Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 14 février 2007 à 15h00
Protection juridique des majeurs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est très attendu : le dispositif actuel date de 1968 et, depuis plus de dix ans, de nombreux rapports ont démontré la nécessité de réformer la protection juridique des majeurs, qui s'écarte malheureusement de plus en plus de sa finalité initiale.

Si je regrette que ce projet de loi soit inscrit à l'ordre de jour si tardivement, d'où la déclaration d'urgence, je félicite toutefois les rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales de ne pas avoir cédé aux sirènes du vote conforme et de nous proposer tous deux un travail de fond sur ce texte, même si leurs vues divergent parfois.

C'est une réforme attendue. Aujourd'hui, en excluant les tutelles aux prestations sociales, 1 % de la population française se trouve sous un régime de protection juridique ; le coût total du dispositif est estimé à 450 millions d'euros et le nombre de mesures prononcées croît de façon régulière du fait du vieillissement de la population française et d'une interprétation trop large de la loi existante.

Nous ne pouvons qu'approuver les objectifs principaux qui sont visés par ce projet de loi : limiter la mise en oeuvre de la protection juridique aux personnes qui en ont réellement besoin, placer la personne protégée au centre du régime de protection et réorganiser les conditions d'activités des tuteurs et curateurs extérieurs à la famille.

Je souhaiterais dire un mot sur deux mesures prévues dans le projet de loi : le régime d'accompagnement social spécifique et le mandat de protection future.

Afin d'accompagner les personnes en situation de détresse sociale, vous proposez, messieurs les ministres, de distinguer l'accompagnement social de l'altération éventuelle des facultés mentales de l'intéressé. L'instauration d'un dispositif d'intervention gradué, dans lequel le juge des tutelles ne serait saisi qu'en cas de recours ultime, va dans le bon sens. Le principe de subsidiarité doit s'appliquer chaque fois qu'il est possible et la mise en place d'un régime d'accompagnement social spécifique, au sein du système de protection des majeurs, permettra de mettre en oeuvre un dispositif de gestion budgétaire de la personne en détresse sociale sans entraîner pour autant son incapacité juridique.

Reste à cadrer très sérieusement, d'un point de vue financier, ce nouvel accompagnement social en pleine concertation avec les conseils généraux. Ce dispositif ne doit en effet se traduire ni par un désengagement de l'État envers les personnes en détresse sociale ni par un nouveau transfert de charges en direction des collectivités locales.

L'instauration du « mandat de protection future », qui permettra à chacun de désigner à l'avance un tiers chargé de veiller sur ses intérêts et sur sa personne pour le jour où l'âge ou la maladie nécessiteront sa protection, est également une bonne mesure. Il sera mis en oeuvre lorsque l'altération des facultés aura été constatée, sans nécessiter l'intervention du juge. Nous ne pouvons qu'approuver cette disposition.

De même, les parents ayant à charge un enfant handicapé pourront organiser sa protection juridique à l'avance pour le jour où ils ne seront plus capables de s'occuper de lui. C'est une mesure très attendue, qui soulagera les parents en leur permettant de prévoir la protection de leur enfant, de l'anticiper, et de désigner la ou les personnes de confiance chargées de l'assumer.

Rappelons toutefois que la solidarité nationale est essentielle et que les parents ne doivent pas se retrouver isolés après avoir opté pour cette mesure en faveur de leur enfant handicapé.

Étant rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois, des crédits alloués aux services judiciaires et à l'accès au droit, je souhaite également intervenir sur deux points qui me tiennent particulièrement à coeur : la surcharge des greffes et le coût des certificats médicaux.

Monsieur le garde des sceaux, vous le savez, l'augmentation constante du nombre des dossiers de protection juridique des majeurs ne fait que souligner l'insuffisance des effectifs dans les tribunaux. Les juges des tutelles sont débordés, les dossiers prennent du retard, les comptes de gestion et les récapitulatifs des décisions prises par les tuteurs ne sont plus toujours examinés dans des conditions optimales. Cela favorise malheureusement les escroqueries de tuteurs mal intentionnés et empêche la révision nécessaire des dossiers. En cela, les nouvelles modalités de contrôle introduites, notamment par l'article 511 du code civil, vont dans le bon sens.

Mais ces mesures « d'allégement » ne doivent occulter ni le manque de moyens assignés à la mise en oeuvre de la protection juridique des majeurs ni l'engorgement des tribunaux.

Je sais également que la commission des affaires sociales, inquiète du coût de l'expertise pour les familles, propose que cette dépense afférente à une procédure en justice soit prise en charge dans le cadre de l'aide juridictionnelle.

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