dans ma commune, ou plutôt dans ma toute petite commune puisque celle-ci ne compte que 184 habitants.
Toutefois, ce n'est pas dans les plus petites communes qu'il y a le moins de problèmes. Car nous y sommes très proches de nos concitoyens et nous y vivons les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien.
Or il est des personnes dont la santé et la sécurité sont compromises du fait d'une difficulté à assurer la gestion de leurs ressources, mais cette difficulté n'est malheureusement pas toujours de leur fait.
En effet, il est des mineurs ou des majeurs qui, de par leur comportement, sont considérés comme des asociaux. M. le rapporteur de la commission des lois a d'ailleurs utilisé un terme quelque peu diplomatique en les qualifiant de « polissons ». Ces individus, tombés dans la délinquance, dévient les ressources de la famille à leur profit, pour financer des dépenses incompatibles avec les besoins fondamentaux de ladite famille.
Je pourrais vous citer des exemples concrets que je connais dans ma commune, sous couvert, bien sûr, de l'anonymat, car il est de mon devoir de protéger les noms de ces personnes.
Les maires confrontés à ces problèmes sont dans l'incapacité d'y apporter des réponses efficaces. Face à de telles situations, je considère que l'accompagnement social individuel ne suffit pas. L'accompagnement judiciaire me paraît ici nécessaire : le maire devrait ainsi pouvoir saisir le juge à cette fin.
Monsieur le garde des sceaux, j'aimerais avoir des éléments de réponse sur ce point. Y aura-t-il d'autres textes qui permettront de répondre à ces questions, et, si oui, dans quelle mesure ? Si tel était le cas, je serais rassuré ; en tout état de cause, j'ai besoin d'être informé.
J'évoquerai maintenant le financement du dispositif, lequel, d'après le texte, est partagé entre l'État, les conseils généraux et la sécurité sociale. Du reste, monsieur Philippe Bas, vous ne vous étonnerez pas que je m'intéresse à la charge qui risque d'échoir à la sécurité sociale pour des dépenses qui se rapprochent des dépenses à caractère social.
Pourriez-vous donc m'indiquer la clé de répartition entre les trois « financeurs » prévus ? Quel sera le montant exact des recettes transférées à la sécurité sociale pour financer ce dispositif ? Si, jusqu'à présent, vous avez surtout entendu des présidents de conseil général s'inquiéter de la charge qui retombera sur les départements, permettez-moi de m'inquiéter de celle qui en résultera pour la sécurité sociale !
Pour finir, je souhaiterais simplement être rassuré sur deux points, qui sont à tort considérés comme des points de détail.
Il s'agit, d'abord, de l'indemnisation des personnes physiques chargées de mesures de protection, même lorsqu'elles ont un lien familial très proche avec le protégé.
Il s'agit, ensuite, de la nature des ressources prises en compte pour le calcul des frais de gestion des mesures de protection. J'aimerais avoir la confirmation que l'APL, l'aide personnalisée au logement, en est bien exclue.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien le sujet, et sûrement aussi M. le garde des sceaux, puisqu'il a été député. Nous le savons tous, lorsque le gouvernement précédent a créé la CMUC, la couverture maladie universelle complémentaire, il a prévu un plafond de ressources.
À l'époque, nous autres, nous nous étions inquiétés d'un tel plafond, car il excluait du bénéfice de la CMUC tous ceux qui bénéficiaient des minima sociaux, le minimum vieillesse et l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés.
Eu égard aux demandes, il y a eu une revalorisation au fil du temps, à la fois des différents plafonds et des ressources.
Prenons le cas d'un jeune handicapé hébergé dans une structure d'accueil et bénéficiant de l'APL pour son logement. Tenez-vous bien : l'APL entre dans le calcul de ses ressources pour l'accès au bénéfice de la CMUC ! C'est scandaleux et inadmissible !
Par conséquent, je ne voudrais pas qu'il en soit également ainsi pour ce qui concerne la participation financière aux frais de gestion de la tutelle. J'ai donc besoin d'être rassuré sur ce point.
Messieurs les ministres, sous le bénéfice des amendements que vous accepterez, qu'ils émanent de notre initiative, de celle de la commission des lois ou de celle de la commission des affaires sociales, le groupe UMP, et je rejoins ainsi la position exprimée par notre collègue Alain Fouché, vous apportera son soutien et votera ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais répondre, en quelques mots, sur certains points que vous avez soulevés, tout en m'excusant, par avance, de ne pas être exhaustif. Mais il est bien entendu que, lors de la discussion des articles, tant Philippe Bas que moi-même tenterons de répondre à l'ensemble de vos interrogations.
Monsieur de Richemont, je tiens de nouveau à vous remercier pour le travail que vous avez accompli et pour les améliorations que vous proposez d'apporter au texte du Gouvernement, amendé par l'Assemblée nationale, qui nous permettront de parvenir à des solutions équilibrées et pragmatiques préservant l'économie générale de cette réforme, laquelle est marquée par l'affirmation des principes de proportionnalité et de subsidiarité de la protection judiciaire, ainsi que par la consécration de la liberté civile, avec l'instauration du mandat de protection future.
Madame Dupont, vous avez évoqué la question des personnes sous tutelle qui partent vivre à l'étranger. Je partage votre préoccupation et votre souci de trouver une solution adaptée. Un amendement opportun de la commission des lois me semble satisfaire votre demande. Son objectif est clair : il s'agit de ne pas rendre automatique la fin d'une mesure de tutelle en France en cas de départ à l'étranger et d'ouvrir cette possibilité, en cas d'accord de la personne, lorsque le suivi de la personne n'est plus possible par le juge des tutelles français. Nous reviendrons sur cette question à l'occasion de l'examen de cet amendement.
Madame Mathon-Poinat, vous avez souhaité que le fonctionnement pratique du nouveau dispositif soit amélioré, en évoquant notamment trois points.
S'agissant du coût du certificat médical, préoccupation que vous partagez avec M. Détraigne, je voudrais vous rassurer : le Gouvernement a souhaité prendre en compte la situation des plus défavorisés, en prévoyant une tarification de ce certificat médical selon un décret pris en Conseil d'État.
Concernant l'audition de la personne protégée, je partage votre préoccupation d'organiser cette audition dans les meilleures conditions et le plus souvent possible. La question sera évoquée au cours de la discussion des articles et trouvera, j'en suis certain, une réponse équilibrée.
Quant au mandat de protection future sous seing privé, je peux d'ores et déjà vous dire que, grâce à votre commission des lois, une solution équilibrée a été trouvée, qui permet d'avoir recours à un modèle type, élaboré par décret en Conseil d'État.
MM. Cazeau et Détraigne m'ont tous deux interrogé sur les moyens consacrés à cette réforme.
Comme vous le savez, il existe, actuellement, environ 80 équivalents temps plein de juges des tutelles. Il est prévu une importante augmentation des effectifs de magistrats et de fonctionnaires au service de cette réforme. Ainsi seront créés, en équivalents temps plein, 22 postes de juges des tutelles, 7 postes de magistrats du parquet, 51 postes de greffiers et 5 postes de greffiers en chef.
Monsieur Détraigne, vous avez souligné l'importance du mandat de protection future, notamment pour les parents d'enfants handicapés, afin de permettre à ces parents d'organiser à l'avance la prise en charge de leur enfant le jour où ils ne pourront plus l'assumer eux-mêmes, en la confiant à un proche ou à un tiers digne de confiance. Cet outil, importé du Québec et d'Allemagne, permettra de répondre, avec humanité, à des situations concrètes comme celles que vous avez évoquées et c'est pourquoi le Gouvernement a souhaité l'introduire enfin dans notre droit positif. Ces mandats pourront être conclus dès la promulgation de la loi.
Monsieur Fouché, vous vous êtes félicité, à juste titre, de la suppression de la saisine d'office du juge. Comme vous, je crois nécessaire de mettre en place un filtre, rôle qui, compte tenu de l'augmentation du nombre de substituts, sera dorénavant confié au parquet. La réforme permettra ainsi d'éviter un recours trop rapide à une mesure de protection judiciaire non justifiée.
Monsieur Gautier, vous avez parlé d'un consensus prudent sur cette réforme : cela signifie que vous en approuvez totalement la finalité
M. Nicolas About sourit
S'agissant du mandat de protection future, je le répète, le Gouvernement est très attaché aux deux types de mandats créés, qui correspondent à des situations très différentes.
Le mandat sous seing privé, qui sera amélioré grâce à un amendement de votre commission des lois, a pour finalité de répondre aux situations les moins lourdes, en permettant des actes de gestion courants ou de conservation. Quant au mandat notarié, qui constitue la deuxième solution, il sera étendu aux actes de disposition. Là encore, c'est un souci d'équilibre et de pragmatisme qui a inspiré la volonté du Gouvernement.
Monsieur About, vous avez souligné la nécessité d'entendre systématiquement la personne mise sous tutelle, afin d'assurer la sauvegarde de ses droits fondamentaux. Le Gouvernement veillera, au travers des mesures règlementaires qu'il prendra, à la satisfaction de cet impératif.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Vasselle, au cours de votre intervention, après avoir fait acte de modestie pendant un long moment
Sourires
Voilà les quelques éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. C'est avec bonheur que je laisse la parole à mon collègue Philippe Bas.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est également avec bonheur que j'ai écouté M. le garde des sceaux !
Sourires.
Je souhaite tout d'abord remercier les deux rapporteurs pour leur analyse de cette réforme. Ils se sont d'ailleurs exprimés, l'un et l'autre, en des termes comparables sur un certain nombre de points. Ce que nous souhaitons établir avec vous, M. le garde des sceaux et moi-même, c'est une ligne de partage claire entre la protection juridique et l'accompagnement social. Nous estimons, nous aussi, qu'il est très important de prévoir une révision quinquennale des mesures de tutelle.
Nous aurons bien sûr des débats sur d'autres points, notamment sur la question de l'extension, ou non, à l'ensemble des ressources de la mesure d'accompagnement social. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a adopté sur ce sujet une position très claire, fondée sur une philosophie simple. Pour nous, il s'agit de mobiliser les moyens d'accompagnement pour faire en sorte qu'une personne puisse survivre, non pas grâce à une mesure de tutelle, mais grâce à une mesure d'accompagnement social. Il n'est nul besoin, pour cela, de connaître toute l'étendue de ses ressources. Il faut simplement veiller à ce que les ressources minimales, provenant, par exemple, du RMI, soient bien utilisées pour la personne.
On pourrait être exhaustif. Mais le mieux est parfois l'ennemi du bien. En l'occurrence, il créerait une charge supplémentaire pour ceux qui devront s'occuper de la personne. Or l'objectif est non pas une bonne gestion de l'ensemble des biens, mais que cette personne puisse survivre dans de bonnes conditions matérielles avec le revenu qu'elle tire d'un minimum social.
Vous avez également soulevé, madame, monsieur les rapporteurs, la question des préposés travaillant dans les établissements médico-sociaux. Ce débat mérite d'avoir lieu et nous l'approfondirons dans la suite de la discussion.
Comme l'a souligné Mme Dupont, le renforcement de l'aide aux familles est un point important de cette réforme. On aurait en effet tendance à oublier que les familles sont, dans notre pays, les principales responsables des tutelles, puisqu'elles exercent directement plus de 50 % des tutelles. Il faut donc leur rendre hommage. Si les familles ne faisaient pas ce travail « en nature », avec toute l'affection et le sérieux dont elles font preuve, nous ne pourrions pas, aujourd'hui, faire face à toutes ces tutelles et il faudrait, en quelque sorte, les collectiviser.
Vous avez insisté, madame le rapporteur, sur la nécessité de mettre en place une liste nationale afin d'éviter que les mandataires interdits dans un département ne s'inscrivent dans un autre département. Nous en avions déjà débattu et, après réflexion, je vous indique que je suivrai votre avis sur ce point.
La question de la récupération sur succession est délicate. À partir du moment où l'on admet que, par principe, les frais de la tutelle sont financés à partir des ressources de la personne sous tutelle, on peut s'interroger sur la légitimité de ne pas récupérer cette somme sur la succession. En effet, si cette somme n'est pas récupérée sur la succession, alors même que la famille avait les moyens, liés aux ressources de la personne sous tutelle, de financer les frais de tutelle, cela signifie que ce sont d'autres familles qui paient à sa place.
Recourir à la solidarité collective plutôt qu'à la solidarité familiale, c'est un choix. Mais il faut le poser clairement et l'assumer. Le débat que nous aurons lors de la discussion des articles sera, à cet égard, fort utile.
MM. Gautier et Cazeau se sont inquiétés des dispositions financières de la réforme. Nous avons mené un travail très approfondi avec l'Assemblée des départements de France. Nous ne sommes pas en désaccord avec elle sur les évaluations chiffrées. Cependant, comme nous sommes, les uns et les autres, prudents, nous avons prévu, à l'article 27 du projet de loi, qu'il sera procédé, à partir de 2010 et jusqu'en 2015, à une évaluation annuelle du solde de la balance entre les économies réalisées par le département, qui seront très importantes, comme M. le garde des sceaux le sait, et les dépenses supplémentaires liées aux mesures d'accompagnement social.
Je souhaite rappeler les règles, très simples, qui s'appliquent en la matière.
Le principe, qui n'a pas changé, est la suivant : la personne sous tutelle paie, avec ses propres ressources, les frais de tutelle.
Mais lorsque les ressources de la personne sont très faibles et c'est le cas quand il s'agit d'un minimum social, comme le RMI, par exception à la règle de base, c'est la collectivité versant ce revenu de subsistance qui paie les frais de tutelle. L'application de cette règle engendre des charges importantes pour le département, car il verse non seulement le RMI, mais aussi d'autres prestations.
C'est précisément pour lui éviter d'avoir à supporter de telles charges que M. le garde des sceaux et moi-même, après nous être particulièrement appesantis sur ce point, avons inscrit dans le projet de loi que, par exception, le département ne paiera pas les frais de tutelle pour les prestations qu'il sert aux allocataires. Et puisqu'il ne les paiera pas, c'est l'État qui assumera cette charge. D'où cette évaluation, non démentie, selon laquelle, sur le plan national, le montant total annuel des économies ainsi réalisées par les départements s'élèvera, en 2009, à 73 millions d'euros.
Certes, à côté de cette économie, les départements devront faire face à une certaine dépense, mais il s'agit d'une implication nécessaire de la réforme. Lorsqu'on agit par le truchement de l'action sociale là où la justice intervenait auparavant, par le biais de mesures judiciaires, c'est la collectivité responsable de l'action sociale qui doit assumer cette action.
Nous espérons que la charge sera réelle puisque nous voulons éviter que la justice n'intervienne dans un certain nombre de cas où cela n'est pas nécessaire, préférant, quant à nous, l'intervention de l'action sociale des départements. C'est donc le solde entre cette charge et cette économie - charge hypothétique, économie certaine - qui conduira, pour les départements, soit à une neutralité financière, comme nous pouvons le penser à travers nos évaluations, soit, si nous nous sommes trompés, à un gain ou une dépense. Et parce que nous voulons en avoir le coeur net et que nous ne nous contentons pas de projections, compte tenu des aléas inhérents à celles-ci comme à toute projection, nous avons prévu une clause de revoyure, de manière que l'État et les départements puissent suivre année après année les effets financiers de la réforme.
Il s'agit là d'un point sur lequel beaucoup d'entre vous ont exprimé des inquiétudes et à propos duquel je tenais à apporter un certain nombre de précisions.
Mme Mathon-Poinat a évoqué l'insuffisance du nombre de contrôles. Je partage cette opinion et c'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit le développement de ces contrôles. Cette mesure était tout à fait indispensable.
Monsieur Détraigne, je crois avoir répondu à la préoccupation que vous avez formulée concernant les transferts de charges.
Vous suggérez d'instituer un diplôme national pour les mandataires. Il s'agit d'une question très délicate. En effet, si notre objectif est, certes, de professionnaliser, il reste que les origines professionnelles des mandataires sont aujourd'hui très variées, et nous ne voulons pas mettre fin à cette variété. Autant le certificat de compétence que nous instituons nous paraît utile et adapté, autant la mise en place d'une véritable profession de mandataire avec un cursus universitaire spécifique nous semble excessive.
Monsieur Fouché, je suis d'accord avec vous : il était essentiel que les personnes soient au coeur de la réforme. À cet égard, la désignation d'un proche comme tuteur, ainsi que vous l'avez fort bien dit, prend en compte un certain nombre d'évolutions sociales de manière positive.
Je voudrais maintenant répondre à M. Vasselle au sujet de la sécurité sociale.
En l'absence de réforme, la sécurité sociale débourserait, en 2008, 174 millions d'euros pour la prise en charge des frais de tutelle, pour les prestations qu'elle sert, qu'il s'agisse de l'allocation aux adultes handicapés, des pensions de retraite ou des prestations familiales, la même règle, que j'ai rappelée tout à l'heure, s'appliquant à tous les financeurs.
Enfin, je m'adresserai à M. About qui nous a abondamment entretenus d'une question très grave, celle du droit de vote.
Vous avez dit, monsieur About, que nos régimes de tutelle ont le souci protéger les personnes et que cette aspiration de devait pas emporter, comme si cela allait de soi, privation de l'exercice de droits civiques et, en particulier, du droit de vote.
La règle, aujourd'hui, est la suivante : toute personne handicapée mentale placée sous tutelle est effectivement privée de son droit de vote. Cependant, le juge peut la relever de cette privation L'expérience nous en offre d'ailleurs de nombreux exemples. C'est ainsi qu'une personne trisomique peut se prononcer sur les choix politiques fondamentaux. En effet, nous ne sommes plus au temps du suffrage censitaire et on ne vérifie pas les qualifications intellectuelles de chacun de nos compatriotes avant de lui reconnaître le droit de vote.
Par conséquent, les différences existant en matière de capacités intellectuelles ne doivent pas, de facto, - je vous rejoins sur ce point, monsieur About - entraîner une quelconque différenciation du point de vue de l'exercice des droits civiques.
Bien sûr, l'on peut se demander quelle est la meilleure formule : faut-il poser comme principe que le droit de vote est suspendu pour la personne sous tutelle et permettre son rétablissement par décision du juge, ou faut-il poser comme principe que le droit de vote continue à s'exercer sauf décision contraire du juge ? Il s'agit là d'un débat qui, à mes yeux, est pleinement justifié et sur lequel nous aurons l'occasion de revenir au cours de la discussion des articles. En tout cas, monsieur About, je vous remercie d'avoir soulevé cette question.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL
Le livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° A L'article 393 est abrogé ;
1° L'article 427 devient l'article 393 et les articles 476 à 487 deviennent les articles 413- 1 à 413- 8 ;
2° Dans l'article 413-5, tel qu'il résulte du 1°, la référence à l'article 471 est remplacée par la référence à l'article 514 ;
3° Le titre XII devient le titre XIII.
L'amendement n° 1, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier comme suit cet article :
I. Supprimer le 1°A.
II. En conséquence, rédiger comme suit le 1° :
1° Les articles 476 à 482 deviennent les articles 413-1 à 413-7 et l'article 487 devient l'article 413-8.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de supprimer des dispositions redondantes avec celles qui sont prévues par l'article 4 du projet de loi.
L'amendement est adopté.
L'article 1 er est adopté.
Le titre X du livre Ier du même code est ainsi intitulé : « De la minorité et de l'émancipation ».
Il est ainsi organisé : « Chapitre Ier. - De la minorité » comprenant les articles 388 à 388- 3, suivis de deux sections ainsi intitulées et composées : « Section 1. - De l'administration légale », comprenant les articles 389 à 389-7, « Section 2. - De la tutelle », comprenant les deux sous-sections suivantes : « Sous-section 1. - Des cas d'ouverture de la tutelle », comprenant les articles 390 à 392, et « Sous-section 2. - De l'organisation et du fonctionnement de la tutelle », comprenant l'article 393 suivi de six paragraphes ainsi intitulés et composés : « Paragraphe 1. - Des charges tutélaires », comprenant les articles 394 à 397, « Paragraphe 2. - Du conseil de famille », comprenant les articles 398 à 402, « Paragraphe 3. - Du tuteur », comprenant les articles 403 à 408, « Paragraphe 4. - Du subrogé tuteur », comprenant les articles 409 et 410, « Paragraphe 5. - De la vacance de la tutelle », comprenant l'article 411, et « Paragraphe 6. - De la responsabilité », comprenant les articles 412 et 413, et « Chapitre II. - De l'émancipation » comprenant les articles 413- 1 à 413- 8.
L'amendement n° 2, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier comme suit le second alinéa de cet article :
1°Remplacer la référence :
par la référence :
2°Supprimer les mots :
« l'article 393 suivi de »
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 2 est adopté.
L'amendement n° 177 rectifié bis, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste-UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article 60 du code civil, le mot :
« incapable »
est remplacé par les mots :
« majeur protégé ».
La parole est à M. Nicolas About
Je voudrais tout d'abord présenter mes excuses à M. About, car j'ai oublié de signaler dans mon intervention liminaire que la commission des lois avait également examiné sa proposition de loi.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 177 rectifié bis, ce n'est pas, selon moi, un amendement de coordination, puisqu'il vise à remplacer, dans l'article 60 du code civil, le mot « incapable » par les mots « majeur protégé ».
Il est vrai que nous avons essayé de procéder à cette substitution de termes chaque fois que c'était possible, mais, en l'occurrence, cela me paraît difficile dans la mesure où il s'agit d'un article concernant la possibilité donnée tant au mineur qu'au majeur de demander le changement de son prénom. Or, en droit, un mineur est incapable.
Par conséquent, je suggère à M. About de rectifier son amendement afin que celui-ci vise à remplacer le mot « incapable » par les mots « mineur ou d'un majeur en tutelle ».
Monsieur About, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur ?
Je suis donc saisi d'un amendement n° 177 rectifié ter, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste-UDF et M. Georges Mouly, et ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article 60 du code civil, le mot : « incapable »
est remplacé par les mots :
« mineur ou d'un majeur en tutelle ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
J'ai approuvé tout à fait l'amendement ainsi rectifié, mais je tiens à rappeler à mes collègues qu'il existe des notions juridiques.
Ainsi, une incapacité, c'est une incapacité ! Par conséquent, cessons de substituer des périphrases à certaines notions juridiques. En l'occurrence, le mot « incapable » ne serait pas beau. Là n'est pas le problème. Ce dont il est question ici, c'est de l'état d'une personne privée de la jouissance ou de l'exercice de ses droits par la loi, un point c'est tout !
Le remplacement de certaines notions de droit par d'autres termes beaucoup moins précis doit donc être proscrit. Je tenais à faire cette mise au point, car notre société a tendance à ne plus appeler les choses par leur nom. Or, s'agissant de notions juridiques, cela est parfois extrêmement dangereux.
M. Nicolas About. Je reconnais volontiers avoir rédigé cet amendement tout en sachant que je n'avais pas les compétences requises pour le faire.
Sourires.
J'ajouterai simplement que nous avions été très choqués, lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, d'entendre parler sans arrêt de « personne incapable ». En effet, la modernité de nos lois, c'est de dire de quoi les gens sont encore capables, ce qu'ils savent faire, au lieu de les dire incapables. Nous nous y employons chaque jour.
Par conséquent, à l'avenir, je serai, je le répète, beaucoup plus prudent, en particulier pour tout ce qui touche au code civil.
Après l'article 388- 2 du même code, il est inséré un article 388-3 ainsi rédigé :
« Art. 388- 3. - Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des administrations légales et des tutelles de leur ressort.
« Les administrateurs légaux, tuteurs et autres organes tutélaires sont tenus de déférer à leur convocation et de leur communiquer toute information qu'ils requièrent.
« Le juge peut prononcer contre eux des injonctions et condamner à l'amende civile prévue par le nouveau code de procédure civile ceux qui n'y ont pas déféré. »
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 388-3 dans le code civil, supprimer le mot :
« nouveau »
II. - Procéder à la même suppression aux articles 5 et 6.
La parole est à M. le rapporteur.
C'est un amendement de coordination avec l'abrogation du code de procédure civile et son remplacement par le nouveau code de procédure civile.
L'amendement est adopté.
L'article 3 est adopté.
Après l'article 391 du même code, il est inséré un article 391- 1 ainsi rédigé :
« Art. 391-1. - Sans préjudice des dispositions de l'article 392, la tutelle prend fin à l'émancipation du mineur ou à sa majorité. Elle prend également fin en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée ou en cas de décès de l'intéressé. »
L'amendement n° 4, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
L'article 393 du même code est ainsi rédigé :
II. En conséquence, au début du second alinéa de cet article, remplacer la référence :
par la référence :
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 3 bis est adopté.
Les articles 394 à 411 du même code sont remplacés par les articles 394 à 413 ainsi rédigés :
« Art. 394. - La tutelle est un devoir des familles et de la collectivité publique.
« Art. 395. - Ne peuvent exercer les différentes charges de la tutelle :
« 1° Les mineurs non émancipés, sauf s'ils sont le père ou la mère du mineur en tutelle ;
« 2° Les majeurs qui bénéficient d'une mesure de protection juridique prévue par le présent code ;
« 3° Les personnes à qui l'autorité parentale a été retirée ;
« 4° Les personnes à qui l'exercice des charges tutélaires a été interdit en application de l'article 131- 26 du code pénal.
« Art. 396. - Toute charge tutélaire peut être retirée en raison de l'inaptitude, de la négligence, de l'inconduite ou de la fraude de celui à qui elle a été confiée. Il en est de même lorsqu'un litige ou une contradiction d'intérêts empêche le titulaire de la charge de l'exercer dans l'intérêt du mineur.
« Il peut être procédé au remplacement de toute personne à qui une charge tutélaire a été confiée en cas de changement important dans sa situation.
« Art. 397. - Le conseil de famille statue sur les empêchements, les retraits et les remplacements qui intéressent le tuteur et le subrogé tuteur.
« Le juge statue sur ceux qui intéressent les autres membres du conseil de famille.
« Le tuteur ou le subrogé tuteur ne peut être exclu, destitué ou récusé qu'après avoir été entendu ou appelé.
« Le juge peut, s'il estime qu'il y a urgence, prescrire des mesures provisoires dans l'intérêt du mineur. »
« Art. 398. - Même en présence d'un tuteur testamentaire et sauf vacance, la tutelle est organisée avec un conseil de famille.
« Art. 399. - Le juge désigne les membres du conseil de famille pour la durée de la tutelle.
« Le conseil de famille est composé d'au moins quatre membres, y compris le tuteur et le subrogé tuteur, mais non le juge.
« Peuvent être membres du conseil de famille, les parents et alliés des père et mère du mineur ainsi que toute personne qui manifeste un intérêt pour lui.
« Les membres du conseil de famille sont choisis en considération de l'intérêt du mineur et en fonction de leur aptitude, des relations habituelles qu'ils entretenaient avec le père ou la mère de celui-ci, des liens affectifs qu'ils ont avec lui ainsi que de la disponibilité qu'ils présentent.
« Le juge doit éviter, dans la mesure du possible, de laisser l'une des deux branches, paternelle ou maternelle, sans représentation.
« Art. 400. - Les délibérations du conseil de famille sont adoptées par vote de ses membres et du juge.
« Toutefois, le tuteur ou le subrogé tuteur, dans le cas où il remplace le tuteur, ne vote pas.
« En cas de partage des voix, celle du juge est prépondérante.
« Art. 401. - Le conseil de famille règle les conditions générales de l'entretien et de l'éducation du mineur en ayant égard à la volonté que les père et mère avaient pu exprimer.
« Il apprécie les indemnités qui peuvent être allouées au tuteur.
« Il prend les décisions et donne au tuteur les autorisations nécessaires pour la gestion des biens du mineur conformément aux dispositions du titre XII.
« Art. 402. - Les délibérations du conseil de famille sont nulles lorsqu'elles ont été surprises par dol ou fraude ou que des formalités substantielles ont été omises.
« La nullité est couverte par une nouvelle délibération valant confirmation selon l'article 1338.
« L'action en nullité peut être exercée par le tuteur, le subrogé tuteur, les autres membres du conseil de famille et le ministère public dans les deux années de la délibération ainsi que par le mineur devenu majeur ou émancipé dans les deux années de sa majorité ou de son émancipation. La prescription ne court pas s'il y a eu dol ou fraude tant que le fait qui en est à l'origine n'est pas découvert.
« Les actes accomplis en vertu d'une délibération annulée sont annulables de la même manière. Le délai court toutefois de l'acte et non de la délibération. »
« Art. 403. - Le droit individuel de choisir un tuteur, qu'il soit ou non parent du mineur, n'appartient qu'au dernier vivant des père et mère, s'il a conservé, au jour de son décès, l'exercice de l'administration légale ou de la tutelle.
« Cette désignation ne peut être faite que dans la forme d'un testament ou d'une déclaration spéciale devant notaire.
« Elle s'impose au conseil de famille à moins que l'intérêt du mineur commande de l'écarter.
« Le tuteur désigné par le père ou la mère n'est pas tenu d'accepter la tutelle.
« Art. 404. - S'il n'y a pas de tuteur testamentaire ou si celui qui a été désigné en cette qualité vient à cesser ses fonctions, le conseil de famille désigne un tuteur au mineur.
« Art. 405. - Le conseil de famille peut, en considération des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, décider que l'exercice de la tutelle sera divisé entre un tuteur chargé de la personne du mineur et un tuteur chargé de la gestion de ses biens ou que la gestion de certains biens particuliers sera confiée à un tuteur adjoint.
« À moins qu'il en ait été autrement décidé par le conseil de famille, les tuteurs désignés en application de l'alinéa précédent sont indépendants et ne sont pas responsables l'un envers l'autre. Ils s'informent toutefois des décisions qu'ils prennent.
« Art. 406. - Le tuteur est désigné pour la durée de la tutelle.
« Art. 407. - La tutelle est une charge personnelle.
« Elle ne se transmet pas aux héritiers du tuteur.
« Art. 408. - Le tuteur prend soin de la personne du mineur et le représente dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l'usage autorise le mineur à agir lui-même.
« Il représente le mineur en justice. Toutefois, il ne peut agir, en demande ou en défense, pour faire valoir les droits extra-patrimoniaux qu'après autorisation ou sur injonction du conseil de famille. Celui-ci peut également enjoindre au tuteur de se désister de l'instance ou de l'action, ou de transiger.
« Il gère les biens du mineur et rend compte de sa gestion conformément aux dispositions du titre XII. »
« Art. 409. - La tutelle comporte un subrogé tuteur nommé par le conseil de famille parmi ses membres.
« Si le tuteur est parent ou allié du mineur dans une branche, le subrogé tuteur est choisi, dans la mesure du possible, dans l'autre branche.
« La charge du subrogé tuteur cesse à la même date que celle du tuteur.
« Art. 410. - Le subrogé tuteur surveille l'exercice de la mission tutélaire et représente le mineur lorsque les intérêts de celui-ci sont en opposition avec ceux du tuteur.
« Le subrogé tuteur est informé et consulté avant tout acte important accompli par le tuteur.
« À peine d'engager sa responsabilité à l'égard du mineur, il surveille les actes passés par le tuteur en cette qualité et informe sans délai le juge s'il constate des fautes dans l'exercice de la mission tutélaire.
« Il ne remplace pas de plein droit le tuteur en cas de cessation des fonctions de celui-ci ; mais il est tenu, sous la même responsabilité, de provoquer la nomination d'un nouveau tuteur. »
« Art. 411. - Si la tutelle reste vacante, le juge des tutelles la défère à la collectivité publique compétente en matière d'aide sociale à l'enfance.
« En ce cas, la tutelle ne comporte ni conseil de famille ni subrogé tuteur.
« La personne désignée pour exercer cette tutelle a, sur les biens du mineur, les pouvoirs d'un administrateur légal sous contrôle judiciaire. »
« Art. 412. - Tous les organes de la tutelle sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction.
« Lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise dans l'organisation et le fonctionnement de la tutelle par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal d'instance ou le greffier, l'action en responsabilité est dirigée contre l'État qui dispose d'une action récursoire.
« Art. 413. - L'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la majorité de l'intéressé, alors même que la gestion aurait continué au-delà, ou de la fin de la mesure si elle cesse avant. »
L'amendement n° 5, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 394 du code civil :
« Art. 394. - La tutelle, protection due à l'enfant, est une charge publique. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit plutôt d'une déclaration de principe, d'une définition. Le Gouvernement émet un avis favorable.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 6, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 397 du code civil, après les mots :
« Le juge »
insérer les mots :
« des tutelles »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je tiens à rassurer M. le garde des sceaux : loin de moi l'idée de présenter des amendements cosmétiques. En l'occurrence, il s'agit bien d'un amendement rédactionnel.
M. le garde des sceaux opine
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 7, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 397 du code civil :
« Une charge tutélaire ne peut être retirée, par celui qui l'a confiée, qu'après que son titulaire a été entendu ou appelé.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet d'étendre la garantie des droits de la défense telle qu'elle avait été précisée par l'Assemblée nationale à tous les membres du conseil de famille. Il s'agit donc simplement d'une précision.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 250 rectifié, présenté par MM. Vasselle, P. Blanc et Texier et Mme Hermange, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 398 du code civil, après le mot :
« testamentaire »
supprimer les mots:
« et sauf vacance »
La parole est à M. Alain Vasselle.
Le problème soulevé ici est sans doute plus du ressort de M. le garde des sceaux et de la commission des lois. Toutefois, comme la commission des affaires sociales peut émettre un avis sur les amendements, j'ai appelé l'attention de mes collègues qui y siègent sur ce point particulier.
Dans tous les cas de figure, est prévue la présence d'un conseil de famille, sauf lorsqu'il y a vacance de tutelle, la charge étant alors confiée à une collectivité locale, en l'occurrence le département. Quand c'est la collectivité qui exerce la tutelle, il semble que l'on considère pouvoir s'affranchir du conseil de famille. Or, personnellement, je ne vois pas en quoi le fait de confier la tutelle à une collectivité locale permettrait à celle-ci d'exercer cette charge avec plus de talent et de compétences, et de se priver de l'avis du conseil de famille.
C'est la raison pour laquelle je propose de supprimer les mots « et sauf vacance » ; je présenterai d'ailleurs ultérieurement un amendement de conséquence portant sur l'article 411 du code civil.
Monsieur Vasselle, lorsqu'il y a vacance, il y a vacance ! S'il y a vacance pour trouver un tuteur au sein de la famille, il y aura également vacance pour former le conseil de famille. En outre, j'attire votre attention, mon cher collègue, sur le fait que la présence d'un tuteur extérieur n'empêche pas l'existence d'un conseil de famille.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
Je vous dirai la même chose en des termes quelque peu différents, monsieur Vasselle.
La vacance veut dire qu'il n'y a pas de famille. Or vous proposez tout de même d'en trouver une. Comment ferez-vous ? Cela n'est pas possible !
Par conséquent, si votre amendement est sympathique, il ne correspond pas à la définition du mot « vacance ». En effet, s'il y a vacance, cela signifie qu'aucun conseil de famille n'est susceptible d'être composé, soit parce qu'aucun membre de la famille ne veut assumer cette charge - et rien ne sert de faire appel à des gens qui ne s'intéresseraient pas au sort de l'enfant -, soit parce que la famille n'existe pas, d'où le recours à la collectivité locale qui s'y substitue.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
Tout à l'heure, lors de la discussion générale, j'ai reconnu que je n'étais pas un juriste confirmé. Mon interprétation du texte n'était pas la bonne, j'ai été induit en erreur par la rédaction proposée pour l'article 411 du code civil, qui prévoit qu'en cas de vacance de la tutelle cette charge sera confiée à une collectivité locale.
Toutefois, monsieur le garde des sceaux, comme vous confirmez utilement qu'à chaque fois qu'il sera possible de trouver un membre de la famille, proche ou éloigné, ...
...c'est lui qui sera privilégié et le conseil de famille sera mis en place, cet amendement n'a plus lieu d'être !
Sous le bénéfice de cette assurance du Gouvernement, qui dissipe mes inquiétudes, je retire cet amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 250 rectifié est retiré.
L'amendement n° 166 rectifié, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 399 du code civil par les mots :
, que la personne réside en France ou à l'étranger
La parole est à M. Christian Cointat.
Les Français établis hors de France dont l'un des proches nécessite en raison de son état la constitution d'un conseil de famille sont souvent écartés de cet organe au motif que, comme ils résident à l'étranger, ils ne présentent pas une disponibilité suffisante aux termes de l'article 399 du code civil, ce qui est tout à fait anormal, d'autant plus qu'aujourd'hui, nous le savons, il existe un principe de libre circulation dans l'Union européenne.
On peut fort bien résider en Belgique, en Allemagne ou au Luxembourg, de l'autre côté de la frontière, et être en réalité bien plus disponible que quelqu'un qui réside sur certains points du territoire national.
Cet amendement a pour objet de corriger ce déséquilibre, très douloureusement ressenti par les Français vivant à l'étranger, qui connaissent de plus en plus souvent des difficultés pour devenir membre d'un conseil de famille.
Je tiens à préciser que j'ai profondément remanié le texte que j'avais soumis à la commission des lois, car celui-ci semblait de nature réglementaire. Comme les exclusions du conseil de famille relèvent de la loi, je me suis efforcé de bien rester dans ce cadre, et j'espère que cet amendement rectifié satisfera aux exigences de la commission des lois.
La commission des lois n'a pas examiné cet amendement rectifié.
En principe, cette disposition nous semblait inutile, car rien n'interdit de nommer membre du conseil de famille quelqu'un qui réside hors de France. Toutefois, en pratique, il semblerait que le juge des tutelles s'y refuse.
À cet égard, monsieur le garde des sceaux, la disposition du code civil relative au vote par correspondance n'a pas été reprise dans le projet de loi en raison de son caractère procédural. Vous avez indiqué qu'elle figurerait dans le décret d'application de la loi. À cette occasion, il serait souhaitable que le code de procédure civile autorise le vote électronique ou par correspondance d'un membre du conseil de famille qui ne pourrait participer à une réunion. Une telle précision me semble importante.
En tout cas, s'agissant de cet amendement, j'émets un avis favorable à titre personnel.
Monsieur Cointat, je n'ai pas tout compris des modifications apportées à votre amendement, dont je connaissais l'ancienne version. Vous m'affirmez que ce texte rectifié n'est plus de nature réglementaire, et vous souhaitez qu'une personne puisse être membre du conseil de famille tout en résidant à l'étranger.
Toutefois, le problème n'est pas là ! La difficulté est d'ordre pratique et, d'une manière générale, c'est au juge de décider et de procéder à une expertise pour déterminer si l'éloignement géographique constitue, ou non, un handicap insurmontable. En cette matière, il faut encadrer précisément les pouvoirs du juge des tutelles.
Monsieur Cointat, pour vous convaincre de retirer votre amendement, nous pourrions préciser lors de la rédaction du décret d'application les conditions dans lesquelles les personnes éloignées peuvent participer au vote du conseil de famille.
Toutefois, je ne crois pas que nous puissions entrer dans de tels détails au sein d'un texte législatif. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Malheureusement, comme l'a souligné fort justement M. le rapporteur, le juge des tutelles part du principe que résider à l'étranger ne rend pas disponible ! C'est un fait, et nous ne pouvons nous accommoder de cette situation, qui suscite des difficultés dans les familles et qui, en outre, j'y insiste, est contraire aux principes mêmes de l'Union européenne, où doit régner la liberté de circulation.
Or, je suis surpris de la réaction de M. le ministre, car l'amendement que je défends est très simple et il a bien un caractère législatif.
Si cet amendement était adopté, le quatrième alinéa de l'article 399 du code civil serait ainsi rédigé : « Les membres du conseil de famille sont choisis en considération de l'intérêt du mineur et en fonction de leur aptitude, des relations habituelles qu'ils entretenaient avec le père ou la mère de celui-ci, des liens affectifs qu'ils ont avec lui ainsi que de la disponibilité qu'ils présentent, que la personne réside en France ou à l'étranger ».
Il s'agit là, me semble-t-il, d'une précision extrêmement utile, qui ne posera aucune difficulté et qui relève bien du domaine de la loi, car j'ai exclu tout ce qui, dans la première version de mon amendement, pouvait gêner et présenter un caractère réglementaire.
Monsieur le garde des sceaux, je vous demande donc d'émettre un avis favorable sur cet amendement.
Je découvre à l'instant le texte de l'amendement n° 166 rectifié, qui ne m'avait pas été communiqué. Tout finit toujours par s'arranger !
Monsieur Cointat, si je voulais être désagréable, je dirais que vous enfoncez une porte ouverte, et que l'on ne peut donc qu'être d'accord avec vous. Cette disposition existe déjà, le texte que vous proposez est redondant et inutile, mais rien ne s'y oppose.
Je le répète, le juge doit procéder à une expertise. Pour assister à un conseil de famille qui se tient à Lille, il est plus gênant d'habiter San Francisco que le Luxembourg ! Ce que le juge apprécie, ce n'est pas si la personne réside à l'étranger, mais si elle peut ou non participer au conseil de famille. Telle est la vraie question.
Monsieur Cointat, pour des raisons que l'on peut comprendre compte tenu de votre mandat, vous souhaitez que ceux qui résident à l'étranger ne soient pas exclus de ce dispositif, mais cela ne permettra pas pour autant à quelqu'un qui habite New York de participer à un conseil de famille qui se tiendrait à Tourcoing !
Cette disposition ne s'appliquera pas, mais si l'adoption de cet amendement peut vous faire plaisir, j'en serai heureux ! Aussi, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre compréhension, mais je n'enfonce pas des portes ouvertes car - hélas ! - la situation est telle que je la décris.
Si je puis comprendre qu'un juge refuse la participation au conseil de famille d'un parent qui habite San Francisco ou New York, pour reprendre les villes que vous avez citées, malheureusement, il s'y oppose également quand la personne concernée réside dans la zone frontalière - nous avons connu de nombreux cas de ce genre.
C'est pourquoi il vaut mieux préciser, pour éviter tout problème. Ainsi, le juge saura qu'une résidence située de l'autre côté de la frontière ne constitue pas un motif d'exclusion, et que c'est la disponibilité exacte qui doit être prise en compte.
M. Alain Vasselle applaudit.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 8, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 400 du code civil :
« Le conseil de famille est présidé par le juge. Ses délibérations sont adoptées par vote de ses membres.
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 9, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 402 du code civil, remplacer les mots :
ministère public
par les mots :
procureur de la République
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 262 est présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 403 du code civil, remplacer les mots :
l'administration légale ou de la tutelle
par les mots :
l'autorité parentale
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 10.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec les dispositions présentées par le projet de loi pour les articles 448 et 477 du code civil.
La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 262.
Les amendements sont adoptés.
L'amendement n° 11, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Avant le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 405 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil de famille peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation. »
II. - En conséquence, rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 405 du code civil :
« Il peut décider que l'exercice de la tutelle sera divisé... »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de permettre, pour les mineurs comme pour les majeurs, la désignation de plusieurs tuteurs afin d'exercer en commun la mesure de protection.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 251 rectifié, présenté par MM. Vasselle, P. Blanc et Texier et Mme Hermange, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 411 du code civil.
Monsieur Vasselle, compte tenu du retrait de votre amendement n° 250 rectifié, le présent amendement est-il maintenu ?
Non, monsieur le président, je vais le retirer.
Toutefois, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur un point qui justifiait le dépôt de mes amendements.
Aux termes de l'article 4 du projet de loi, le premier alinéa de l'article 411 du code civil serait ainsi rédigé : « Si la tutelle reste vacante, le juge des tutelles la défère à la collectivité publique compétente en matière d'aide sociale à l'enfance. » Soit !
Je remercie M. le garde des sceaux d'avoir précisé - car je ne veux pas que ce texte soit mal interprété par les juges - que cette disposition s'applique seulement lorsqu'il ne reste plus aucun parent vivant, ni aucun lien de famille. Il s'agit de cas rarissimes, sans doute, mais qui peuvent se produire, et cette précision a donc son importance.
Sous le bénéfice de cette clarification, je retire mon amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 251 rectifié est retiré.
L'amendement n° 263, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 412 du code civil, après les mots :
juge des tutelles,
insérer les mots :
le procureur de la République,
La parole est à M. Charles Gautier.
L'Assemblée nationale a clarifié la rédaction présentée par l'article 4 du projet de loi pour l'article 412 du code civil.
Cette disposition est importante, car elle prévoit la mise en jeu de la responsabilité de l'État et des organes tutélaires pour les actes accomplis dans l'organisation et le fonctionnement de la tutelle.
S'agissant de l'action en responsabilité engagée contre l'État, le projet de loi désigne la faute commise par le juge des tutelles ainsi que par le greffier en chef du tribunal d'instance et par le greffier. En revanche, il ne mentionne pas le procureur de la République.
Or le projet de loi confie certaines prérogatives nouvelles au procureur de la République en matière de tutelle. Le fait que ce dernier n'agisse que sur un fondement d'opportunité n'est pas exclusif de la mise en jeu de sa responsabilité pour faute simple. Les mesures prises à tous les stades de la chaîne de décision sont lourdes de conséquence.
Aussi trouvons-nous pertinent de renforcer la protection des victimes d'éventuels dysfonctionnements de la justice.
Par ailleurs, nous souhaitons poursuivre la démarche de clarification engagée par l'Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'harmoniser le régime de responsabilité à tous les organes directement intéressés par les tutelles, le parquet y compris.
Je comprends l'idée qui sous-tend cet amendement, car la commission des lois s'est également interrogée sur ce point.
Le projet de loi reprend l'état actuel du droit en ce qui concerne la responsabilité simple de toute faute du juge et du greffier en chef. Toutefois, il est difficile d'étendre ce régime au parquet. En effet, si le juge contrôle, le parquet exerce uniquement le pouvoir d'opportunité de saisir le juge. C'est la raison pour laquelle la faute simple ne saurait être invoquée.
Bien plus - et c'est en s'appuyant sur cet argument que la commission des lois a jugé cet amendement inopportun -, la Cour de cassation assimile quasiment la faute lourde à une faute simple. Ainsi, l'arrêt en date du 23 février 2001 précise que « constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ».
Il ne paraît pas pertinent d'aligner le régime de responsabilité du procureur de la République sur celui du juge, puisque ceux-ci n'ont pas le même rôle.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Tout le monde sait que le juge ordonne et contrôle, alors que le procureur de la République décide d'ouvrir ou de ne pas ouvrir la mesure.
Si la faute lourde peut être retenue en cas de faute de gestion grave de la part du juge des tutelles, l'opportunité de l'ouverture ou non de la mesure fait partie des droits propres du parquetier. Sa responsabilité ne saurait donc en aucun cas être engagée. Aussi est-il impossible d'assimiler le procureur de la République au juge des tutelles.
C'est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il sera contraint d'émettre un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures.