Intervention de Bernadette Dupont

Réunion du 14 février 2007 à 15h00
Protection juridique des majeurs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Bernadette DupontBernadette Dupont, rapporteur pour avis :

C'est l'honneur des parlementaires que de faire la loi ; c'est celui de chacune des commissions de s'exprimer dans la compétence qui lui est propre.

La première ambition du texte est d'adapter la protection juridique des majeurs aux réalités sociales de notre temps, tout en redonnant vie aux principes fondateurs de la loi du 3 mars 1968.

Les dérives du dispositif de protection juridique des majeurs font l'objet d'un constat très largement partagé : le seul critère légal d'altération des facultés personnelles de l'intéressé a été perdu de vue au fil du temps ; plus de la moitié des mesures de protection juridique sont désormais confiées à des personnes extérieures à la famille, ce qui n'était pas l'inspiration initiale ; enfin, le non-respect de la gradation des mesures conduit souvent à des mesures mal adaptées aux besoins et, par conséquent, ressenties par les intéressés comme étant abusives.

La commission des affaires sociales approuve, d'une façon générale, les réponses apportées par le projet de loi pour mettre un terme à ces dérives.

Elle ne peut d'abord qu'être favorable à la réaffirmation des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures de protection.

Il était en effet nécessaire de recentrer les mesures de protection sur les seules personnes dont les facultés mentales présentent des signes caractérisés d'altération médicalement constatés : personnes nées ou devenues handicapées avec une altération irréversible, personnes victimes de troubles mentaux graves, personnes âgées dont les facultés intellectuelles ont décliné, toutes ayant besoin que leurs biens et leur personne soient protégés par la loi.

Dans les autres cas, ces mesures peuvent opportunément être remplacées par des dispositions moins contraignantes, relevant simplement d'un accompagnement social. Pourquoi, en effet, priver de leur capacité juridique des personnes dont les besoins de protection se limitent en réalité à une assistance dans la gestion du quotidien ?

J'émettrai cependant quelques réserves sur certains points précis.

Dans le cas d'une demande de protection juridique, je regrette la disparition de l'obligation, pour le médecin expert, de consulter le médecin traitant. Qui, en effet, est mieux que ce dernier à même d'éclairer l'expertise sur les antécédents du majeur et sur sa situation familiale et sociale ?

Par ailleurs, il me semble que le coût d'établissement du certificat médical - en moyenne 250 euros - peut s'opposer au libre accès de tous les citoyens à la protection juridique. Ce coût ne pourrait-il pas faire l'objet d'une prise en charge pour les personnes aux ressources les plus modestes ?

Notre commission s'est également émue de ce que les personnes établissant leur résidence hors de France se voient privées de toute protection. Cette disposition n'est-elle pas contraire au droit international privé et au code civil, qui prévoient que la protection des personnes relève toujours de leur loi nationale, où qu'elles se trouvent ? Ne revient-il pas au ministère des affaires étrangères, lorsque cela est nécessaire, de se donner les moyens d'assurer le suivi de ces mesures à l'échelon des consulats ?

Enfin, dans un souci de simplification et d'assouplissement du système, dont je comprends l'objectif, le texte limite au strict minimum les cas d'auditions obligatoires par le juge. Pourtant, il me semble que cet entretien est essentiel, car c'est le seul moyen dont dispose le juge pour se rendre compte par lui-même des besoins de la personne protégée et pour adapter au mieux les mesures de protection susceptibles de répondre à ces besoins. Le texte n'est-il pas trop restrictif en ce domaine ?

Le deuxième point sur lequel la commission des affaires sociales rejoint le Gouvernement est la nécessité d'assurer le respect de la priorité familiale dans la prise en charge d'un majeur à protéger.

À cet égard, il est important de noter que, dans le texte, sont reconnues les difficultés que peuvent rencontrer certaines familles pour exercer les mesures de protection et que l'on s'attache à y remédier en mettant en place une information pour les tuteurs familiaux sur leur propre rôle. Je crois que ce service rendu aux familles est constructif et qu'il conviendra de veiller à sa mise en place effective.

Nous saluons ensuite l'extension - conforme à la jurisprudence de la Cour de Cassation - du champ de la protection du seul patrimoine à la personne elle-même. Il s'agit de réaffirmer les droits de la personne protégée et de rechercher, autant que possible, son consentement.

S'agissant de cette reconnaissance de la responsabilité de la personne dans sa propre protection, une mesure nouvelle est emblématique : c'est la création du mandat de protection future. Le mandant peut l'établir pour lui-même, mais il était également attendu des parents d'enfants handicapés, que l'allongement de l'espérance de vie avec un handicap place devant la perspective angoissante de laisser derrière eux un enfant seul et vulnérable.

Les amendements que je vous présenterai, au nom de la commission des affaires sociales, ne remettent pas en cause les principes de ce mandat. Ils visent simplement à faire apparaître, les confusions étant encore fréquentes à ce sujet, que le mandat est bien un régime de procuration et non d'incapacité.

La commission des affaires sociales approuve aussi sans réserve la dernière orientation du texte, qui consiste à assurer une meilleure répartition des rôles entre protection juridique et protection sociale.

Des esprits plus ou moins bien intentionnés voudraient faire croire qu'il ne s'agit que de reporter sur les conseils généraux une charge financière que l'État n'arrive plus à juguler. En réalité, la motivation est tout autre : il s'agit de reconnaître que la vulnérabilité n'est pas nécessairement synonyme d'incapacité et que, parfois, elle appelle un accompagnement social plutôt qu'une protection juridique privant l'intéressé de ses droits civils.

Concrètement, le projet de loi met en place un dispositif gradué pour répondre aux difficultés de ceux qui, par leur incapacité à gérer leur budget, mettent en danger leur propre personne et/ou leur famille.

Cela est raisonnable, mais nous avons observé que, en l'état actuel du texte, l'accompagnement ne s'appliquait qu'aux seules prestations sociales. M. Henri de Richemont l'a dit tout à l'heure, ce point nous soucie et nous aimerions savoir si, dans un certain nombre de cas, le fait de rétablir la situation de l'intéressé n'exigerait pas de prendre en compte l'ensemble du budget familial, non pour gérer celui-ci, mais au moins pour conseiller la personne et lui apprendre, comme le font d'ailleurs souvent les conseillers en économie sociale et familiale, à gérer son budget.

De plus, avec la présentation qui est faite, on rend peut-être cette mesure discriminatoire, puisque ces personnes, que M. de Richemont appelle des « polissons », qui ne touchent aucune prestation, en sont d'emblée exclues. Je crois sincèrement qu'il nous faudrait franchir le pas et affirmer clairement l'extension du dispositif à l'ensemble des ressources des bénéficiaires, de manière que la mesure d'accompagnement social personnalisé, la MASP, soit la plus efficace possible.

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