Mais j’y ai observé que, dans les milieux professionnels, nombre de nos interlocuteurs ne parviennent pas à remettre en cause les schémas intellectuels qui ont fait le succès des marchés pendant au moins une décennie. C’est une très grande difficulté de raisonner en termes de discontinuité, alors que tout serait tellement plus simple et plus commode s’il ne s’agissait que d’amender, de replâtrer et de recréer des conditions pour que tout redevienne comme avant.
Quels sont les points principaux sur lesquels peuvent porter nos observations ?
Je souscris totalement aux propos de Jean Arthuis, qui a pointé, comme premier sujet, l’évolution du rôle des banques centrales.
Il est bien vrai que leurs bilans ont changé d’ordre de grandeur en l’espace d’une année et la nature de ceux-ci s’est profondément transformée. Ainsi que l’a indiqué Jean Arthuis, cela signifie que les banques centrales, pour une bonne part, se sont substituées aux banques commerciales et ont pris des risques directs sur la solvabilité des entreprises pour le compte des États, c'est-à-dire de nous. Cela ne veut pas dire autre chose !
Or, nous le savons bien, l’une des raisons de la crise que nous affrontons réside bien dans le rôle beaucoup trop limité et stéréotypé des banques centrales, issu des enseignements d’une période révolue.
Comme l’a souligné le groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale, l’une des raisons principales pour lesquelles la crise et ses prémices n’ont pas été prévues est due au fait que l’on s’était exclusivement concentré sur le niveau général des prix et la prévention de l’inflation, alors que l’appréciation, le suivi, le contrôle des marchés, c'est-à-dire les causes profondes de déséquilibre, les niveaux absolus de prix des actifs des différentes catégories, n’ont pas fait l’objet de la vigilance qui eût été indispensable.
À cet égard, je citerai certes une référence parmi d’autres, mais qui est très concrète, à savoir le petit livre de Patrick Artus intitulé Les Incendiaires, publié un an avant la crise. Cet économiste parmi d’autres y rapprochait les appréciations qu’il faisait tant de la Réserve fédérale américaine que de la Banque d’Angleterre ou de la Banque centrale européenne. À la vérité, quelles que soient les institutions, qu’elles se trouvent aux États-Unis, dans la zone euro ou à l’extérieur, un banquier central, c’est un banquier central ! Il parle le langage des banquiers centraux, certes avec tous les mérites qui y sont attachés, à savoir la technicité et l’esprit d’intérêt général, mais il a peut-être des images trop persistantes du passé et reste prisonnier d’approches et de méthodologies qui ne sont pas et ne peuvent pas être fondées sur l’anticipation de l’avenir !
Or, mes chers collègues, seuls les États, les élus du suffrage universel et les politiques ont la capacité d’anticipation permettant d’assumer les rebonds nécessaires et d’opérer les changements de nature, de méthode et de concept qu’appelle une crise, comme celle que nous connaissons, c'est-à-dire non pas une discontinuité momentanée de certains mouvements de marché, mais une vraie crise.
J’évoquerai maintenant l’architecture des banques et leurs fonctions.
Il n’est pas certain que l’on doive revenir à la segmentation issue de la grande crise du XXe siècle, ce que les Américains ont appelé le Glass-Steagall Act.