Intervention de Pascal Clément

Réunion du 14 février 2007 à 15h00
Protection juridique des majeurs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Pascal Clément, garde des sceaux :

Elles ne permettent plus d'assurer une protection suffisante et effective des 800 000 personnes concernées, soit plus de 1 % de la population.

La protection des personnes vulnérables implique une privation ou une restriction des droits. C'est pourquoi le juge ne doit envisager une mesure de protection qu'en dernier recours et limiter son effet à ce qui est strictement nécessaire.

La protection doit par ailleurs être adaptée et respectueuse de la personne. Elle doit être exercée et contrôlée avec les meilleures garanties.

Je vais vous présenter le contenu du dispositif du droit civil et mon collègue Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, vous présentera dans un instant le dispositif social et financier de cette réforme.

La réforme du droit civil de la protection des majeurs repose sur une nouvelle approche, plus respectueuse du droit des personnes. Elle s'articule autour de quatre grands axes essentiels : une protection juridique qui concerne exclusivement les personnes atteintes d'une altération de leurs facultés ; un dispositif de protection qui redonne sa place à l'exercice de la liberté civile ; des régimes de protection où sont définis et renforcés les droits de la personne ; enfin, des mesures de protection exercées avec plus de vigilance par les professionnels.

Le premier objectif de la réforme est donc de définir plus précisément et de délimiter strictement les personnes concernées par une mesure de protection : seront appliqués les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité.

Il faudra, c'est le fond du débat, mesurer et constater l'altération des facultés personnelles de l'intéressé. Cette altération sera mesurée médicalement et constatée par un médecin expert.

La protection juridique sera recentrée sur les personnes atteintes de troubles et de handicaps mentaux et il devient nécessaire de compléter le champ de l'action sociale.

Ce dispositif social, graduel et progressif, comporte deux volets : un volet administratif relevant des conseils généraux, mis en oeuvre en collaboration avec la personne intéressée, et un volet judiciaire, plus contraignant, intervenant subsidiairement si l'action préalable du département n'a pu aboutir. On commence donc par la mesure sociale et l'on n'ouvre le volet judiciaire qu'après constat de l'altération des facultés personnelles de la personne.

Le dispositif social a principalement une vocation éducative. Son objectif est de permettre à chacun de retrouver le chemin de l'autonomie.

Si ces mesures d'action sociale se révèlent insuffisantes, les services sociaux compétents adresseront un rapport circonstancié au procureur de la République.

La commission des lois du Sénat a compris l'importance de l'enjeu de cette disposition et a adopté un amendement afin de revenir à la rédaction initiale du projet de loi. J'en approuve tous les termes et je veux convaincre la commission des affaires sociales qu'il est nécessaire de se rallier à cette position.

L'objectif de suppression des utilisations abusives de la protection juridique a conduit le Gouvernement à supprimer la possibilité pour le juge de se saisir d'office sur le simple signalement d'un tiers, intervenant social ou professionnel médical.

Il existe, en effet, pour protéger une personne vulnérable, des solutions juridiques moins contraignantes et moins attentatoires à ces droits que la tutelle ou la curatelle.

Certains de ces moyens sont indépendants de toute intervention judiciaire. Il s'agit de la procuration, du mandat de protection future et de l'accompagnement social.

D'autres outils, en revanche, requièrent l'intervention du juge. Il en est ainsi de la sauvegarde de justice ou des règles d'habilitation propres aux régimes matrimoniaux.

En outre, la subsidiarité implique que, avant de recourir à la collectivité publique, l'on se tourne d'abord vers la famille, lieu naturel de protection.

Le deuxième apport majeur du projet de loi tient à l'affirmation et à la liberté civile de la personne protégée.

Il faut reconnaître une place à l'autonomie de la volonté de la personne, même au sein d'un ordre public de protection. L'avis de la personne sera toujours sollicité, y compris, et c'est un cas très fréquent dans nos familles, lorsqu'on place une personne âgée dans une maison de retraite.

Le mandat de protection future pourra être établi par acte sous seing privé ou par acte notarié et n'aura, selon la forme choisie, pas les mêmes effets en matière patrimoniale.

Le mandat notarié permettra une protection juridique très étendue et pourra couvrir les actes de disposition du patrimoine, la vente du bien par exemple, tandis que le mandat sous seing privé donnera au mandataire les pouvoirs d'un administrateur légal sous contrôle judiciaire et sera limité aux actes conservatoires ou de gestion courante.

Votre rapporteur a souhaité mieux encadrer les conditions de mandat sous seing privé lorsque le mandant n'est pas assisté d'un professionnel. Je puis d'ores et déjà vous indiquer que le Gouvernement se rallie à cette démarche qui vise à sécuriser davantage les modalités d'établissement du mandat. Nous devons toutefois veiller à ne pas trop alourdir les procédures.

Il n'y aura pas lieu à mesure de publicité du mandat. En effet, ce mandat de protection future crée un régime de représentation et il fonctionnera comme une procuration générale donnée par une personne à une autre.

Le troisième objectif de cette réforme est de mieux adapter la protection à la spécificité des besoins de nos concitoyens les plus fragiles.

Pour cela, la réforme affirme le principe de protection de la personne et non plus seulement de son patrimoine. C'est la grande avancée de ce texte : au-delà du patrimoine, on s'intéresse en premier lieu à la personne.

La protection à la personne trouvera son sens dans l'exigence de proportionnalité imposée au juge. Les mesures de protection seront strictement proportionnées à la vulnérabilité et aux besoins de la personne.

La protection à la personne s'imposera dans la mission du tuteur, qu'il s'agisse d'un membre de la famille ou d'un professionnel.

Enfin, les modalités de contrôle de l'exécution de la mesure seront réorganisées et renforcées.

Tout d'abord, les mesures devront être révisées tous les cinq ans, ce qui constitue une innovation. Dans l'actuel régime de protection juridique, les mesures restent valables ad vitam æternam, au sens strict. Demain, elles seront révisées tous les cinq ans. L'instauration de ce contrôle apporte une liberté très importante pour les personnes sous protection juridique.

Les modalités du contrôle annuel, en particulier des comptes de gestion, seront personnalisées et adaptées à la situation de chaque dossier.

Le quatrième grand axe de cette réforme consiste à améliorer le régime juridique qui encadre l'activité tutélaire.

Comme vous le savez, une nouvelle profession, celle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, est créée par ce texte, mais je laisserai à Philippe Bas le soin de développer ce point.

Au terme de mon propos, je souhaite de nouveau remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, M. Henri de Richemont, du remarquable travail qu'ils ont effectué. Je remercie également Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, de son implication.

Cette réforme marque une étape essentielle de notre histoire juridique : elle s'inscrit dans la construction d'un droit moderne, attentif aux évolutions de notre société et adapté aux besoins des plus vulnérables d'entre nous.

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