Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les parlementaires communistes et apparentés des deux assemblées ont participé aux travaux de la commission mixte mise en place pour diagnostiquer les causes de la crise financière et proposer remèdes et solutions.
La crise que traversent les économies occidentales capitalistes est inscrite dans la logique même du fonctionnement de l’économie : recherche de la rentabilité maximale des capitaux, partage inégal de la richesse créée au détriment du travail, gaspillage de ressources naturelles et financières dans des opérations spéculatives. Tout a concouru, depuis des dizaines d’années, à créer les conditions de la crise actuelle.
Le contexte étant rappelé, on voit que, dans le travail de la commission mixte comme dans le débat politique, forte est la tentation du Gouvernement et de l’Élysée de créer les conditions d’une forme d’union sacrée.
Les parlementaires du groupe CRC-SPG ne peuvent s’associer à une analyse qui tend à laisser croire que la crise n’aurait qu’un caractère passager, qu’elle ne serait que le produit du dérèglement d’un système que quelques mesures ciblées suffiraient à rendre de nouveau vertueux. Ils refusent notamment de séparer les solutions à apporter à la crise d’une véritable remise en question des choix politiques aujourd’hui à l’œuvre, au plan national comme au plan européen, choix qui ont anticipé et amplifié les effets mêmes de la crise.
Hier, dans le cadre du débat qui s’est déroulé dans cet hémicycle sur l’initiative de notre groupe, nous avons donné notre sentiment sur l’ensemble des pistes de réflexion et des solutions visant à résoudre la crise financière internationale.
Aujourd’hui, je centrerai mon propos sur les conclusions du dernier G20.
Avantageusement présenté par le Président de la République comme le gage de l’efficacité de son action, le sommet de Londres a pourtant souffert de plusieurs défauts majeurs.
Tout d’abord, il ne réunissait que vingt pays de la planète, même si, pour un certain nombre d’entre eux, il s’agissait de pays émergents. Ce sont les instances réunissant l’ensemble des pays et des continents de la planète qui devraient être le lieu naturel de la discussion et de la signature des accords internationaux en matière économique et monétaire.
Ce n’est pas l’axe trilatéral États-Unis – Europe - Japon, contraint de s’adjoindre la Russie, la Chine, l’Inde et les plus peuplés des pays émergents d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine, qui peut s’autoriser à donner la mesure du devenir des relations économiques et monétaires internationales !
Ensuite, en raison de cette vision rétrécie de la réalité planétaire, peu de décisions véritablement importantes ont été prises, les plus déterminantes étant reportées à plus tard. De fait, les problèmes les plus graves n’ont pas trouvé d’autre réponse que celle qui consiste à « faire avec la crise », chacun chez soi !
Force est de constater que les orientations fixées lors du sommet de Londres sont loin de correspondre à la gravité des problèmes. Rien, dans les mesures prises, ne semble répondre tout à fait aux exigences du temps et apporter de véritables solutions à la crise financière et économique.
Le sommet de Londres a surtout matérialisé la volonté du président américain, Barack Obama, d’assurer un leadership mondial, bien qu’il ait été amené à prendre en compte plusieurs facteurs : la montée irrépressible des pays émergents, à commencer par la Chine, la Russie et l’Inde ; le souci des dirigeants européens de préserver les moyens pour l’euro de rivaliser avec le dollar ; l’inquiétude grandissante de tous les dirigeants capitalistes face à la persistance de la crise systémique et aux incertitudes pour l’avenir, qui obligent les États-Unis eux-mêmes à chercher des collaborations pour maintenir leur domination.
Si l’on devait évaluer les engagements du G20, on pourrait le faire à partir des sommes qui seront mobilisées pour faire face à la situation. Car les appels de fonds sont pour le moins spectaculaires et appellent certaines observations.
Ils interviennent en effet sans remise en cause des privilèges exorbitants que confère au dollar le statut de « monnaie mondiale de domination ». Ils sont effectués sans qu’une profonde transformation de la gouvernance du FMI soit envisagée, alors même que, au sein de son conseil d’administration, les États-Unis disposent d’un droit de veto qui ne reflète pas la place que l’on doit reconnaître aux pays émergents et aux pays du Sud.
Ces appels de fonds interviennent aussi sans remise en question des critères du crédit, alors que, pourtant, grandit la crainte d’un krach des endettements publics, y compris de l’endettement des États-Unis eux-mêmes.
Ils atteignent 500 milliards de dollars pour le FMI : actuellement de 250 milliards de dollars, les ressources du Fonds vont être triplées. Ainsi, 250 milliards de dollars proviendront d’apports bilatéraux : 100 milliards de dollars pour le Japon comme pour l’Union européenne, et 50 milliards de dollars pour le Canada, la Chine et la Norvège. Par ailleurs, 250 milliards de dollars seront dégagés pour les nouveaux accords d’emprunts.
Si la France devait, à ce titre, « remettre au pot », cela entraînerait soit une ponction sur son budget d’État, soit un prêt de la Banque de France au FMI.
Un autre appel de fonds concerne les 250 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux, ou DTS. Nous sommes davantage en accord avec cette mesure, qui ouvre la perspective d’une nouvelle allocation générale de DTS et fait écho à la proposition chinoise de faire des DTS un nouvel instrument de réserve internationale pour remplacer le dollar. Notons d’ailleurs que cette allocation générale donnerait lieu, pour 19 milliards de dollars, à des subventions, et non des prêts, aux pays les plus vulnérables, dont cependant il n’a pas été envisagé d’annuler la dette.
Ces décisions témoignent également de la crainte pour l’avenir qu’éprouvent les dirigeants capitalistes. Si le FMI se voit, comme jamais, renforcé dans son rôle de gendarme, il lui revient aussi désormais d’assumer une mission de soutien de l’activité, reflet de la crainte du camp occidental à l’égard des risques profonds de déstabilisation des pays dominés.
Ces apports sont censés mettre fin au fort reflux des mouvements de capitaux subi par les pays émergents et en développement depuis l’éclatement de la crise financière.
Ainsi, 250 milliards de dollars seront consacrés au commerce mondial via l’augmentation des garanties qui pourraient être apportées par des assureurs-crédits pour couvrir le financement des échanges entre pays, augmentation assortie d’une réaffirmation quasi obsessionnelle des principes libre-échangistes et l’appel à une conclusion du cycle de Doha.
Par ailleurs, 100 milliards de dollars iront à la Banque mondiale. Les pays actionnaires ont accepté que celle-ci augmente ses capacités d’emprunt à due concurrence pour fournir des crédits aux pays en développement.
Enfin, 25 milliards de dollars seront affectés aux banques régionales de la Banque mondiale.
Pour autant, puisque nous n’avons que peu de temps pour faire le tour de la question, comment ne pas souligner que l’essentiel de l’effort vise à remettre sur pied les marchés financiers occidentaux et nord-américains, bien avant toute considération quant aux équilibres économiques futurs de la planète ?
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pouvait-il en être autrement, dans le cadre d’un sommet où les pays directement responsables du désordre financier économique s’étaient assignés pour tâche d’aller demander à quelques économies encore en croissance de leur donner les subsides leur permettant d’apurer le passif de leurs institutions et établissements financiers ?