Monsieur le sénateur, sur ce sujet important et sensible, il ne doit y avoir aucune ambiguïté.
Je suis, comme ministre de la pêche, particulièrement attentif à la question de la gestion durable des ressources halieutiques, car il y va de l’intérêt des pêcheurs. Je veille également, bien entendu, à ce que les positions que nous prenions ne soulèvent pas de difficultés économiques majeures pour les pêcheries françaises.
À cet égard, je souhaite apporter trois précisions.
Premièrement, la France ne s’est jamais opposée à la proposition de la Commission européenne d’inscrire le thon rouge à l’annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, la CITES, c'est-à-dire à celle qui répertorie les espèces pour lesquelles toute pêche est interdite. La raison en est simple : la Commission a retiré sa proposition en constatant qu’elle ne recueillerait pas une majorité d’États membres pour la soutenir. Lors du conseil des ministres européens de l’agriculture et de la pêche qui s’est tenu les 19 et 20 octobre derniers à Luxembourg, nous n’avons donc pas eu à prendre formellement position.
Deuxièmement, la France a toujours soutenu l’inscription du thon rouge à l’annexe II de la CITES, en vue de soumettre son commerce international au respect des avis scientifiques.
Telle est d’ailleurs la position que défend le Président de la République depuis plusieurs mois. Dans son important discours du Havre sur l’avenir des ressources halieutiques et de la mer, s’il a effectivement évoqué l’inscription du thon rouge à l’annexe de la CITES, il n’a pas mentionné l’annexe I. La précision est venue ensuite, après une réunion interministérielle : la demande d’inscription porte en effet sur l’annexe II.
Monsieur Vestri, cette proposition, respectueuse de l’avis des scientifiques, nous semble donc équilibrée et va dans le sens que vous-même souhaitez.
Troisièmement, un certain nombre de personnes ont récemment affirmé que les derniers avis scientifiques rendus sur le thon rouge justifiaient son inscription à l’annexe I. Or, les membres de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, la CICTA, ont indiqué que cette affirmation ne reflétait ni leur propre avis ni celui des scientifiques travaillant en son sein. Fidèles à notre ligne de conduite, nous entendons privilégier l’avis de ces derniers.
Le sujet sera abordé dans le cadre de la réunion annuelle de la CICTA, qui se tiendra à partir de vendredi à Recife, au Brésil. La Commission européenne y défendra une proposition qui a fait l’objet d’un consensus parmi l’ensemble des États membres lors du conseil de Luxembourg. Convenant parfaitement à la France, elle porte sur trois points.
Il s’agit, tout d’abord, d’acter la révision pour 2010 du niveau du total admissible de capture – le fameux TAC –, afin de respecter les avis formulés par les scientifiques. Nous le savons déjà, cela conduira sans doute à ramener le TAC à un niveau inférieur à 15 000 tonnes, contre 18 500 tonnes aujourd’hui.
Il s’agit, ensuite, d’étudier des mesures de fermeture de pêche pendant les périodes et dans les zones de reproduction du thon rouge.
Il s’agit, enfin, d’engager la réduction de la capacité de la flotte de pêche du thon rouge. La France souhaite fermement que tous les États parties respectent strictement cet engagement, car il est de notoriété publique que tous n’ont pas conduit les mêmes efforts que nous dans ce domaine. Entre la France et d’autres pays que je ne citerai pas, les écarts en ce qui concerne les volumes de pêche vont de 1 à 10, voire de 1 à 20. Nous ne voulons donc plus être les seuls à agir.
Monsieur le sénateur, cette proposition, qui, je le répète, fait consensus dans l'Union européenne et sera défendue par la Commission à la conférence de Recife, permet, me semble-t-il, de répondre à vos inquiétudes et à vos interrogations légitimes sur le sujet et d’assurer la préservation de la ressource halieutique tout en respectant les avis des scientifiques formulés dans le cadre de la CICTA.