Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 3 novembre 2009 à 9h30
Questions orales — Abus des contestations des certificats de nationalité française délivrés par les tribunaux

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Monsieur le secrétaire d’État, j’interviens non pas pour sauver le soldat Ryan, mais pour m’élever contre le traitement infligé au brigadier Ounoussou Guissé, né français de père français, à qui est contesté aujourd’hui le droit à la nationalité française.

En effet, Ounoussou Guissé, né français de père français le 13 octobre 1982 au Sénégal, se voit, à plusieurs reprises alors qu’il est mineur, attribuer un certificat de nationalité française : à sept ans le 20 février 1990, à dix-sept ans le 15 novembre 1999, chaque fois par le tribunal d’instance de Rouen. À l’époque, la nationalité française d’Ounoussou Guissé ne souffre pas de discussion : il est né français d’un père français qui a vécu des années en France, sur le territoire métropolitain, où il est arrivé avant l’indépendance du Sénégal proclamée en juin 1960.

Pourtant, le parquet de Rouen, suivant en cela les instructions de la Chancellerie, va contester en 2007 la nationalité française d’Ounoussou Guissé au motif que son père avait certes son domicile civil en France à la date de l’indépendance du Sénégal, mais pas le domicile de nationalité, c’est-à-dire « la résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles ».

Le concept de « domicile de nationalité » est d’ailleurs intéressant pour les 2 500 000 Français de l’étranger qui peuvent dorénavant légitimement se poser la question de la concordance de leurs attaches familiales et de leurs occupations professionnelles.

Mais revenons à Ounoussou Guissé. Arrivé en France en 1998 à l’âge de seize ans, engagé en 2002 dans l’armée française, il a participé aux campagnes du Tchad et d’Afghanistan en 2007 et 2008. Son comportement ne lui vaut que des louanges et il est nommé brigadier-chef. Mais rien n’y fait, la Chancellerie s’acharne à vouloir lui retirer la nationalité française. Tout au plus pourrait-elle lui être concédée comme une aumône par le biais de la naturalisation, au détriment du droit qui est le sien : un droit de naissance, un droit du sang, le droit de sa filiation et le droit de son père. L’offense à sa dignité est d’autant plus cuisante que lorsqu’il risquait sa vie pour la France, personne ne lui contestait son appartenance à la nation.

Monsieur le secrétaire d'État, quelle est cette justice qui se déjuge elle-même pour contester, des années après l’avoir reconnue par deux fois, le droit d’un homme à la nationalité française ? Quelle est cette justice qui remet en question la dignité et l’honneur de cet homme et qui pourrait même le radier de l’armée en lui retirant la nationalité française ? Sur combien de cas anonymes, des humbles et des « sans-grade » dont nous n’avons pas connaissance, la Chancellerie va-t-elle encore s’acharner ?

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