L’avis de la commission sera bien sûr défavorable sur cet amendement de suppression.
Je comprends parfaitement, et nous avons suivi cette voie, que l’on refuse de taxer les opérateurs au moment précis où nous avons besoin de leur effort d’investissement pour lancer la phase de déploiement, lequel en est encore, en France, à ses balbutiements : notre taux de connexion à la fibre s’écrit avec moins de deux chiffres, alors qu’il est de 48 % au Japon et de 43 % en Corée. Cette « Nouvelle frontière », pour filer la métaphore d’Apollo XI, le grand chantier du xxie siècle, c’est le grand réseau.
Pour autant, nous avons souhaité maintenir le fonds d’aménagement numérique et, effectivement, pouvoir anticiper. Nous envoyons ainsi un message clair à l’État à propos des zones qui ne sont pas rentables.
La discussion va s’engager, mais je peux d’ores et déjà affirmer qu’il ne s’agit pas de mettre un euro d’argent public dans des zones qui seront rentables. Soyez rassuré, monsieur Dominati, notre philosophie nous prémunit contre ce genre de dérive !
Mais peut-on penser un seul instant, mes chers collègues, que, pour cette Nouvelle frontière, pour ce grand réseau de nouvelle génération, l’implication de l’État ne sera pas nécessaire dans les zones peu denses, alors que ce sera un investissement capital en termes d’attractivité et de compétitivité ? Le Sénat n’est-il pas dans son rôle en anticipant et en prévoyant dès aujourd'hui ce que devra être demain l’équipement des territoires ?
J’aurais aimé pouvoir relire à Philippe Dominati la page 37 du rapport, où l’on rappelle comment les grands réseaux se sont réalisés depuis le xixe siècle en France, aussi bien pour les chemins de fer que pour l’électrification et pour le réseau de cuivre. D’ailleurs, c’est de ce dernier qu’il est question en ce moment même : l’ADSL ou le VDSL, c’est toujours le réseau de cuivre dont le déploiement a commencé au xixe siècle !
Or systématiquement, y compris au xixe siècle, ce sont des opérateurs privés qui ont commencé avant que, très vite, l’État ne prenne le relais et, non moins systématiquement, n’assume une péréquation. La raison en est simple : c’est un investissement rentable. C’est, si j’ose dire, de la bonne dépense publique. D’autres seraient mieux placés que moi pour développer une pédagogie de la bonne et la mauvaise dépense publique ; je reste convaincu que, en l’espèce, il s’agit d’une bonne dépense et que cet investissement procurera en retour un flux de revenus pour les territoires concernés, mais aussi pour la communauté nationale tout entière.
Telle est la raison pour laquelle la commission tient très fermement à l’institution de ce fonds.