Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 27 juin 2005 à 21h30
Services à la personne et mesures en faveur de la cohésion sociale — Article 1er suite, amendement 75

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

En ce qui concerne l'amendement n° 75, le droit français a toujours été réticent à l'égard de la notion d'entreprise. II connaît la société, l'artisan et, depuis quelques années seulement, l'entreprise unipersonnelle. Sans doute n'est-ce cependant pas le cas qui est envisagé le plus fréquemment par le projet de loi, surtout s'il est question d'abonder des chèques-emploi-service pour des salariés.

Nous proposons donc une définition plus précise pour qualifier l'abondement sans intervention des représentants du personnel : l'employeur. C'est en effet lui, sur les fonds de l'entreprise, certes, mais lui seul, comme le prévoit sans ambiguïté le texte, qui prendra la décision.

J'ajoute qu'il nous a semblé nécessaire de pointer une dérive sémantique, qui n'est pas sans intérêt dans le domaine des relations du travail : le Conseil national du patronat français, dénomination qui avait le mérite de la clarté, est devenu le Mouvement des entreprises de France.

Or l'employeur n'est pas l'entreprise, à moins de considérer que seul l'apport en capital ou la fonction dirigeante permet de faire fonctionner une entreprise et que les salariés sont des choses.

Certes, on nous parle maintenant d'entreprise sans salariés, tout au moins en Europe. II n'en demeure pas moins que, derrière cette brillante innovation, existent quelque part, dans des pays lointains, hors des circuits touristiques, quelques millions de personnes, qui ne sont même pas toujours des salariés, et qui fabriquent, pour des sommes ridicules et dans des conditions scandaleuses, sans droit du travail ni protection sociale, des objets qui seront vendus pour le plus grand profit des spéculateurs et de leurs pseudo-entreprises sans salariés.

Nous tenions à faire ce rappel, surtout à l'occasion de l'examen de ce projet de loi qui conduit au développement de la précarité.

Par ailleurs, l'expérience des partenaires sociaux et des salariés nous a conduits à proposer l'amendement° 76.

On peut en effet craindre que l'abondement du CESU, après d'autres formules, ne vienne perturber la clarté des relations salariales dans l'entreprise.

Comme l'intéressement, l'abondement du CESU est une formule intéressante pour l'employeur puisqu'elle offre à celui-ci de nouveaux avantages en termes d'exonérations de cotisations sociales. Pour le salarié, elle présente l'avantage d'être exonérée de l'impôt sur le revenu, à condition toutefois que le salarié en soit redevable. S'il ne l'est pas, on nous promet la mise en place d'une formule de crédit d'impôt.

Permettez-nous de douter de la capacité de cette formule à développer les emplois de services chez les salariés modestes. Car, crédit d'impôt ou non, il faudra toujours débourser une certaine somme pour employer une personne à domicile, et cela risque d'être encore beaucoup trop pour nombre de salariés.

Comme le soulignait à juste titre M. Larcher, il faut promouvoir la négociation salariale de branche, tant les minima conventionnels sont aujourd'hui bas, voire nettement en dessous du SMIC.

Est-ce à ces catégories de salariés que l'on va promettre un abondement du CESU pour embaucher une aide ménagère ? Est-ce bien sérieux ? Les abondements du CESU vont-ils devenir les stock-options du pauvre ? §

Par ailleurs, dans le cas où l'employeur décidera seul d'un abondement des chèques-emploi-service, qu'adviendra-t-il si, sous un prétexte quelconque, il décide de le supprimer ? Quelles seront les conséquences de cette décision sur les salariés qui emploieront une personne à domicile ? La fin de l'abondement sera-t-elle une cause réelle et sérieuse de licenciement pour le salarié qui ne pourra financer seul son aide à domicile ?

Tout cela n'est pas clair ! Avec ce nouveau dispositif, nous voyons arriver un moyen bien pratique de contourner la négociation salariale. C'est pourquoi nous proposons de remettre celle-ci au départ du choix ou non d'un abondement du CESU. Il convient de ne pas inverser les priorités de la relation salariale.

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