Car c'est comme cela que l'opinion publique interprétera cette exclusion.
Je ne peux me satisfaire de l'affirmation selon laquelle l'opposition dans sa globalité sera, de toute façon, représentée.
Je comprends bien que, pour des raisons de confidentialité, l'effectif de ce type d'organisme ne puisse être pléthorique. Mais, si le Gouvernement en avait vraiment eu la volonté, il aurait eu la possibilité de trouver une solution. En tout état de cause, les travaux de la délégation seront couverts par le secret de la défense nationale et les parlementaires, comme les fonctionnaires qui travailleront pour la délégation, seront habilités au secret-défense.
Les exemples de certains de nos voisins et amis européens - je pense à l'Italie, à l'Allemagne, voire au Royaume-Uni - sont là pour nous montrer qu'il est possible, même si les compétences de leurs organismes ne sont pas tout à fait les mêmes, de trouver une formule satisfaisante et plus démocratique.
À l'Assemblée nationale, vous avez même refusé, monsieur le secrétaire d'État, les propositions qui vous étaient faites d'instaurer un système de fonctionnement paritaire entre la majorité et l'opposition, à défaut d'augmenter le nombre de membres de la délégation.
Pour respecter et garantir concrètement les droits de l'opposition, il serait par exemple tout à fait envisageable de mettre en place un système d'alternance pour les postes de président et de rapporteur, sous réserve bien entendu que la délégation prévoie la création de cette fonction dans son règlement intérieur.
A défaut de ce minimum, une partie de l'opposition - et une seule - risque d'être cantonnée dans un simple rôle de figuration au sein d'une délégation dans l'incapacité d'exercer un contrôle efficace.
Mais s'agit-il vraiment d'exercer un contrôle ?
C'est là le deuxième élément de notre désaccord sur ce texte.
On aurait été en droit d'attendre que cette délégation ne se borne pas à un simple suivi de l'activité générale et des moyens des services spécialisés.
C'est certes un premier pas, puisque nous étions en effet la dernière grande démocratie à ne pas posséder une telle institution. Mais il permet tout juste une information du Parlement sur ces questions. Celui-ci sera désormais associé au suivi de l'activité des services, en particulier par le biais du rapport annuel public qu'élaborera la délégation.
Toutefois, il n'est pas question de contrôle à proprement parler et, dans un champ de compétence déjà restreint, la délégation jouera un rôle purement passif.
Pourtant, le Président de la République, lorsqu'il n'était encore que ministre de l'intérieur, avait une conception moins limitée de ce rôle. Dans le débat sur le projet de loi sur la sécurité intérieure en novembre 2005, il avait en effet affirmé : « Il ne s'agit pas d'opposer législatif et exécutif, mais d'exercer un contrôle démocratique sur des services de renseignement qui, au demeurant, font très bien leur travail. [...] Dans une démocratie moderne, il est normal que le Parlement contrôle les activités de renseignement que le gouvernement met en oeuvre. [...] Je crois tellement à la notion de contrôle que je ne veux pas qu'elle soit caricaturée. ».
Certes, il faut concilier, d'une part, la préservation de l'efficacité et de la sécurité des services par le secret, et, d'autre part, la légitime nécessité d'informer le Parlement. À cet égard, je précise d'ailleurs que nous ne sommes pas non plus partisans de la conception anglo-saxonne d'une commission supervisant de manière tatillonne l'activité des services de renseignement.
Pour nous, le renseignement, élément très important et méconnu du processus de décision gouvernementale, doit rester de la responsabilité de l'exécutif ; c'est une prérogative régalienne de l'État. Cette situation particulière est aussi une raison supplémentaire pour que le Parlement puisse contrôler cette partie, par définition peu transparente, de l'activité gouvernementale. Sinon, cela entretient la suspicion et la méfiance de l'opinion publique.
Or il y a une grande différence de conception de la démocratie entre ce que vous voulez faire, c'est-à-dire informer le Parlement, l'associer de façon lointaine au suivi de l'activité des services, et ce que nous souhaitons, c'est-à-dire lui donner de réels moyens d'exercer des prérogatives nouvelles de contrôle et d'évaluation des activités desdits services.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez une conception trop restrictive de ce que doit être cette délégation parlementaire au renseignement.
À l'Assemblée nationale comme au Sénat, vous avez repoussé tous les amendements ceux qui élargissaient le champ de compétence de cet organisme, à l'exception toutefois des enquêtes douanières et de TRACFIN, comme ceux qui augmentaient le nombre et la qualité des personnes qu'il pourrait auditionner.