Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour la première fois, le Parlement français va être associé au suivi des activités des services de renseignement.
La création d'une délégation parlementaire au renseignement est d'autant plus importante qu'elle était vivement attendue. En témoignent les nombreuses propositions de loi allant dans ce sens, dont celle de mon collègue Nicolas About qui, en 1999, visait déjà à la « création d'une délégation parlementaire du renseignement ».
Cette délégation est très attendue d'abord parce que la France est l'un des rares pays démocratiques à ne pas disposer d'une telle structure. Les États-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas, l'Australie et bien d'autres encore disposent de leur propre organe parlementaire dédié au renseignement. Certes, ces organes disposent d'une plus ou moins grande latitude dans leurs activités, mais celles-ci ont le mérite de favoriser le développement d'une vraie culture du renseignement.
Car il faut reconnaître que notre pays cultive, pour sa part, en ce qui concerne ses services de renseignement, un certain goût pour le mystère, ce qui a parfois conduit à entretenir une vision quelque peu négative de ces services, voire une forme d'hostilité à leur égard, alors que leur mission est essentielle.
La faute en revient très certainement à cette idée, longtemps véhiculée, selon laquelle le renseignement était une affaire d'État qui ne pouvait concerner les citoyens ou leurs représentants.
La mise à l'écart du Parlement a certainement renforcé cette tendance. Or, tout en reconnaissant le caractère exceptionnel et exorbitant du droit commun des missions de renseignement, le Parlement ne pouvait rester plus longtemps tenu à l'écart de cet aspect de notre dispositif de protection.
Ainsi, en permettant au Parlement, représentant de la nation, d'avoir un droit de regard sur le renseignement, nous créons ce lien indispensable qui fait défaut entre les citoyens et les services de l'État. Nous permettons à la France de réaliser une avancée démocratique significative en ne laissant pas le Parlement dans l'ignorance d'enjeux importants.
Au-delà de cette exigence démocratique, la création d'une telle délégation répond également à une exigence géopolitique.
L'action des services de renseignement constitue en effet un volet essentiel de nos politiques de sécurité.
Or, à l'heure actuelle, depuis la fin de la guerre froide, le contexte géopolitique est beaucoup plus compliqué : conflits régionaux, menaces terroristes, prolifération d'armes de destruction massive, autant de phénomènes qui obligent nos services de renseignement à évoluer, et ce d'autant que les menaces sont nettement moins prévisibles.
À cet égard, je voudrais vous dire, monsieur le secrétaire d'État, tout l'intérêt que m'inspire la réorganisation des services de renseignement, chantier qui a été lancé il y a quelques jours. Cette réforme permettra aux services de renseignement de réaliser la nécessaire « révolution » que j'évoquais à l'instant.
Bien entendu, l'instauration d'une telle délégation doit se faire en respectant un équilibre entre l'exigence démocratique et l'impératif du secret attaché à la fonction du renseignement. Cet impératif a justifié que, dans un premier temps, les missions dévolues à la délégation soient relativement restreintes.
Je voudrais, à ce propos, saluer le travail de notre rapporteur, qui a permis, sans toutefois trahir cette exigence de secret, d'ouvrir un peu le champ de compétences de la délégation. Car, comme beaucoup l'ont dit, il ne peut y avoir de délégation parlementaire sans relation de confiance.
Or, à la première lecture du texte, l'étendue de la mission de la délégation pouvait laisser supposer que cette confiance n'était pas effective. Élargir les compétences lève le doute sur l'existence de quelques réticences à voir le Parlement se mêler des affaires de renseignement. Ainsi s'instaure une relation de confiance entre la représentation nationale et les services de renseignement.
Aujourd'hui, après la première lecture dans chaque assemblée, nous arrivons à un texte équilibré qui a été salué par beaucoup, y compris par les directions des services concernés par ce texte. Ces dernières, d'après leur témoignage, y retirent d'ailleurs un certain avantage.
Je ne vais pas citer toutes les directions qui sont concernées. Y ont été ajoutées, à l'initiative de l'Assemblée nationale, la délégation aux services de renseignement placés sous l'autorité des ministères chargés de l'économie et du budget, c'est-à-dire la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et la cellule TRACFIN.
Je voudrais également revenir sur la modification opérée en première lecture portant sur la composition de cette délégation. Désormais, chaque chambre aura deux représentants, au lieu d'un seul, en plus des membres de droit, permettant ainsi d'assurer, pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur, une « représentation pluraliste au sein de la délégation ». Vous le comprendrez aisément, je ne peux que souscrire à cette initiative.
Le groupe UC-UDF approuve donc entièrement la création d'une telle délégation, qui assurera une meilleure connaissance de l'organisation des services de renseignement, de leurs orientations stratégiques et de l'utilisation des moyens qui leur sont alloués.
Le texte proposé aujourd'hui garantit l'équilibre nécessaire entre l'exigence du secret et celle d'informer le Parlement.
En outre, il permet à la France de s'aligner sur ce qui se fait dans les autres grandes démocraties occidentales.
Pour conclure, je rapprocherai cette initiative de la réflexion qui est menée actuellement sur la réforme des institutions par la commission Balladur.
En effet, à l'heure où je m'exprime, cette commission s'interroge sur la pertinence qu'il y a à conserver des domaines réservés, sur la nécessité de conférer davantage de pouvoirs au Parlement et plus généralement sur la place du Parlement dans l'équilibre de nos institutions. Dans ce contexte, la création de la délégation ici proposée permet incontestablement de renforcer le poids du Parlement. Elle permettra aussi de tirer quelques enseignements sur les avancées qui pourraient encore être proposées.