Intervention de Michel Teston

Réunion du 20 juillet 2009 à 16h00
Lutte contre la fracture numérique — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Michel TestonMichel Teston :

Permettez-moi également de m’étonner que, sur un sujet majeur comme le désenclavement numérique, le Gouvernement ne soit pas à l’origine de ce texte. En disant cela, je ne vise pas Nathalie Kosciusko-Morizet, qui n’est en charge de la prospective et du développement de l'économie numérique que depuis quelques mois. Cela étant, je trouve anormal que les gouvernements qui se sont succédé depuis sept ans n’aient jamais eu la volonté de demander au Parlement de légiférer en vue de réduire la fracture numérique.

Pourtant, de nombreux experts, les habitants des territoires ruraux et de certains territoires urbains et un grand nombre d’élus ne cessent, depuis plusieurs années, de dénoncer la fracture numérique et ses conséquences pour l’attractivité et le développement des territoires concernés. Ici même, au Sénat, nous avons régulièrement alerté les gouvernements successifs lors de l’examen des crédits des dernières lois de finances initiales.

Pour ma part, depuis la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, j’ai consacré chaque année des développements à ce thème lors de mes interventions sur les crédits des missions concernées.

Les constats sont clairs. Selon les chiffres de l’ARCEP, au troisième trimestre 2008, le nombre d’abonnés au haut débit, qu’il s’agisse de l’ADSL, du câble ou de la fibre, était d’environ 17 millions. La couverture en très haut débit ne concerne que les zones les plus denses, comme le souligne le Rapport d’étude sur la couverture très haut débit des territoires de l’Association des régions de France, paru en décembre 2008.

En Europe, la France occupait en septembre 2008 la neuvième place pour le taux de pénétration du haut débit, loin derrière les Pays-Bas ou la Suède.

Compte tenu des enjeux dans le domaine de l’information, en matière de renforcement de l’attractivité des territoires et s’agissant de l’égalité des chances, il est essentiel de développer l’accès de tous au haut, puis au très haut débit, mais aussi à la téléphonie mobile et à la TNT.

En 2005, l’Union européenne avait adopté un plan numérique pour 2010, dont l’un des objectifs était l’accès à internet de 90 % de la population et des entreprises en 2010. Louable intention, qui ne s’est pas concrétisée !

Depuis la très grave crise économique et financière, si lourde de conséquences sociales, l’Union européenne a remis en lumière la nécessité du développement des technologies de l’information et de la communication, confirmant un objectif général de couverture de 100 % de la population entre 2010 et 2013, la priorité devant être accordée aux zones les moins bien desservies, qui nécessitent donc les investissements les plus importants.

Dans cette perspective ont été envisagées plusieurs mesures : de l’emploi des fonds agricoles européens à la révision des aides d’État, en passant par une utilisation optimale du dividende numérique.

En France, Christine Lagarde et Hervé Novelli ont lancé une consultation en décembre 2007, afin d’accélérer le déploiement du très haut débit. L’objectif était de favoriser le développement de la fibre.

Le Gouvernement a ensuite présenté le plan France numérique 2012, qui rappelle les objectifs et moyens envisagés pour le développement de l’accès pour tous aux nouvelles technologies de communication.

Deux objectifs principaux sont directement liés à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui : l’accès de tous au haut débit à un coût raisonnable – 512 kilobits par seconde pour un maximum de 35 euros mensuels – et la réduction de la fracture numérique, largement fléchée vers l’accès de tous à la télévision numérique terrestre.

Si les objectifs de ce plan ne peuvent que recueillir un consensus, les moyens nécessaires à sa réalisation ne sont pas programmés. Le plan ne prévoit en effet aucun financement de l’État et laisse, pour une large part, la responsabilité de sa concrétisation aux collectivités territoriales.

Dans ce contexte, caractérisé par de profondes inégalités sociales et territoriales dans le développement du numérique, la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat prend donc toute sa place. Prenant acte de la nécessité d’accroître l’accès pour tous au haut et très haut débit, ce texte vise particulièrement le développement de la fibre optique, technologie encore peu utilisée en France.

La proposition de loi s’articule autour de trois axes.

Premièrement, la mise en place de schémas directeurs territoriaux permettra une forme de péréquation entre zones denses et zones moins denses.

Deuxièmement, des syndicats mixtes seront impliqués dans l’aménagement numérique, un rôle particulier étant dévolu aux syndicats mixtes d’électrification.

Troisièmement, un fonds d’aménagement numérique des territoires sera mis en place.

Le travail de la commission et de son rapporteur a permis de compléter et de préciser le texte, en prévoyant des dispositions destinées non seulement à réduire la fracture numérique existante, mais aussi à prévenir l’apparition d’une fracture numérique dans le très haut débit.

Notre groupe est favorable à l’introduction dans cette proposition de loi de mesures relatives à la télévision numérique terrestre. En effet, la fracture numérique concerne non seulement l’accès à internet, mais aussi l’accès à la télévision du futur.

Cela étant, nous souhaitons aller plus loin que le rapporteur, en inscrivant dans la loi une couverture minimale de 95 % de la population de chaque département, ainsi que des procédures visant à permettre aux maires dont les communes ne seront pas desservies en numérique hertzien d’être informés, afin qu’ils puissent effectuer, en amont, les bons choix en matière de technologies alternatives.

S’agissant de l’installation de fibres surnuméraires, nous vous proposerons de remplacer l’expression « coûts spécifiques » par les mots « coûts supplémentaires », qui nous paraissent mieux préciser le fait que l’opérateur demandeur prend à sa charge l’intégralité des coûts additionnels induits par la pose des fibres surnuméraires, en sus de la quote-part équitable des coûts d’équipement de l’immeuble.

Concernant les schémas directeurs territoriaux, la rédaction proposée par M. le rapporteur nous paraît plus satisfaisante que celle de la proposition de loi initiale. Ces nouveaux outils sont intéressants. Il convient toutefois de prendre en compte l’évolution prévisible des structures territoriales et l’importance accrue du rôle des régions en matière d’attractivité du territoire. Nous défendrons donc un amendement visant à modifier l’article 1er, tout en précisant que les territoires des départements peuvent faire l’objet de schémas de secteurs.

Quant au fonds d’aménagement numérique des territoires, il est difficile d’y être opposé. Cependant, les dispositions prévues ne nous semblent pas assez précises. Nous vous proposerons donc, mes chers collègues, d’inscrire clairement dans la loi qu’il s’agit d’un fonds de péréquation. Il contribuera au financement de certains travaux, certes, mais lesquels ? Par ailleurs, quid du financement de ce fonds ? Encore une fois, les crédits risquent de manquer ! Un fonds dont les ressources ne sont ni précises ni pérennes perd de son intérêt.

Compte tenu des lourds investissements à venir, il est nécessaire d’avoir une visibilité à moyen ou long terme, afin de pouvoir mettre en place des stratégies de développement du numérique. Nous vous suggérerons donc de revenir sur la suppression des ressources du fonds.

Surtout, ce texte fait l’impasse sur un élément essentiel de la lutte contre la fracture numérique, à savoir la mise en place d’un véritable service universel.

Avec le progrès technologique et les évolutions des modes de vie, la définition du service universel doit évoluer. En effet, selon l’article L.35-1 du code des postes et des communications électroniques, le service universel des communications électroniques doit fournir à tous :

« 1° Un service téléphonique de qualité à un prix abordable. Ce service assure l’acheminement des communications téléphoniques, des communications par télécopie et des communications de données à des débits suffisants pour permettre l’accès à internet, en provenance ou à destination des points d’abonnement, ainsi que l’acheminement gratuit des appels d’urgence. […]

« 2° Un service de renseignements et un annuaire d’abonnés, sous formes imprimée et électronique [...].

« 3° L’accès à des cabines téléphoniques publiques installées sur le domaine public.

« 4° Des mesures particulières en faveur des utilisateurs finaux handicapés […] »

Ces dispositions, si nécessaires soient-elles, ne sont plus suffisantes, puisqu’elles s’appliquent principalement à la téléphonie fixe. Il importe désormais que chacun puisse disposer d’un accès à la téléphonie mobile, ainsi qu’à l’internet à haut et très haut débit. Dans cette logique, nous avions déposé un amendement visant à élargir le champ du service universel. La commission des finances nous ayant opposé l’article 40 de la Constitution, …

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