Intervention de Alain Dufaut

Réunion du 19 octobre 2005 à 15h00
Lutte contre le dopage — Adoption d'un projet de loi

Photo de Alain DufautAlain Dufaut, rapporteur de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais, en préambule, situer dans le temps ce projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs.

C'est la quatrième fois que la France légifère en ce domaine. La première législation sur le dopage remonte au 1er juin 1965, avec la loi Mazeaud-Herzog, qui faisait suite à la tragique disparition, quelques mois auparavant, de Tom Simpson sur les pentes du mont Ventoux. La deuxième loi antidopage fut celle du 28 juin 1989, dite loi Bambuck. Plus près de nous, la loi du 23 mars 1999, présentée par Marie-George Buffet, a créé le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.

Malgré ces trois lois à la fois préventives et répressives, le dopage est devenu, en quelques années, un véritable fléau pour le sport. Notre pays, hélas ! n'y échappe pas.

Bien sûr, ce fléau affecte d'abord le sport professionnel. L'hypermédiatisation de certaines disciplines et les enjeux financiers considérables des grandes compétitions ont modifié l'esprit des rencontres sportives. En particulier, les contraintes imposées par les retransmissions télévisées ont entraîné une accélération du calendrier et imposé aux sportifs des rythmes difficilement soutenables.

On pense, bien sûr, au Tour de France, mais, au niveau professionnel, toutes les disciplines sont touchées. Si le cyclisme fait figure de mouton noir, c'est qu'il est aussi, rappelons-le, la discipline la plus contrôlée : en 2004, près de 16 licenciés sur 1 000 ont fait l'objet d'un contrôle.

Au début du mois, la révélation du contrôle positif de l'Argentin Mariano Puerta, âgé de vingt-sept ans et finaliste de Roland-Garros en 2005, est venue nous rappeler que le tennis n'était pas épargné par ce fléau. A cet égard, la fédération de tennis argentine, dont les meilleurs joueurs de niveau international ont tous été contrôlés positifs, n'est certes pas le bon élève de la classe.

Hier encore, c'est le champion de marathon Benoît Z qui était interpellé à la suite d'un contrôle qui s'est révélé positif.

Je vous rappelle également que, en 2004, sur les dix sports les plus contrôlés, c'est l'haltérophilie qui a enregistré le plus grand nombre de contrôles positifs.

Cependant, le fléau du dopage contamine le sport amateur. C'est un sujet de préoccupation majeur au moment où les Français n'ont jamais fait autant de sport. On dénombrait en effet en 2004, dans notre pays, plus de 15 millions de licenciés.

L'expérimentation menée par le CPLD l'année dernière, lors du marathon de Paris, avec le contrôle des participants qui s'étaient déclarés volontaires, montre que les instances de contrôle se sont enfin saisies du problème du sport de masse.

Le dopage est un fléau non seulement parce qu'il porte atteinte à la santé des sportifs et bafoue l'esprit sportif, mais aussi parce qu'il affecte, à l'évidence, la régularité des compétitions. La santé, la loyauté, l'épanouissement personnel : ce sont l'ensemble de ces valeurs véhiculées par le sport que le dopage vient entacher ou même réduire à néant. C'est la raison pour laquelle la plupart des pays européens ont déclaré, depuis quelques années, la « guerre au dopage ». En outre, de très nombreux pays ont, avec eux, signé la déclaration de Copenhague.

Ainsi, le gouvernement espagnol a annoncé, la semaine dernière, l'adoption d'un avant-projet de loi qui prévoit des sanctions pénales allant jusqu'à des peines de prison pour les personnes qui fourniraient à des sportifs des substances prohibées ou les inciteraient à se doper. Ce texte organise également l'obligation légale, pour les athlètes, de se soumettre à des analyses de sang, dans le cadre de contrôles antidopage, y compris inopinés.

Dans un contexte de réelle mobilisation européenne contre le dopage, nous ne pouvons que nous féliciter de ce que la France soit à la pointe dans ce domaine : avec 9 000 contrôles par an et la découverte de nouvelles méthodes de détection de substances toujours plus sophistiquées - je pense, en l'occurrence, à l'EPO, l'érythropoïétine - par le Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry, la France est le pays qui effectue le plus de contrôles et analyse le plus de substances dans les prélèvements. Ainsi, 8 à 9 millions d'euros y sont consacrés, chaque année, à la lutte contre le dopage.

L'actualité récente prouve pourtant qu'il ne faut pas relâcher la pression sur les fraudeurs non plus que sur les industries chimiques, dont l'inventivité semble ne pas avoir de limites et qui repoussent toujours plus loin les techniques de parade - ce qu'elles appellent les « masques » - aux contrôles les plus élaborés.

C'est dans cet esprit que nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en première lecture le 6 avril dernier.

Comme l'a indiqué M. le ministre, ce texte vise essentiellement deux objectifs. Il s'agit tout d'abord de mettre la législation française en conformité avec le code mondial antidopage de l'AMA, que la France s'est engagée à adopter avant les jeux Olympiques d'hiver qui doivent se dérouler à Turin en février 2006. Il convient ensuite de tirer les leçons des six années d'application de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

Si la principale innovation du texte réside dans la mise en place d'une nouvelle agence indépendante, l'Agence française de lutte contre le dopage, qui se substituera à l'actuel Conseil de prévention et de lutte contre le dopage et intégrera le Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry, je me réjouis, à titre personnel, que le chapitre II du projet de loi soit entièrement consacré à la santé des sportifs.

En effet, lutter contre le dopage, ce n'est pas seulement sanctionner les tricheurs, c'est aussi, et surtout, préserver la santé des sportifs, qu'ils soient professionnels, amateurs, ou même « sportifs du dimanche ». Par conséquent, un meilleur contrôle du renouvellement du certificat médical de non-contre-indication à la pratique sportive, en fonction des risques particuliers de certaines disciplines ou de l'âge du sportif, était une mesure tout à fait nécessaire.

La possibilité nouvelle donnée aux médecins de tirer les conséquences des résultats du suivi médical des sportifs de haut niveau sur leur participation aux compétitions va également dans le bon sens.

Sans sous-estimer ces avancées, je ne vous cacherai pas, monsieur le ministre, que certaines évolutions suscitent néanmoins un certain nombre d'inquiétudes.

En premier lieu, l'alignement de la liste des produits et procédés dopants applicables en France sur celle qui est établie par l'Agence mondiale antidopage aboutit à tolérer certaines pratiques à risque, et notamment à autoriser, pour certaines disciplines ou hors compétition, la prise de substances interdites.

Si l'on peut comprendre que, pour la boule, le taux d'alcool autorisé soit un peu plus élevé que pour d'autres disciplines

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