Intervention de Philippe Madrelle

Réunion du 3 novembre 2009 à 9h30
Questions orales — Projet d'implantation d'une usine traitant du méthylparathion

Photo de Philippe MadrellePhilippe Madrelle :

Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais attirer votre attention sur un projet d’implantation, sur le site industriel de l’usine Cerexagri de Bassens – une commune portuaire de la rive droite de la Garonne, située face à Bordeaux –, d’une unité de conditionnement de micro-encapsulation de méthylparathion.

Cette usine Cerexagri est la propriété du groupe indien United Phosphorus Limited. Elle fabrique aujourd'hui des produits agro-pharmaceutiques phytosanitaires.

Le méthylparathion est un insecticide organophosphoré systémique, fabriqué au Danemark ; il s’agit d’un produit particulièrement toxique, qui est inscrit sur la liste des trente molécules chimiques les plus dangereuses au monde. Interdite d’utilisation en Europe, en application de la directive communautaire du 10 mars 2003, cette substance est destinée aux marchés américain, australien et turc, sur lesquels un tel insecticide n’est pas soumis à interdiction. On peut néanmoins imaginer son retour en Europe via les fruits et légumes traités, car ce produit étant systémique, il pénètre toutes les parties de la plante traitée.

Ce projet d’implantation suscite l’inquiétude légitime de très nombreux riverains déjà fortement concernés par les risques de pollution industrielle de cette zone urbaine ; en effet, sur la presqu’île d’Ambès se trouvent concentrées un certain nombre d’entreprises industrielles et chimiques, qui font peser des risques élevés. Ces entreprises sont d’ailleurs pour la plupart soumises à la contrainte « Seveso II, seuil haut », ce qui implique des exigences de sécurité spécifiques.

Le méthylparathion est un poison dangereux, soumis à une réglementation très stricte en ce qui concerne les conditions tant de son stockage que de sa manipulation.

Vous comprenez donc, madame la secrétaire d'État, l’inquiétude de toute une population qui s’interroge sur les risques sanitaires et environnementaux d’un tel produit. Qu’adviendra-t-il, par exemple, du rejet des matières organiques volatiles ou de l’évacuation des eaux météoriques collectées sur le site ?

Ce projet d’implantation fait peser des risques graves sur les populations avoisinantes habitant des lotissements situés à moins de cinquante mètres. Par ailleurs, il ne faut pas négliger les dangers liés au transport du produit.

Vous le savez, madame la secrétaire d'État, ce dossier est loin d’être réglé : malgré l’avis du commissaire-enquêteur, il est toujours en cours d’instruction au sein de vos services.

Le préfet, sur proposition de la DRIRE, la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, a demandé au pétitionnaire de faire réaliser une analyse critique de l’étude de dangers par un tiers expert. L’instruction, me semble-t-il, est suspendue dans l’attente des conclusions de ce spécialiste, dont le conseil départemental des risques sanitaires et technologiques sera également saisi.

Tous les conseils municipaux des communes situées dans le périmètre des risques ont délibéré contre ce projet.

Le conseil municipal de la ville de Bassens, avant qu’il ne procède à une seconde délibération, a émis un premier vote favorable dont on peut imaginer qu’il a été dicté par le souci de défendre l’emploi. Toutefois, la sauvegarde de trente-sept emplois constitue-t-elle un argument suffisant face aux risques que fait peser cette implantation ? Nous ne pouvons oublier les conséquences dramatiques des activités de l’usine Everitube, dans la même commune, et les trop nombreux décès dus à l’amiante...

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous aujourd’hui m’apporter des précisions quant à l’instruction de ce dossier ? Les populations inquiètes attendent des informations précises. Par ailleurs, qu’en est-il, dans cette zone classée à haut risque, de l’actualisation du plan particulier d’intervention et de l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques ?

Madame la secrétaire d'État, vous qui suivez avec attention la mise en place du Grenelle de l’environnement, pensez-vous qu’il soit opportun de multiplier ainsi les risques industriels sur une zone urbaine déjà fortement éprouvée par une concentration d’usines très dangereuses ?

Pour ma part, j’estime qu’il est amoral, voire immoral, de permettre la fabrication et le commerce d’un produit qui est interdit en Europe et d’une effroyable toxicité.

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