Je tiens à rappeler une nouvelle fois que, jusqu'à la crise pétrolière, l'industrie pharmaceutique était la plus profitable au monde.
Or les dispositions relatives au déremboursement des médicaments sont autant de cadeaux faits aux entreprises pharmaceutiques qui régissent seules, selon le bon vouloir de leurs investisseurs, le niveau de qualité des soins dans notre pays.
C'est pourquoi nous ne pouvons plus nous contenter des bonnes intentions de l'industrie pharmaceutique, qui revendique haut et fort la liberté d'entreprendre !
Aujourd'hui, cette industrie aspire à écouler ses produits au meilleur prix prétextant que c'est à cette condition qu'elle pourra trouver des molécules innovantes. Or on ne voit rien venir...
Soit l'industrie modifie à la marge les molécules déjà tombées dans le domaine public - François Autain a développé ce sujet - afin de faire durer leurs brevets, prolonger leur rentabilité et bénéficier d'une nouvelle période de protection pour leurs produits en commercialisant un médicament prétendument nouveau ; soit elle s'évertue à multiplier les médicaments agissant sur des pathologies pour lesquelles nous disposons déjà de nombreux traitements.
Il existe ainsi plusieurs dizaines de médicaments contre l'hypertension artérielle : on sait aujourd'hui parfaitement la traiter et la palette des médicaments est suffisante. Mais, comme c'est une pathologie très courante et que le marché est porteur - en 2004, la sécurité sociale a remboursé pour 872 millions d'euros d'hypotenseurs -, les industries préfèrent se concentrer sur ce marché, dont la solvabilité est assurée par la sécurité sociale.
Il est urgent de réintégrer les citoyens dans la politique du médicament, dont la production ne peut être traitée comme n'importe quelle autre.
La propriété de ces produits est à revoir. La place à accorder à la recherche et à l'innovation est à encadrer, tout comme d'ailleurs celle de la promotion, sous toutes ses formes, y compris celle qui se présente comme une formation des personnels médicaux. La répartition des pouvoirs entre politique et expertise est à redéfinir.
Une enquête publiée dans la revue scientifique britannique Nature révèle les liens étroits existant entre des chercheurs et des médecins experts, d'une part, et les firmes pharmaceutiques, d'autre part. On y lit que 35 % des chercheurs qui établissent, souvent au nom de sociétés savantes, des recommandations pour les règles de bon usage des médicaments, avouent avoir déjà rencontré un conflit d'intérêts. En revanche, la moitié des notices publiées ne mentionnent aucun détail sur les conflits d'intérêts de leurs auteurs !
Telles sont les raisons pour lesquelles il y a urgence à repenser, par la politique, par le débat citoyen, la place du médicament dans notre société.