Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 25 septembre 2007 à 16h00
Accord avec l'italie relatif au tunnel routier de tende — Adoption d'un projet de loi

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, lors de sa rencontre avec le ministre italien des infrastructures, M. Antonio Di Pietro, M. Borloo déclarait : « Le projet Lyon-Turin est à mes yeux un projet exemplaire, qui traduit l'objectif d'un report modal plus respectueux de l'environnement, car il va permettre un transfert vers le rail des trop nombreux camions qui traversent les vallées alpines ».

De son côté, Nicolas Sarkozy multipliait les interventions et lançait « le Grenelle de l'environnement » afin de convaincre nos concitoyens que les enjeux de développement durable constituaient une priorité de sa politique.

Mais cela relève plus du domaine des mots et de la communication. En effet, si l'on s'intéresse aux faits, on constate que le dossier de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, annoncé depuis de nombreuses années, n'a pas bénéficié de la même diligence que le dossier relatif au tunnel routier de Tende que nous examinons aujourd'hui. Dernièrement, cet état de fait a pu malheureusement se vérifier.

Si un accord a été trouvé entre la France et l'Italie sur la réponse à faire à la Commission européenne pour bénéficier des subventions européennes à hauteur de 725 millions d'euros, en ce qui concerne le tunnel ferroviaire, M. Fillon a laissé planer un doute, cet été, sur la volonté du Gouvernement français de demander le financement de 200 millions d'euros à l'Union européenne. Nous aimerions, d'ailleurs, avoir des précisions claires sur cette question.

Il est demandé au Sénat d'approuver un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au tunnel routier de Tende.

Ce tunnel étroit ne répondant plus aux exigences de sécurité, d'importants travaux d'amélioration ont été justement entrepris. Cependant, si la sécurité s'en trouve ainsi améliorée, se pose toujours le problème du passage des poids lourds. Le gabarit du tunnel ne permettant pas leur croisement, la France et l'Italie ont décidé de percer un tunnel neuf et d'élargir le tunnel existant. Il sera ainsi procédé à une mise en conformité aux normes de sécurité européennes, notamment pour faire circuler des véhicules lourds et des produits dangereux.

Comme la majorité des élus de cette assemblée, nous restons persuadés que les exigences de sécurité de ces ouvrages ne peuvent souffrir de retard ou de manque de financement ! Mais ce choix ne peut se faire au détriment d'une réponse ferroviaire pour le transport des marchandises, en particulier des matières dangereuses.

Le contenu de ce projet, notamment ses dispositions en faveur de la route, nous amène encore une fois à nous interroger sur la sincérité des déclarations gouvernementales et présidentielles en faveur d'un report modal de la route vers le rail.

Pourtant, il y a bien urgence. Ainsi, en vingt ans, la part du rail entre la France et l'Italie a chuté de 39 % à 15 %. À l'inverse, le nombre de poids lourds traversant les Alpes franco-italiennes n'a pas cessé d'augmenter : en 1984, on en comptait 1 million, en 2004, 2, 8 millions et on en prévoit 4 millions d'ici à 2025.

Malgré l'augmentation du transport de marchandises, et alors qu'il serait nécessaire de réaliser de forts investissements sur le réseau ferroviaire, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France s'est vue privée de sa principale source de financement depuis la privatisation des autoroutes.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont alerté le secrétaire d'État chargé des transports sur les conséquences de la fermeture de 262 gares au trafic fret en wagon isolé, à compter du 30 novembre prochain, fermeture qui pourrait être encore étendue. En effet, cette décision unilatérale revient à mettre 1 400 000 camions supplémentaires sur les routes. Par ailleurs, la Cour des comptes a, elle aussi, relevé l'écart entre les actes et les déclarations politiques répétées de ces dernières années sur le fret.

Le projet de loi, qui vise à approuver l'accord entre la France et l'Italie pour construire un nouveau tunnel et, par conséquent, augmenter le trafic routier, ne va pas dans le sens des engagements en faveur du développement durable que la France a promis d'honorer. Il montre, s'il s'était encore nécessaire, que la promesse du Président de la République d'augmenter de 25 % en cinq ans la part du fret non routier dans les transports risque fortement de rester lettre morte et d'être un pur affichage.

Parce que nous pensons qu'il est urgent de rééquilibrer le rail par rapport à la route, de donner la priorité à l'intermodalité, de mettre en oeuvre tous les moyens pour favoriser la croissance du ferroutage, du transport combiné et des autoroutes roulantes, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi, qui est contraire à notre conception d'un transport en adéquation avec le développement durable.

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