Intervention de Nicolas About

Réunion du 14 février 2007 à 15h00
Protection juridique des majeurs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Nicolas AboutNicolas About :

Au-delà de l'anecdote littéraire, cet exemple illustre à quel point une mesure de tutelle crée, chez les personnes qui en sont l'objet, une souffrance morale et sociale que l'on n'imagine pas.

Outre le fait que l'on confie à un tiers la gestion de ses biens, la personne placée sous tutelle se voit privée de la plupart de ses droits : celui de se marier, de divorcer ou de conclure un PACS, de choisir ses fréquentations si celles-ci affectent son état, de décider de subir une opération chirurgicale ou tout simplement de recevoir des soins dentaires, d'exercer son droit de vote, d'ouvrir un compte bancaire, de conclure ou de résilier un bail, de vendre ses meubles, d'agir en justice, de rédiger un testament ou de faire une donation.

La décision de mise sous tutelle, comme, d'ailleurs, celle de mise sous curatelle ou de sauvegarde de justice, est une décision grave, qui doit être prise par le juge avec retenue et prudence, car, au-delà de la protection du patrimoine, elle engage toute la vie d'une femme ou d'un homme.

Notre devoir de législateur est de veiller à ce que cette décision ultime ne vienne pas porter atteinte aux droits fondamentaux et à la dignité de la personne, d'autant que celle-ci est vulnérable.

C'est un bon projet de loi que nous propose aujourd'hui le Gouvernement, je le dis sans ambages, et je ne reviendrai pas sur les orientations de ce texte, car elles correspondent pleinement à celles que j'avais moi-même fixées, sans vouloir être exhaustif, dans ma proposition de loi.

Recentrer le régime des tutelles sur la protection de la personne et non plus seulement sur celle du patrimoine ? Oui ! J'écrivais même que « la protection patrimoniale ne devait être qu'une conséquence de celle de la personne et non un préalable ».

Donner la priorité à la famille et aux proches ? Oui, sauf si ceux-ci sont défaillants, le recours aux associations tutélaires, ou aux tuteurs privés, devant rester subsidiaire.

Enfin, est prévue la création d'un mandat de protection future permettant à chacun de nous de préparer l'avenir et de désigner par avance la personne de confiance qui sera chargée de nous représenter, en cas d'incapacité ou d'altération grave de nos facultés mentales.

À mon sens, ce dispositif doit être en priorité proposé aux parents ou aux proches d'un enfant handicapé devenu majeur, afin de soulager, autant que possible, l'angoisse qui, tout naturellement, taraude ces personnes lorsqu'elles songent à l'avenir de leur enfant après leur mort, ou si, par malheur, elles devaient elles-mêmes se trouver un jour dans l'incapacité de pouvoir assumer cette responsabilité.

Je vous remercie, messieurs les ministres, d'en avoir compris toute la portée. J'adresse aussi mes remerciements à M. le rapporteur et à Mme le rapporteur pour avis, je salue l'excellence du travail que tous deux, ainsi que les commissions, ont accompli, et je ne veux insister que sur les points qui me paraissent devoir encore être améliorés.

S'agissant du respect des droits de la personne, il me semble que, précisément pour respecter sa dignité et ses droits fondamentaux, cette attention première portée à la personne doit se manifester aussi à chaque étape de la procédure judiciaire de mise sous protection juridique.

Être informé, pouvoir être entendu par le juge - près d'un majeur protégé sur trois n'est pas entendu -, bénéficier d'un recours possible, être défendu sont autant de droits qui doivent se généraliser.

Une mesure de protection sera d'autant mieux vécue et acceptée par la personne à protéger que celle-ci sera davantage associée, dans la mesure du possible, aux décisions la concernant. Comme le texte du Gouvernement le prévoit fort bien, celle-ci doit pouvoir bénéficier, à intervalles courts et réguliers, du réexamen de la mesure par le juge et obtenir plus aisément, si les conditions médicales sont réunies, la révision de son dossier.

Je sais bien que beaucoup de ces mesures relèvent du nouveau code de procédure civile, et qu'il n'appartient pas au législateur d'intervenir dans ce domaine, qui relève pour l'essentiel du pouvoir réglementaire. Néanmoins, je souhaite que nos débats soient l'occasion pour les ministres de prendre l'engagement solennel, devant la représentation nationale, que ces questions seront traitées rapidement par décret.

Le principe de subsidiarité commande aussi de se tourner en priorité vers les familles. Ce sont en effet les familles qui sont les premières à être confrontées à la vulnérabilité de leur proche et ce sont elles qui, la plupart du temps, assument et organisent sa protection. Je rappelle que dans plus de 50 % des cas, c'est la famille qui reçoit la tutelle.

Le projet de loi tend à confirmer cette place prépondérante. Toutefois, il ne prend pas, corrélativement, la mesure de l'aide qu'il faut apporter aux tuteurs familiaux. On ne peut, d'un côté, prôner la professionnalisation des tuteurs extérieurs, renforcer les exigences en termes de formation, de qualification et d'expérience professionnelle des délégués à la tutelle et, de l'autre, négliger les familles, les laisser se débrouiller avec les règles de procédure et de contrôle, les droits et les obligations attachés à la charge tutélaire que le juge leur confie.

Je prône, pour ma part, un droit à l'information et à la formation minimum des familles, dès la procédure d'ouverture d'une tutelle.

Le contrôle ne saurait non plus être absent, car la présence de la famille ou d'un proche ne saurait écarter a priori les risques d'abus ou de dérives.

La maltraitance d'une personne handicapée ou âgée peut provenir, malheureusement, des membres de la famille eux-mêmes. En matière de tutelle, les escroqueries familiales sont plus difficilement sanctionnées pénalement, sauf à faire condamner le parent en tant que tuteur, mais il faut un dépôt de plainte. On voit la difficulté.

Je termine mon propos sur une proposition qui me tient particulièrement à coeur et dont nous avons déjà débattu ensemble lors de l'examen du projet de loi sur le handicap, monsieur Philippe Bas.

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