Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 27 juin 2005 à 21h30
Services à la personne et mesures en faveur de la cohésion sociale — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Nous souhaitons faire figurer dans la loi une définition des services à la personne afin de leur donner un cadre strict.

Le projet de loi que nous examinons ne précise en rien ce que sont réellement les services à la personne, mais ne fait que tracer des contours flous et leur donner une géométrie variable. En se contentant de faire référence à la convention qui a été signée entre l'Etat et les acteurs intervenant dans le secteur, le Gouvernement fait un amalgame entre des services très diversifiés, qui répondent à des demandes et à des bénéficiaires extrêmement variés.

Or le projet de loi, s'il est adopté, multipliera la possibilité d'embauches directes par des particuliers, dans le cadre d'emplois à temps partiel peu payés et sans garantie de formation, et introduira de nouvelles et nombreuses exonérations sociales et fiscales, voire des crédits d'impôt. L'argent public étant utilisé pour le développement de tels emplois, ces derniers devraient, en échange, faire l'objet d'un contrôle.

La convention nationale pour le développement des services à la personne a regroupé ces services en cinq catégories. Les deux premières catégories, qui regroupent les services à la famille et les services de santé à domicile, font l'objet d'un consensus. Mais cette convention inclut également les services concernant la vie quotidienne, le logement ou encore la médiation.

Pourtant, l'acception très large de la définition des services à la personne présente de nombreux risques. Il s'agit dès lors de s'interroger sur ce que constitue réellement un service à la personne. Il s'agit également de tracer la limite entre ce qui reste dans le cadre normal des services de droit commun et ce qui caractérise les services voués à rendre un service spécial à la personne, dans le cadre d'une aide familiale ou d'une aide aux personnes en manque de mobilité.

Dans notre économie, largement dominée par le secteur tertiaire, les services représentent plus de 70 % du produit intérieur brut et une grande partie est réalisée au profit des particuliers, notamment par des artisans. Comment ne pas penser alors que les services à la personne, soumis à des exonérations de charges sociales et à des réductions d'impôt, ne vont pas entrer en concurrence avec notre artisanat et faire peser sur lui une charge très lourde ?

Les salariés qui peuvent être employés directement par des particuliers désirant faire appel à leurs services bénéficient, aux yeux de leurs employeurs, d'une meilleure attractivité que l'artisanat classique, mais, du même coup, agitent le spectre d'une concurrence insoutenable pour nombre de petits artisans.

De plus, les services à la personne ont pour vocation à profiter aux personnes malades ou à ceux dont la mobilité est réduite, c'est-à-dire les personnes âgées ou en situation de handicap. Comment, dans ce cas, peut-on accepter que des services de conciergerie en entreprise, de gardiennage, ou de jardinage bénéficient du même statut ?

Ces domaines n'ayant pas de lien direct avec la définition stricte des services à la personne, ils peuvent être multipliés à loisir. Certains amendements, tels que l'amendement de Raincourt examiné tout à l'heure, ont même pour vocation d'étendre davantage encore le champ des services à la personne.

Sous prétexte de faciliter la tâche de nos concitoyens, vous créez un statut d'emplois précaires que vous souhaitez amender le plus largement possible. Cela n'est pas acceptable.

A l'Assemblée nationale, le rapporteur a affirmé que le champ de l'agrément des associations et entreprises fournissant des services à la personne était suffisamment restreint. Mais la coiffure, le jardinage ou le bricolage étant déjà inclus dans les services bénéficiant d'exonérations fiscales ou d'exonérations de cotisations sociales, nous pensons le contraire. Vous comprenez aisément les risques de dérives qui pèsent sur ce dispositif, s'il n'est pas mieux encadré.

Limiter le champ des services concernés à ceux qui contribuent réellement à l'autonomie des personnes, notamment les personnes âgées ou en situation de handicap, ou à ceux qui assurent la garde ou l'accompagnement des enfants est donc absolument nécessaire.

C'est pourquoi le groupe communiste vous propose cet amendement visant à clarifier la situation des services à la personne. Rester dans le flou ne servira ni les prestataires ni les bénéficiaires de tels services, ni même nos concitoyens, qui sont en droit d'exiger qu'une mesure aussi dispendieuse en argent public soit strictement encadrée et limitée à son objet initial.

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