Intervention de Jean-Paul Virapoullé

Réunion du 20 juillet 2009 à 16h00
Lutte contre la fracture numérique — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Jean-Paul VirapoulléJean-Paul Virapoullé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les technologies de l’information et de la communication sont une branche d’activité économique essentielle pour l’avenir de l’outre-mer.

Les quatre départements d’outre-mer, qu’il s’agisse d’un département continental tel que la Guyane ou d’îles comme la Guadeloupe, la Martinique ou la Réunion, comptent peu de secteurs d’avenir à côté des domaines d’activité traditionnels que sont l’agriculture, la pêche, le bâtiment ou les travaux publics, mais, à n’en pas douter, les TIC en sont un, qui intéresse au premier chef la jeunesse de ces départements. Ainsi, à la Réunion, elles constitueront en 2010 le premier secteur d’activité créateur de richesses devant le bâtiment et les travaux publics, qui occupent pourtant 15 000 personnes, et ce malgré les handicaps que j’évoquerai.

Pour les départements d’outre-mer, situés à 10 000 kilomètres de la métropole, les TIC représentent la rupture de l’isolement, ainsi qu’un moyen de développer les échanges culturels avec le reste du monde, ces échanges devant d’ailleurs s’effectuer dans les deux sens : tous ceux d’entre vous qui sont venus à la Réunion ont pu constater la réussite de notre melting-pot ethnoculturel ! Le mécanisme d’intégration culturelle en œuvre à la Réunion est une réussite de la République. Faire connaître ce « vivre ensemble » réunionnais, où les différences culturelles sont ressenties non pas comme un handicap, mais comme un enrichissement mutuel, peut être, pour la métropole et pour l’Europe, un exemple de construction d’une société de paix !

En ce qui concerne le développement de l’activité économique, beaucoup de mes collègues se sont exprimés avec brio à cette tribune sur l’importance des TIC pour l’aménagement du territoire : c’est évident ! Nous n’avons pas le droit à l’erreur sur ce sujet. Outre-mer, nous devons développer le télétravail, et je propose que le département de la Réunion, que j’ai l’honneur de représenter, devienne un chantier d’expérimentation dans ce domaine. En Allemagne, le taux de télétravail est de 20 %, en métropole il s’élève à 7 % et à la Réunion il est pratiquement nul. Développer le télétravail contribuerait à la réalisation des objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement et permettrait de diminuer la circulation sur les routes, ainsi que de moins bétonner notre belle île, parfois défigurée par de grands travaux. Nous entrerions ainsi dans un cycle de développement durable et vertueux.

Quels secteurs faut-il développer ?

Je citerai maintenant, mes chers collègues, des chiffres qui vous surprendront. Pour l’usager ultramarin, il faut améliorer le rapport qualité-prix-débit des connexions, même si je suis bien conscient qu’il n’est pas possible, au nom de l’égalité, de desservir un territoire situé à 10 000 kilomètres exactement dans les mêmes conditions que la métropole. Cela étant, si un abonnement à 29, 90 euros mensuels permet de bénéficier d’un débit de 20 mégabits par seconde en métropole, on ne dispose à la Réunion, pour 39, 90 euros mensuels, que d’un débit de 1 mégabit par seconde, et de 128 kilobits par seconde en Guadeloupe ! Dans ces conditions, il est véritablement illusoire de vouloir développer l’activité économique en s’appuyant sur les TIC. Il est donc nécessaire d’améliorer les choses.

Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Au départ, elle était inévitable, car pour relier la Réunion au monde par le biais du réseau de fibre optique international, il fallait installer un câble Safe. Ceux qui ont investi des milliards d’euros dans cet équipement ont donc bénéficié d’une situation de monopole jusqu’en 2006, date à laquelle l’ARCEP, qui a fait un très gros travail outre-mer, a aboli ce monopole, ce qui a permis l’instauration progressive de la concurrence et une réduction de notre handicap. Nous voyons désormais se développer une libre concurrence pour la téléphonie mobile et une concurrence « acceptable » en matière de fourniture d’accès à internet. M. Retailleau ayant décrit de façon réaliste et véridique la situation outre-mer, je ne plagierai pas son rapport.

Je souhaite plutôt formuler des propositions.

La ministre de l’outre-mer et vous-même, madame la secrétaire d’État, avez commandé un rapport à l’ARCEP, qui sera remis à la fin de l’année. Je vous propose que nous en tirions alors ensemble, en compagnie de M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, des conclusions pour l’avenir.

Tout d’abord, il existe un arbitrage sur lequel nous n’avons pas le droit de nous tromper : faut-il que les régions continuent à investir dans des câbles pour relier, par exemple, la Réunion à Madagascar, ou faut-il acheter des capacités de transport d’information sur les câbles des grands consortiums ? C’est là un point très important.

Par ailleurs, comment faire en sorte que le rapport qualité-prix-débit de la desserte outre-mer soit identique à ce qu’il est en métropole ?

Enfin, quels services existant en métropole pouvons-nous créer outre-mer, afin de nous inscrire sur la carte du développement économique lié aux TIC ?

En conclusion, je soulignerai que la proposition de loi prévoyait initialement la création d’un fonds d’aménagement numérique des territoires, qui devait être alimenté par les opérateurs. Toutefois, la commission a décidé de priver ce fonds des ressources qui lui étaient destinées. Monsieur le ministre, madame le secrétaire d’État, je raisonne en paysan : à quoi servira un fonds qui n’est pas abondé ?

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