Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me félicite de la priorité donnée par le Gouvernement à ce texte qui répond à une demande ancienne et répétée du Parlement et traduit le respect de deux engagements politiques : renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement et mettre fin à une singularité française. Notre pays restait en effet l'une des rares démocraties à ne pas disposer d'une instance parlementaire chargée de suivre l'activité des services de renseignement.
C'était d'autant plus nécessaire que, ces dernières années, la fonction de renseignement s'est valorisée et accrue du fait de la progression des diverses menaces, notamment la menace terroriste. En outre, elle s'intéresse dorénavant à la sphère économique en raison de la sophistication et de l'imbrication croissante de la toile financière internationale qui autorise aujourd'hui toutes les pénétrations anonymes et illicites.
Malgré des pouvoirs particulièrement étendus, les services du renseignement apparaissent comme occultes et impénétrables à nos concitoyens. Il est vrai que leur action, par nature ignorée, se prête mal au démenti et à une communication officielle. Pour autant, la diffusion d'une information est une nécessité à plus d'un titre.
Elle répond tout d'abord à une exigence de contrôle de l'utilisation des ressources publiques dont nul ne peut s'abstraire.
Elle doit aussi permettre aux services concernés eux-mêmes de se défaire des soupçons tenaces et injustes dont ils sont sans cesse l'objet, tout en les faisant sortir d'un tête-à-tête exclusif avec l'exécutif qui leur est moins bénéfique qu'on ne pourrait le penser, notamment lors des arbitrages budgétaires.
Enfin, il s'agit de répondre de manière adaptée à un souhait de plus en plus marqué de ne pas laisser totalement dans l'ombre une activité qui constitue la première ligne de défense face aux menaces actuelles, tout particulièrement le terrorisme.
La création d'une délégation parlementaire au renseignement constitue donc une avancée réelle.
À cet instant, je tiens à saluer les modifications qui ont été apportées au dispositif par le Sénat lors de la première lecture. Elles vont dans le sens d'une plus grande souplesse de fonctionnement de la délégation, tout en conciliant efficacité et respect des impératifs liés au secret-défense.
Je partage bien sûr l'idée selon laquelle un effectif resserré est de nature à réduire les risques de fuites et surtout à favoriser des relations de confiance entre services de renseignement et membres de la délégation. Néanmoins, l'effectif retenu dans le projet de loi initial était plutôt de l'ordre de « l'intime » et ne permettait pas d'assurer une représentation pluraliste, les membres de droit représentant plus de la moitié de l'effectif total. Le Sénat a porté celui-ci à huit parlementaires : c'est mieux, mais cela ne permettra pas la représentation de tous les groupes du Sénat et de l'Assemblée nationale. Nous faisons confiance au président du Sénat pour veiller à une représentation équilibrée, gage d'efficacité et de crédibilité de la délégation.
S'agissant de la mission de la délégation, le projet de loi se bornait à inscrire celle-ci dans un rôle passif. Le Sénat a dynamisé ce dernier, en prévoyant que la délégation aura pour mission de suivre l'activité générale et les moyens des services de renseignement. On peut déplorer que ce soit un simple suivi, et non un contrôle. Pour ma part, je considère toutefois qu'il y a effectivement là un progrès.
Ma dernière interrogation concerne la fonction de président de la délégation. Le texte adopté par le Sénat donne un peu plus de souplesse au dispositif par rapport à la rédaction initiale, en organisant une alternance à la tête de la délégation entre un président de commission permanente de l'Assemblée nationale et un président de commission permanente du Sénat, la durée du mandat étant d'un an.
Cependant, chacun sait que cette mission exigera une forte disponibilité et une implication personnelle de l'intéressé, alors que les activités des présidents des commissions permanentes compétentes sont d'ores et déjà accaparantes. Pourquoi ne pas avoir prévu une désignation libre du président de la délégation par les membres de celle-ci ?
Pour conclure, je dirai que ce texte est opportun pour trois raisons.
Tout d'abord, il met la France au même niveau que ses partenaires européens.
Ensuite, les travaux de la délégation constitueront un apport à l'action du Gouvernement dans le secteur de la défense, qu'il s'agisse du domaine spatial, des drones, des satellites, des écoutes téléphoniques, de l'interception ou des hautes fréquences.
Enfin, il est important d'indiquer à l'opinion publique que les services de renseignement sont constitués de gens responsables, travaillant de manière précise, selon des orientations claires, et obtenant des résultats. Le rapport public souhaité par nos rapporteurs jouera un rôle fondamental à cet égard.
Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du RDSE votera ce projet de loi.