Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 30 avril 2009 à 9h00
Communication sur les suites du sommet du g20 — Point de vue du groupe de travail assemblée nationale-sénat sur la crise financière internationale

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

La crise nous rappelle tous à l’ordre, un rappel sans doute plus brutal pour ceux qui étaient séduits par le capitalisme à l’anglo-saxonne et moins brutal pour ceux qui, parce qu’ils appelaient à la régulation et à l’État, étaient encore récemment qualifiés de ringards !

Mais, comme le président Jean Arthuis l’a rappelé, le temps n’est pas à la polémique quand le taux de chômage explose partout en Europe et qu’aux États-Unis les Américains craignent qu’il n’avoisine les 12 %, taux assez exceptionnel dans ce pays.

Il s’agit plutôt, et c’est ce que je m’efforce de faire ce matin, de tirer un bilan très provisoire et non exhaustif des orientations définies par les deux sommets, le second ayant sans doute plus de relief, puisque l’administration nord-américaine était quasiment en place.

Le Président des États-Unis avait proposé au Congrès un plan de relance ambitieux qui a fait l’objet d’âpres débats budgétaires. C’est peut-être ce qui explique que les premières négociations n’aient pas abouti. C’est ce que nous avons ressenti lors de notre rencontre avec le président de la commission du budget de la Chambre des représentants.

Comme le corapporteur, Bernard Angels, que je remplace ce matin, je suis attachée au fait de vérifier si les propositions que nous avons émises sont ou seront traduites au niveau pertinent, national, européen ou mondial, dans des dispositions contractuelles ou législatives. Ce n’est pas très habituel, mais je profite, monsieur le secrétaire d’État, de votre présence au banc du Gouvernement. J’y tiens d’autant plus que le 7 avril, donc quasiment à chaud, Mme Lagarde a présenté devant la commission des affaires européennes du Sénat le bilan très clair que tirait le Gouvernement de la France du compromis de Londres.

Que peut-on retenir de tous ces éléments ?

Lors de la préparation du G20 de Londres a souvent été évoqué le bras de fer opposant l’Europe et les États-Unis. Les Européens insistaient sur les nouvelles régulations, alors que les Américains insistaient davantage sur l’ampleur de la relance.

Il est vrai que le sommet de Washington avait abouti à une déclaration d’intention dans laquelle, des deux côtés de l’Atlantique, les uns et les autres pouvaient trouver un appui à leurs revendications respectives.

Au milieu, si je puis dire, le Fonds monétaire international attendait plus de moyens – il les a eus, notamment pour la prise en compte des pays émergents – et une nouvelle orientation de ses missions dans la crise, son directeur général ne cessant – nous l’avons entendu lors de notre voyage – d’appeler au nettoyage des bilans des banques, au cantonnement des actifs toxiques, en laissant la voie ouverte à chaque pays pour régler ce problème par la technique qu’il jugerait la plus appropriée à son système.

C’est un élément important, car il n’y a pas d’exemple de crise financière qui n’ait été résolue sans que l’on procède à un tel nettoyage. J’y reviendrai lorsque j’évoquerai le système américain.

Concernant la relance, on l’a bien vu, ni la France, ni l’Allemagne n’ont voulu, lors de ce sommet, s’engager pour l’instant à faire plus et mieux. Elles estiment ne pas être en capacité d’utiliser davantage l’arme budgétaire compte tenu de l’ampleur des déficits. Il s’agit pour nous d’un débat franco-français à propos duquel mon groupe et moi-même avons déjà eu et aurons encore l’occasion de nous exprimer, car les mauvais indices économiques et sociaux nous y conduiront forcément.

Au moins pouvons-nous affirmer que les plans de relance nationaux au sein de l’Union européenne ont le grand défaut, s’il en est un, de ne pas être coordonnés. Cela pourrait aboutir à un paradoxe. Si nous ne coordonnons pas nos efforts au sein de l’Union européenne, l’économie des États-Unis, où est née la crise systémique, pourrait en effet repartir plus tôt et plus vite que sur le vieux continent, et qui plus est avec un saut qualitatif, notamment à travers ce qu’il est convenu d’appeler la « croissance verte ». À ce propos, il est dommage que le G20 n’ait pas repris une proposition du Royaume-Uni en ce sens.

Concernant la régulation, qui est quand même notre sujet de réflexion, le compromis de Londres constitue une base de départ. Les Européens ont obtenu une réglementation de la finance à l’échelon mondial, malgré les réticences américaines et chinoises. Sans doute faut-il mieux en cerner le contenu, y compris à propos des paradis fiscaux.

La création du Conseil de stabilité financière à base élargie, qui succède au forum de stabilité financière, pourrait correspondre au souhait émis par le groupe de travail de disposer à l’échelon mondial d’un dispositif d’alerte du risque systémique. Nous souhaitons que l’Union européenne suive les recommandations du rapport Larosière quant à la création d’un conseil européen du risque systémique. Mais nous avons bien compris que le Royaume-Uni, fidèle à lui-même, était jusqu’à présent fermement opposé à la mise en place d’un tel outil. C’est dommage ! Il faudra batailler pour parvenir à créer ce conseil !

Nous avons aussi émis de nombreuses propositions relatives aux agences de notation. J’ai constaté que le Parlement européen avait adopté un règlement jetant les bases d’une surveillance en Europe des agences qui devront se faire enregistrer auprès du Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières, le CERVM, mais c’est purement formel. En pratique, ce sont les pays où sont implantées les agences ou leurs filiales qui délivreront l’accréditation.

Il est regrettable que le pouvoir de supervision n’ait pas été confié à une seule autorité européenne. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous direz peut-être quelles ont été les résistances nationales, voire les contraintes de calendrier qui ont empêché cette supervision. Peut-être la France a-t-elle elle-même souhaité que les autorités nationales contrôlent les agences implantées, y compris les filiales sur notre sol.

Un autre sujet attendu est celui des modes de rémunération qui, je l’ai dit, devraient être moins adossés au court terme. La Commission européenne a décidé d’examiner en priorité les bonus des opérateurs de marché. Elle devait, le 29 avril, émettre une recommandation sur la rémunération des dirigeants d’entreprises.

En France, nous avons eu ce débat. Il n’est pas clos par l’adoption par le Parlement du dispositif prévu dans la loi de finances rectificative que nous avons votée avant la suspension des travaux parlementaires. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Concernant les paradis fiscaux, on est évidemment très loin de ce que nous avons écrit et dit ! On ne peut même pas affirmer que le verre est au quart plein. Nous comptons en France sur la surveillance du rapporteur général et du président de la commission, qui font partie du comité de suivi des mesures d’aides de l’État mis en place par Mme la ministre, afin de vérifier que les banques et les sociétés remplissent bien la conditionnalité désormais inscrite dans la loi de finances rectificative de ne pas utiliser, elles ou leurs filiales, les paradis fiscaux. La base législative existante permet maintenant de demander des comptes.

À l’échelon mondial, les résultats du G20 sont très loin des exigences que nous avions posées. Monsieur Jean Arthuis, vous avez évoqué le passage du noir, au gris, au blanc... Tout cela est quand même très flou !

Il est une exigence à laquelle je suis attachée, c’est l’alourdissement des taxations des opérateurs en lien avec les juridictions non coopératives qui pourraient figurer sur la liste de l’OCDE. À cette occasion, je voudrais répondre à l’interpellation de notre collègue Jean-Pierre Chevènement.

La Commission européenne a demandé au commissaire Charlie McCreevy de réfléchir à un projet de directive pour encadrer les fonds spéculatifs, les hedge funds. J’ai constaté qu’il avait procédé à un toilettage. Je sais que la France, l’Allemagne et l’Italie n’accepteront pas en l’état ce projet de directive et j’espère que le Conseil européen retoquera M. José Manuel Barroso et M. McCreevy !

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