Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter, en deuxième lecture, ce projet de loi portant création d'une délégation parlementaire au renseignement, dans le prolongement du débat que nous avons déjà eu en juin dernier.
Le projet de loi que vous soumet le Gouvernement répond à un double impératif : il permet l'information du Parlement sur l'activité des services spécialisés, selon les exigences propres à toute démocratie, tout en assurant la sécurité de ces spécialistes du renseignement qui accomplissent une mission essentielle pour la sécurité de notre pays.
Comme vous le savez, ce projet de loi a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les deux assemblées afin de permettre que, pour la première fois en France, le Parlement soit associé au suivi des activités des services de renseignement.
Je tiens d'ailleurs à saluer le travail de grande qualité qui a été accompli par le Sénat et par ses rapporteurs : il contribuera à améliorer sensiblement la composition comme les conditions de fonctionnement de cette future instance parlementaire. Je pense notamment à la modification introduite par le Sénat qui vise à porter à huit le nombre de parlementaires au sein de la délégation, ce qui permettra de conférer à ses travaux une vision pluraliste.
En vertu d'un autre amendement du Sénat, la délégation pourra entendre non seulement les ministres de l'intérieur et de la défense, les directeurs des services de renseignement et le secrétaire général de la défense nationale, ainsi que le prévoyait le projet de loi initial, mais également le Premier ministre.
Pour donner plus de poids et de lisibilité au travail de la délégation, le Sénat a également souhaité que son rapport d'activité soit rendu public, afin que tous les élus et les citoyens puissent avoir une information directe, et non simplement relayée par voie de presse.
L'Assemblée nationale a, pour sa part, permis à la délégation de suivre l'activité générale d'administrations relevant du ministère du budget et du ministère de l'économie et des finances et qui ont une compétence en matière de renseignement. Je pense ici à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ainsi qu'à la cellule TRACFIN - traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins.
Ces deux administrations s'ajouteront aux cinq directions qui relèvent déjà de la compétence de la délégation : la direction de la surveillance du territoire et la direction centrale des renseignements généraux, administrations qui sont susceptibles d'être rapprochées prochainement, la direction générale de la sécurité extérieure, la direction du renseignement militaire et la direction de la protection et de la sécurité de la défense.
Les députés ont également souhaité que la délégation puisse adresser des recommandations et des observations au Président de la République ainsi qu'au Premier ministre et qu'elle les transmette au président de chaque assemblée.
Enfin, comme l'ont précisé les députés, les informations sensibles communiquées aux membres de la délégation ne pourront pas faire partie du rapport public.
Tel qu'il a été modifié par le Parlement, ce projet de loi est donc un texte essentiel. II honore l'engagement pris devant votre assemblée en décembre 2005 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, de doter la France d'un suivi parlementaire de l'activité des services de renseignement.
Ce texte correspond également - nous aurons l'occasion de le voir lors d'autres discussions - à l'ambition plus large du Président de la République de renforcer le poids du Parlement dans nos institutions.
En associant le Parlement au suivi du renseignement, nous allons également donner à nos services spécialisés une nouvelle légitimité aux yeux de nos concitoyens. Les activités liées au renseignement sont souvent mal connues des Français. Dans le même temps, le renseignement n'a pas toujours la place qu'il devrait avoir dans le processus de décision. Nous allons aussi probablement favoriser l'émergence d'une réelle culture du renseignement, qui, aujourd'hui, nous fait largement défaut.
Je voudrais également insister sur un aspect pratique du travail de la future délégation : le respect du secret des travaux.
Par définition, le Parlement est un lieu de débat et de parole. II est pourtant primordial que les membres de la commission respectent les règles de sécurité inhérentes au renseignement.
Aussi, les travaux de la délégation, même privés des éléments les plus opérationnels, seront couverts par le secret de la défense nationale. Dans certains cas, le secret est même une question de survie, au sens plein de ce mot. Nous le savons, cela induira des contraintes, à la fois pour les services de renseignement et pour les parlementaires.
Aux services cela imposera de faire état d'informations couvertes par le secret de la défense nationale, sans, bien sûr, dévoiler les éléments à caractère opérationnel, ni leurs sources, afin que ne soit pas mise gravement en péril la vie de nos agents.
Quant aux parlementaires membres de la délégation, ils devront donc concilier cet impératif du « besoin d'en connaître », bien légitime, avec leur statut de représentants de la nation. La participation de plusieurs parlementaires aux commissions administratives de vérification des fonds spéciaux et du secret de la défense nationale montre que l'on peut parfaitement concilier les deux.
Le respect de ces règles pratiques favorisera l'établissement, entre la délégation parlementaire et les responsables des services, d'une relation de confiance essentielle au succès de la démarche : confiance envers les membres de la délégation, qui auront à traiter en toute discrétion des informations essentielles ; confiance entre les services de renseignement et les membres de la délégation qui sera déterminante pour l'efficacité du travail de la délégation ; enfin, confiance des citoyens dans leurs services de renseignement grâce au travail de la délégation parlementaire pour le renseignement.
Avant de conclure, je souhaite, comme je l'avais fait lors de la première lecture, rendre hommage à l'action courageuse des hommes et des femmes qui travaillent au sein des services de renseignement. Il faut souligner l'importance de leurs missions dans un monde devenu plus instable, plus difficile, car l'adversaire potentiel est souvent invisible et imprévisible. Cette délégation, je n'en doute pas, oeuvrera à la reconnaissance de leur rôle essentiel à la sécurité de notre pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la création d'une instance parlementaire spécialisée dans le domaine du renseignement est évoquée de longue date, dans les deux assemblées : elle l'était déjà dans des rapports établis voilà dix à quinze ans. Elle trouve sa justification fondamentale dans un souci d'exigence démocratique, tout en confortant et en valorisant la politique du renseignement, plus que jamais fondamentale pour notre sécurité nationale.
Je crois qu'une telle ambition peut être partagée sur toutes les travées de cette assemblée. Le texte qui vous est proposé aujourd'hui, tel qu'il a été enrichi par les deux chambres du Parlement, répond à ces attentes légitimes : c'est pourquoi je vous invite à l'adopter.