Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 3 novembre 2009 à 9h30
Questions orales — Abus des contestations des certificats de nationalité française délivrés par les tribunaux

Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes :

Madame le sénateur, en tant qu’ancien représentant spécial de la France pour l’Afghanistan et le Pakistan, je tiens à vous dire, en préambule, que je suis particulièrement sensible à l’aspect humain que recouvre votre question et, naturellement, au sort de nos soldats.

Cela étant dit, au nom de Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, je vais vous donner lecture des éléments de droit de cette affaire, qui revêt maintenant un caractère juridique.

Je tiens tout d’abord à vous rappeler, madame le sénateur, que le certificat de nationalité française n’est pas en soi un jugement ; il est simplement un mode de preuve de la nationalité française.

Il ne fait foi de la nationalité française que jusqu’à preuve du contraire.

Il est exact que M. Ounoussou Guissé s’est estimé Français depuis de nombreuses années, et il a fait la preuve de son attachement à la nation française en s’engageant dans son armée pour la servir.

M. Ounoussou Guissé peut obtenir la nationalité française simplement en déclarant auprès du tribunal d’instance sa possession d’état de Français détenue depuis plus de dix ans, l’enregistrement de cette déclaration se faisant rapidement.

C’est d’ailleurs l’option qui a été choisie par l’un de ses frères, M. Mamadou Guissé, qui a souscrit en 1998 une déclaration de nationalité française au titre de l’article 21-13 du code civil, car il était détenteur de bonne foi de documents qui le considéraient comme Français depuis plus de dix ans, cas que vous avez-vous-même rappelé tout à l'heure.

Mais, dans l’affaire qui nous occupe, la situation se complique car M. Ounoussou Guissé se prévaut d’une nationalité par filiation. Or le certificat de nationalité française de son père a été remis en cause par la découverte d’une situation qu’il avait cachée.

Un certificat de nationalité peut toujours être contesté s’il apparaît, après sa délivrance, que les documents qui ont été remis lors de son obtention se révèlent être des faux ou qu’un événement a fait perdre sa nationalité française à son détenteur.

En l’espèce, pour obtenir des certificats de nationalité, le père de M. Ounoussou Guissé avait affirmé que son domicile était fixé en France après l’indépendance du Sénégal, alors que toutes ses attaches familiales étaient en réalité restées au Sénégal ; il était polygame, et plusieurs enfants sont nés au Sénégal de ses différentes unions. Sa demande de réintégration dans la nationalité française, refusée en raison de sa situation familiale incompatible avec les valeurs de la République, laisse d’ailleurs penser qu’il a lui-même reconnu qu’il avait perdu la nationalité française au moment de l’indépendance.

La question de savoir si, dans ces conditions, M. Ounoussou Guissé peut être Français comme né d’un père français est l’une de celles qui sont posées à la cour d’appel. L’affaire étant en délibéré, il ne m’appartient pas d’en dire plus.

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