Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 3 novembre 2009 à 9h30
Questions orales — Pratiques racistes et dégradantes dans la gendarmerie

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, six gendarmes d’origine maghrébine ou africaine ont décidé de saisir la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, pour insultes à caractère raciste et pratiques discriminatoires de la part de leur supérieur.

À l’occasion d’une cérémonie officielle, un capitaine aurait trempé dans la bière les galons de sous-officier qu’il devait remettre à deux gendarmes de confession musulmane, puis leur aurait demandé d’ouvrir la bouche pour y accueillir les galons imbibés d’alcool.

Alors qu’il s’agissait d’une cérémonie importante pour ces gendarmes et pour leur famille, puisqu’elle marquait leur réussite, ce simulacre dégradant semble poser l’alcool comme condition de la méritocratie républicaine. On voudrait ainsi imposer le reniement et l’intégration par la bière ou par le cochon à ceux qui sont appelés à nous défendre jusqu’au péril de leur vie.

Monsieur le secrétaire d'État, nous abordons un débat sur l’identité nationale dans un contexte où même le temps n’a pas changé grand-chose. Arrière-petits-fils de tirailleurs sénégalais, petits-fils d’ouvriers algériens venus dans les années cinquante travailler pour la régie Renault, ils gardent le même nom que leurs aïeux. Ils restent l’« autre », l’étranger, celui que l’on appelle tantôt « arabe », « beur », « racaille », « sauvageon », tantôt « issu de l’immigration », « issu de la diversité »... Certes, tous ces termes n’auront plus cours avec les années, sauf qu’ils resteront musulmans, comme les quelque 6 millions d’autres, frères en religion.

La consommation d’alcool, comme celle du porc, étant contraire à leur pratique religieuse, je réclame pour ces gendarmes le respect de leur foi, tant que leur foi ne prétendra pas dire la loi. Ces pratiques discriminatoires et dégradantes, qui font honte aux armées, sont contraires aux valeurs républicaines, notamment à la laïcité, matrice qui surplombe nos identités multiples.

L’armée doit être à l’image de notre société dans toutes ses composantes. Elle doit être intégratrice et inclusive. La force, la crédibilité et l’image de notre armée exigent un comportement exemplaire, notamment de la part de ses cadres.

Je suis persuadée que la très grande majorité de notre armée est exemplaire de ce point de vue, mais la gravité de cet événement ne pouvait être laissé sous silence, d’autant qu’il semble que ces faits ne soient pas isolés, comme le rappellent les révélations du 17e régiment de génie parachutiste de Montauban.

L’islamophobie, comme la tenue de propos racistes ou toute conduite dégradante, ne peut avoir cours dans notre République, et certainement pas dans la gendarmerie nationale.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite connaître la nature des sanctions prévues dans ce cas de figure et les mesures pédagogiques envisagées pour lutter contre le racisme et les pratiques discriminatoires dans l’armée.

1 commentaire :

Le 14/08/2015 à 11:33, laïc a dit :

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"La consommation d’alcool, comme celle du porc, étant contraire à leur pratique religieuse, je réclame pour ces gendarmes le respect de leur foi, tant que leur foi ne prétendra pas dire la loi. Ces pratiques discriminatoires et dégradantes, qui font honte aux armées, sont contraires aux valeurs républicaines, notamment à la laïcité, matrice qui surplombe nos identités multiples."

Tout à fait, on ne peut obliger quelqu'un à accomplir, de manière ciblée et délibérée, et donc en pleine connaissance de la religion de la personne visée, un acte contraire à sa foi. En revanche, si la loi est de ne pas faire de discrimination, et que le musulman refuse la règle commune au nom de sa foi, il impose sa foi en tant que nouvelle loi pour en faire un élément de distinction et de ségrégation, il suppose la loi religieuse supérieure à la loi républicaine, et ce n'est pas acceptable légalement.

Ainsi, obliger un musulman à manger du porc parce qu'il est musulman est illégal, mais demander à un citoyen, quelle que soit sa religion, de manger un plat à la cantine scolaire et laïque contenant du porc, sous peine d'exclusion de la cantine scolaire, est légal. (le règlement ayant été au préalable présenté à tous les parents d'élèves, sans distinction de religion, et signé par eux, pour être sûr qu'il n'y ait pas de quiproquo).

Tout le problème est l'intention du proposant, et sa volonté ou non de faire de la discrimination. En France, il y a toujours eu du porc servi plusieurs fois par mois dans les cantines scolaires, sans menu de substitution, et revenir sur cette tradition revient à prendre en compte la religion des élèves pour en faire un élément de discrimination, et finalement de prosélytisme, puisqu'il permet d'assurer aux parents musulmans la continuité et le développement de leur religion jusque dans l'espace public, par le moyen de l'administration publique acquise illégalement à la cause du développement de la religion musulmane dans les écoles publiques, alors que la laïcité interdit ce genre de démarche.

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