Intervention de Gérard Dériot

Réunion du 17 novembre 2005 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Article 32, amendement 89

Photo de Gérard DériotGérard Dériot :

Monsieur le président, avant de présenter cet amendement, je souhaite rectifier une erreur de rédaction. En fait, il ne vise pas à supprimer le II de l'article 32. Le texte résultant de la rédaction de l'Assemblée nationale était si peu clair que je n'avais pas compris ce qu'il signifiait.

L'amendement n° 89 rectifié bis tend donc à supprimer les IIII, IV, V et VI de l'article 32. Ceux-ci visent à généraliser la création de pharmacies à usage intérieur, les PUI, au sein des établissements médico-sociaux ou d'établissements d'un même groupement de coopération médicosociale.

Une telle décision est extrêmement inopportune, car elle va à l'encontre du maintien d'un service public de santé de proximité.

Tout le monde le reconnaît, les pharmacies d'officine remplissent une véritable mission de service public, en particulier en milieu rural. Elles sont, en effet, présentes sur l'ensemble du territoire et garantissent la permanence des soins en assurant les gardes. Il est donc essentiel de maintenir et de préserver ce réseau de proximité.

Or le développement des PUI fait peser de graves menaces sur ce réseau, en particulier en milieu rural. En effet, la fourniture de médicaments aux établissements médico-sociaux par les pharmacies d'officine est un garant de la pérennité de celles-ci.

La création de PUI entraînera une réduction du chiffre d'affaires des pharmacies d'officine. Certaines d'entre elles se trouveront donc tout naturellement en grande difficulté.

Ainsi, si l'un des chefs-lieux de canton de mon département, qui compte 800 habitants, dispose encore d'une pharmacie, c'est parce qu'il y a une maison de retraite de quatre-vingt-dix lits et un établissement pour personnes adultes handicapées d'une soixantaine de lits. Si cette pharmacie perdait cette clientèle, elle disparaîtrait.

De plus, les créations de pharmacies sont fonction d'un numerus clausus, c'est-à-dire d'une population minimale. Les résidents des maisons de retraite et des établissements médico-sociaux sont pris en compte dans ce numerus clausus. C'est bien le signe qu'ils ont toujours été considérés comme des clients potentiels !

Le Sénat s'était déjà prononcé sur cette question à l'occasion de l'examen de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Nous nous étions alors prononcés à l'unanimité contre le développement des pharmacies à usage intérieur.

Sur le fond, la création d'une PUI permettrait-elle de réaliser des économies ? Manifestement non ! Même le rapport de Pierre Deloménie ne parvient pas à le prouver. Les économies sont, en effet, difficiles à évaluer.

En milieu rural, par exemple, la création d'une PUI nécessite le regroupement de trois, voire quatre maisons de retraite de quatre-vingt à cent lits, généralement installées à vingt kilomètres au moins les unes des autres.

Une PUI devrait être dirigée par un pharmacien hospitalier, dont le salaire mensuel, en début de carrière, charges comprises, s'élèverait à 4 500 euros. Même si celui-ci ne travaillait pas à temps plein, il représenterait tout de même une charge assez élevée.

En outre, l'embauche d'un pharmacien hospitalier poserait des problèmes de recrutement. Cette difficulté a d'ailleurs dû être envisagée, puisque l'article 32 prévoit que la direction d'une PUI peut également être confiée à un pharmacien d'officine. Celui-ci devra toutefois être rémunéré sur les mêmes bases, je le suppose, qu'un pharmacien hospitalier.

Par ailleurs, seul le siège de la PUI serait livré par les laboratoires. Les autres établissements devraient donc envoyer une personne y chercher les médicaments, une navette étant mise en place. Je vous laisse imaginer les conséquences sur le prix de la journée de la maison de retraite ! Ce sont, en effet, les établissements qui supporteront ces coûts.

Les dimanches et les jours fériés, la PUI ne sera pas ouverte. En cas de besoin, les maisons de retraite devront demander au pharmacien local de les approvisionner, ce qui ne sera possible que les jours où celui-ci sera de garde.

Quant au financement d'une PUI, il nécessitera une dotation des budgets « soins » des établissements. Seules les caisses d'assurance maladie contribuant à ces budgets, cela constituera un merveilleux cadeau pour les mutuelles ! En effet, lorsqu'un résident n'est pas pris en charge au titre d'une affection de longue durée, une ALD, il a une mutuelle. Or, si cette personne était restée chez elle, elle se serait rendue dans une pharmacie libérale et sa mutuelle aurait alors tout naturellement participé au remboursement de ses médicaments ! Les mutuelles n'auront donc ni à rembourser les médicaments ni à contribuer aux budgets « soins » des établissements.

S'agissant de la consommation médicale des patients de ces établissements, il n'y aura pas de surconsommation. En effet, un pharmacien d'officine ne délivre que les médicaments figurant sur l'ordonnance qui lui est remise. Quant au prescripteur de la maison de retraite, qu'il y ait une PUI ou non, il ne prescrira pas plus.

En cas de besoin, tous les pharmaciens disposent aujourd'hui d'un système informatique suffisamment développé leur permettant de fournir à tout moment la consommation patient par patient. Les contrôles nécessaires sont donc possibles.

à terme, ces dispositions menacent le réseau des pharmacies d'officine. Au moment où l'on est attentif à la bonne répartition des services de santé sur l'ensemble du territoire, j'ai le sentiment qu'il vaut mieux, monsieur le ministre, en rester à ce système. En effet, les pharmacies d'officine ne coûtent pas plus cher. Par ailleurs, elles assurent, je le rappelle, une véritable mission de service public pour l'ensemble de la population, mais également pour les personnes accueillies dans ces établissements.

De plus, il vaut mieux que perdure la situation actuelle plutôt que d'avoir, deux ou trois ans après l'installation d'une PUI, à subventionner une pharmacie d'officine pour maintenir une mission de service public de proximité.

Monsieur le ministre, il serait plus sage, plus sain et plus efficace, me semble-t-il, de laisser les pharmacies d'officine vivre de leur propre clientèle.

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