Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 14 février 2007 à 15h00
Protection juridique des majeurs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle :

Au demeurant, ne l'oublions pas, lorsque nous nous exprimons ici, depuis ces travées, nous ne le faisons pas forcément toujours à titre personnel, au vu de l'expérience qui est la nôtre, mais nous nous faisons également l'écho de ce que nous entendons sur le terrain de la part de nos concitoyens. Il est de notre devoir d'agir ainsi et d'appeler l'attention de nos gouvernants sur ces différents points.

Cela étant dit, messieurs les ministres, je voudrais vous saluer et, à travers vous, l'ensemble du Gouvernement, qui a effectué un travail très important au cours des cinq dernières années.

Rappelez-vous, mes chers collègues, tous les textes qui ont été adoptés pendant cette période : loi relative à la modernisation sociale ; loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. En outre, le Parlement est en train d'examiner le projet de loi réformant la protection de l'enfance.

Ce sont autant de textes qui traduisent notre volonté d'agir pour renforcer les droits et la participation de nos concitoyens les plus vulnérables.

Le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui clôt cette législature, vient donc compléter cette longue liste. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car l'actuel dispositif de protection juridique des majeurs, totalement inadapté, dévié de son objectif initial et bien souvent injuste, nécessitait une profonde remise à plat. Nous y voilà !

Établir une ligne de partage claire entre ce qui relève de la protection juridique et ce qui dépend de la protection sociale, réaffirmer les principes fondamentaux de la protection, placer la personne vulnérable au centre de sa protection, rénover l'activité des tuteurs professionnels, confirmer le rôle primordial de la famille, tels sont les objectifs louables de ce texte.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, comme je le disais au début de mon propos, je voudrais simplement appeler votre attention sur quelques points.

Je commencerai ainsi par la famille.

Avec le renforcement du principe de priorité familiale, je constate que la famille est replacée au coeur de cette réforme. C'était indispensable, car, dans une société où les liens se délitent, où la solidarité familiale tend à se perdre, il était important de réaffirmer le rôle des proches.

De surcroît, nombre de familles souffraient de ne pas être davantage associées aux procédures judiciaires. Elles le seront désormais : la tutelle familiale sera encouragée, et je souhaite qu'elle puisse être accompagnée.

Monsieur le garde des sceaux, je me permets d'appeler plus particulièrement votre attention sur l'article 398 du code civil, lequel dispose que la tutelle des mineurs est toujours organisée avec un conseil de famille, même en présence d'un tuteur testamentaire. Une exception est néanmoins prévue, celle de la vacance de la tutelle. Or cet article se distingue des dispositions prévues pour les majeurs au nouvel article 456 du même code, qui ne prévoit pas de caractère systématique à la mise en place d'un conseil de famille.

La « systématicité » de l'existence de cet organe tutélaire est contestée par certains, qui y voient une source de lourdeurs et de conflits dans le cas des tutelles de mineurs disposant d'un faible patrimoine. Je considère, pour ma part, qu'elle se justifie pleinement, et ce même en cas de vacance de la charge tutélaire, c'est-à-dire l'impossibilité pour le juge de confier la tutelle à un des membres de la famille.

Le transfert de la charge tutélaire à la collectivité publique, c'est-à-dire le département, ne doit pas priver l'enfant d'un conseil de famille dans lequel peut siéger, outre les membres de sa famille, toute personne qui manifeste un intérêt pour lui. Ce peut être un voisin ou un ami, c'est en tout cas un proche dont le rôle peut s'avérer utile dans l'accompagnement et la protection du mineur.

Puisque de tels liens ne doivent pas, selon moi, être négligés, j'ai déposé deux amendements en ce sens, portant notamment sur l'article 411 du code civil. J'espère qu'ils retiendront votre attention.

Le deuxième point que je souhaitais aborder concerne les conditions d'ouverture de la mesure de protection judiciaire.

À cet égard, l'article 430 du code civil précise la liste des personnes pouvant saisir le juge d'une demande d'ouverture d'une mesure judiciaire de protection.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a permis à toute personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables de demander au juge des tutelles l'ouverture d'une mesure de protection, même lorsque cette personne ne réside pas avec le majeur. M. Guy Geoffroy a d'ailleurs indiqué que cette disposition permettrait, par exemple, « aux voisins d'une personne vivant dans des foyers-résidences de demander une mesure de protection en faveur de cette personne, ce qui peut être utile lorsque la personne en question n'est pas entourée par sa famille ». Soit !

Mais la requête est un acte fort, c'est une prérogative importante, loin d'être anodine. Aussi cette expression « liens étroits et stables » suscite-t-elle ici une interrogation de ma part. Existe-t-il en effet une définition juridique de cette notion ? Qu'entend-t-on exactement par « lien étroit et stable » ? Quels en sont les critères ? Que dit la jurisprudence sur ce point ? Il me serait donc agréable d'être éclairé sur cette notion de stabilité et de connaître la manière dont les juges interprètent le droit en la matière.

Le troisième point sur lequel je me suis interrogé porte sur l'accompagnement social des familles.

Destiné à venir en aide aux personnes en situation de détresse sociale, le système d'accompagnement mis en place constitue l'une des grandes avancées de cette réforme, et ce pour deux raisons. D'une part, parce qu'il permet d'établir une ligne de partage claire entre la protection juridique et la protection sociale. D'autre part, parce qu'il est la traduction concrète du principe de subsidiarité dans le prononcé des mesures.

Ainsi, toute personne majeure dont la santé ou la sécurité risque d'être compromise du fait de ses difficultés à assurer seule la gestion de ses ressources se verra aidée dans son parcours et dans la gestion de ses revenus. À chaque situation, la réponse la plus adaptée sera donc désormais fournie.

Le fait de diminuer ou de supprimer la capacité juridique pour des considérations essentiellement sociales relevait, il est vrai, d'un système dévié et injuste, et il était temps d'y remédier.

Toutefois, sur ce sujet, je me permets de formuler deux remarques plus précises.

Premièrement, s'agissant de l'aide à la gestion des ressources, je rejoins les observations faites par Mme le rapporteur pour avis. Je considère en effet que l'aide apportée par le conseil général dans la gestion des revenus ne doit pas se limiter aux seules prestations sociales.

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